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Descellement d’une couronne antérieure sur dents naturelle : conduite à tenir ?

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Face à ce handicap social, le patient consulte en urgence et le chirurgien-dentiste doit après un examen clinique rigoureux, mettre en œuvre une thérapeutique efficace pour qu’il puisse « retrouver le sourire ».

Cette situation n’est pas rare dans la mesure où les dents antérieures connaissent en plus des forces en compression, des forces en cisaillement qui intensifient les contraintes rencontrées dans le matériau d’assemblage. Un descellement met en évidence une lacune dans la réalisation initiale de la prothèse. Accepter de re-sceller suppose un compromis à laquelle le patient adhère.

Ainsi, nous verrons les points importants de l’observation clinique pour une bonne analyse des causes de l’échec thérapeutique puis les solutions pour éviter la récidive ou d’autres complications telle que la fracture du moyen d’ancrage. Nos propos seront illustrés au travers d’un cas clinique du service d’odontologie de l’hôpital Bretonneau.

Les causes du descellement

Cette situation d’échec sous-entend la présence d’un ou plusieurs facteurs de risque :

  • un manque de rétention lié au non respect des critères de préparation (surface des parois en opposition, angle de dépouille minorée, etc.)
  • une perte d’adaptation liée à l’infiltration du matériau d’assemblage par le fluide buccal ou liée à l’évolution d’une lésion carieuse secondaire
  • un problème d’occlusion (sur-occlusion, interférence, etc.)
  • un manque d’adhésion entre le matériau d’assemblage et la surface dentaire
  • un manque d’adhésion entre le matériau d’assemblage et la surface prothétique
  • un manque de cohésion au sein du matériau d’assemblage lui-même.

Comprendre les causes du descellement pour mieux agir et rendre service au patient passe par une observation clinique rigoureuse.

Analyse de l’échec au travers de l’observation clinique

  • Après le questionnaire médical et l’entretien autour de l’anamnèse dentaire, il faut effectuer :
  • un examen de la pièce prothétique
  • un examen du moyen d’ancrage
  • un examen de la pièce prothétique nettoyée, décontaminée et remise en place sans scellement
  • un examen occluso-fonctionnel
  • un examen radiographique prothèse en place sans scellement.

Motif de consultation

Le patient peut se rendre compte du descellement par lui même s’il ressent une mobilité, une halitose, une sur-occlusion ou enfin s’il perd sa prothèse.

Par ailleurs, il peut également ne pas s’en rendre compte et c’est alors le chirurgien-dentiste qui fera une découverte fortuite de la situation par l’observation d’une mobilité, d’une halitose, d’une sur-occlusion, de la perte d’adaptation marginale ou enfin d’une radio-clarté au niveau du joint dento-prothétique.

Si la prothèse unitaire n’est que partiellement descellée, la retirer ne pose pas de difficulté majeure : aux doigts à l’aide d’une compresse, au dépose-couronne (présentant des mords en silicone), ou à l’arrache couronne (au niveau des joints dento-métalliques uniquement).

En cas d’un descellement total, tous les facteurs de risque peuvent être envisagés, par ailleurs en cas de descellement partiel nous pouvons écarter le manque de rétention des hypothèses diagnostiques.

Pour notre cas clinique, la patiente âgée de 60 ans, en bonne santé générale, se présente en urgence au service d’odontologie pour le descellement de 21.

Couronne réalisée il y a plus de 10 ans, qui avait déjà été re-scellée à l’oxyphosphate de zinc dans le cadre du service 2 ans auparavant.

Examen de la pièce prothétique

Fondamental, il permet souvent de comprendre les causes de l’échec.

Avant nettoyage, observer l’intrados prothétique à la recherche de matériau de scellement et/ou d’un fragment d’émail ou de dentine afin de rechercher le lieu de rupture :

  • à l’interface ciment/prothèse
  • à l’interface ciment/dent
  • au sein du matériau d’assemblage lui-même
  • au sein du support dentaire (lésion carieuse ou fracture).

La figure 1 montre une couronne prothétique descellée avec l’inlay core resté en place dans celle-ci. Nous n’observons que peu de traces du ciment de scellement au niveau de l’intrados de l’inlay core alors que le matériau d’assemblage à l’interface couronne/inlay core ne semble pas altéré. Nous pouvons donc parler dans ce cas de rupture au niveau de l’interface ciment/prothèse (inlay core) et d’un manque de cohésion du matériau d’assemblage.

Après nettoyage (insert à ultrasons, cuve à ultrasons, chloroforme, alcool), observer :

  • l’état global de la prothèse : en effet, une prothèse ne pourra être re-scellée que si elle remplit les objectifs pour lesquels elle a été mise en œuvre, à savoir : protection de l’organe dentaire et des tissus parodontaux, remplacement de la perte tissulaire (esthétique et fonction).
  • l’état de surface de l’intrados : il doit présenter les rugosités nécessaires au micro-clavetage (principe d’adhésion des ciments de scellement).

La figure 2 montre une perte de céramique au niveau du tiers cervical de la couronne et une longueur d’ancrage radiculaire faible par rapport à la hauteur coronaire.

Examen du moyen d’ancrage

Avant nettoyage, observer la préparation à la recherche de matériau d’assemblage, d’un éventuel fragment de prothèse resté collé (dans le cas de couronne en résine ou composite).

Les figures 3 et 4 montrent la présence de ciment de scellement uniquement à l’extrémité du logement intra-radiculaire. La rupture a donc également eu lieu au niveau de l’interface ciment/dent.

Après nettoyage (insert à ultrasons, aèro-polissage, alcool ou hypochlorite de sodium) l’évaluation portera sur les critères biologiques et mécaniques :

  • la nature du substrat : émail ou dentine saine, émail ou dentine présentant une atteinte carieuse, émail ou dentine présentant une fracture. La dent présente-elle une pathologie d’origine pulpaire ?
  • la forme de la préparation : hauteur, largeur, (les parois résiduelles devant avoir une épaisseur minimale de 2 mm), longueur de préparation pour les ancrages radiculaires, forme, conicité, présence ou absence de rétention secondaire, proximité pulpaire pour les dents pulpées, état de condensation de la gutta percha pour les dents dépulpées
  • l’état parodontal environnant la dent concernée et les dents adjacentes : les exsudats issus de l’inflammation gingivale (sang, pus) contraignent la réalisation d’un scellement dans de bonnes conditions.

Examen de la prothèse en place

  • L’adaptation marginale : un manque d’adaptation ne peut être compensé par un matériau d’assemblage.
  • L’adaptation des surfaces intrados/extrados, la prothèse devant s’insérer et se dés-insérer en friction légère, cette adaptation peut être contrôlée à l’aide d’un matériau révélateur de contact (cires, silicones).
  • Vérifier l’existence des points de contact pour la protection du parodonte superficiel et la prévention des migrations secondaires).

Les figures 5 et 6 montrent l’adaptation marginale de la prothèse.

Examen-de-la-pièce-prothétique

Examen occluso-fonctionnel

Les dents antérieures étant soumises à la fois à des forces en compression et des forces de cisaillement, les contraintes subies sur les dents antérieures restaurées accentuent le risque de descellement et de fracture des racines résiduelles. Il est donc fondamental de veiller :

  • en occlusion statique à une répartition homogène des points d’impaction avec du papier articulé d’au minimum 40 m
  • en dynamique :

– en propulsion, veiller à obtenir un guidage antérieur sollicitant aussi bien la dent concernée que les dents adjacentes, éliminer les prématurités et les interférences sur l’ensemble du chemin d’ouverture
– en diduction, veiller à obtenir un guidage canin ou une fonction de groupe permettant la dés-occlusion des dents antérieures, éliminer les prématurités et les interférences sur l’ensemble du chemin de diduction. Si la dent concernée par le descellement est une canine, préférer si possible une fonction de groupe pour éviter la récidive.

La figure 6 montre la répartition des contacts en occlusion statique et en propulsion.

Examen radiographique prothèse en place sans scellement

La radiographie de choix étant la radiographie retro-alvéolaire, elle permet à la fois de mettre en évidence la précision d’adaptation de la pièce prothétique (en tout cas dans le sens mesio-distal) et d’avoir un aperçu global de la dent support (absence de pathologie amélo-dentinaire, pulpaire, et/ou absence de pathologie osseuse associée).

La figure 7 montre le manque d’adaptation de l’inlay core par rapport à la longueur du logement de tenon (il n’exploite pas au mieux la surface de rétention), la bonne adaptation marginale, l’absence de pathologie dentaire ou osseuse.

Conduite à tenir face au descellement d’une prothèse fixée

Examen-occluso-fonctionnel

La synthèse des différents éléments de l’observation clinique doit nous amener à prendre une décision thérapeutique en accord avec le patient. Trois situations peuvent se présenter :

  • la prothèse ne peut être re-scellée car la couronne est inutilisable (inadaptation, couronne prothétique cassée, etc.), une nouvelle couronne prothétique doit être mise en œuvre. Dans cette situation, le patient est prévenu et la couronne peut être re-fixée à l’aide d’un ciment provisoire pour répondre à l’urgence esthétique
  • la prothèse ne peut être re-scellée car le moyen d’ancrage ne le permet pas. Si la dent est conservable, une nouvelle couronne prothétique doit être mise en oeuvre. Si la dent n’est pas conservable une autre thérapeutique doit être adoptée (couronne sur implant, bridge, prothèse amovible)
  • la prothèse peut être re-scellée : les conditions cliniques le permettent.

Dans notre situation, la patiente s’expose à un nouveau descellement voire une fracture radiculaire liée à la faible longueur de l’ancrage radiculaire. Informée des risques, elle choisi le re-scellement.

Moyens à mettre en œuvre pour éviter la récidive

Au niveau de la dent : augmenter la rétention primaire : en cas de dépouille trop forte, accentuer l’angle interne de la préparation périphérique tout en préservant la situation initiale du joint dento-prothétique

  • créer des rétentions secondaires telles que les boites ou les rainures
  • optimiser l’adhésion du matériau d’assemblage aux tissus dentaires en le nettoyant et en créant des micro-rétentions par sablage. La figure 8 montre le pilier dentaire isolé et nettoyé avant collage.

Au niveau de la prothèse :

  • créer des rétentions secondaires telles que les rainures
  • optimiser l’adhésion du matériau d’assemblage à l’intrados prothétique en le nettoyant, le dégraissant et en créant des micro-rétentions par sablage.

Au niveau du matériau d’assemblage :

  • choix du matériau :

– les ciments phosphates de zinc n’ont pas de potentiel d’adhésion, ce sont les rugosités de surface qui génèrent la friction responsable de la rétention ; ils sont peu performants en terme de résistance mécanique et d’adhésivité aux surfaces dentaires et prothétiques ; par ailleurs, ils sont incompatibles avec les reconstitutions corono-radiculaires en composite
– les poly-carboxylates de zinc sont à écarter dans cette situation car ils présentent de très faibles propriétés mécaniques et se dégradent par hydrolyse avec le temps
– les ciments au verre-ionomères présentent un potentiel d’adhésion aux surfaces et des propriétés mécaniques plus performantes que les phosphates de zinc ; eux aussi sont incompatibles avec les reconstitutions corono-radiculaires en composite
– les ciments au verre-ionomères modifiés par addition de résine sont encore plus résistants mécaniquement, moins sensibles à l’hydrolyse que les précédents et présentent une meilleure adhésion aux surfaces
– les colles auto-adhésives présentent elles aussi une valeur d’adhésion augmentée (les figures 9 et 10 montrent l’utilisation du G-CEM de chez GC pour augmenter l’adhésion des structures entre elles et pour bénéficier d’une cohésion plus importante par rapport au ciment à base d’oxyphosphate de zinc précédemment utilisé)
– les colles conventionnelles étant très hydrophobes, elles requièrent l’utilisation d’une digue et ne peuvent donc que très rarement être utilisées pour le scellement des couronnes antérieures.

  • respect des procédures de manipulation
  • propreté du champ opératoire (Fig. 8) ; la figure 11 montre la situation clinique après scellement et les figures 12 et 13 montrent la situation clinique une semaine après le scellement.

Conduite-à-tenir

Bibliographie

1. Cheylan JM – Evaluation de l’adhérence et de l’étanchéité procurées par des biomatériaux de scellement et de collage. Thèse : Doctorat d’Université : Paris V :2000
2. Chéron R, Raux F – Les solutions au descellement – Le collage en pratique quotidienne. Collection : Les 10 points clés en odontologie.
3. Gaspard M – Troubles de l’occlusion dentaire et S.A.D.A.M Sèvres : Editions Procofi, 1985, 265p.(collection du chirurgien dentiste)
4. Kishimoto M, Shillingburg HT, Duncanson MG Jr. – Influence of preparation features on rétention and résistance. Part II: three-quarter crowns. J Prosthet Dent. 1983 vol. 49 (2):188-92
5. Shillingburg HT, Hobo S, Whitset LD – Bases fondamentales de prothèse fixée. Paris : édition française. Les cahiers de prothèse, 1978 3rd ed.
6. Walton TR – A 10-year longitudinal study of fixed prosthodontics: clinical characteristics and outcome of single-unit metal-ceramic crowns.Int J Prosthodont. 1999 Nov-Dec;12(6):519-26.

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A propos de l'auteur

Dr. Jonathan CHESNEAU

Assistant hospitalo-universitaire, service d’odontologie de l’hôpital Bretonneau, Paris V.

Pr. Laurent PIERRISNARD

Professeur des universités
Praticien hospitalier, service d’odontologie de l’hôpital Bretonneau, Paris V.

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