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Les Conseils de Deborah : Urgences : gérer la cadence !

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Une pulpite surprise… Et l’agenda embolise !

Le dilemme est récurrent dans de nombreux cabinets et soulève toujours les mêmes questions en formation.

On ne peut refuser un patient en urgence. Pourtant en acceptant de faire « l’endo » dans la séance pour rendre service (et gagner du temps de types trois génère on !), problèmes :

Un problème clinique

Dans la très grande majorité des cas, c’est une dent déjà bien délabrée qui nous amène à la nécessité de dépulper. Or, nous savons par expérience (études scientifiques et statistiques à l’appui) que cette dent dévitalisée est fragile et risque de se casser en l’absence de couronne. A fortiori si le patient ne revient pas et reste avec son « cavit » ! En quelques mois, au mieux quelques années, la dent s’infiltre, se délite dans la salive, s’infecte… voilà une extraction en urgence qui se profile, et une solution de remplacement plus compliquée… et plus onéreuse ! Amoins que le processus des édentements non com pensés ne soit déclenché et son flot de conséquences préjudiciables ! Où est le service rendu ?

Un problème d’organisation

Faire une pulpectomie sur une dent (de surcroît présentant une inflammation aiguë) prend du temps : pour une molaire, en utilisant une instrumentation mécanisée, il faut compter entre 45 et 90 minutes (je parle d’ « endo » conforme aux données les plus récentes de la science, bien sûr !). La grande majorité des cabinets reçoit 20 patients par jour (voire plus), comment trouver une telle disponibilité dans l’agenda au « pied levé » ? Ne faire qu’une « endo » partielle… vous savez que vous générez des sensibilités post opératoires, pire, faire une obturation « express » avec de fortes chances de réaliser un travail superficiel avec ses conséquences à court ou moyen terme. Et si vous prenez le temps nécessaire pour réaliser ce travail délicat, alors là vous prenez du retard jusqu’au dernier rendez-vous de la journée ! Quelle injustice que de prendre en retard le patient suivant, fidèle, motivé, qui a pris rendez-vous depuis 15 jours : pourquoi doit-il payer la négligence d’un autre… et ce qu’il ignore encore, c’est que pour essayer de gagner un peu de temps, vous allez lui rogner une partie de ce que vous aviez programmé de lui faire ce jour là ! C’est pas fini, Docteur, l’assistante vient vous voir avec l’agenda… elle a encore une urgence au téléphone qu’elle ne sait pas où « caser »!

Un problème de rentabilité

Ne mâchons pas nos mots : l’urgence a ceci de pernicieux en terme de rentabilité c’est qu’il s’agit souvent de pratiquer un acte non-rentable non-planifié à la place d’un acte planifié plus rémunérateur. Voilà, il fallait que cela soit dit. Par ailleurs, c’est aussi notre mission et notre devoir de soulager. Dilemme. « L’endo » est déjà un acte que nous pratiquons à perte s’insurgent de nombreux confrères, en invoquant le droit du commerce qui interdit de vendre à perte ! Docteur, nous ne sommes pas régis par les mêmes lois, puisque le code de déontologie interdit au chirurgien-dentiste d’exercer son art comme un commerce ! Et quel gâchis lorsque le patient ne revient pas coiffer une dent dont la perte est programmée… ben, ça fera toujours une nouvelle urgence à gérer !

Au fait, vous avez dit « service rendu », mais à qui ? Dans ce cas de figure, ni au patient en urgence, ni aux patients qui le suivent, ni au praticien stressé dont l’agenda est déstabilisé et dont les journées sont rythmées par la cadence des urgences !

Ya-t-il des solutions pour sortir de cette ornière et de cette problématique récurrente ?

Oui, face à une pulpite soyons pragmatique ! Halte aux improvisations et mettons en place une véritable procédure.

Qualifier l’urgence au téléphone

Avec une check-list de questions pertinentes, l’assistante doit être formée à identifier l’urgence et à la valider. Savoir informer, expliquer et rassurer permet de hiérarchiser et de temporiser un certain nombre d’urgences afin de les planifier.

Ne pas dépulper dans l’urgence

Urgentiste dans le monde hospitalier, c’est un métier ! Il consiste à intervenir rapidement, à faire un dia- gnostic dans l’urgence et à exécuter le cas échéant les premiers gestes vitaux. Une fois le patient soulagé, leur mission consiste à temporiser en attendant la disponibilité d’une équipe de spécialistes pour traiter les causes et d’un plateau technique adéquat. Au cabinet, soulager une pulpite consiste à faire une anesthésie (les produits et techniques sont efficaces aujourd’hui), ouvrir la chambre pulpaire, éliminer le tissu caméral soulageant ainsi l’hyperhémie pulpaire. Mettez en place un sédatif style « pulpéril », faites une ordonnance (sauf contre-indication) d’un antalgique (paracétamol par exemple) ou d’un antalgique associé à un anti-inflammatoire non stéroïdien (type ibuprofène). Dans tous les cas, le temps au fauteuil pour soulager un patient est de l’ordre 10 minutes pour soulager une pulpite… et maintenant programmez un rendez-vous en toute sérénité. ….

Maîtriser la gestion de votre agenda

Créneaux systématiques ou gestion « au coup par coup » ? La question est récurrente… et ma réponse aussi : ça dépend de votre exercice, de l’analyse du type et du nombre d’urgences dans votre cabinet, du nombre de fauteuils disponibles, de la présence d’assistante(s), de la gestion de vos traitements. Le créneau systématique est adapté aux cabinets gérant plus de 15 patients par jour, ayant plus d’une urgence par jour, a fortiori sans assistante. Pour les cabinets travaillant avec des plages de longs rendez-vous, c’est le praticien qui définit chaque matin à la réunion de démarrage la ou les possibilités d’accueillir un patient en urgence. Un règle d’or : lorsque ce créneau d’urgence est défini, il est IMMUABLE ! Le patient « non disponible » n’est pas une véritable urgence ! Bonne nouvelle, lui-même pense que l’on peut temporiser.

Expliquer les enjeux thérapeutiques et l’évolution de cette pathologie

S’il n’y avait qu’une seule question à poser au patient à l’issue de l’acte d’urgence (qui a consisté à le soulager) ce serait celle-ci : « Monsieur Michu, êtes-vous d’accord pour que nous fassions le maximum pour sauver cette dent ? » Si la solution thérapeutique pour sauver cette dent consiste à réaliser une couronne, expliquer lui la problématique d’une dent dévitalisée non protégée et les bénéfices d’une couronne pour préserver sa santé bucco-dentaire. Un devis lui est remis dans la séance qui comprend tous les actes nécessaires à la réalisation de cette restauration : obturation canalaire, couronne provisoire, inlaycore et couronne. Une fiche simple d’information lui est également remise. Le Code de Déontologie précise « Le chirurgien-dentiste est libre de ses prescriptions, qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance ». Un ordinateur bien paramétré peut sortir ce type de document en moins de 30 secondes.

Ah, vous me direz que l’urgence dans ce cas prend plus de 10 minutes ! Vous avez raison, mais après l’exposé de votre diagnostic, votre intervention au fauteuil et la validation de l’enjeu thérapeutique, c’est du temps « assistante » ; vous, vous êtes déjà au fauteuil en train de soigner un autre patient ! Le déficit de dentistes dans certaine région est de plus en plus sensible : une remise en question des habitudes de fonctionnement de nombreux cabinets est nécessaire et salutaire pour préserver la santé, la sérénité et la qualité de travail des confrères. Sans compter que l’approche globale du patient en général, et de l’urgence en particulier, est la solution pour rendre « un vrai service » au patient à long terme, et pérenniser la santé de nos petites entreprises de santé.

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A propos de l'auteur

Dr. Deborah TIGRID

Présidente de Feed Back Medical

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