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Un peu d’histoire… avant de parler d’aujourd’hui et de demain

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Il y a quelques jours, revenant du Dental Forum qui se tenait à Paris, je me demandais ce qui pouvait expliquer ce profond changement dans les grandes « messes » du matériel destiné à la prothèse dentaire.

I l y a une quarantaine d’années, nous tournions autour des taille-plâtre, des couteaux à cire ou des frondes de toutes sortes. Aujourd’hui, tout n’est qu’informatique ou robotique. Dans les plus petits stands se présentent de nouveaux spécialistes de cette discipline en plein essor, la CFAO dentaire. La question n’est plus « est-ce un bien ? » ou « est-ce un mal ? ». Dans toutes les bouches, une seule certitude : cette nouvelle technologie est devenue une nécessité.

Mais qui se rappelle des efforts qu’il fut nécessaire de déployer pour en arriver à cela ?

Cette histoire, que l’on me demande souvent de conter « pendant que je suis encore là… » pour reprendre des propos souvent énoncés, apparut en France à Noël 70, dans un monde scientifique en pleine mutation.

Elle s’est imposée petit à petit d’elle-même et sans soutien sauf sans doute celui des prothésistes et des praticiens de base aimant tellement leur travail quotidien qu’ils y voyaient une mise en valeur de leurs connaissances. Ils n’avaient pas tort car la suite leur a donné raison et je n’aurai de cesse de les remercier.

Combien sommes-nous encore à pouvoir parler de cette histoire contemporaine, sans doute une dizaine mais à coup sûr les 4 personnes que vous voyez sur une de mes photos préférées : Sadami Tsutsumi, Dianne Rekow, Werner Mörmann et moi-même.

Nous sommes à Los Angeles en 1991 et dix années de folie se sont écoulées (Fig. 1).

le-Cerec-Lemon-de-Möerman-et-Brandestini

Avant ces dix années, quelques travaux ont bien été lancés de part le monde par des équipes s’intéressant à cette nouvelle idée, mais pour la plupart sans suite.

Bénéficiant de l’immense talent de Denis Gabor, prix Nobel de physique pour ses travaux sur l’holographie, Leitz encouragea certains de ses élèves à utiliser cette technique. L’objet était de visualiser et de stocker optiquement le positionnement des dents pour faire une vaste étude menée par les orthodontistes américains, Burston en tête. Ces travaux étaient d’ailleurs dans l’esprit des techniques d’élastométrie menées par Savara ou Lang mais l’holographie n’a jamais été une méthode de mesure, juste une technique de visualisation 3D.

Ce n’est donc que quelques années plus tard qu’en France (Duret), puis aux USA ( Altschuler et Swinson) et enfin au Japon (Mori) que l’idée de fabriquer des prothèses par informatique fut posée, plus ou moins adroitement selon les auteurs. Comme je le disais, l’holographie ne mesurant pas les objets, il fallait trouver autre chose : ce fut l’interférométrie.

Certes, ce ne furent que des hypothèses de travail mais seule l’équipe française les conduisirent, 12 années plus tard, à la première validation publique connue, étape obligatoire pour toute invention.

Nos confrères purent voir et toucher le premier système de CFAO dentaire (Garancière 1983) puis assister à la première réalisation d’une couronne en pleine séance de l’ADF en 1985.

A partir de cette date, et durant une dizaine d’année, tout alla très vite. Le premier Cerec, « the Lemon » (Fig. 2), fut présenté par le tandem Moerman/Brandestini, appareil très rapidement pris en main par le grand groupe Siemens puis Sirona. D’emblée se dessinèrent deux grands axes de développement, le tout cabinet ou « chair side » du Cerec 1 et le mixte cabinet/laboratoire des Français de la société Hennson (Fig. 3a et 3b). Le premier avait des ambitions modestes mais un prix très raisonnable en se limitant aux inlays, onlays et facettes. Le deuxième proposait toutes les prothèses de l’inlay au bridge complet en passant par les prothèses adjointes et les traitements d’orthodontie. Ce dernier concept est, me semble-t-il, repris par tous les systèmes aujourd’hui, y compris le très convivial Cerec.

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Fig. 3a : le Système Hennson (1986). Fig. 3b : la prise d’empreinte CFAO en 1987

Ce fut aussi le point de départ des nouveaux venus, tous issus d’équipes européennes. Tout d’abord, le Procera de Matts Andersson, puis Le Cicero Van der Zel, le DCS et enfin, au début des années 90, une version européenne du DentiCad soutenue par Bego. Aux USA comme au Japon, les travaux n’étaient alors qu’issus des universités et ne donnaient pas lieu à des applications industrielles.

Tous les appareils étaient des systèmes fermés rendant impossible toute passerelle de l’un à l’autre.

Cette période fut aussi marquée par les démonstrations en congrès de deux équipes, l’une de Vienne (France) avec Hennson et l’autre de Zurich avec le Cerec. Les autres systèmes étaient alors peu connus, et en tout état de cause, pas encore utilisables.

Nous en découvrions de nouveaux à chaque IDS mais beaucoup disparurent avant même leur passage au stade de l’industrialisation. Nous pourrions en citer une dizaine depuis le Ritter en Allemagne (Fig. 4), le Cad esthétique d’Ivoclar, le Ceramatic en Suède ou jusqu’au Dexi (Nissan) au Japon.

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Fig. 4 : un exemple de système disparu : le cadcam de Ritter

Alors que des équipes étaient en pleine création, d’autres présentaient leurs résultats (Moerman et Duret) afin de convaincre nos confrères et de renforcer leurs positions vis-à-vis de financiers avides de résultats concrets et exploitables commercialement parlant.

Au tout début des années 90, un nouveau concept fit son apparition : le développement de centres de production industrielle de prothèses avec le système Procera. Nous avions évoqué cette opportunité dans les années 70 mais c’est Matts Andersson qui la mit brillamment en pratique à Göteborg.

Nous allions attaquer la nouvelle décennie avec trois grands axes de développement : le Chair side, le système cabinet laboratoire et la production centralisée en relation avec les laboratoires. Tous les systèmes étaient encore « fermés » au sens informatique du terme et cela allait durer jusqu’en 2005.

Trois raisons peuvent expliquer cette situation :

  • la précision d’un appareil de CFAO passe par le contrôle de chaque étape (empreinte optique, CAO et usinage) mais dans un système naissant, le fait d’utiliser des composants de différentes sources peut nuire au résultat final en rendant toute intervention technique difficile.
  • les équipes de développement étaient encore peu nombreuses et les opportunités que nous connaissons aujourd’hui n’existaient pas. Il en était de même des systèmes et langages de communication qui étaient propres à chaque développeur.
  • enfin et surtout le retour à l’effort d’investissements qu’avaient fait les industriels passait obligatoirement par la vente des matériaux, consommables par définition de ce type de machine. La marge sur des machines coûteuses étant faible, chacun entendait se rattraper sur la consommation journalière, ce que limitait par définition le principe du système ouvert.

Aussi, jusqu’en 2005 n’ont été proposés que des systèmes fermés. Par contre, en 1995/1997 un nouvel évènement allait donner un second souffle à la CFAO dentaire.

Alors que les grands groupes s’intéressaient de très loin à cette nouvelle façon de réaliser des prothèses, le succès du Cerec 2 puis 3, et la montée de plus en plus impressionnante du chiffre d’affaire du Procera les alertèrent. Les conseillers changèrent, les anciens disparurent au profit d’une nouvelle génération aguerrie d’informatique et les Kavo, 3M, GC, Dégussa/Dentsply, Bego, Vita (compagnons de la première heure du Cerec)… s’impliquèrent de plus en plus fortement dans la CFAO dentaire. Pendant ce temps, les anciens, forts de leur savoir-faire, consolidèrent leur position et développèrent de nouvelles générations (Sirona, Procera) ou furent repris par des financiers (Hennson/Sopha devenu Cynovad).

En 2000, les systèmes se présentaient en trois types de configuration :

  • le chair side (Cerec 2 puis 3) (Fig. 5)
  • le tout laboratoire (Everest de Kavo, GN1 de GC (Fig. 6), Cercom de Dégussa (Fig. 7) Lava de 3M, Pro 50 de Cynovad)
  • le mixte laboratoire/centre de production (Procera ou Pro 50 de Cynovad).
les-armatures-esthétiques

Fig. 5 : Cerec 3 en 2005 Fig. 6 : GN1 de GC en 2003 Fig. 7 : le Cercon de Dégussa en 2002

Rien n’était réellement nouveau dans les applications (inlays, coiffes, couronnes, petits bridges ou facettes) et ces systèmes étaient encore et toujours fermés. Ce qui changeait, était le matériau.

En effet, le reproche continuel que l’on faisait à la CFAO dentaire (en dehors de son prix) était qu’elle obligeait à utiliser des matériaux conventionnels peu esthétiques (titane ou composites) ou des céramiques fragilisées par l’usinage (les micro fractures des Empress ou Dycor).

C’est la raison pour laquelle à la fin des années 90, ces grands groupes se sont attachés à trouver des alternatives aux matériaux utilisés jusqu’alors. Certes Vita cherchait (et trouvait) des solutions intéressantes mais ceci se limitait au Cerec et aux éléments unitaires.

Le grand nom allait arriver : la zircone. Son apparition chez Degussa et GC puis chez tous les fabri cants donna une deuxième jeunesse à la CFAO. Ce matériau ne se contentait pas d’être usinable en HIP mais aussi en green phase TZP, la dilatation ne pouvant être maîtrisée que par les logiciels de CAO. En plus, la TZP permettait d’utiliser des petites unités d’usinage tout en offrant la suppression des armatures métalliques au profit des structures céramiques esthétiques. Bientôt, on allait même pouvoir choisir la teinte sous-jacente à la céramisation dans les bridges complets.

Il faut bien dire qu’après un démarrage un peu timide, le succès fut immense.

Grâce à la CFAO dentaire, il nous était possible d’usiner des armatures esthétiques et… solides.

Toutes les sociétés ont donc intégré à leur catalogue l’usinage d’une zircone « maison » et n’ont fait que développer des méthodes d’usinage de plus en plus sophistiquées.

D’une machine outils 3 axes 1/2 comme celle d’Hennson en 1985, on est passé aux 4 axes puis aux 5 axes de chez Kavo. Les broches d’usinage sont devenues extrêmement puissantes et les axes de déplacement précis à 5 μm près. Les centres d’usinage, comme on appelle ce type de machine, ont remplacé les petites machines outils à commande numérique des années 90. Ceci a eu une deuxième répercution : les centres de fabrication de prothèses se sont multipliés et avec eux des acteurs aujourd’hui majeurs comme Straumann ou GC.

Nous avons vu aussi des laboratoires, passionnés par la CFAO, se transformer en centres de production pour eux-mêmes et leurs collègues. Il est impossible de tous les citer mais Glildewell en Californie ou Rotzaert au Canada en sont de beaux exemples.

Un nouveau métier naissait chez les prothésistes, celui de spécialiste CFAO et/ou celui de fabricant d’armatures ou de coiffes pour ses collègues.

Ceci n’a pas eu que du bon car, forts de cette transmission des prises d’empreintes optiques (numérisées) par internet, de grands laboratoires, véritables villes de plus de 2 000 prothésistes sont apparues dans les pays d’Asie comme la Chine ou le Viet Nam.

Ces apparitions sont dues sans doute à la recherche du profit mais surtout à deux éléments informatiques passés inaperçus aux non spécialistes : l’ouverture des systèmes et le langage de communication universel comme STL.

C’est en effet dans les années 2003-2005 que sont apparus les premiers systèmes ouverts, nous devrions dire les premiers composants indépendants.

Jusqu’à présent, il fallait avoir la même marque depuis le scanner jusqu’à la machine outils (et même le matériau). A partir de cette date, il fut possible d’acheter un système complètement fermé mais aussi un scanner d’une marque (exemple : 3shape) une CAO d’une autre marque (par exemple Dental Wings) et une machine outils d’une troisième marque (comme Roders, Sescoi, ou DMG). La seule contrainte était (et est encore) de bien avoir la parfaite communication (compatibilité) entre les différents éléments de la chaîne. Vous me direz sans doute « et les logiciels ? ».

Je dois vous dire que Hennson a tout décrit et découvert et les logiciels que vous utilisez aujourd’hui sont ceux qui étaient dans les machines de CFAO en 1987. Certes, la qualité de l’image est meilleure et l’ordinateur plus petit et plus rapide, mais tout y était, y compris, mi-95, la reconnaissance automatique des crêtes, des lignes de finition ou… des cuspides pour déformer les dents théoriques en mémoire.

Après ce développement, très rapide si on le compare à d’autres technologies nouvelles relativement complexes, la CFAO se présente aujourd’hui sous différentes formes qu’il nous semble intéressant de brosser rapidement.

Les composants

Un système de CFAO se compose, comme à ses débuts, de trois unités parfaitement identifiables :

  • le système de mesure qui a pour fonction de numériser l’empreinte dentaire afin que ses coor données puissent être introduites et traitées par un ordinateur. Il s’agit plus d’un système de mesure que d’empreinte. Ces systèmes, après avoir connu une période utilisant des palpeurs mécaniques (Procera) n’utilisent plus que des méthodes optiques d’où le nom « empreinte optique ». Cet élément se compose d’une source lumineuse (représentée généralement par la projection d’une lumière structurée sous forme de points, lignes ou grilles) et d’un capteur ou « caméra » CCD. Derrière ces composants existent des unités chargées de filtrer, convertir en numérique et structurer les données pour qu’elles soient assimilables par l’unité de CAO. Elle peut être endo buccale (Cerec, Lava Cos (Fig. 8), Cadent/Itero, Ios, E4D, Hint-els…) ou sous la forme d’un lecteur sur pied appelé scanner (3shape, Cynoprod…).
  • un système CAO, de traitement et de conception de la prothèse qui a pour fonction de rendre visible l’empreinte, de permettre de la matérialiser (prototypage) et de permettre à l’opérateur de construire (modéliser) sa prothèse. Porté par un poste de travail informatique de bonne qualité, il renferme les logiciels de création de toutes formes de prothèses (suivant le type d’appareil) allant de l’inlay aux bridges les plus complexes. Des applications particulières permettent la modélisation des prothèses adjointes ou des traitements ODF. Une application remarquable, introduite par Matts Andersson pour Nobel Biocare, est l’aide à la chirurgie, à la réalisation, au positionnement, à la modélisation et à la conception des implants sous toutes leurs formes.
  • un système de réalisation matérielle, véritable unité de fabrication, pouvant travailler par addition (fusion de Bego) ou par soustraction (fraisage, ultra son…). Cela va du petit appareil intégrable au cabinet dentaire (Cerec 3D) à d’énormes machines outils industrielles à commandes numériques pour les grands laboratoires ou les unités de fabrication (Fig. 9). S’il existe toutes les tailles, nous trouvons aussi tous les degrés de sophistication. Tous les matériaux y sont usinables, plus ou moins vite (entre 5 et 30 minutes par éléments), avec plus ou moins de précision (en général en dessous de 10 μm).
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Fig. 8 : Lava Cos en 2008 Fig. 9 : machine DMG PH 3I 100

Nous devons signaler que la couverture esthétique doit toujours être réalisée par le prothésiste et que cette caractérisation, faite sur des éléments CAO, n’a rien à envier aujourd’hui aux systèmes traditionnels.

Ceci justifie d’un rapprochement étroit entre le cabinet et le laboratoire qui décident d’utiliser cette technologie.

Ces trois composants sont reliés entre eux suivant différentes configurations avec un langage informatique spécifique (système fermé) ou universel (système ouvert).

  1. Nous avons le « tout-en-un » si les trois éléments sont réunis en un même lieu. Il est possible de multiplier l’un des composants en fonction des demandes reçues par le cabinet ou le laboratoire. Ces systèmes sont en général petits (Cercom), moyens (Cerec ou Bien air) ou grands (Lava, Everest).
  2. Nous avons aussi les systèmes déportés ou le scanner (avec ou sans CAO) se trouve dans le laboratoire (rarement dans les cabinets dentaires) et ou l’unité de fabrication se trouve dans des grands centres de fabrication (Straumann, Procera…).

Récemment, certains laboratoires se sont spécialisés vis-à-vis de leurs collègues en leur assurant la conception CAO et l’usinage, laissant au prothésiste demandeur la caractérisation et la finition de la pièce prothétique (M. Bousquet dans ma région).

Cette configuration limite la charge d’investissement pour les petits laboratoires qui souhaiteraient utiliser la CFAO et introduire la zircone dans le panel de leurs matériaux.

Mais pour en savoir plus sur certains systèmes, pour ne plus avoir peur de les utiliser, je vous encourage à lire ce qui suit, des articles écrits, pour vous, par nos collègues qui ont très souvent recours à la CFAO dentaire.

Bibliographie

1. Attal, J. and G. Tirlet, La CFAO, ce qui change pour le praticien. Réalité Clinique, 2009. 20(4): p. 215-218.

2. Duret, F., La CFAO dentaire trente ans après. Profession Chirurgien dentiste, 2003. 02(2): p. 5-9.

3. Duret, F., B. Duret, and B. Pelissier, CFAO, le Temps des démonstrations. Information dentaire, 2007. 29: p. 1663-1668.

4. Duret, F., B. Duret, and B. Pelissier, CFAO, Histoire vécue : le Temps des pionniers. Information dentaire, 2007. 29: p. 1659-1663.

5. Duret, F., www.francois-duret.com. 2010.

6. Perelmuter S. et Coll, La prothèse céramo-céramique par CFAO, Collection Réussir, Ed. Quintessence International,1, pp122, 2009.

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A propos de l'auteur

Dr. François DURET

Ex professor and chairman USC (University of Southern California, USA )

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