L’arsenal thérapeutique permettant la reconstruction des défauts tissulaires dans le cadre des réhabilitations implanto-prothétiques s’est considérablement étoffé, si bien que le choix d’une technique n’est pas toujours évident.
Les restaurations maxillaires antérieures sont les plus exigeantes au niveau esthétique et nécessitent non pas un bon taux de survie mais un excellent taux de réussite. Les exigences esthétiques de ce secteur impliquent un volume osseux bien plus important au niveau du col de l’implant, permettant le soutien des tissus mous et la création d’un profil d’émergence harmonieux optimal. Cette dualité « tissus durs tissus mous » est fondamentale : la présence de tissus gingivaux en qualité et quantité suffisante permet le maintien du volume osseux recréé, de même que la reconstruction du volume osseux adéquat sous-jacent stabilise les tissus gingivaux.
Différents éléments vont nous permettre de nous orienter vers une technique de greffe : en premier lieu le volume du défaut, mais aussi d’autres éléments cliniques tels que la position des sites à reconstruire, la ligne du sourire au maxillaire antérieur, l’historique médical et dentaire du patient ainsi que ses attentes.
A l’aide de plusieurs cas cliniques, nous mettrons en évidence les facteurs de choix entre plusieurs types de reconstructions osseuses, par technique de coffrage autogène ou par régénération osseuse guidée.
CAS CLINIQUE N°1
Le premier cas clinique illustre l’effet néfaste que peuvent avoir les tensions tissulaires sur la greffe osseuse. L’augmentation de volume osseux et gingival s’accompagne d’une migration de la ligne muco-gingivale en direction coronaire et par conséquent une diminution, voire une disparition complète du vestibule. Ceci induit des tractions tissulaires importantes qui apparaissent rapidement après le début de la cicatrisation, particulièrement dans la zone sous nasale. La stabilité volumique de l’espace greffé, indispensable, décrite par Wang (1) dans son diagramme en 2006 peut être compromise par ces tractions, et le volume greffé en être impacté négativement. La patiente de 52 ans présente une absence de 21, 22, 23. Après analyse esthétique, nous décidons de ne remplacer uniquement les dents 21 et 22. Au moment de la prothèse définitive, le praticien réfèrent harmonisera les proportions en réalisant une facette sur 11 et de nouvelles couronnes sur 13 12 24. une grille titane a été mise en place au niveau de l’angle osseux corono-vestibulaire pour contrer les tensions tissulaires sur la ROG. La rigidité du système permet de stabiliser le volume greffé. Les implants sont posés en chirurgie guidée selon le projet esthétique et une empreinte de positionnement est réalisée pour confectionner les dents provisoires en amont de la mise en fonction. La grille est positionnée au niveau de l’angle et fixée avec des vis d’ostéosynthèse Stoma®. Le coté plié se positionne au niveau crestal pour avoir un dispositif non agressif pour la muqueuse. A 6 mois, on observe sur la vue vestibulaire et occlusale les manifestations cliniques de la tension tissulaire qui vient appuyer sur la bandelette titane laissant apparaitre par transparence les vis et la bandelette titane. La grille est déposée en tunnelisation et un conjonctif tubérositaire est glissé par ce même tunnel pour augmenter au maximum la muqueuse au niveau de la papille entre 21 et 22. Les dents provisoires sont positionnées avec deux minirouleaux réalisés en crestal au col des implants.
Cas 1 : ROG renforcée avec bandelette titane au niveau de l’angle

a) Positionnement d’une grille titane
pliée en deux au niveau de l’angle
corono-vestibulaire souhaité b) Apport
du méĺange 50/50 os autogène/Bio oss.

h) Positionnement des provisoires confectionnées en amont et ajout de conjonctif tubérositaire en tunnelisation.

j) Vue vestibulaire initiale avec l’appareil provisoire qui recrée la papille et le
manque vestibulaire.
CAS CLINIQUE N°2
Le cas clinique N°2 (homme de 34 ans) illustre l’importance de la prise en compte du contexte général, médical et dentaire du patient. L’évaluation des facteurs de risque liée à l’historique médical et dentaire, le tabagisme, l’état parodontal sont des éléments clefs dans le choix d’une technique. L’appréciation de ces facteurs sont plus importants que les procédures chirurgicales elles-mêmes. (2) Le patient reste fumeur après une forte diminution (5 cigarettes par jour), et a déjà subi un échec de Régénération Osseuse Guidée 8 ans auparavant.
La situation tissulaire est un élément essentiel à prendre en compte pour la fermeture primaire du site. La principale difficulté, en plus du risque tabagique n’est pas le défaut 3D mais la présence d’un phénotype gingival fin associé à un périoste scarifié par la précédente ROG. Nous avons choisi un coffrage autogène (avec prélèvement rétro-molaire) et ostéosynthèse d’une plaquette palatine et vestibulaire car l’utilisation d’os autogène semble présenter une tolérance plus élevée dans ce type de situation clinique avec un minimum d’apport de matériel exogène. (3) L’avantage des 2 plaquettes (palatine et vestibulaire) est de profiter au maximum de l’apport vasculaire et cellulaire des pics osseux proximaux, permettant d’optimiser le gain vertical.
Le choix des tracés d’incision et le design du lambeau sont uniquement guidés par l’objectif de fermeture sans tension du site, l’incision crestale doit être la plus vestibulaire possible tout en restant dans la gencive attachée, l’essentiel de la laxité étant assuré par le lambeau vestibulaire. La laxité du périoste étant rendue difficile par la scarification du périoste, un lambeau interne du lambeau vestibulaire (technique SUB-O) permet de renforcer la fermeture primaire et épaissir en même temps les tissus mous au niveau crestal. (4)
Les coffrages autogènes rendent difficile une sur-correction du défaut. une compensation gingivale importante est réalisée lors de la pose de l’implant après 3 mois de cicatrisation. un lambeau en demi-épaisseur est réalisé sans “dépérioster” le site greffé. Il offre un lit vasculaire et une fixation par suture du conjonctif prélevé à la tubérosité. Les vis d’ostéosynthèse sont dévissées très facilement à travers le périoste.
Deux mois suivant la pose de l’implant, un strip de gencive kératinisée est suturé au fond du vestibule recréé, après avoir retiré les fibres musculaires. Cette “strip technique”, décrite par Han tJ en 1993, a été reprise plus récemment par urban(5) . Le gain de gencive kératinisée est important malgré une contraction de l’ordre de 43 % avec un strip gingival pouvant se déplacer durant la maturation des tissus. La présence d’au moins 2 mm de gencive kératinisée agit comme un rempart contre les pathologies péri-implantaires et favorise la maintenance parodontale à long terme. (Roccuzzo et all.)(6) . deux mois après la “Strip-technique”, la mise en place d’une dent provisoire associée à une technique du rouleau permet d’épaissir une nouvelle fois les tissus mous et optimiser le profil d’émergence. Les principaux avantages du coffrage autogène sont une cicatrisation rapide (4mois) et une tolérance plus élevée.
Cas 2 : coffrage vestibulaire et palatin autogène
CAS CLINIQUE N°3
Le cas clinique N°3 (femme âgée de 28 ans) illustre l’importance de la situation et l’anatomie du défaut osseux dans la mise en place efficiente du système de fixation. La fixation du dispositif assurant la stabilité d’une greffe 3d est le moment critique d’une procédure d’augmentation verticale. Le choix de la procédure en fonction du site, de la nature de l’édentement, influence de façon très importante l’ergonomie et la rapidité d’exécution des différentes phases chirurgicales. La gestion de défauts verticaux unitaires nous parait ainsi plus facile et rapide avec une technique de coffrage autogène qu’une ROG avec un dispositif non résorbable. L’ostéosynthèse par abord vestibulaire nous semble plus efficient et rigide que le “pinsage” en palatin d’un dispositif non résorbable de ROG Les canines maxillaires incluses extraites à l’adolescence de la patiente ont provoqué des défauts verticaux importants. Quatre mois après la greffe autogène, les implants en 13 et 23 sont posés, associés à une ROG par Sausage technique pour sur-corriger l’angle vestibulo-coronaire. Comme le coffrage autogène, la Sausage technique réalisée en renfort présente l’avantage de ne pas nécessiter de dépose importante du dispositif, lors du deuxième temps chirurgical. Après 4 mois d’ostéointégration, la mise en esthétique associée à des greffes de tissu conjonctif prélevé au palais sont réalisées. En effet, Linkevicius (7) montre qu’une épaisseur, entre 3 et 5 mm, des tissus supra-crestaux agit comme une protection à la résorption de l’os crestal.
Cas 3 : coffrage bilatéral autogène puis ROG

p) Mise en place de la provisoire et
presentation d’un prelevement palatin de
lamina propria secteur 1.

s) Couronne definitive 2 mois après la mise en fonction secteur 1.
t) Couronne provisoire 2 mois après la mise en fonction secteur 2 en attente de maturation finale des tissus pour réaliser la couronne definitive.
CAS CLINIQUE N°4
Le cas clinique N°4 (femme de 24 ans) illustre l’importance de la sur-correction osseuse dans les cas d’édentement antérieurs unilatéraux afin de garantir un bon résultat esthétique à long terme. Les édentements pluraux unilatéraux sont très complexes, car l’obtention d’un mimétisme des dents naturelles adjacentes ou controlatérales est indispensable mais difficile. Si le volume global à récréer ne peut être obtenu uniquement à l’aide des tissus durs, une augmentation des tissus mous peut permettre de compenser ce manque. Cependant, la stabilité des tissus mous seuls sans soutient osseux sur le long terme paraît moins prédictible(8) . Il est donc préférable, autant que possible, de rétablir un profil osseux vestibulaire optimal.
Pour Grunder et coll. (9), un angle suffisamment large et cervical permet d’éviter la récession gingivale sur le long terme et l’ombre qui entraînerait une convexité osseuse différente de la dent adjacente. Seul un angle de 3 mm minimum en vestibulaire et coronaire du col implantaire est un gage de pérennité pour le soutien des tissus mous et l’esthétique sur le long terme [9]. Le col de l’implant étant toujours plus palatin que le rebord vestibulaire des dents adjacentes, le volume osseux à créer est d’autant plus important. Bien souvent, les reconstructions antérieures maxillaires(cas esthétiques)sont imaginées comme un gain uniquement en épaisseur (2d) alors que le remodelage osseux durant la cicatrisation présente également une composante verticale avec une migration apicale du rebord osseux (10) . Pour un résultat esthétique optimal, le gain osseux doit donc se projeter en direction vestibulaire et coronaire pour former un angle idéal qui se situera en dehors du contour osseux. Pour cette jeune patiente qui présente un édentement de 11 et 12 suite à un traumatisme à l’adolescence, nous avons donc réalisé une ROG avec une membrane PTFE armée titane afin d’obtenir une stabilité volumique de la greffe osseuse en direction vestibulaire et coronaire. Après 6 mois de cicatrisation, la membrane est déposée, 2 implants sont positionnés à l’aide d’un guide chirurgical (Simplant). Le volume osseux obtenu en quantité excessive en vestibulaire est retouché. Après 4 mois d’ostéointégration, nous réalisonsla mise en esthétique avec 2 couronnes provisoires unitaires trans-vissées, associé à deux rouleaux et une tunnelisation de tissu conjonctif prélevé au palais. Après 8 semaines de cicatrisation, le praticien réfèrent peut réaliser la prothèse d’usage.
Cas 4 : ROG avec Membrane armée PTFE
CONCLUSION
Le choix entre les différents protocoles est principalement guidé par l’expérience du praticien ; la durée de l’intervention devant être la plus courte possible pour favoriser une meilleure cicatrisation et diminuer le taux de complications. L’ergonomie et la mise en œuvre du dispositif (plaquette d’os autogène, grille, membrane résorbable ou armée…) et de son système d’accroche (vis, pins, clou vis), qui permettent la stabilité du volume greffé, sont des éléments tout aussi importants. Les techniques de coffrage de F.Khoury ont l’avantage d’offrir une cicatrisation rapide, l’os particulé prélevé directement sur le site ou sur la zone rétro-molaire apporte une cellularité fondamentale, l’absence de particule exogène apporte une meilleure tolérance. Les techniques de ROG avec leur dispositif non résorbable et l’adjonction d’os minéral anorganique d’origine bovine permettent de réduire la quantité de prélèvement d’os autogène et se comporte comme un échafaudage dans la stabilité du site greffé. Pour les édentements pluraux ou l’exigence esthétique est très forte, ces dispositifs permettent une sur-correction efficace afin d’optimiser le profil d’émergence des restaurations prothétiques. dans les situations comme le cas clinique numéro 5 avec une reconstruction de grande étendue et projection importante du volume osseux nécessaire, un dispositif de ROG stabilisée avec membrane armée PTFE semble indiqué. Effectivement, cela permet de dessiner l’arcade osseuse idéale ad-integrum en sortant du couloir osseux et ainsi espérer un résultat esthétique optimal grâce au soutien des tissus mous et donc du profil d’émergence.
CAS 5

a) Situation initiale vue 3/4.
Nécessité d’une augmentation
de volume couplée à une
augmentation de DVO.
La bibliographie exhaustive est disponible en ligne sur https://www.lefildentaire.com/bibliographie-article-lfd176- chaleil-thollot