Depuis longtemps, les cabinets dentaires ont entamé leur transformation numérique pour moderniser leurs pratiques, améliorer leur efficacité, optimiser l’expérience patient et renforcer la communication.
Les progrès dans l’imagerie médicale ont permis d’importantes avancées dans le domaine des soins dentaires. Ce n’est que récemment que des technologies comme la réalité virtuelle (RV) et la réalité augmentée (RA) ont commencé à trouver des applications dans les cabinets pour aider à la formation approfondie, améliorer l’expérience patient et favoriser la précision des traitements. En association avec l’intelligence artificielle, ces technologies devraient permettre, dans un avenir proche, l’émergence d’innovations qui rendront les soins dentaires plus efficaces, plus accessibles et mieux adaptés aux besoins des patients.
Les expressions « réalité virtuelle » (RV) et « réalité augmentée » (RA) sont souvent utilisées de manière interchangeable alors qu’il s’agit de deux technologies bien distinctes. La réalité virtuelle immerge l’utilisateur dans une simulation complète d’un environnement artificiel, tandis que la réalité augmentée superpose des éléments virtuels sur le monde réel.
Avant d’explorer leur impact actuel et futur dans les cabinets dentaires, essayons de les définir et de décrire leurs différences pour mieux comprendre leurs domaines d’utilisation.
QU’EST-CE QUE LA RÉALITÉ VIRTUELLE ?
La réalité virtuelle consiste à créer une expérience immersive complète dans un environnement virtuel précalculé qui simule l’environnement réel ou crée un environnement totalement imaginaire. L’utilisateur porte un casque de réalité virtuelle qui l’immerge dans cet environnement et le déconnecte de la réalité.
Il peut interagir de manière intuitive avec cet environnement grâce aux capteurs du casque qui suivent les mouvements de la tête, des mains et du corps à l’aide d’accessoires tels que des manettes ou des gants haptiques. En retour, le logiciel du casque ajuste la vue et le contexte sonore en temps réel, offrant à l’utilisateur une expérience totalement immersive dans le monde virtuel.
Les casques de réalité virtuelle sont aujourd’hui les Meta Quest 3 et 3, les HTC Vive Focus Vision, les
Pico 4 Ultra et bien d’autres encore qu’il serait bien trop long d’énumérer.
Le casque de réalité virtuelle a été créé par la NASA pour la formation et l’entraînement de ses astronautes.
Depuis, il a connu de nombreux champs d’application.
Le plus populaire est celui du jeu vidéo, ou gaming, qui s’adresse aux joueurs de tous âges qui s’immergent
dans des univers interactifs, réalistes et captivants pour ne pas dire addictifs. Conduire une voiture de course,
s’initier à une nouvelle pratique sportive, apprendre une nouvelle recette sont des exemples parmi des
milliers d’autres offerts par les formidables capacités de simulation du casque. Explorer des sites
touristiques, culturels ou historiques, visualiser des films en 360° et des vidéos immersives, s’entraînement
physiquement pour évaluer sa performance et rendre sa séance plus ludique, apprendre en explorant en
immersion des univers scientifiques ou historiques et évaluer ses connaissances sont d’autres exemples.
Pour se distinguer des applications ludiques, Les usages professionnels avaient reçu le nom de « serious
game ».
Elles concernent entre autres, la formation pour l’acquisition de connaissances en immersif, la simulation d’exercices, de traitements ou d’entraînements, la conception en architecture et en ingénierie ou encore le marketing numérique. Dans le domaine médical, la réalité virtuelle est utilisée en thérapie pour traiter les phobies et les Casque XR Apple Vision Pro troubles anxieux, ainsi que pour la rééducation physique. Les conditions d’utilisation du casque ont évolué pour rendre son propriétaire autonome.
Auparavant, l’application de réalité augmentée nécessitait d’être installée sur un ordinateur d’autant plus puissant que l’application était est riche et complexe. Le casque était connecté à l’ordinateur.
Avec l’arrivée de l’internet et des connexions rapides, Le casque se connecte aux applications qui sont désormais dans le cloud. Et dernière évolution : le casque se connecte au smartphone qui agit comme un portail pour se connecter aux applications de réalité virtuelle. L’utilisateur est totalement libre et peut mettre son casque quand et là où bon lui semble.
Les progrès techniques ont porté sur la vision toujours plus précise et plus réaliste. Des caméras ont été ajoutées pour une vision en passthrough , « au travers du casque », en stéréo et en couleur, offrant ainsi une perception de l’environnement réel. Cette vue peut remplacer la vue de l’environnement virtuel sur les casques « fermés ». Les fabricants parlent de casques de réalité mixte qui combinent environnement réel et environnement virtuel et de spatial computing. Apple a été le premier à développer ce concept avec le Vision Pro pour créer un nouvel usage : utiliser le casque de réalité virtuelle comme un écran étendu d’ordinateur, un Mac en l’occurrence. Si les caméras ne sont pas utilisées, le casque retrouve son fonctionnement habituel de
casque de réalité virtuelle.
ET LA RÉALITÉ AUGMENTÉE ?
Si la réalité virtuelle cherche à immerger l’utilisateur dans un environnement virtuel, la réalité augmentée (RA) le laisse dans le monde réel et superpose en temps réel des éléments virtuels à sa vision. Elle enrichit sa perception visuelle, auditive et tactile du monde par l’ajout d’éléments tels que des images, des vidéos, des sons ou des informations, qui varient en fonction du contexte.
Sur un smartphone, la caméra capture le réel et l’affiche sur l’écran du smartphone. L’image est enrichie par la superposition d’informations contextualisées. En 2016, avec le jeu Pokémon Go, le grand public découvre la RA qui lui permet de capturer des créatures virtuelles dans le monde réel.
Ce succès commercial a montré tout le potentiel de la RA pour des applications ludiques et interactives à grande échelle sur smartphones ou tablettes. A côté du divertissement, des applications dans le tourisme, la culture, l’architecture, la vente de produits d’ameublement ou la formation ont vu le jour.
Les usages professionnels de la réalité augmentée se sont développés avec les casques de réalité augmentée qui disposent de nombreux capteurs pour se représenter informatiquement le réel en trois dimensions et calculer les augmentations contextuelles. Leur projection stéréoscopique permet à l’utilisateur de les percevoir en trois dimensions comme le monde réel. Les premiers casques de réalité augmentée ont été lancés par Microsoft avec les HoloLens 1 en 2016 et HoloLens 2 en 2019, suivi par Magic Leap avec ses lunettes Magic Leap 1 et 2.

En 2013, Google avait lancé ses Google Glass qui n’ont pas rencontré le succès escompté auprès du grand public. Google jouait alors le rôle de précurseur. Les Google Glass ont toutefois ouvert la voie à de nombreuses applications pour lunettes de réalité augmentée. Dix ans plus tard, le succès des lunettes connectées Ray-Ban Meta a confirmé l’existence d’un marché de masse pour ce type de dispositifs. Aux fabricants traditionnels (Vuzix, Xreal, etc.) se sont ajoutés de nombreux nouveaux fournisseurs de lunettes connectées. Au CES 2025 de Las Vegas, sur les 411 fournisseurs de XR (réalité augmentée, réalité virtuelle, etc.), on comptait 96 entreprises qui se revendiquaient de la réalité augmentée grâce à leurs lunettes connectées.
Avec l’ajout de capteurs supplémentaires, ces lunettes connectées vont évoluer pour devenir des lunettes de réalité augmentée qui vont se substituer aux casques de réalité augmentée. Un casque pesait 566 g avec sa batterie, alors que les lunettes de RA pèsent 83 g ! Meta prépare ses Meta Orion pour lesquelles Mark Zuckerberg ambitionne qu’elles pourront remplacer les smartphones. Une révolution est en route.
RV ET RA DANS LES CABINETS DENTAIRES, AUJOURD’HUI ET DEMAIN
La réalité virtuelle a commencé à être utilisée pour la formation des étudiants pour découvrir l’anatomie en trois dimensions et simuler des procédures cliniques sur des modèles virtuels de patients. La simulation présente un grand avantage : elle peut être répétée autant de fois que nécessaire, et ce, sans aucun risque. La réalité virtuelle est très utile aussi pour simuler des situations cliniques rares, et préparer ainsi les dentistes à des cas difficiles. Les dentistes en exercice peuvent accéder à des formations avancées en RV pour se perfectionner dans des techniques spécifiques tout au long de leur carrière. La réalité augmentée quant à elle peut être utilisée aussi dans la formation pour superposer des informations sur des patients réels ou modélisés. Elle est cependant moins utilisée car le prix des casques de RA est encore dissuasif. Cette différence s’estompe avec la généralisation des casques de réalité mixte qui permettent une double utilisation, virtuelle ou augmentée.
Au cabinet, la réalité virtuelle favorise l’éducation des patients. Passer un casque de RV sur la tête d’un patient en lui montant sa propre bouche reconstruite en 3D, permet de lui faire comprendre la procédure dentaire ou de lui expliquer comment améliorer son hygiène bucco-dentaire. Lors des traitements, elle aide les patients à se détendre en leur offrant des environnements immersifs relaxants (plage, forêt ou paysage avec une musique apaisante), afin de diminuer leur anxiété et leur perception de la douleur.
La réalité virtuelle se prête bien à la formation des étudiants et des patients parce qu’elle leur propose un clone virtuel simplifié d’une toute petite du monde réel pour les familiariser avec cette partie ou leur faire découvrir ce qu’il s’y passe ou ce qui peut s’y passer.
Parce qu’elle enrichit la perception du monde réel, la réalité augmentée prend tout son intérêt dès lors que l’utilisateur a besoin d’informations en temps réel pour exécuter sa tâche de façon correcte. La réalité augmentée peut lui fournir cette information superposée à son champ de vision. Un implantologue a besoin de connaitre l’inclinaison idéale de son foret pour effectuer son geste de façon précise. Il peut la connaître en regardant son écran de navigation guidée qui lui affiche en 2D l’écart entre l’inclinaison de son forêt et l’inclinaison idéale. Il corrige et regarde à nouveau son écran et répète jusqu’à trouver la bonne inclinaison. Avec son casque de réalité augmentée, il lui suffit d’aligner son foret sur l’axe de forage matérialisé en 3D.
Pour une intervention de chirurgie dentaire, pouvoir voir le monde réel reste primordial. C’est pourquoi la réalité augmentée s’impose devant la réalité virtuelle pour la préparation et réalisation des interventions de chirurgie dentaire.
Il serait plus judicieux de parler de vision augmentée plutôt que de réalité augmentée. C’est la vision de l’utilisateur qui est modifiée et enrichie par les éléments virtuels, et non l’environnement sur lequel il agit. Avec les évolutions que vont connaître les lunettes de réalité augmentée dans in proche avenir, il est tout à fait possible d’imaginer que la vision augmentée puisse supplanter le travail avec écran
D’une part, le praticien n’a plus besoin de quitter des yeux son champ opératoire, d’autre part, les informations fournies sont affichées en trois dimensions et non en deux comme sur un écran.
Certaines lunettes peuvent être déjà connectées à un smartphone qui peut accéder à des banques de données et à l’intelligence artificielle pour identifier des pathologies et établir un diagnostic.
Malgré le fait que la réalité augmentée puisse être utilisés dans le parcours de soin du patient, son usage est loin d’être généralisé. Les raisons en sont sans doute l’aspect novateur de cette technologie, mais aussi le fait que le casque de réalité augmentée est souvent confondu avec un casque de réalité virtuelle, qu’il est lourd à porter et surtout onéreux. Tout pourrait changer avec l’arrivée des lunettes connectées.
QUELS USAGES SONT POSSIBLES ?
En phase de diagnostic, la réalité augmentée peut aider le praticien en superposant des images (radiographies, vidéos) à des graphiques 3D pour lui offrir une vue enrichie de la bouche et identifier des problèmes qui échappent au premier abord. Demain, les images de la bouche d’un patient capturées par la caméra des lunettes pourront être analysées à distance par un outil d’intelligence artificielle, apportant ainsi des réponses sur le diagnostic, les spécificités de la pathologie, les différents traitements possibles et tout autre renseignement utile.
La possibilité de voir en 3D grâce à la réalité augmentée se révèle très pertinent pour planifier un traitement en utilisant la reconstruction 3D du résultat.
Le dentiste peut ainsi superposer la simulation 3D du résultat sur la dentition du patient et valider la planification de l’intervention. Cette vision du résultat en bouche avant l’intervention est utilisée en orthodontie et en chirurgie esthétique. Cet usage peut être étendu à la présentation d’un projet de traitement esthétique aux patients. Habituellement, cette présentation se fait sur écran. Demain, le praticien pourra laisser son patient découvrir sur sa propre bouche, au travers du casque et en trois dimensions, les différentes simulations repositionnées sur sa dentition réelle. Cela l’aidera à mieux se représenter la future intervention et, le cas échéant, à choisir parmi les différentes options proposées.
En implantologie, l’ajout d’éléments virtuels sur la vue réelle est utilisé pour préparer et travailler en navigation dynamique. Cette procédure s’intègre dans un processus thérapeutique complet depuis la construction du projet prothétique pour fixer l’objectif du traitement, la planification implantaire du projet prothétique, et le report en bouche de la thérapeutique planifiée. Ce report est facilité par le suivi des instruments réalisé par des caméras stéréoscopiques qui détermine le guidage pour la navigation affichée sur écran. À tout moment, la position de ses instruments est recalée sur l’image de la bouche du patient ainsi que les écarts par rapport à leur position planifiée. L’attention du chirurgien se partage entre la bouche de son patient, les instruments et l’écran de guidage. Demain, les lunettes de réalité augmentée afficheront directement les instructions de guidage et les informations utiles en trois dimensions. Le chirurgien n’aura plus à tourner la tête vers son écran.
Ce guidage en temps réel pourra être étendu à d’autres procédures, en orthodontie ou en chirurgie esthétique par exemple. Dans les procédures qui nécessitent des examens préopératoires ainsi qu’une planification, les lunettes de réalité augmentées pourront afficher non seulement les résultats superposés sur la dentition du patient, mais aussi les instructions de guidage du geste pour gagner en ergonomie et en précision.
De façon plus générale, le praticien pourra rapporter dans son champ visuel toutes les images préopératoires nécessaires à son examen : radiographies numériques (panoramiques, rétroalvéolaires), scanners intra-oraux pour la prise d’empreintes numériques, images 3D produites par Cone Beam CT (CBCT), ainsi que les images de navigation guidée. D’un seul regard, il pourra embrasser tous les écrans ou toutes les informations nécessaires. Les effets bénéfiques potentiels en seront une meilleure visualisation, un diagnostic plus précis ou un geste plus efficace, et une exposition réduite aux radiations.
Enfin, au travers des lunettes connectées, les images de l’examen ou de la procédure pourront être échangées avec des spécialistes pour organiser des expertises à distance ou des spectateurs pour des présentations ou de la formation.
ET L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ?
On ne peut plus ignorer aujourd’hui l’Intelligence Artificielle (IA) et ses retombées multiples dans notre vie quotidienne pour répondre à nos questions, générer des textes ou des images, traduire et parler à notre place, nous guider sur la route, etc.
Mais existe-t-il des applications concrètes touchant aux activités d’un cabinet dentaire ?
La réponse sera très probablement oui dans un proche avenir. L’utilisation d’une IA conversationnelle pourrait permettre, par exemple, de répondre aux questions des patients, de gérer les rendez-vous et de fournir des rappels. L’IA peut se révéler utile pour l’optimisation de la gestion des dossiers des patients, en facilitant l’accès aux informations cliniques et en améliorant la planification des soins.
Mais c’est surtout dans le traitement et l’interprétation de l’imagerie médicale que l’IA est présente depuis longtemps dans les cabinets dentaires. En particulier, lors des interventions complexes qui nécessitent non seulement des traitements importants de reconstruction 3D et de fusion d’images multimodale mais aussi d’assistance à la navigation peropératoire.
Les algorithmes de reconnaissance des images s’appuient sur des banques d’images. Ils peuvent aider les chirurgiens-dentistes à poser un diagnostic précis d’une pathologie bucco-dentaire. Il leur suffit de consulter la banque d’images en leur adressant une photo de la pathologie pour connaître sa nature.
La vision en réalité augmentée permettra de poser un diagnostic assisté par une IA en temps réel. Le chirurgien ne sera plus seul à « voir » : la vision sera partagée avec une IA qui affichera ses conclusions et ses interrogations devant ses yeux.
La reconnaissance d’images permet également de détecter les caries, les maladies parodontales et d’autres problèmes dentaires à un stade précoce, à l’image de ce qui se fait déjà dans beaucoup d’autres secteurs de la santé, pour la détection de tumeurs malignes en particulier. À terme, la vision augmentée se fera en temps réel. L’assistance au diagnostic sera alimentée par les données de l’historique du patient, ce qui permettra d’obtenir des conclusions totalement personnalisées. Les examens pourront changer de nature pour devenir plus prédictifs et préventifs.
DES ÉVOLUTIONS IMPORTANTES POUR LES PRATIQUES EN CABINET
Grâce à ses capacités d’immersion et de simulation, la réalité virtuelle/mixte permettra toujours d’apprendre plus facilement et d’offrir une expérience améliorée aux patients, aujourd’hui comme demain.
Les gains se feront sur principalement sur la qualité des images qui ne cessera de s’améliorer et sur l’utilisation des casques de réalité mixte qui permettront des scénarios de d’apprentissages sur mannequins de plus en plus réalistes.
C’est sans doute du côté de la réalité augmentée associée à l’intelligence artificielle que des transformations radicales sont à attendre pour les pratiques chirurgicales et dentaires. Avec des capacités accrues et un faible coût, les lunettes de réalité augmentée, permettront une utilisation adaptée à de nombreux usages. On les retrouvera dans de nombreux cabinets avec des cas d’application du plus simple au plus complexe. Le plus simple sera l’affichage des informations du patient dans le champ de vision du praticien ou la consultation de banques de données pour établir un diagnostic. Le plus complexe offrira au chirurgien-dentiste une vision augmentée en temps réel par l’IA pour effectuer davantage de prévention et faciliter ses diagnostics.
Pour les interventions, la réalité augmentée simplifiera la planification, facilitera et sécurisera les traitements grâce à la navigation assistée et à la vision augmentée du champ opératoire.
En complément, l’IA sera utilisée pour assurer le suivi des patients avant les examens préventifs ou cliniques, mais aussi après les traitements.
Prêts pour cette révolution ?