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Edentation unitaire antérieure, gestion des tissus et implantologie immédiate ou différée ?

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L’implantologie moderne est entrée dans une nouvelle ère. Cette discipline se doit d’obtenir un résultat esthétique et fonctionnel, mais surtout il reste indispensable d’assurer la pérennité du résultat obtenu. Dans le secteur antérieur, il est bien admis que l’on peut désormais s’approcher du naturel. Cependant la littérature et les cours qui sont dispensés sur le sujet divergent parfois. Le clinicien doit être à même de juger, souvent en cours d’intervention, de l’opportunité de ses choix. L’implantologie est avant tout une discipline, d’abord clinique s’appuyant sur des faits scientifiques avérés et validés. Les résultats obtenus lui permettent d’acquérir de l’expérience. Celle-ci est indissociable de la littérature scientifique spécialisée mise à sa disposition. L’implantation immédiate gagne en popularité ces dernières années grâce aux avancées technologiques et à la maîtrise des praticiens. Les nombreux articles publiés sur ce sujet ont fait l’objet d’une méta-analyse. Les conclusions des experts, sur ce sujet, ne sont peut-être pas aussi dithyrambiques que l’on voudrait le croire.

Objectifs

Extraire et implanter dans la même séance, reste un acte séduisant, tant pour le praticien que pour le patient. Cela paraît facile (attention à la paroi palatine) et si « naturel ». On rapporte souvent que cela « rapproche le patient du traitement implantaire », c’est-à-dire de sa dent. Mettons nous à la place du patient : ce qui l’intéresse, c’est moins l’implant que la dent qui va dessus. Ce qui le préoccupe, c’est le résultat final, celui qu’il va voir et celui qu’il va retenir. Schulte, dès 1978, énumérait déjà les avantages de ce protocole :

  • un traitement global réduit,
  • une préservation des parois résiduelles de l’alvéole au niveau vertical et horizontal,
  • une position optimisée de la fixture,
  • une diminution des besoins en greffe,
  • et, une utilisation maximale du potentiel des cellules résiduelles du ligament de la dent extraite.

Il s’agissait d’un précurseur et tous ses arguments ont été depuis développés et étudiés.

Ne pas oublier l’orientation des fibres du tissu conjonctif

De nombreuses études montrent une récession (vestibulaire) des tissus mous quasi certaine au niveau du col de l’implant. L’espace biologique autour de la dent naturelle présente des fibres conjonctives perpendiculaires et circonférentielles insérées dans le cément, assurant la protection de l’os sous jacent. La fixture artificielle ne présente pas de cément, donc pas de possibilité d’attache des fibres conjonctives. Elles se développent donc de façon parallèle autour du col de l’implant et ne constituent pas une véritable attache protectrice. Contre les forces de mastication, les pressions verticales et latérales et les agressions bactériennes, la résistance est ainsi amoindrie. L’avènement des surfaces rugueuses a peut-être permis de combler une partie du manque d’attache.

Les cellules responsables de la cicatrisation

Elles proviennent principalement de la paroi interne de l’alvéole déshabitée. Le « gap » (ou espace) résiduel est un espace à franchir pour aller jusqu’à une surface artificielle, inerte, entourée d’une vascularisation inexistante. Elles peuvent y être aidées par le comblement du hiatus (Fig. 11c et d). La revue de littérature de Tim De Rouck (2008) recommande d’être prudent car le remodelage à long terme des tissus nécessite d’être mieux élucidé. La gencive vestibulaire reste fortement tributaire de la résorption osseuse post-extractionnelle (Fig. 11e).

Les pics osseux

Il est très important de les observer sur la radiographie rétro-alvéolaire avant le début du traitement. La présence de la papille est liée :

  • au niveau osseux du coté de la dent naturelle, pas à celui du côté de l’implant,
  • à la distance entre le pic osseux et le point de contact (3 à 5 mm permettent d’espérer un « cripping attachement » qui va combler l’espace pour obtenir une papille complète. Il faut environ 9 mois.
  • à la distance horizontale entre l’implant et la dent adjacente (3 à 4 mm pour un comblement du triangle) ; il est donc important de ne pas se laisser « aspirer » par l’alvéole de la dent extraite.

De plus, si la surface de la dent adjacente n’est pas contaminée et que le ligament persiste, on peut espérer une régénération à partir des cellules de ce même ligament.

La paroi vestibulaire

Elle est fine (Fig. 1a, 1b et p 83-94 de l’Atlas d’Anatomie Implantaire de J.F Gaudy). Elle est très fragile, et peut ne pas résister à l’extraction, aussi précautionneuse soit-elle (Fig. 2). Elle se résorbe rapidement. Sur des clichés scanner, Gaudy montre bien la disparition quasi complète de la fine corticale vestibulaire (p 99). Pourquoi se résorberait- elle moins avec la présence d’un implant ?

L’extraction-implantation immédiate peut être « flapless surgery » (c’est-à-dire sans lambeau). Le périoste est maintenu, la vascularisation qu’il assure aussi.

N’oublions pas qu’il faut au moins 2 mm d’os sur tout le pourtour de l’implant pour en assurer la stabilité. Il est illusoire de croire que la mise en place immédiate d’un implant puisse modifier et empêcher le phénomène de résorption, et encore moins assurer la présence des 2 mm d’os vestibulaire nécessaire à la pérennité du résultat esthétique et fonctionnel.

Et surtout, le manchon vasculaire :

L’anatomie comparative des tissus mous parodontaux et péri-implantaires offre des similitudes mais aussi de grandes disparités. Outre l’attache conjonctive, le plexus vasculaire et son potentiel d’anastomose dérivé sont très différents (Fig. 3).

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L’implant ne bénéficie pas des anastomoses vasculaires dérivées des vaisseaux du desmodonte.

Les procédés de défense et de réparation seront, par conséquent, moins importants que pour la dent naturelle, les possibilités de correction (greffe conjonctive) moins efficaces. Il faudra en tenir compte lors du choix de la thérapeutique. Burkhardt et al le signalent en conclusion de leur étude récente. Elle concerne 10 cas de recouvrement de déhiscence vestibulaire par un lambeau tracté coronairement associé à une greffe conjonctive enfouie (résultats à 1, 3 et 6 mois). Les résultats sont clairement inférieurs à ceux obtenus pour des dents naturelles. Ils sont également imprévisibles.

La tendance actuelle

Les études sont nombreuses et positives sur ce procédé séduisant et intellectuellement « logique ». Une présentation récente de l’E.A.O en octobre 2007 objective une perte minimale de la paroi osseuse vestibulaire d’extraction- implantation immédiate sans lambeau. Cette expérimentation est réalisée sur 8 chiens, 16 implants et un contrôle histologique à 3 mois. Comment peut-on juger de la valeur de cette étude et apprécier son « niveau de preuve » avec un si faible échantillon et si peu de recul ? Une équipe autrichienne, dans ce même congrès, assure que « l’implantation immédiate préserve les tissus mous et contribue à l’aspect naturel de la restauration prothétique ». Les présentations et publications de ce type sont très nombreuses. Leurs conclusions vont dans le sens « du sentiment général ». Cette année encore, le congrès de l’E.A.O a présenté des conclusions similaires. Toutefois, les conférenciers sont plus prudents et dans leurs conclusions, ils recommandent volontiers des études sur du plus long terme.

Cependant

L’Academy of Osseointegration, lors de sa dernière conférence de consensus a réuni un panel d’experts scientifiques répondant à des questions pré-définies et s’appuyant sur des méta-analyses. Leurs conclusions ont été publiées dans le JOMI de juin 2007 : « de futures études sur le sujet sont nécessaires ».

Cette académie ne se prononce pas pour une implantologie immédiate ou différée. Elle demande aux cliniciens de bien étudier le bio-type des tissus environnants. Elle indique que « sans précaution, cela peut conduire à des parties de métal apparent ».

Elle précise ce qui est établi : « la résorption de la crête alvéolaire ne peut-être prévenue par l’implantation immédiate et il est plus prudent d’attendre la cicatrisation des tissus mous ».

Elle conseille : « les greffes de tissus mous et/ou durs avant ou pendant l’implantation immédiate peuvent contribuer à compenser cette résorption de la crête et améliorer les futurs résultats esthétiques ».

Elle conclue : « les cliniciens doivent bien considérer et analyser les possibles bénéfices ou inconvénients d’une implantation immédiate dans la stabilité des résultats fonctionnels et esthétiques ».

Est-ce pour cela que les conclusions de l’étude récente d’Evans et Chen (2008) vont dans ce sens ? « Des études prospectives à long terme sur la stabilité des tissus et des résultats esthétiques sont nécessaires ». Le sujet n’est pourtant pas nouveau !

La réussite et la prédictibilité d’un traitement implantaire commencent par l’analyse locale et systématique des risques déjà rapportés.

Illustration : à propos de 2 cas cliniques

Une femme de 35 ans avec une alvéole de 21 cicatrisée (Fig. 4 à 9) sera traitée avec une greffe autogène d’origine ramique. A 4 mois, un implant Progress (TEKKA) est inséré dans le site, associé à un lambeau conjonctif pédiculé au cours de la même séance. La greffe conjonctive devrait être un acte complémentaire fréquent dans les situations antérieures. C’est une manipulation de tissu facile, rapide et sans risque. Les avantages sont connus de tous.

La dent provisoire et sa céramique en zircone seront réalisées après 6 mois de mise en nourrice de la fixture, sur un faux moignon droit usiné en titane.

Pour le 2ème cas, une jeune femme de 25 ans présente une atteinte carieuse très importante de l’incisive centrale supérieure droite (Fig. 10a et b). L’option thérapeutique retenue sera l’extraction, l’implantation et la mise en charge immédiate. L’aspect des tissus est favorable (Fig. 10a), la paroi vestibulaire reste néanmoins très fine (Fig. 1).

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Une légère concavité peut-être remarquée dès le 3ème mois post-opératoire (Fig. 11e). Elle est liée à une différence de diamètre inévitable entre la dent naturelle et l’implant. Cette évolution de la paroi vestibulaire ne peut pas être compensée complètement par la réduction du « gap » à l’aide des copeaux d’os autogène.

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A un an, le cas se comporte bien, malgré une inflammation gingivale (Fig. 11h et i) et la perte du pic osseux de ce même côté (Fig. 11f). On peut remarquer la présence de plaque dentaire, notamment en interdentaire.

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Cette zone reste la plus délicate à entretenir. Elle est la plus importante dans le maintien de la papille responsable de l’aspect festonné naturel du sourire. Cette patiente est jeune et en bonne santé, mais qu’adviendra-t-il de ce tissu gingival, peu soutenu ?

La vulnérabilité de l’herméticité trans-gingivale des tissus mous péri-implantaires est étroitement liée au rôle critique de l’hygiène bucco-dentaire, pour assurer le succès à long terme de la restauration prothétique. Nous ne maîtrisons ni le maintien de l’hygiène des patients dans le temps (malgré les rappels de motivation au brossage), ni la santé de l’hôte. Dans le doute, ne devons nous pas nous prémunir de ce genre d’aléas ? Et ce, d’autant plus que la correction par des techniques de chirurgie plastique parodontale est plus délicate. Ces greffes ne pourront pas bénéficier du même apport en vaisseaux et cellules réparatrices que pour les dents naturelles.

Discussion

Quelle attitude devons-nous adopter ?

Comme nous l’avons vu, l’environnement péri-implantaire au niveau des tissus mous procure une herméticité trans-gingivale relative contre les irritants bactériens. La stabilité structurelle est plus fragile. L’implant est moins résistant que la dent naturelle aux agressions mécaniques et bactériennes. Quand l’esthétique doit être prise en compte, ces différences structurelles peuvent compter. Les complications tissulaires liées à ces agressions risquent, à terme, d’entamer la satisfaction du patient vis-à-vis de la restauration implanto-prothétique. Nous n’avons pas le droit à la rétraction gingivale.

Le clinicien doit se servir de ses connaissances, analyser l’environnement gingival et osseux, notamment la paroi vestibulaire et le niveau osseux des dents adjacentes. En cas de perte, il doit s’assurer de l’éventuelle présence du périodonte, important pourvoyeur de cellules régénératrices.

Le clinicien ne doit se fier qu’à son analyse critique des informations diffusées dans les publications médicales : le « niveau de preuve » n’est pas toujours au rendez-vous et il influence le lecteur dans sa pratique médicale.

La qualité et la pertinence des publications sont variables (les résultats négatifs sont rarement rendus publics).

A nous d’adopter la lecture critique, c’est-à-dire, de juger de la valeur d’une publication et d’en apprécier le niveau de preuve.

Le témoignage du Dr Yves Samama dans la revue Titane (mars 2008) abonde dans ce sens : « souvent, seules les études positives donnent lieu à publication… le problème de l’objectivité de certaines publications au sein de la recherche biomédicale doivent faire l’objet de notre réflexion ». L’éditorial de la revue « Implant » du mois d’août 2008 évoque le même sentiment.

Le praticien sera le seul responsable de ses actes et de la pérennité des résultats obtenus.

La pose et la dépose des piliers provisoires, l’empreinte de l’implant, la dent provisoire peuvent engendrer une perturbation de la fonction d’herméticité de la zone conjonctive et de son épithélium de recouvrement. Au delà de 5 « aller-retour », les fibres de Scharpey circulaires se délitent et l’épithélium de jonction plonge dans cet espace libéré.

La simulation et l’assistance de la pose avec ordinateur ne pourront changer ni anticiper le pouvoir de cicatrisation des tissus, et encore moins optimiser la position du col de l’implant qui entre pour beaucoup dans les condi- tions d’équilibre et de maintien du niveau gingival. On peut également se tourner vers des techniques de préservation du volume osseux par la pose de membrane.

Lors de l’extraction, on peut lever un lambeau de pleine épaisseur et augmenter le volume de la crête en utilisant l’implant comme fixateur crestal d’une membrane, permettant le maintien des copeaux osseux prélevés au safescraper (Fig. 12 a et b).

Pour certains cas, une greffe d’os autogène est placée en vestibulaire de l’implant placé immédiatement dans l’alvéole. Selon l’étude récente d’Abrahamsson et Berglundh (juillet 2008, précédée par des publications de 1998, 2003), l’utilisation d’un faux moignon en titane usiné ou en zircone garantit la meilleure cicatrisation des tissus mous.
Enfin, la dent provisoire peut guider la cicatrisation mais elle ne doit pas être compressive. Un blanchiment de plus de 5 minutes, signe une ischémie irréversible des quelques millimètres de la gencive la plus importante, celle bordant le col d’implant.

Conclusion

Comment peut-on obtenir les 2 mm d’os nécessaire, en vestibulaire de l’implant à partir de la Fig. 1b ? Il semblerait que la voie la plus fiable, celle capable de fournir de l’os en quantité soit la plus difficile (cicatrisation et préparation du site par R.O.G, greffe osseuse et/ou de tissus mous).

L’extraction orthodontique (environ 2 à 3 mois) reste une option pour amener les pics osseux responsables de la présence des papilles en direction coronaire. Les concepts du platform-switching et du cône-morse sont des pistes intéressantes.

Selon Dennis Tarnow, le futur passera par notre capacité à récupérer les cellules contenues dans l’alvéole pour en obtenir, en culture, un cément qui sera ensuite placé autour du col de l’implant.

Pour Jan Lindhe, les bêta-TCP placées dans le hiatus pourraient modifier la résorption osseuse (« nous travaillons sur ce sujet à l’heure actuelle »).

Il faut observer le biotype des tissus environnants et ne pas hésiter à les renforcer si nécessaire.

L’implantologie n’impose pas de se passer de sa propre expérience, ni d’oublier certains acquis universellement admis par la profession.

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A propos de l'auteur

Dr. Stéphan FRAISIER

D.U de Réhabilitation Chirurgicale Maxillo-Faciale
Paris 7

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