INTRODUCTION
Voilà plus de deux ans que nous avions testé les principaux scanners intra-oraux sur le marché. A l’époque, nous étions loin d’imaginer que le monde serait frappé par une pandémie inédite, mettant à mal tous les calendriers de sorties des nouveaux produits. malgré tout, l’industrie du dentaire a poursuivi les développements et la majeure partie des scanners présents dans ce comparatif sont de nouveaux modèles.
La 3Shape TRIOS 3 a été remplacée par la TRIOS 4, l’iTero Element 2 par l’Element 5D, les Carestream CS 3600 et 3700 ont coupé le cordon et laissent place à la CS 3800 sans fil. Medit remplace sa i500 au catalogue par une i700 plus évoluée et Planmeca propose un rafraîchissement de l’Emerald avec une version S plus rapide.
Enfin, le chinois SHINNING 3D, présent depuis de nombreuses années dans la numérisation industrielle, propose une seconde version de son scanner Aoralscan 2 qui se rapproche des standards. Les fabricants Launca, Vatech et Wow n’ont pas souhaité nous confier leurs machines pour ce banc d’essai.
A la lecture de ces lignes, vous vous apercevrez que les écarts de précision entre caméras se gomment et que des notions telles que l’ergonomie matérielle et logicielle émergent, notamment grâce à l’iA (intelligence Artificielle) que les industriels améliorent sans cesse, réduisant la courbe d’apprentissage en apportant une aide inestimable à la numérisation.
LE VOCABULAIRE NUMÉRIQUE
Le virage numérique implique l’apprentissage de notions techniques et de nouveaux éléments de langage. Pour rappel, un système de prise d’empreinte optique se compose de 3 éléments indissociables : une caméra, un ordinateur et un logiciel.
- La caméra : c’est elle qui assure l’enregistrement des images qui permettront la reconstruction 3D, celles ci sont transmises soit par voie filaire soit sans fil à une unité d’acquisition.
- L’unité d’acquisition : elle est composée d’un ordinateur équipé d’une carte graphique capable d’exploiter ces données 3D à la volée. celui-ci peut être portable, on parlera alors de système POD ou FLEX; ou intégré dans un chariot avec écran conçu par le fabricant, on parlera alors de CART ou MOVE.
- Le logiciel : il permet de contrôler l’acquisition des données et les manipulations sur les fichiers 3D générés. on trouve des logiciels qui peuvent être simplement destinés à l’enregistrement d’empreintes ou d’autres qui intègrent des fonctions plus évoluées de modélisation de prothèses, d’analyse orthodontique, implantaire etc.
Il est important de comprendre qu’une caméra de prise d’empreinte optique n’enregistre que ce qu’elle voit. En conséquence, il faut anticiper cette lisibilité, par exemple à l’aide de cordonnets rétracteurs afin d’assurer un bon enregistrement des limites périphériques. L’absence de suintement, de sang et de salive est un pré-requis indispensable.
La plupart des systèmes sont partiellement ou totalement ouverts, c’est à dire qu’ils permettent l’export des données et pour certain l’import de fichiers standardisés. ce sont les fameux acronymes que l’on retrouve dans le monde de l’imagerie 3D : le STL, PLY ainsi que le DICOM.
Enfin, certains systèmes peuvent être connectés à des imprimantes 3D ou à des usineuses afin de produire des éléments prothétiques dans un flux tout intégré (sans transfert de fichier manuel).
PRÉSENTATION DES 7 SCANNERS
- 3SHAPE TRIOS 4 (Figure 2A et 2B) : La TRIOS 4 est la dernière née de chez 3Shape. fer de lance de la marque, elle partage le catalogue avec la TRIOS 3 toujours commercialisée. Elle est disponible en version POD (Put/Place on Desk) et en un système tout-en-un MOVE, incluant l’ordinateur et l’écran tactile. Jusqu’à peu, elle était la seule machine (avec la TRIOS 3 wireless) à proposer une connectivité totalement sans fil. La caméra est légère (375 g), bien équilibrée malgré les batteries. La vitesse de numérisation est l’une des meilleures du marché. La connectivité sans fil est stable, facilitée par des batteries à la durée de vie élevée (plusieurs heures en standby). Depuis peu, le logiciel de numérisation embarque une intelligence artificielle de seconde génération (iA 2.0) qui est une véritable aide à la numérisation en supprimant en temps réel les zones indésirables. Plutôt permissive, elle est déconnectable en cas de besoin. L’autre force de 3Shape est son écosystème logiciel qui est une plateforme toute intégrée incluant la numérisation intra-orale, la communication avec les laboratoires, mais aussi les radiographies panoramiques et CBCT, la planification implantaire, la création de guides, de gouttières, le design d’éléments prothétiques. Le 20 octobre dernier, une toute nouvelle plateforme appelée « Unite » a été présentée. c’est une petite révolution puisqu’elle a l’ambition d’interconnecter tous les acteurs du numérique pour favoriser les échanges de données. c’est un symbole fort de l’ouverture qui est nécessaire lorsque l’on bascule dans l’univers digital. Peu avant l’été, 3Shape a annoncé abandonner la redevance annuelle obligatoire pour utiliser ses machines au profit d’un système optionnel, similaire à celui qui est proposé par d’autres marques, et qui permet d’assurer le matériel et de le maintenir à jour.
- DENTSPLY SIRONA PRIMESCAN (Figure 3) Présentée lors de l’IDS 2019, c’était la mise à jour très attendue de la CEREC Omnicam qui était sur le marché depuis 2012. on retrouve une caméra assez lourde (525 g) et large ce qui tranche fortement avec ce que l’on connaissait de l’Omnicam. En contre partie, la vitesse et la fluidité sont au rendez-vous, avec un large capteur et une profondeur de champ dynamique très importante, permettant d’enregistrer sans encombre les préparations canalaires pour des inlay-core anatomiques. L’acquisition fait appel massivement à de l’intelligence artificielle, ce qui simplifie grandement la tâche pour la majorité des utilisateurs, néanmoins, elle est non déconnectable, ce qui peut poser quelques soucis au quotidien. Elle existe en version filaire en CART avec écran tactile et peut être couplée avec l’usineuse maison Primemill grâce à la suite CEREC, qui reste probablement la plus simple à utiliser en chairside. L’abonnement CEREC Club est optionnel mais fortement recommandée pour tous les utilisateurs, ce qui augmente le coût annuel d’utilisation.
- ALIGN iTERO ELEMENT 5D (Figures 4A et 4B) : c’est l’un des plus gros et plus lourd scanner du marché (500 g), la forme de sa pièce à main est peu commune et pas forcément très naturelle à utiliser. Pour autant, la vitesse de scan et la fluidité sont excellentes. L’iA permet un scan fluide, elle est déconnectable au besoin. Elle est disponible en version CART ou FLEX, uniquement en version filaire. L’interface utilisateur est ultra simple et sa grande force est liée à l’intégration avec Invisalign. cette version 5D intègre un système de détection carieux Niri pour les caries interproximales qui est très efficace. Les embouts sont à usage unique et les redevances annuelles sont obligatoires. La sauvegarde sur les cloud est automatique et la récupération des fichiers se fait directement depuis l’interface web. Pas d’export en local.
- CARESTREAM CS 3800 (Figure 5) : toute nouvelle machine de chez Carestream, annoncée en Juillet 2021, cette CS 3800 se veut une refonte totale. Exit les évolutions des CS 3500, CS 3600 et CS 3700. La CS 3800 est une toute nouvelle caméra et cela se voit et se ressent. Légère (240 g), compacte et entièrement sans fil, elle apporte une ergonomie excellente que l’on ne connaissait jusqu’alors que chez 3Shape. La fluidité et la vitesse de numérisation est parmi les meilleures, on attend une amélioration prochaine dans l’aide au scannage avec l’arrivée de l’iA. Pour l’accompagner, la suite cs Imaging est très complète et offre un panel de solutions pour l’implantologie, la prothèse, les aligneurs et la création de modèles.
- MEDIT i700 (Figure 6) : MEDIT est présent depuis longtemps sur le marché des scanners de laboratoire. Avec l’i500, la société coréenne a créé une percée fulgurante dans les cabinets dentaires. En deux ans, le développement a été impressionnant. L’i700 est une évolution appréciable. Elle est légère (245 g), rapide et fluide et les nombreuses améliorations logicielles l’ont propulsée au niveau des majors. Le logiciel de numérisation MEDIT scan est riche en fonctionnalités, ce qui rend l’outil intéressant, mais ce qui peut aussi dérouter l’utilisateur novice. Depuis peu, on retrouve des applications intégrées similaires à ce que l’on retrouve chez 3Shape, le SmileDesign, les simulations d’orthodontie, le contrôle des mouvements dentaires, la conception de modèles et de dents provisoires etc. Petit bémol, les temps de post-traitement après le scan sont un peu longs. En revanche, aucune redevance annuelle, toutes les mises à jour sont gratuites, la connexion aux laboratoires aussi, le stockage cloud est très simple et efficace.
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SHINNING 3D AORALSCAN 2 (Figure 7) : seconde itération du scanner du chinois shinning 3D, bien connu pour ses gammes de scanners industriels et de laboratoires. L’Aoralscan est vendu aussi rebadgé sous différentes marques, dont Operascan vendu par Euromax Monaco. De poids moyen (325 g), l’assemblage ne fait pas très robuste, mais étonnamment, même si la vitesse et la fluidité de numérisation est en deçà de ce que proposent les leaders, c’est une machine agréable à utiliser pour enregistrer de petites étendues. Le photoréalisme du placage de texture (Figure 7b) est le meilleur de ce comparatif, totalement bluffant et en fait un véritable outil de communication 3D avec le patient.
- PLANMECA EMERALD S (Figure 8) : L’Emerald s est une amélioration de l’Emerald, notamment sur le point de la rapidité d’acquisition. comme sa petite soeur, elle est légère et maniable avec deux tailles d’embouts de numérisation autoclavables 300 fois et un embout de détection de caries par transillumination « Cariosity ». meilleure que l’Emerald première du nom, la fluidité n’est pas toujours au niveau et l’iA n’égale pas les grands majors du domaine. Le scanner se perd beaucoup et peine à se recaler sur les zones préalablement scannées. En revanche, l’écosystème Romexis a été refondu et est un des plus aboutis en termes d’intégration. La profondeur de champ est dans la moyenne.
RECAPITULATIF DES CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
CRITÈRES DE NOTATION (Figures 9 à 15)
Six critères de notation sont retenus avec une note sur 5: l’encombrement de la pièce à main et de son embout, le poids de l’ensemble, la simplicité d’utilisation du logiciel, l’ergonomie globale, la simplicité du logiciel de numérisation, l’ergonomie du couple scanner/logiciel ainsi que la déviation, mesurée avec des essais de numérisation détaillés ci-après. Enfin une sixième note prend en compte la capacité du scanner à numériser totalement une prothèse complète pour la reproduire.
MESURES DE DÉVIATIONS (Figures 16A, 16B, 16C, 16D)
Des mesures de déviations sont réalisée sur des modèles dentés en arcade complète, sur modèle all on 4 ainsi que la numérisation d’une prothèse amovible en métal (Figures 17a, 17b, 17c).
Un modèle d’une arcade complète maxillaire d’une patiente est numérisé avec chaque scanner intra oral – 5 fois, puis les fichiers STL sont exportés. ce même modèle est numérisé avec un scanner industriel. Le fichier STL obtenu sert de maître étalon. Les fichiers sont alignés avec le logiciel de métrologie GOM® puis les déviations sont mesurées. une carte de déviations est créée et les valeurs de déviations sont enregistrées pour chaque scanner intra-oral. La meilleure empreinte est retenue pour chaque scanner. une seconde comparaison est effectuée avec le logiciel MEDIT compare® pour valider les résultats.
Le même protocole est appliqué pour chacun des trois modèles physiques de test.
Enfin, un exercice de numérisation d’un appareil complet maxillaire est aussi effectué afin de tester la capacité des caméras à travailler en prothèse complète (Figures 18A et 18B)
CONCLUSION
La qualité d’un scanner intra-oral ne réside plus uniquement en la qualité intrinsèque de son capteur et sa faculté à reproduire fidèlement un modèle. N’oublions pas qu’en prothèse fixée traditionnelle, l’espacement appliqué par le laboratoire sur le modèle numérique est de l’ordre de 100 microns !
Il faut donc pondérer ces quelques microns de déviation qui séparent les caméras les unes des autres et corréler cela aux données techniques que sont la taille, le poids et l’ergonomie de la caméra (filaire, sans fil), la simplicité du logiciel attenant, la connectivité avec le laboratoire, mais aussi la puissance de l’algorithme qui retravaille les images ou l’éventuelle iA associée.
une analyse fine des besoins du chirurgien-dentiste, de l’écosystème numérique existant au sein du cabinet et de la configuration des postes de soins est essentielle pour conforter le choix du système avec les notions de fidélité du scanner.