L’extraction implantation immédiate est une technique de choix, notamment dans le traitement de la zone antérieure. Si elle permet de diminuer le temps de traitement, elle permet surtout une gestion des tissus mous optimisée. Pour répondre à cet objectif, la gestion chirurgicale des tissus doit s’accompagner :
– d’un positionnement optimal de l’implant(1)
– d’une gestion prothétique du cas afin de maintenir l’émergence de la dent originale.
Dans cet article, nous aborderons au travers de cas cliniques l’aspect chirurgical de l’aménagement gingival, mais également son indication selon la situation clinique d’origine.
PRÉAMBULE – LA PHASE IMPLANTAIRE CHIRURGICALE
La technique choisie pour la pose de l’implant est un facteur déterminant sur la technique chirurgicale de la greffe gingivale.
Dans tous les cas, une attention toute particulière doit être portée sur la dimension vestibulo-palatine du positionnement implantaire.
Une position suffisamment palatine de l’implant permet :
– un volume osseux suffisant
– un volume gingival suffisant
– un volume prothétique suffisant.
L’utilisation d’un guide chirurgical permet un bon positionnement implantaire tout en limitant l’extension du lambeau, voire en ne réalisant pas de lambeau (technique flapless). (2)(3)
On gère ainsi l’abord chirurgical de la greffe de manière minimalement invasive. Ceci est particulièrement intéressant dans la préservation des papilles.
Par ailleurs, la durée de la phase implantaire de la chirurgie s’en trouve réduite et permet de consacrer davantage de temps à la gestion des tissus.
Un abord flapless peut bien sûr être réalisé sans chirurgie guidée mais ceci s’avère plus aléatoire et nécessite une certaine expérience pour la gestion chirurgicale.
Enfin, une chirurgie implantaire classique, avec lambeau, peut être envisagée, mais au détriment de la préservation des tissus mous adjacents. Ceci est néanmoins difficilement évitable s’il faut adjoindre une reconstruction osseuse plus importante à la chirurgie implantaire.
Dans cet article, nous n’aborderons que les situations cliniques de type 1 de la classification d’Elian (Fig. 3 et 4). Il s’agit de la situation la plus favorable à la réalisation d’EII puisque l’os vestibulaire est présent.(4)
Il est aujourd’hui admis que le « gap » entre l’implant et la paroi osseuse vestibulaire de l’alvéole doit être comblé avec un biomatériau afin de limiter au maximum la résorption osseuse.(5)(6,7)
DESCRIPTION CLINIQUE
La patiente âgée de 29 ans est adressée au cabinet pour réhabilitation implantaire de 21 qui présente une fracture radiculaire suite à un traumatisme récent.
La typologie est une classe 1 d’Elian, donc favorable sur le plan osseux.
Après avulsion atraumatique de la dent, l’implant est mis en place grâce à l’utilisation d’un guide chirurgicale pilote.
Le parodonte étant relativement fin et festonné, il est décidé d’adjoindre un greffon conjonctif d’origine palatine. L’enveloppe pour recevoir le greffon conjonctif est préparée à l’aide de microlame spécifique type « Spoon ».
Le prélèvement conjonctif est réalisé à la lame 15C selon la technique de Bruno :
– Incision 1 : insertion de la lame perpendiculaire à la surface osseuse
– Incision 2 : insertion de la lame dans le trajet de l’incision 1, pour délimiter le volume du prélèvement conjonctif
– Incision 3 : dans la partie haute, pour délimiter le tracé du greffon
– Incision 4 : séparation et prélèvement du greffon.
Fig. 13 à 17 : étapes du prélèvement conjonctif au palais – Technique de Bruno – Sutures du site donneur.
Le greffon est ensuite désépithélialisé si besoin, désépaissi et ses dimensions sont adaptés au site receveur.
Il est ensuite glissé puis suturé dans l’enveloppe délimitée.
Le gap entre l’implant et la paroi vestibulaire osseuse est comblé avec un biomatériau osseux.
Enfin, la dernière phase prothétique de l’intervention est la mise en place de la couronne transitoire. Compte tenu du contexte occlusal favorable et de la bonne compliance de la patiente, nous optons ici pour une mise en esthétique immédiate.
Fig. 21 et 22 : couronne transitoire immédiate transvissée. Après quelques semaines, la maturation des tissus est bonne.
La couronne d’usage est réalisée après 4 mois par le praticien référent.
DISCUSSION – GREFFE OR NOT GREFFE ?
L’étude de la littérature montre un intérêt à court et moyen / long terme des apports d’os pour combler le gap, mais aussi des apports de gencive pour limiter la résorption des tissus péri-implantaires (8–10).
La stabilité des tissus greffés est considérée comme acquise après 3 mois à 1 an selon les études.
dans le timing de la greffe conjonctive, elle peut être réalisée pendant la phase chirurgicale comme dans le cas clinique présenté, ou dans un second temps. La littérature ne démontre pas de différence significative dans la qualité des résultats en fonction du timing choisi(11).
En revanche, opter pour une seconde intervention augmente le temps de traitement et le nombre d’interventions pour le patient.
un autre critère important à prendre en considération est l’épaisseur des tissus initiaux. dans le cas d’un parodonte fin, la greffe conjonctive est nécessaire.
La discussion peut porter sur les patients présentant un biotype parodontal épais.(12)
Chez ces patients, la littérature a étudié des cas d’Extraction implantation immédiate conduite avec un comblement du gap osseux seul, mais pas de greffe conjonctive.
Dans 2/3 des cas, la situation évolue favorablement.
Dans 1/3 des cas, une greffe conjonctive s’avère nécessaire dans un second temps.
2 choix s’offrent donc à nous :
– Greffer systématiquement quel que soit le biotype parodontal
– Ne pas réaliser de greffe conjonctive chez les patients présentant un Biotype initial épais, en acceptant le risque de devoir réaliser une nouvelle intervention dans un second temps.
CONCLUSION
En conclusion, l’adjonction d’une greffe conjonctive dans les techniques d’extraction implantation
immédiate présente un bénéfice indiscutable sur le plan esthétique à court – moyen et long terme.
Son intérêt est admis chez les patients présentant des parodontes fins. La greffe est donc systématique chez ces patients. Elle n’est pas incontournable chez les patients présentant des parodontes épais.
dans ce contexte, 2 attitudes sont envisageables :
– greffes conjonctives systématiques lors d’EII afin de ne pas avoir à ré intervenir
– greffes conjonctives non systématiques. Dans ce cas, il faut accepter d’adjoindre une nouvelle
chirurgie dans un second temps.
Enfin, si le comblement osseux du gap, et la greffe conjonctive sont 2 prérequis au succès esthétique du
traitement, le soutien « mécanique » du profil d’émergence original est le 3e facteur permettant
d’obtenir un bon résultat esthétique.
Il peut être obtenu par la réalisation :
– d’une couronne transitoire (mise en esthétique
immédiate)
– d’un pilier de cicatrisation sur mesure (SSa) (13–15)
BIBLIOGRAPHIE
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