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La distraction osseuse alvéolaire

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Les techniques de greffes d’apposition utilisées en reconstruction alvéolaire pré-implantaire doivent répondre à certains critères : – un site receveur compétent capable de revasculariser le greffon et de l’intégrer. – une qualité tissulaire capable de recouvrir le greffon et l’isoler du milieu endobuccal. L’absence d’un de ces critères aboutit à l’échec de la procédure. La distraction osseuse, ou stress en tension, largement utilisée en orthopédie pour l’allongement des membres, pourrait dans certaines situations cliniques être une alternative aux reconstitutions alvéolaires par greffes d’apposition.

Mots clés : distraction osseuse, résorption osseuse, augmentation osseuse alvéolaire, tissus mous, implant, distracteur.

Résorption osseuse alvéolaire

La perte de l’organe dentaire génère une modification volumétrique de l’os alvéolaire, source de défauts osseux (horizontaux, verticaux ou le plus souvent combinés) et d’une altération esthétique. Cette modification osseuse est accompagnée d’une réorganisation des tissus mous de recouvrement (muqueuses). Il en résulte un manque de soutien des tissus musculaires labiaux et jugaux. Plusieurs techniques nous permettent de corriger ces défauts osseux :

  • 1. L’expansion osseuse à l’aide d’ostéotomes calibrés ou d’expanseurs (H.O. TATUM jr 1979),
  • 2. La régénération osseuse guidée (CAPLANIS et coll. 1997),
  • 3. Les greffes osseuses libres : augmentation par opposition de matériaux d’origine naturelle (autogène, allogène, xénogène) ou synthétiques (phosphate tricalcique, hydroxyapatite poreuse, bioverres…),
  • 4. Les greffes osseuses vascularisées ou ostéotomies segmentaires (décrites parallèlement dans ce numéro),
  • 5. La distraction osseuse alvéolaire : une application relativement récente d’une technique largement validée en orthopédie et en chirurgie maxillo-faciale (technique pouvant être assimilée à une greffe vascularisée).

La crête alvéolaire réduite dans sa dimension verticale est une situation complexe demandant un haut degré de vigilance de la part du chirurgien reconstructeur. En effet, le succès dans l’optimisation du volume osseux dépend en grande partie de la compétence du site receveur et de la possibilité de recouvrir et revasculariser rapidement le greffon. La gestion des tissus mous et les types d’incisions déterminent en grande partie la faculté d’intégration du greffon : la technique de tunnelisation (quand sa mise en oeuvre est possible) réduit sensiblement le risque d’exposition de ce greffon pendant la phase précoce de cicatrisation. Cette technique sera abordée dans un prochain numéro traitant exclusivement des greffes osseuses autologues.

Origine de la distraction

En 1905, la première publication sur les allongements osseux a été décrite par Codivilla (1) (orthopédiste). Il y décrivait les conséquences sur les os, muscles et tissus mous des tentatives d’allongement des membres inférieurs.

Rosenthal en 1927, d’après Wasmund 1935 (2), décrivait l’allongement de la mandibule par distraction, conjointement aux travaux d’Abbot sur tibia et fémur 1927 (3).

Ces tentatives seront suivies par plusieurs auteurs dont Bosworth 1938 (sur le tibia) (4), Kazanjian 1941 (branche horizontale de la mandibule) (5), Allan 1948 (os longs) (6). En 1952, Anderson (7) introduit la notion d’allongement progressif sur les membres inférieurs.

Trois auteurs donnent une évolution majeure à la distraction : Wagner 1963 (8) propose un allongement en trois temps, Wassenstein (9) associe l’utilisation d’une allogreffe d’os long à la distraction et Illizarov 1952 (10,11,12,13) qui introduit l’ostéogenèse par distraction progressive sur les membres inférieurs (tibia et péroné).

En 1975, il étudie la réponse osseuse à l’étirement et, en 1988, définit les principes de la technique actuellement utilisée. Cette technique fut introduite en Europe de l’ouest plus tardivement.

La distraction alvéolaire est classée dans les distractions mono focales, (un segment est fixe et sert d’ancrage au mécanisme qui guidera le déplacement du segment séparé).

Distraction osseuse alvéolaire

Définition

L’ostéogenèse par distraction progressive également désignée par le terme de « stress en tension » correspond à la capacité de l’os soumis à des forces d’étirement par activation (distracteur), de former un nouveau tissu osseux au niveau d’un défaut existant ou créé.

La distraction de la mandibule permet la croissance selon plusieurs vecteurs. Elle permet en effet l’obtention d’une croissance osseuse associée à un développement des tissus mous, nerveux et vasculaires. Les applications les plus fréquentes en chirurgie maxillo-faciale sont chez les enfants atteints d’hypoplasie mandibulaire ou de microsomie faciale.

Différentes phases de la distraction osseuse alvéolaire : (Schéma 1) :

  • 1. Le temps de latence (correspondant à la formation du cal osseux) d’environ 7 jours avant de démarrer l’activation.
  • 2. La distraction à un rythme de 0,5 à 1 mm par jour (selon la qualité osseuse et tissulaire) en 1 ou 2 activations quotidiennes.
  • 3. Le respect d’une période de consolidation (maturation osseuse) en fin d’activation conduisant à une ossification complète du régénération osseux.

Régénération osseuse alvéolaire par distraction

Jeune par son application maxillaire, la distraction osseuse permet désormais dans certaines indications cliniques de suppléer les techniques classiques d’augmentation par apposition.

La correction volumétrique osseuse crée des conditions favorables à la pose d’implants endo-osseux. Il a fallu tout d’abord résoudre trois problèmes majeurs :

  • 1. Réduire la taille du mécanisme de distraction qui doit séjourner en bouche au minimum entre 10 et 12 semaines,
  • 2. Rendre aisée l’activation du mécanisme par le patient ou son entourage,
  • 3. Permettre une réhabilitation prothétique provisoire (du secteur antérieur) qui préserverait l’esthétique durant la phase d’activation sans être un obstacle au déplacement osseux.

Classiquement, une distraction alvéolaire n’est possible que lorsque la hauteur osseuse résiduelle est supérieure ou égale à 6 mm. Cette limite est justifiée par :

  • 1. La perte osseuse résultant de l’ostéotomie par instruments rotatifs pour séparer le segment osseux à déplacer. La piezochirurgie nous permet de traiter des cas de 4 ou 5 mm,
  • 2. La nécessité d’un bon ancrage (micro vis) du segment à déplacer et de la base qui servira de support au vecteur,
  • 3. La proximité d’éventuels éléments vasculo-nerveux (paquet vasculo-nerveux dentaire inférieur),
  • 4. La faible qualité ostéogénique du segment à déplacer (os résorbé généralement cortical).

Mécanismes de distraction

Plusieurs mécanismes sont disponibles. Ils doivent tous répondre au même cahier des charges en terme de miniaturisation, de rigidité et de contrôle de l’activation. L’activation faite par le patient doit être aisée et permettre au segment osseux de se déplacer selon un vecteur bien défini.

Technique chirurgicale

Le choix du distracteur (modèle, type, taille) est effectué avant la chirurgie à partir des empreintes et des radiographies d’étude (panoramique, téléradiographie de profil, scanner). Il devra tenir compte de la hauteur interarcade disponible. La mise en place peut se faire sous anesthésie locorégionale assistée ou non d’une sédation vigile ou sous anesthésie générale. La technique décrite est commune à tous les distracteurs vestibulaires sous-périostés. Les dispositifs de distraction verticale utilisés sont en alliage de titane. La voie d’abord est endobuccale. Une incision de pleine épaisseur est réalisée, elle sera vestibulaire à 5 mm du sommet de la crête osseuse. Un lambeau mucopériosté en quartier d’orange met en évidence le versant vestibulaire de la crête osseuse. Le mécanisme est alors essayé (puis retiré provisoirement) permettant de marquer des repères d’ostéotomie. L’ostéotomie doit être bicorticale libérant ainsi complètement les 2 segments osseux. La vascularisation du segment à déplacer sera préservée et assurée par la gencive crestale et linguale. Le distracteur est alors fixé par des vis d’ostéosynthèse. Il sera activé pour vérifier la mobilité de notre segment osseux. Des sutures laisseront apparaître le fût d’activation.

Le temps de latence : il est nécessaire de respecter un certain temps de latence (1 semaine) pour permettre l’amorce de la cicatrisation des tissus mous et la formation d’un cal osseux.

L’activation : à partir du 8e jour, la première activation devra être faite par le praticien. Le patient doit être conscient de la nécessité de respecter la vitesse et la fréquence de la distraction. En général, 0,5 à 1 mm par jour et en plusieurs activations (selon le mécanisme utilisé et la qualité osseuse). Notre expérience nous a conduit à une activation plus lente : 1 mm tous les 2 jours. La durée de la période d’activation sera fonction de l’allongement osseux nécessaire.

La consolidation : l’os régénéré est stabilisé pour amorcer la maturation de l’os régénéré pendant une période de 8 semaines. La dépose du mécanisme s’effectuera à l’issue de cette période de consolidation.

La pose des implants : elle se fera environ 4 semaines après la dépose de l’activateur. Le laps de temps écoulé entre la fin de l’activation et la pose de l’implant est de 12 semaines. Les implants peuvent être mis en charge après les délais classiques de cicatrisation osseuse péri-implantaire ; une mise en charge immédiate n’est pas indiquée dans ces situations.

Résultats

Une régénération osseuse alvéolaire bien menée aboutit à la création d’un volume osseux suffisant pour la pose d’implants endo-osseux. A titre d’effet favorable accompagnant cette ostéogénèse par stimulation du cal osseux, il y a lieu d’évoquer l’amélioration simultanée des tissus mous (BLOCK et coll. 1996 ; CHIN & TOTH, 1996). La distraction alvéolaire présente de nombreux avantages par rapport aux techniques classiques d’augmentation osseuse par apposition. Il n’existe pas de deuxième site opératoire (morbidité du site de prélèvement). Les complications infectieuses sont rares voire inexistantes, si le protocole chirurgical est respecté. La durée totale du traitement comparée à une greffe autogène peut être réduite. La pose des implants peut se faire 12 semaines après la fin de l’activation. L’augmentation du volume osseux est accompagnée d’un gain de tissus mous. La résorption des segments régénérés est nettement moins importante que dans les segments greffés. De plus, la crête osseuse ne subit pas beaucoup de remaniements car elle est d’emblée mature. De nouvelles applications combinent les traitements orthodontiques et la distraction alvéolaire dans le repositionnement de dents ankylosées en malposition ou la correction chirurgicale de certains « open bite ».

Conclusion et perspectives

Malgré des processus embryologiques d’ossification différents (enchondral et membranaire), les schémas de distraction des os longs et plats semblent être identiques. Le principe de la distraction alvéolaire dérive de la suite logique des allongements maxillaires et mandibulaires dans les cas d’hypoplasie ou de malformations ou déformations osseuses. La distraction des maxillaires répond à trois objectifs : une correction fonctionnelle, une correction esthétique et une correction volumétrique ; cette dernière nous intéresse plus particulièrement puisqu’elle permet de créer des conditions favorables à la pose d’implants endo-osseux. Les perspectives d’amélioration visent la standardisation de la technique d’ostéotomie (utilisation de gabarits), l’amélioration des mécanismes de distraction en terme de miniaturisation, de précision, de contrôle du vecteur et de l’augmentation de la rigidité.

De plus, il serait utile de mettre au point de nouveaux modèles pouvant répondre à de nouvelles applications : traitement des secteurs sous-sinusiens fortement résorbés, rattrapage esthétique de secteurs osseux contenant des implants mal positionnés, gestion des crêtes alvéolaires minces. Quant à l’acte chirurgical, les voies de recherche devraient se concentrer non seulement sur l’usage de nouvelles techniques de mesure tridimensionnelle pour la personnalisation du distracteur, la simplification de la technique chirurgicale mais également sur la diminution du coût des mécanismes.

De nouveaux distracteurs répondant à ces critères et réduisant très sensiblement le coût du matériel sont en cours d’évaluation.

Bibliographie

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3. Abbot LC. The operative lenghthening of the tibia and fibula. J Bone Joint Surg 1927; 9:128
4. Bosworth DM. Skeletal distraction of the tibia. Surg Gynec Obstet 1938;66:912- 924
5. Kazanjian, VH. The interrelation of dentistry and surgery in the treatment of deformities of the face and jaws. Am J Orthod Oral Surg 1941;27:10-30
6. Allan FG. Bone lengthening. J Bone Joint Surg 1948;30-B:490-505
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A propos de l'auteur

Dr. Elias KHOURY

Diplômé d’implantologie et de reconstitution osseuse maxilo-mandibulaire.
Faculté de médecine de Lille II
DEA génie biologique et biomédical (biomatériaux)

Dr. Georges KHOURY

Responsable scientifique du DU Clinique de Reconstitution Osseuse, Paris 7
Formateur Génération Implant

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