L’ostéotomie sous-sinusienne par abord crestal est une technique éprouvée et validée qui permet de compenser le manque de hauteur osseuse sous le sinus maxillaire.
Indications
- hauteur osseuse sous-sinusienne supérieure à 4 mm sans nécessité d’augmentation osseuse horizontale
- examen radiologique 3 D indispensable
- édentement unitaire
Contre-indications absolues
- sinus pathologique
- hauteur osseuse sous-sinusienne inférieure à 4 mm
- pathologie de l’oreille interne et/ou antécédents de vertiges positionnels paroxystiques
Contre-indications relatives
- plancher sinusien très oblique
- septum intrasinusien en regard de l’ostéotomie
- technique non appropriée aux grands édentements
- patient fumeur
Historique
C’est Tatum, en 1986, qui fut le premier à imaginer l’abord sinusien par voie crestale afin de poser des implants ; mais c’est Summers en 1994 qui a décrit la technique de l’ostéotome telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui :
- indication pour une hauteur osseuse de 5 à 6 mm, associée de préférence à un os de faible densité
- l’ostéotome est un instrument droit et gradué, de section ronde calibrée, à bout concave et aux bords tranchants, qui est impacté au maillet pour créer le site implantaire.
En 1996, Lazzara propose une séquence associant ostéotomes, forets et implants vissés, indiquée en présence d’une hauteur osseuse sous-sinusienne supérieure ou égale à 5 mm, qui fait toujours référence7.
Technique
1. Le préforage initial de diamètre variant de 2 à 3 mm en fonction des auteurs s’arrête à 1 à 2 mm du plancher sinusien (radiographie per opératoire, jauge en place, fortement recommandée).
2. La fracture du rempart osseux est effectuée à l’aide d’ostéotomes, le plus atraumatiquement possible, aucun instrument ne devant pénétrer dans la cavité sinusienne tout au long de l’intervention.
3. L’intégrité de la membrane de Schneider est contrôlée avant de poursuivre l’intervention par la manoeuvre de Valsalva : il s’agit d’obstruer les voies nasales (présence de petites bulles au fond de l’alvéole créée) lors d’une expiration forcée et de constater qu’il n’y a pas de fuite d’air par le puits de forage, en cas contraire le test est dit positif, l’intervention doit être alors interrompue et reportée à deux mois.
4. Afin d’amortir les chocs provoqués par l’ostéotomie, il doit y avoir interposition de matériel osseux entre le bout de l’ostéotome et le plancher sous sinusien. Cette présence d’os au sommet des ostéotomes agit comme un amortisseur hydraulique qui limite les risques de perforation.
- Dans les cas où la hauteur osseuse résiduelle est comprise entre 6 et 8 mm, l’ostéotomie est réalisée à l’aide d’ostéotomes à bout concave aux bords tranchants qui permettent l’arrachage de petits copeaux d’os le long de la paroi du puits de forage.
Pour ce faire, il est impératif que le diamètre du forage initial soit strictement inférieur à celui du premier ostéotome utilisé. L’addition d’un substitut osseux n’est alors envisagée que pour augmenter davantage le volume sous-sinusien obtenu.
- Dans les cas où la hauteur osseuse résiduelle est comprise entre 4 et 6 mm, il y aura lieu de positionner préalablement un substitut osseux dans le puits de forage avant le passage du premier ostéotome, qui sera dans ce cas à bout convexe.
5. Avant l’implantation, une radiographie de contrôle permettant de visualiser le dôme obtenu est réalisée.
Les substituts osseux comme les xénogreffes et le β-TCP semblent être aussi efficaces que l’os autogène pour augmenter un maxillaire atrophique par la technique de sinus lift.
Inconvénients
- Technique à l’aveugle : pas de visibilité sur la membrane sinusienne
- Inconfort du patient dû aux chocs provoqués par la technique d’ostéotomes frappés.
- Ne permet pas de traiter des défauts de grande étendue.
Avantages
- Intervention peu invasive avec des suites postopératoires minimes.
- Absence de forages terminaux donc meilleure interface os/implant par diminution du risque d’échauffement.
- Très léger élargissement de la crête alvéolaire et amélioration de la densité osseuse péri-implantaire.
- Pose simultanée de l’implant :
* réduction du délai du traitement car l’intégration de l’implant se fait en même temps que la consolidation du comblement osseux (de 3 à 6 mois en fonction de la hauteur d’os résiduelle présente)
* réduction du coût : une seule intervention
* diminution de la quantité de biomatériau utilisé puisque l’implant participe à l’augmentation du volume sous-sinusien.
Conclusion
Le facteur essentiel permettant la réalisation de l’implantation simultanée semble être la hauteur osseuse résiduelle sous sinusienne avant comblement, la valeur minimale énoncée varie de 4 à 6 mm selon les études. Cependant, plus que cette valeur, c’est la stabilité primaire qui est une des conditions clef de la réussite d’où l’importance :
- de la technique de préparation du site par une ostéotomie condensante atraumatique
- de la capacité de compaction du matériau de comblement
- du design du corps implantaire.
Bien qu’elle soit une technique à l’aveugle avec risque de perforation de la membrane de Schneider, l’ostéotomie sous sinusienne par abord crestal demeure, dans des cas bien précis, la solution la plus profitable pour le patient.
Cas cliniques
Deux cas cliniques vont vous présenter une nouvelle technique d’élévation sinusienne par abord crestal, avec l’impacteur automatique Osteo Safe® développé par Anthogyr Fig. 1
Les impactions calibrées permettent une progression plus précise et homogène dans l’os, minimisant le risque de perforation de la membrane sinusienne, et sont également synonymes d’un plus grand confort opératoire pour le patient.
CAS N°1
Monsieur B., 59 ans, non-fumeur.
La radio pré-opératoire Fig. 2 montre une épaisseur d’os sous sinusienne égale à 4.5 mm, c’est pourquoi nous utiliserons les ostéotomes à embout concave. La largeur crestale étant favorable, nous placerons un implant Axiom PX auto-forant de diamètre 4.6 mm et de longueur 10 mm après aménagement du tissu osseux.
Dans un cas standard, le forage initial Ø2.0 mm s’effectue jusqu’à 1 mm du plancher sous-sinusien Fig. 3 – 4 mais si la densité osseuse est importante, il est préférable de se positionner à 0.5 mm en reprenant le forage afin d’utiliser une force d’impaction modérée, plus confortable pour le patient lors de l’effraction osseuse Fig. 5 – 6.
Les deux premiers ostéotomes de la séquence sont passés en ayant pris soin de positionner un biomatériau préalablement hydraté dans le puits de forage avant impaction Fig. 7 – 10.
Afin d’éviter tout risque d’effraction de la membrane de Schneider, la profondeur de pénétration des ostéotomes sera égale à la hauteur d’os initiale (dans notre cas 4.5 mm).
Le troisième ostéotome viendra compléter le soulevé de la membrane par condensation, en interposant à chaque fois le comblement osseux. Le volume total du biomatériau utilisé doit permettre un gain suffisant pour positionner un implant de longueur 10 mm Fig. 10 – 12.
Une radiographie est effectuée pour contrôler le dôme obtenu, la quantité de biomatériau utilisé étant de 1 cm3 ou 0.5 g Fig. 13.
L’implant Fig. 14 est placé manuellement à l’aide du tournevis universel présent dans la trousse. Les radios post-opératoires objectivent le gain osseux obtenu Fig. 15 – 16.
CAS N°2
Madame N., 43 ans, non fumeuse.
La planification implantaire Fig. 17 – 18 montre que deux implants Axiom PX de diamètre 4 mm et de longueur 10mm pourront être placés après avoir réalisé un aménagement osseux par technique de Summers à l’aide d’ostéotomes à embout concave (épaisseur initiale osseuse = 6 mm).
Les forages initiaux Ø2.0 mm sont effectués à une profondeur de 5 mm Fig. 19. Le premier ostéotome de la séquence est passé avec un complément de biomatériau Fig. 20 – 22 permettant de soulever la membrane par condensation. Le plancher sinusien étant très corticalisé en 25, l’ostéotomie est poursuivie en technique frappée à l’aide du même ostéotome monté sur le manche manuel fourni dans la trousse (maillet non fourni) Fig. 23.
Les inserts 2 et 3 sont ensuite utilisés en technique automatique avec à chaque fois une interposition d’une faible quantité de matériau de comblement dans les puits de forage.
L’embout concave en « grattant » les parois récupère des copeaux d’os qui contribuent à l’augmentation de volume en se mélangeant au biomatériau (la quantité utilisée étant de 0.5 cm3 ou 0.25g par implant) Fig. 24 – 26.
Une radio de contrôle du dôme obtenu est toujours réalisée avant le placement des implants Fig. 27.
Grâce aux impactions automatiques de l’Osteo Safe® manipulé à une main, l’intervention se déroule bien plus rapidement. Le tournevis universel permet la mise en place des implants manuellement sans couple excessif en contrôlant parfaitement l’axe d’insertion Fig. 28.
Les radios post opératoires confirment le gain osseux obtenu et l’angulation adéquate des implants Fig. 29.
Conclusion
Cette nouvelle technique d’élévation sinusienne par abord crestal est élégante à plus d’un titre.
- Ergonomie : en libérant une main le geste est mieux accompagné.
- Efficacité et rapidité : l’impaction constante de bonne intensité et l’absence de préhension du maillet diminuent significativement la durée de l’intervention.
- Sécurité : le praticien moins absorbé par de nouvelles contraintes (quelle force utiliser pour l’impaction ? comment manipuler le maillet et tenir l’ostéotome ?) pourra mieux se concentrer sur l’étape chirurgicale.
- Valorisation du plan de traitement auprès du patient : technique progressive, moins traumatisante et donc mieux acceptée.
À lire
1. DEL FABBRO M, TESTORI T, Systematic rewiew of survival rates for implants placed in the grafted maxillary Sinus. Inc J Periodontics Restaurative Dent. 2004 Dec ; 24(6) : 564-77
2. DEL FABBRO M, CORBELLA S, WEINSTEIN T, CERESOLI V, TASCHIERI S. Implant survival rates after ostéotomemediated maxillary sinus augmentation: a systematic review. Clin Implant Dent Relat Res. 2012 May ; 14, Suppl 1 : e 159-68
3. DI GIROLAMO M, NAPOLITANO B, ARULLANI CA, BRUNO E, DI GIROLAMO S. Paroxysmal positional vertigo as a complication of osteotome sinus floor elevation. Eur Arch Otorhinolaryngo. 2005 Aug ; 262 (8) : 631-3
4. HAGE G. Greffe intrasinusienne par abord crestal. Implant 2004 ; 10 (4) : 259-63
5. SUMMERS RB. The osteotome technique : Part 4- Future site develppement. Compend Contin Educ Dent 1995 nov ; 16(11) : 1090-99
6. TATUM H. Maxillary and sinus implant reconstructions. Dent Clin North Am 1986 ; 30(2) : 207-29
7. LAZZARA RJ. The sinus elevation procedure in endosseous implant therapy. Curr Opin Periodontol 1996 ; 3 : 178 – 83
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9. HANDSCHEL J, SIMONOWSKA M, AND COLL. A histomorphometric meta-analysis of sinus elevation with various grafting materials. Head Face Med 2009 Jun; 5 : 12
10. ESPOSITO M. GRUSOVIN MG, AND COLL. Interventions for replacing missing teeth : augmentation procedures of the maxillary sinus. Cochrane Database Sys Rev.2010 Mar 17; (3) : CD008397
11. VALENTINI P, ABENSUR DJ. Maxillary sinus grafting with anorganic bovine bone : a clinical report of long-termresults. Inc J Oral Maxillofac Implants. 2003 Jul-Aug ; 18 (4) : 556-60
12. CHARBIT Y, DAUNAY N, HITZIG C, MAHLER P. Sécurisation des élévations par abord crestal grâce à la piézochirurgie. Titane 2007 mars ; 4 – n °1 35-39
13. WILTFANG J, SCHULTZEMOSGAU S, MERTEN HA, KESSLER P, LUDWIG A, ENGELKE W.
Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endot 2000 ; 89 : 288- 91
14. CHALARD JJ, ANTOUN H, CHALARD M, MISSIKA P. Elévation du plancher sinusien à l’aide d’ostéotomes. Implant 2002 août ; (3) : 161-73
15. SAADOUN AP, LE GALL MG. PATTI A. L’ostéotome en implantologie : principes et applications cliniques. Implant 1998 mai (2)
16. WALLACE SS , FROUM SJ, TARNOU DP. Endoscopic and Histologic evaluation of sinus elevation procedure : a clinical report.
Inc J Periodontics Restorative Dent. 1996 Feb ; 16 (1) : 46-51
L’auteur déclare un lien d’intérêt avec la société Anthogyr.