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LES DYSHARMONIES DENTO DENTAIRES : UN PROBLÈME ORTHODONTIQUE POUR UNE SOLUTION INTER DISCIPLINAIRE

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INTRODUCTION
« Le changement c’est maintenant ». Tout le monde se souvient de ce slogan politique que l’on pourrait tout à fait généraliser à notre époque mais aussi aux mutations qui s’opèrent dans notre profession. Nous avons passé ces 20 dernières années à assoir les nouveaux principes de la dentisterie contemporaine.
Une dentisterie plus conservatrice et moins invasive que celle de nos pères.
En effet, l’implantologie s’est imposée en omnipratique, la prothèse conjointe et la dentisterie conservatrice tendent à ne faire plus qu’un, et l’orthodontie adulte connait un essor sans précédent grâce à l’émergence des aligneurs.
Il est clair que nous passerons ces prochaines années, certes à penser encore et toujours de nouveaux concepts, mais surtout à persévérer dans la voie que nous avons tracé en rendant nos thérapeutiques plus conservatrices, plus efficaces et plus prédictibles.
Le Digital étant devenu un élément incontournable de notre époque, nous pouvons aujourd’hui l’utiliser, non pas pour penser à notre place (du moins pas encore) mais pour anticiper chacun de nos gestes afin de les rendre plus justes et plus sûrs.
Dans le domaine de l’orthodontie, l’avènement de l’informatique a été un tournant majeur en permettant la réalisation de set up. Ces derniers aidant à simuler le futur positionnement des dents de nos patients, d’en apprécier les mouvements mais aussi d’incorporer des éléments de détails dans nos finitions et ce, dès le début de notre traitement.
Dans les traitements conventionnels, le positionnement des brackets orthodontiques ne se fait donc plus de manière empirique et peut être transféré en bouche à l’aide de gouttières (collage indirect) (Fig. 1)

Fig. 1 : conception d’une gouttière de repositionnement pour
collage indirect. (Indirect bonding studio®)

Quant aux traitements par aligneurs, la modélisation informatique tient un rôle central. En étant la clef de
voute de ce type de traitements, elle permet ainsi la réalisation de traitement complets et non plus
seulement de petites corrections d’alignements de fin de traitement. (Fig. 2)

Fig 2 : set up numérique pour traitement orthodontique par aligneurs. (Clincheck Invisalign®)

En ce qui concerne l’omnipratique, bon nombre de logiciels nous permettent aujourd’hui de simuler les
futures réhabilitations esthétiques en réalisant des wax up virtuels et d’en apprécier directement le rendu
esthétique sur le visage de nos patients (fig. 3).
L’utilisation de mock up issus de ces simulations nous permet ainsi de procéder au transfert des données
afin de prévisualiser le résultat avant tout travail de préparation.

Fig. 3 : réalisation d’un wax up digital sur Smile Creator Exocad®

Toutefois, il est important de ne pas croire qu’il est possible de tout mettre entre les mains de la technologie. Le digital reste uniquement une aide nous permettant de faire nos choix thérapeutiques de manière plus éclairée et plus avisée.
L’informatique ne peut décider du positionnement, de la morphologie et des proportions de nos réhabilitations en prenant en compte tous les éléments cliniques et médicaux qui leur sont associées. Nous restons irrémédiablement les seuls maîtres de nos choix thérapeutiques.

LA DYSHARMONIE DENTO DENTAIRE (DDD) ET SA PROBLÉMATIQUE ESTHÉTIQUE
Une des situations la plus courante (1,2) et pourtant la plus complexe en orthodontie est la gestion des espaces antérieurs ou la gestion de la dysharmonie dento-dentaire (DDD).
Très souvent, ces situations doivent nécessiter une prise en charge mixte, par l’orthodontiste et l’omnipraticien, afin d’obtenir un résultat optimal et une réhabilitation minimaliste. D’ailleurs, nombreux sont les patients traités en orthodontie laissés en fin de traitement avec des espaces résiduels en antérieur ou des rapports non équilibrés par mauvaise compréhension de cette problématique (6).
L’objectif de cet article est d’aider nos confrères orthodontistes et omnipraticiens à mieux comprendre cette problématique et à expliquer les possibilités thérapeutiques en fonction des différentes situations pour une prise en charge globale et raisonnée.

L’INDICE DE BOLTON (OU ANALYSE DE CONCORDANCE DES ARCADES)
L’indice de BOLTON est un élément diagnostic parfaitement décrit dans la littérature mais mal connu de la profession. (3)
Cet indice, souvent utilisé par nos confrères orthodontistes lors de réalisation de set up permet de repérer une éventuelle dysharmonie dento dentaire.
En effet, lors d’un traitement d’orthodontie – pour obtenir une bonne occlusion et un emboitement optimal et fonctionnel des arcades – l’arcade maxillaire et l’arcade mandibulaire doivent être proportionnelles en taille (non pas équivalente).
L’indice de Bolton est obtenu par la somme des diamètres mésio-distaux de chaque dent définitive.
La somme de l’arcade maxillaire est alors comparée à celle de l’arcade mandibulaire. À partir d’un tableau de valeur (Table de Bolton Fig. 4), il nous est possible de déterminer si les mesures obtenues correspondent aux valeurs de référence.

Fig. 4 : tables de Bolton (valeurs de référence de proportionnalité
des arcades)

Lorsque qu’il existe une disproportion entre les arcades maxillaires et mandibulaires, on parlera de dysharmonie dento-dentaire (Tooth size discrepancy).
De plus, grâce aux tables de Bolton, il nous est possible de déterminer la localisation de la dysharmonie dento dentaire. (secteur antérieur de 3 à 3 ou secteur de molaires à molaires).
Les dysharmonies dento dentaires sont facilement identifiables dans les situations présentant des agénésies dentaires. Elles le sont un peu moins lors de la présence d’une microdontie ou d’une dent riziforme.
Pourtant, même en présence de dents ne présentant visuellement aucune anomalie de forme, une dysharmonie dentaire peut exister, rendant ainsi la réalisation des finitions du traitement (fermeture des
espaces résiduels) orthodontique complexe.
Enfin, grâce aux tables de Bolton, il nous est possible d’anticiper les proportions de nos futures réhabilitations prothétiques afin de rendre à notre patient le sourire le plus naturel et le plus harmonieux possible.

DDD PAR EXCÈS, DDD PAR DÉFAUT
La dysharmonie dento dentaire prend toujours l’arcade maxillaire en référence afin d’établir si l’arcade mandibulaire est en défaut ou en excès.
Dans les faits, l’origine de la DDD peut se trouver soit à l’arcade maxillaire soit à l’arcade mandibulaire et c’est à l’opérateur de desceller son origine (Fig. 5).

Fig. 5 : classification des DDD

En fonction des problématiques associées et du contexte clinique, les DDD peuvent être résolues soit par :
• une réduction interproximale des dents identifiées comme « en excès » (4)
• une augmentation des diamètres mésio distaux des dents identifiées comme « en défaut »
Ex : dans le cas d’une DDD positive, c’est-à-dire « par excès », l’origine peut être soit :
• une taille réduite des dents antérieures maxillaires pouvant être localisée sur plusieurs dents ou bien concentrées sur certaines (ex : dents riziforme)
• un diamètre excessif des dents antérieures mandibulaires ( entrainant un bout à bout incisif et des rapport antérieurs de classe III ). (Fig. 6)

Fig. 6 : exemple de différentes DDD dites par « excès »

Dans le cas d’une DDD négative, c’est-à-dire par défaut, l’origine peut être soit :
• une taille réduite des dent antérieures mandibulaire à l’origine d’un surplomb résiduel anormal (caractéristique des classes II pourtant associées à une classe I canine et molaire associées)
• un diamètre excessif des dents antérieures maxillaires (Fig. 7).

Fig. 7 : DDD par défaut avec augmentation du surplomb

CHOIX THERAPEUTIQUES
Le diagnostic de la DDD et l’établissement de son origine entraineront des choix et des gestes thérapeutiques différents.
Un travail de finitions pourra faire intervenir l’orthodontie, la dentisterie restauratrice ou bien une combinaison des deux disciplines :
• l’orthodontie pour la distribution des espaces ou la réduction de proportions par stripping
• la dentisterie restauratrice pour la reconstruction des dents « sous proportionnées » par le biais de restaurations directes ou indirectes (Fig. 8).

Fig. 8 : critères de décision des DDD

En effet, dans bon nombre de situations, et afin d’optimiser l’esthétique ainsi que la fonction, l’orthodontie et la dentisterie restauratrice devront travailler de pair.
Néanmoins, chaque geste thérapeutique à ses exigences et ses limites.
Le stripping doit :
• respecter l’anatomie de la dent et son intégrité au-delà de l’émail
• respecter une distance inter-radiculaire de 2 mm
• pour les dents antérieures maxillaires, ne pas stripper au-delà du rapport longueur largeur idéal
Les reconstructions antérieures doivent :
• fermer les espaces sans inverser les rapports longueur/largeur (dent trop larges).
L’ouverture d’espaces et le positionnement des dents et leur inclinaison doivent :
• être conditionnés au projet esthétique
• permettre des rapports fonctionnels

CAS CLINIQUE 1
La patiente se présente pour une prise en charge orthodontique.
Lors de l’analyse endobuccale, on découvre la présence d’une dent riziforme masquée par l’encombrement des dents antérieures (Fig. 9a).

Fig. 9a : situation initiale et analyse de Bolton

Lors de la réalisation du set up, une analyse de Bolton est réalisée afin d’évaluer l’importance de la DDD.
Comme prévu, il s’agit d’une DDD par « excès mandibulaire » avec pour origine principalement le maxillaire » en raison de la présence de la dent riziforme (Fig. 9b).

Fig. 9b : set up final (clincheck Invisalign)

Néanmoins, l’analyse de la DDD met en avant une DDD de 5,36 mm.
En décomposant la situation :
• l’ouverture d’espace autour de la dent riziforme ne nécessite que 2 mm (la dent 12 présente un diamètre de 5,30 mm contre 7,36 mm pour la 22)
• Les proportions des dents antérieures maxillaires répondant aux critères et proportions esthétiques, l’excèdent de 3,3 mm restant devra forcément être corrigé par du stripping à l’arcade mandibulaire afin d’obtenir un guide antérieur fonctionnel.
Un traitement orthodontique par aligneur est donc réalisé (Fig. 9c).

Fig. 9c : aligneurs en bouche

Des espaces sont ouverts autour de la 12 et du stripping est réalisé à l’arcade mandibulaire afin de corriger précisément la valeur de la DDD (Fig. 9d).

Fig. 9d : fin de préparation ortho – Noter les espaces autour de 12Dans ce contexte, les critères esthétiques et la fonction étant parfaitement respectées, il n’est pas nécessaire de réaliser un mock up afin de valider le résultat final.
Un montage en technique directe par composite est donc réalisé afin de fermer les espaces ouverts au niveau de 22. (Figs. 9e et 9f) et redonner un sourire harmonieux à la patiente.

Fig. 9e : fin de traitement après montage composite

Fig. 9f : sourire final de la patiente

CAS CLINIQUE 2
La patiente se présente pour une prise en charge globale du sourire, après 2 traitements d’orthodontie qu’elle estime inaboutis.
A l’examen intrabuccal, on découvre une classe II subdivision gauche (5-6) et des dents antérieures aux
proportions accentuées qui laisse suspecter une DDD « par excès » (Fig. 10a).
Lors de la réalisation du set up, une analyse de Bolton est réalisée afin d’évaluer l’importance de la DDD.
Comme prévu, il s’agit d’une DDD par « excès mandibulaire » dû à la présence de dent disproportionnées au maxillaire (Fig. 10b) (7).
Les précédents traitements orthodontiques avaient fait le choix de fermer les espaces antérieurs aux dépends des rapports postérieurs.
Un traitement ortho prenant en compte la DDD permettra de corriger cette fois ci, à la fois la fonction en corrigeant les rapports postérieurs mais aussi l’esthétique en améliorant l’harmonie et les proportions des dents antérieures.

Fig. 10a : situation initiale – Notez la classe II subsistante coté
gauche même en l’absence de surplomb

Fig. 10b : set up final et analyse de Bolton

Un dispositif orthodontique par aligneurs a été privilégié.
Des espaces ont été ouvertes autour des dents 12 et 22 principalement à l’origine de la DDD et aucun
stripping mandibulaire n’a été nécessaire afin de corriger la DDD de 3 mm environ.
Après une correction de la classe II gauche et une distribution précise des dents antérieures dans le
respect des critères esthétiques, un montage en technique directe par composite est donc réalisé en
fin de traitement afin de fermer les espaces ouverts autour de 12 et 22 (Fig. 10c).

Fig. 10c : ouverture des espaces et montage des composites

Le sourire de la patiente est restauré. La prise en compte de la DDD dans le diagnostic initial a permis de répondre aux exigences fonctionnelles en corrigeant les rapports postérieurs, mais aussi en répondant à la demande esthétique en restaurant le sourire avec des dents antérieures mieux proportionnées (Fig. 10d).

Fig. 10d : photo intrabucalle finale – Noter les parfaite correction
des milieux interincisifs

DISCUSSION
Le développement des outils numériques en orthodontie a permis la réalisation de traitements par aligneurs plus adaptés à l’adulte et plus facilement acceptables.
Ces dispositifs, propulsés par l’intelligence artificielle et le calcul automatisé de valeurs et d’indices tels que celui de Bolton, permettent aujourd’hui de réaliser des traitements orthodontiques plus prédictibles et mieux aboutis.
Pourtant, les choix qui découlent du diagnostic initial, ne peuvent être réalisés à la place du clinicien.
Dans le cadre des DDD, c’est à l’orthodontiste et non au technicien qui s’occupe du set up, de choisir comment résoudre la discordance des arcades en réalisant du stripping, ou en ouvrant des espaces.
Ce qui rend la chose plus complexe, c’est que les solutions aux DDD ne sont pas systématiquement dans les mains de l’orthodontiste (notamment dans la réalisation de composites de fermeture d’espaces) et il est illusoire de penser que l’ensemble de ces situations peuvent se résoudre uniquement par du stripping interdentaire.
Néanmoins, la qualité et l’intégration des restaurations finales est irrémédiablement conditionnée à la réflexion de ce dernier et dans sa manière de distribuer les dents antérieures. C’est donc ce passage de témoin entre l’orthodontiste et l’omnipraticien qui fait le plus souvent défaut et ne permet pas la réalisation de finitions abouties (8).

Fig. 11 : smile architect Invisalign

CONCLUSION
Aujourd’hui de nouvelles solutions, (tel que Smile architect, proposé par Align technology) commencent à émerger (Fig. 11). Ces outils numériques ont pour but de faire le liant entre l’orthodontiste et l’omnipraticien en conditionnant le set up orthodontique et le positionnement des dents aux futures restaurations prothétiques. Les dents du set up sont guidées par un calque numérique correspondant aux futures dents et au sourire final. Ces calques numériques sont en fait un mock up basé sur les proportions idéales répondant aux critères esthétiques : la fusion entre un set up orthodontique et un smile design.
A terme, ces outils permettront de répondre de manière plus objective et prédictible aux problématique esthétiques dans leur ensemble et plus particulièrement aux dysharmonies dento dentaires. L’émulation des connaissances orthodontiques associées aux techniques de restaurations non invasives permettront de proposer à l’avenir des traitements esthétiques et fonctionnels ne nécessitant aucune préparation prothétique.

BIBLIOGRAPHIE

  1. Othman S, Harradine N. Tooth size discrepancies in an orthodontic population. Angle Orthod. 2007 Jul;77(4):668-74. doi: 10.2319/031406-102. PMID: 17605478.
  2. Sharma R, Kumar S, Singla A. Prevalence of tooth size discrepancy among North Indian orthodontic patients. Contemp Clin Dent. 2011 Jul;2(3):170-5. doi: 10.4103/0976-237X.86445. PMID: 22090759; PMCID: PMC3214522.
  3. Othman SA, Harradine NW. Tooth-size discrepancy and Bolton’s ratios: a literature review. J Orthod. 2006 Mar;33(1):45-51; discussion 29. doi: 10.1179/146531205225021384. PMID: 16514133.
  4. Lapenaite E, Lopatiene K. Interproximal enamel reduction as a part of orthodontic treatment. 2014;16(1):19-24. PMID: 24824056.
  5. Ittipuriphat I, Leevailoj C. Anterior space management: interdisciplinary concepts. J Esthet Restor Dent. 2013 Feb;25(1):16-30. doi: 10.1111/j.1708-8240.2012.00515.x. Epub 2012 May 29. PMID: 23374405.
  6. Cançado RH, Gonçalves Júnior W, Valarelli FP, Freitas KM, Crêspo JA. Association between Bolton discrepancy and Angle malocclusions. Braz Oral Res. 2015;29:1-6. doi: 10.1590/1807-3107BOR-2015.vol29.0116. Epub 2015 Oct 20. PMID: 26486769.
  7. McGowan S. Characteristics of Teeth: A Review of Size, Shape, Composition, and Appearance of Maxillary Anterior Teeth. Compend Contin Educ Dent. 2016 Mar;37(3):164-171;quiz172. PMID: 26977896.
  8. Espíndola-Castro LF, de Melo Monteiro GQ, Ortigoza LS, da Silva CHV, Souto-Maior JR. Multidisciplinary Approach to Smile Restoration: Gingivoplasty, Tooth Bleaching, and Dental Re-anatomization. Compend Contin Educ Dent. 2019 Oct;40(9):590-599. PMID: 31573218.

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A propos de l'auteur

Dr Ruben Abou

Chirurgien dentiste
Exercice Privé Paris 16 en
Orthodontie et Dentisterie
adhésive
DU d'esthétique du Sourire
de Strasbourg
Certificat en ODF de l'Ecole
supérieur d'orthodontie

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