La nostalgie est humaine, c’était toujours mieux avant. Mais en implantologie dentaire ce n’est pas vrai. Je m’en rends d’autant plus compte que j’ai troqué il y a 4 ans mes bistouris pour des pinceaux et de la peinture ; donc j’ai du recul, comme on dit…
L’implantologie des années 80 fait maintenant un peu figure de dinosaure fossilisé.
Il est difficile de penser qu’on ne disposait généralement que d’une radio panoramique et d’une simple grille plastique transparente affichant la déformation radiographique pour déterminer les dimensions des implants et aider à leur positionnement… Assez primitif…
Difficile également de croire aujourd’hui qu’on les laissait enfouis « en nourrice » pendant 6 mois.
Et gare aux pressions et autres micromouvements intempestifs sur ces implants usinés, bien lisses avec leurs petites connections hexagonales externes sources de fréquents dévissages !
Passons pudiquement sur les vis en or comme solution à ce problème.
L‘implantologiste était un aristocrate très jalousé, les trousses chirurgicales accordées par la compagnie suédoise leader du marché qu’après un quasi examen de passage… payant.
L’implantologie était une espèce de club privé pour « happy few ».
On plaçait les implants seulement là où il y avait une masse osseuse suffisante, et pas inclinés surtout ( c’était contre le règlement ). La prothèse n’avait qu’à bien se tenir et s’y plier… acrobatiquement.
Les greffes étaient l’affaire de super spécialistes allant prélever au crane ou à la crête iliaque bref ce n’était pas un long fleuve tranquille. Mais c’était long. La patience était une grande vertu… et les cavités sinusiennes et autres zygomas des « no-man’s land « à soigneusement éviter.
Je me souviens d’un conférencier littéralement hué , conspué par ses collègues, parce qu’il avait présenté un cas clinique ou était placé un implant en remplacement de chacune des dents manquantes. Gros scandale, il fut traité de mercantile…
Les implants étaient surtout destinés à être des piliers de bridges et avec des mises en charge différées. Des pilotis ou l’esthétique n’était pas la qualité première.
C’était hier… c’était pourtant il y a seulement 40 ans.
Mais aujourd’hui c’est un peu mieux.Tout le monde place des implants, même au fin fond des pays du tiers monde. C’est bon marché et il y a même des voyages organisés all inclusive, c’est pour dire ! S’il est vrai que cette spécialité, qui ne semble plus en être une, s’est démocratisée, c’est grâce à de nombreux développements dont les patients ont été les premiers à bénéficier et dont les praticiens peuvent se féliciter chaque jour :
Les greffes gingivales, la régénération osseuse guidée, le traitement des défauts verticaux avec des membranes conceptualisées en 3D, le relevé du plancher sinusien, l’utilisation des zygomas, la préservation alvéolaire, l’extraction –implantation immédiate, la mise en esthétique immédiate (ou en charge…), All on 4 ou All on 6, la numérisation du projet prothétique comme guide implantaire, les biomatériaux, l’évolution des états de surface pour une ostéointégration plus rapide, les implants en céramique, etc…
L’arrivée (en trombe) des systèmes implantaires low-cost, plus facilement accessibles à un grand nombre, a participé à la démocratisation de l’implantologie dentaire.
Il en résulte cependant une situation où tous les implants se ressemblent, un peu comme des clones, de la gamme low-cost à celle Premium, et où fabricants, praticiens et patients ont du mal à s’y retrouver et à justifier de pareilles différences de prix, puisqu’à la fin il y a bien intégration et fonction. Le prix de la recherche et du développement probablement…
Alors où est l’avenir ? On voit dès à présent l’évolution de l’imagerie médicale et des technologies digitales dans notre quotidien. Si l’on ajoute la véritable révolution que constitue l’Intelligence Artificielle on peut facilement imaginer que nos lendemains seront fait de modélisation 3D, reconstruction virtuelle, clone digital, et d’un guidage complet… prémisse d’une automatisation de nombreux actes chirurgicaux. Les robots seront peut-être les garants d’une maitrise chirurgicale augmentée, de plus de sécurité, et d’une moindre invasivité de nos procédures.
Une vraie révolution est en marche.
La digitalisation de la dentisterie implantaire va inévitablement aboutir à une « customization » des implants. Au lieu de n’attendre de l’industrie que des produits standardisés les cliniciens seront à la recherche de services personnalisés, comme c’est déjà le cas des piliers et des prothèses, et donc d’implants dentaires personnalisés spécifiques à chaque patient en fonction de ses caractéristiques anatomiques et de sa densité osseuse.
L’impression 3D de titane fera sans doute partie de cette transformation digitale en permettant des implants partiellement perméables à la pénétration osseuse, surmesure, véritablement intégrés à l’os comme cela existe déjà en orthopédie.
Adieu les stocks de produits standards, bienvenus les dispositifs médicaux personnalisés et directement livrés au cabinet !
Einstein dit préférer l’imagination à la connaissance car si cette dernière permet d’aller d’un point A à un point B la première peut nous conduire n’importe où.
J’approuve…
« Tout ce qu’on invente est vrai » écrit Flaubert.