INTRODUCTION
Un maxillaire atrophique peut avoir une origine congénitale, traumatique, tumorale ou iatrogénique par échec de greffe ou de traitement implantaire.
La résorption peut également être physiologique et résulter d’une fonte alvéolaire post-extractionnelle combinée à la pneumatisation des sinus.
Un maxillaire sévèrement atrophique ne peut pas être réhabilité par une prothèse fixe supportée par des implants conventionnels.
L’approche thérapeutique peut être une reconstruction des tissus durs par des procédures d’augmentation osseuse telles que la greffe de sinus, les greffes d’apposition, les ostéotomies maxillaires, et d’aménagement des tissus mous par greffes gingivales.
Cependant la réussite des techniques de reconstruction dépend essentiellement du potentiel de cicatrisation osseuse du patient, de son âge, de son état général et de la qualité et quantité de l’os receveur résiduel.
De plus, les techniques de greffe et de régénération osseuse ou gingivale impliquent un délai important, allant de 4 et 12 mois, avant de procéder à l’implantation puis enfin à une réhabilitation fonctionnelle et esthétique fixe.
Lors de cette période d’ossification puis d’ostéointegration des implants, la temporisation est à la fois un problème technique pour les praticiens et un souci psychologique pour les patients.
Les approches sans greffe avec l’utilisation d’implants inclinés permettent une temporisation fixe en mise en charge immédiate mais trouvent cependant leur limite lorsque le contexte osseux crestal est très déficient.
De ce fait, l’utilisation des implants transzygomatiques permet en une seule chirurgie d’obtenir des ancrages prothétiques et de mettre immédiatement en charge une prothèse provisoire fixe transvissée offrant ainsi très rapidement un confort et une qualité de vie aux patients (Fig. 1).
L’efficacité des implants zygomatiques a été démontrée pour le concept de “quad zygoma”, utilisé dans des
cas où il y a une absence totale d’os alvéolaire maxillaire empêchant la pose d’implants axiaux dans le maxillaire antérieur (Fig. 2 et 3).
Les implants zygomatiques sont également utilisés dans des situations de crête extrêmement déficiente et viennent compléter, de manière unilatérale ou bilatérale, les implants conventionnels. Le nombre final d’implants zygomatiques varie de un à quatre, en fonction de l’étendue de la perte osseuse (Fig. 4 et 5).
Il est établi que le traitement par quatre implants zygomatiques (Quad Zygoma) permet une réhabilitation
complète fixe d’un maxillaire fortement résorbé (Fig. 6).
Deux implants zygomatiques sont alors ancrés dans chaque os zygomatique (Fig. 7).
Les implants antérieurs sont positionnés dans la région des incisives latérales et les implants postérieurs dans la région de la deuxième prémolaire ou première molaire. Une parfaite stabilité des implants et une attelle de contention rigide avec une prothèse en résine permettent la mise en place du bridge provisoire fixe le jour de la chirurgie.
La prothèse définitive est en métallo-résine avec une armature CADCAM titane.
L’os peut être absent dans les zones prémolaires et molaires en raison de la résorption alvéolaire, de la pneumatisation des sinus ou d’une combinaison des deux. La pose de deux implants zygomatiques est alors indiquée conjointement à deux implants conventionnels dans la zone prémaxillaire. Cette solution est bien documentée scientifiquement et peut être considérée comme une alternative valable aux procédures de greffe dans le maxillaire atrophié. La position idéale des têtes implantaires zygomatiques est dans la région des premières molaires pour éviter un porte-à-faux prothétique distal aux implants zygomatiques. Il est donc essentiel de ne pas placer l’apex de l’implant dans une position qui pourrait empêcher l’utilisation de l’os zygomatique pour un éventuel second implant zygomatique à l’avenir (Fig. 8).
Le recul sur les traitements All-on-4 et le taux de succès des Quad Zygomas ont prouvé que la répartition
spatiale des implants est primordiale pour la biomécanique des forces.
Les implants zygomatiques dispersent les contraintes vers les os zygomatiques et cranio-faciaux du côté affecté, tandis que la répartition des forces sur la prothèse est rationnelle sur l’ensemble du maxillaire.
Ainsi, lorsqu’une région du maxillaire est atrophiée, résorbée ou accidentée, le traitement implantaire peut être asymétrique avec des implants zygomatiques sur le côté déficient complétant des implants conventionnels droits ou inclinés dans l’os alvéolaire disponible (Fig. 9).
De même, les patients portant une prothèse complète maxillaire, avec une mandibule dentée dans le secteur incisivo-canin et un édentement postérieur bilatéral libre, présentent souvent un volume osseux insuffisant au niveau du maxillaire antérieur, en hauteur ou en épaisseur, tandis que le volume osseux est suffisant dans les secteurs postérieurs. Cela résulte de la recherche du contact avec les dents antérieures naturelles de la mandibule, provoquant une résorption totale dans la région prémaxillaire. Dans ces cas, les implants zygomatiques sont placés en antérieur malgré le manque d’épaisseur et/ou de hauteur, tandis que les implants conventionnels sont placés dans les régions postérieures maxillaires (Fig. 10). Dans toutes ces situations asymétriques, la combinaison des implants zygomatiques et conventionnels permet de réhabiliter le maxillaire tout en autorisant la mise en charge du bridge transitoire fixe.
Une fois les indications et l’intérêt des implants zygomatiques bien établis, il est important de
connaitre les règles à respecter pour éviter des complications et des échecs.
Il s’agit de principes chirurgicaux et prothétiques.
Idéalement, un implant zygomatique est inséré dans la crête alvéolaire résiduelle. Ensuite, il est introduit dans la base de l’os zygomatique, qu’il traverse avant de ressortir à la surface au niveau de son cortex latéral.
Cela assure une stabilisation “quadri-corticale” complète de l’implant grâce à l’os crestal, au plancher du sinus maxillaire, au toit du sinus maxillaire et au cortex latéral de l’os zygomatique (Fig. 11).
La distance entre le trou d’accès à la vis sur la plateforme de l’implant et la fosse centrale des dents postérieures dépend directement de l’étendue de la résorption médiale de la crête alvéolaire. Selon l’étendue de cette résorption, le trou d’accès peut ou non dépasser du centre des faces occlusales.
Les praticiens n’ont pas besoin de suivre rigidement une trajectoire intra ou extra-sinusienne, car les contours de la paroi latérale du sinus déterminent si le corps de l’implant se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur du sinus. Si la paroi latérale du sinus est convexe, la majeure partie du corps sera à l’intérieur du sinus ou de la paroi sinusienne, et la tête de l’implant se situera dans la crête alvéolaire (Fig. 12).
Si la paroi latérale du sinus est concave, le corps de l’implant sera à l’extérieur du sinus (Fig. 13).
La plateforme de l’implant peut être à peine en contact avec l’os crestal ou pas du tout soutenue par l’os alvéolaire (Fig. 14) en raison de la résorption sévère, du traumatisme ou de la résection maxillaire. Dans de tels cas, l’implant zygomatique n’est pas placé dans la crête, et il n’y a pas assez d’os pour couvrir le collet de l’implant.
Il est donc important de créer une ostéotomie qui couvre autant que possible le corps et le collet de l’implant. Dans ces situations, l’implant doit être conçu pour être enfoui le plus profondément possible dans l’os résiduel et aligné avec les contours osseux.
Cependant, la perte de volume n’est pas seulement une question de perte de hauteur suite à la résorption alvéolaire ou à la pneumatisation sinusienne. La résorption centripète entraîne une perte de largeur, réduisant l’os maxillaire sagittalement. Dans les cas extrêmes, la présentation peut sembler presque prognathique. Cet écart entre les mâchoires rend difficile le placement de la tête de l’implant dans une position dentaire anatomiquement correcte.
Pour placer un implant dans la position restauratrice idéale, il est nécessaire de recréer le volume osseux original. Cependant, la plupart des patients hésitent à subir ce type de procédure de greffe en raison du temps que cela prend, de la morbidité associée et de l’incompatibilité avec le port d’une prothèse fonctionnelle provisoire. Ainsi, bien qu’émergent plus palatin que la position restauratrice idéale, les implants zygomatiques représentent une alternative viable aux greffes osseuses même pour les patients totalement édentés avec une résorption horizontale étendue.
L’implant zygomatique est inséré dans l’os crestal du côté palatin pour préserver une crête osseuse vestibulaire (Fig. 15).
Cette crête vestibulaire présente deux avantages.
Premièrement, comme l’a décrit Freedman (Freedman 2013, Freedman 2015), l’os crestal maxillaire résiduel
peut être utilisé pour soutenir la plateforme de l’implant zygomatique, répartissant ainsi uniformément les
charges fonctionnelles. Deuxièmement, l’os soutient le tissu gingival, assurant ainsi une meilleure stabilité
parodontale dans le temps et éliminant le risque de déhiscence vestibulaire, une complication qui ne peut
être corrigée une fois qu’elle survient.
Cependant, pour obtenir des résultats prévisibles et reproductibles quel que soit le niveau de résorption ou
d’os manquant, les praticiens doivent parfaitement comprendre le protocole chirurgical approprié pour
chaque cas. Ils doivent également prêter une attention particulière à l’os, aux gencives et aux tissus
parodontaux (Fig. 16).
La conception prothétique, la facilité d’accès pour le nettoyage et l’entretien assurent le succès à long terme des traitements par implants zygomatiques. Lorsque toutes ces conditions sont remplies, les indications pour ces implants peuvent être élargies et les praticiens peuvent en tirer pleinement parti pour répondre aux besoins de leurs patients.
Pour résumer, l’utilisation des implants zygomatiques ne signifie pas une émergence dans le palais (Fig. 17),
mais parfois un accès plus palatin par rapport au couloir prothétique idéal. Contrairement à de nombreuses croyances, cela n’est pas une gêne pour le patient. En revanche, cela nécessite un design prothétique adéquat pour permettre un excellent accès à l’hygiène. Il est déconseillé, dans un traitement implantaire avec implants zygomatiques, de réaliser une extension prothétique en distale du dernier implant lors de la conception du bridge définitif.
Le recul clinique sur l’ensemble des réhabilitations totales implanto-portées permet de définir un certain nombre de critères décisionnels. Il est important de prendre en considération la dureté des matériaux, leur flexibilité, et la transmission des forces aux implants.
Les bridges céramo-métalliques et céramo-céramiques sur zircone absorbent moins les forces que la résine.
Du fait de la longueur des implants zygomatiques, la présence ou l’absence d’os crestal et sa quantité autour de leur col engendrent plus de micromouvements au niveau de la tête implantaire. De ce fait, les bridges céramo-céramiques sur armature zircone sont totalement contre-indiqués dans les réhabilitations par implants zygomatiques.
La prothèse est toujours transvissée pour éviter toute fuite de ciment et pour pouvoir être démontée
facilement. Le contact de la gencive crestale est avec la base de l’armature en titane qui ne doit pas être
noyée dans la résine (Fig. 18).
L’évaluation radiographique oriente le nombre et le type d’implants qui seront posés et complète l’évaluation clinique pour dicter et prévoir la conception finale de la prothèse. La présence ou l’absence d’une fausse gencive est déterminée par la perte de hauteur osseuse et gingivale et le niveau de la ligne du sourire. La distance entre la gencive crestale et le plan d’occlusion est indicative du degré de résorption des mâchoires. Cette distance doit être mesurée verticalement et horizontalement. Lorsque la perte de hauteur correspond uniquement à la hauteur des dents, ce qui est le cas pour un édenté total avec peu de perte osseuse alvéolaire mais une forte pneumatisation des sinus, alors il n’y a nullement besoin d’une gencive artificielle. De plus, l’émergence implantaire zygomatique sera dans le couloir prothétique.
Le design prothétique aura une conséquence sur l’accessibilité à l’hygiène du patient. Il ne doit y avoir aucun recouvrement ou surplomb de la fausse gencive, si elle est nécessaire, par rapport à la crête gingivale (Fig. 19). L’erreur inacceptable serait de mal évaluer la ligne du sourire et de créer un recouvrement de la crête pour cacher la ligne de transition prothétique. Aucun nettoyage de cette interface ne serait possible.
L’intrados du bridge définitif doit être convexe et lisse, car chaque concavité deviendrait un piège de nourriture, de plaque et de tartre.
CONCLUSION
La synergie de plusieurs implants zygomatiques utilisant des points d’ancrage à distance ou leur combinaison avec des implants conventionnels permet d’éviter la greffe osseuse, de raccourcir les délais et de passer à une mise en charge immédiate.
Cependant, cette technique efficace et reproductible demande une for te connaissance anatomique et une
régularité dans la pratique. Bien maîtrisés, ils offrent des perspectives thérapeutiques vastes. Pour cela, il
fau t maîtriser tous le s détails chirurgicaux, parodontaux e t prothétiques. La conception de la prothèse définitive doit être planifiée dès les premières consultations pour pouvoir répondre au mieux à la mastication, la phonation et au sourire du patient. La ligne du sourire et le degré de résorption verticale, horizontale ou combinée définissent la présence ou l’absence de fausse gencive et une élévation de la dimension verticale d’occlusion. Les formes de contour finales doivent également répondre aux exigences d’hygiène et de maintenance.