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LE FLUX NUMÉRIQUE DANS LE TRAITEMENT DE L’ÉDENTÉ COMPLET : PLACE ET PERSPECTIVE DE L’EMPREINTE OPTIQUE À PROPOS D’UN CAS CLINIQUE

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En 1974, François DURET présentait sa thèse de fin d’étude odontologie sur l’empreinte optique. Qui aurait pensé qu’il aura fallu attendre 40 ans pour que cette idée devenue concrète se démocratise au sein des cabinets dentaires, en omnipratique, en orthodontie, et en implantologie.

Depuis les années 2010, les caméras ne cessent d’évoluer, en rapidité, en précision, en technicité, permettant aux praticiens un travail prothétique de qualité, alliant rapidité et confort pour le patient. Au début des années 2010 (1), l’empreinte optique commence à remplacer l’empreinte physique dans le mise en charge immédiate en implantologie. Les limites de ces techniques sont alors rencontrées et permettent de faire évoluer les caméras : présence de sang, rapidité, précision, compréhension des matériaux prothétiques, échange avec les laboratoires de prothèse… Par la présentation de ce cas clinique, traité en 2016, cet article va décrire, dans le cas du traitement d’un édenté complet, l’évolution des empreintes optiques utilisées dans la mise en charge immédiate, leurs limites et leurs perspectives.

PRÉSENTATION DU CAS

M. M. âgé de 32 ans, sans contre-indication à l’implantologie, se présente au cabinet pour une demande de réhabilitation maxillaire complète fixe sur implants. Il présente un édentement de 16 à 26, seules les 7, en occlusion avec l’arcade antagoniste, sont présents et préservent la Dimension Verticale d’Occlusion. Les extractions maxillaires, selon ses dires, datent d’il y a 6 mois. (Fig. 1)

Figure 1 : panoramique de situation initiale.

Il porte une prothèse amovible partielle pour compenser ses endentements. Cliniquement, il présente une parodontite avancée, pour laquelle il est traité et stabilisé. Son maxillaire présente une quantité de gencive adhérente et kératinisée importante. (Fig. 2)

Figure 2 : situation clinique endobuccale.

PRÉPARATION PRÉ-OPÉRATOIRE CLINIQUE ET DE LABORATOIRE

Il a été décidé, au vu de la situation clinique et sous réserve d’une validation par un examen radiologique 3D, de traiter ce patient selon une chaine du numérique complète.(2)

A partir d’une empreinte optique initiale de situation (maxillaire, mandibule et occlusion grâce à la présence des 7), le fichier .stl obtenu est envoyé au laboratoire de prothèse afin qu’un projet prothétique virtuel soit élaboré, sur ces empreintes numériques. (Fig. 3)

Figure 3 : empreinte optique initiale et projet prothétique virtuel (laboratoire Julien MONTENERO).

L’intérêt de ce processus numérique, est de pouvoir, en temps réel, et par partage d’écran, communiquer avec le laboratoire de prothèse afin d’affiner, d’améliorer, de modifier ce projet prothétique quasiment en instantanée selon nos doléances et celles du patient.

Une fois le projet prothétique désigné et validé, il va être usiné en résine PMMA afin de pouvoir valider en bouche, avec le patient, son intégration esthétique, et fonctionnel. (Fig. 4)

 

Figure 4 : essayage en bouche du projet prothétique usiné.

C’est seulement après ces différentes étapes que la planification des implants pourra être réalisée, en relation avec un projet prothétique représentant ce que seront exactement le bridge provisoire et le bridge définitif.

Un Cone Beam moyen Champs est réalisé. Via les logiciels de planification, le fichier numérique STL de l’empreinte optique avec son wax up virtuel va être matché (superposé) au fichier DiCom du Cone Beam. (Fig. 5)

Figure 5 : matching des fiches STL et Dicom.

Ce matching est possible grâce à la présence d’éléments remarquables (au moins 3 points) présents sur les 2 fichiers. Ici en l’occurrence, la présence des 2ème molaires maxillaires.

Ainsi, il sera obtenu sur le même fichier : l’os du patient, des dents, sa muqueuse et le projet prothétique, tous visualisés ensembles.(3)

La planification des implants va alors pouvoir être réalisée dans les volumes osseux disponibles, à distance des obstacles anatomiques, en relation avec le projet prothétique, et le choix des piliers prothé- tiques Multi Unit va pouvoir être anticipé grâce à la matérialisation précise de l’épaisseur de muqueuse. Dans le cas présent, 6 implants ont été planifiés.

Compte tenu de l’épaisseur des volumes osseux et de la grande stabilité des tissus mous adhérents, il est décidé de réaliser une chirurgie guidée Full Guided, dont la stabilité du guide sera assurée.(4) (5) (6)

L’autre intérêt de cette chirurgie, inscrite dans une chaine numérique complète, réside dans le fait que les saignements post opératoires seront réduits et n’empêcheront pas la caméra d’enregistrer la position des transferts d’empreintes numériques en fin de chirurgie.

En effet, l’expérience clinique dans la mise en charge immédiate en CFAO nous a appris les premières années que les caméras étaient perturbées par la présence de sang qu’elles considéraient comme une zone de vide, pouvant même aller jusqu’à éliminer les Scan body (transferts d’empreintes numériques) lors de l’affinage de l’image si trop de sang entourait ses derniers.

Ainsi, un guide à appui dento muqueux, de type full guided, stabilisé par 3 clavettes, et imprimé par méthode externalisé, est commandé. (Fig. 6)

Figure 6 : planification et design du guide.

CHIRURGIE ET EMPREINTE OPTIQUE POST CHIRURGICAL

Après essayage du guide (contrôle de sa stabilité, et de son bon positionnement par les fenêtres d’inspections présentes sur les molaires encore sur l’arcade), (Fig. 7) une analgésie loco-régionale est réalisée. Le guide est positionné, claveté et l’ensemble des implants posés en flapless. (Fig. 8)

Figure 7 : essayage du guide en bouche

Figure 8 : chirurgie full guided Flapless.

Puis le guide est retiré, et les piliers multi unit, choisis lors de la planification en fonction de l’épaisseur de muqueuse, sont vissés sur les implants. Sur ces derniers sont vissés les transferts d’empreinte numérique prêts à être enregistrés par la caméra. Ils transféreront au laboratoire de prothèse le positionnement des implants. (Fig. 9Au maxillaire, les empreintes numériques chez l’édenté complet (ou pseudo complet ici) fonctionnent plutôt bien. En effet, les caméras ont besoins de repères immobiles et stables pour réaliser leur cheminement d’enregistrement. 

Figure 9 : empreinte optique post chirurgicale.

Dans ce cas précis, la muqueuse palatine, non décollée (donc non modifiée) au moment de la chirurgie grâce à la technique du full guided, permet, par son anatomie marquée, à la caméra d’avoir suffisamment de repères pour ne pas se perdre au moment de l’empreinte. De plus, comme expliqué ci- dessus, l’absence de sang facilite aussi son fonctionnement. 

Un fois l’empreinte maxillaire post chirurgicale terminée, des capuchons de protections sont positionnés sur les piliers multi unit et le fichier stl de cette empreinte est envoyée au laboratoire de prothèse. 

USINAGE ET VISSAGE

Le laboratoire dispose déjà dans ses logiciels des 3 fichiers numériques initiaux : la mandibule, le maxillaire en présence de son projet prothétique virtuel, et l’occlusion.

Il va alors matcher grâce à la présence toujours des 2eme molaires, mais aussi de l’anatomie de la muqueuse palatine, cette empreinte post chirurgicale avec l’empreinte optique de situation initiale et son projet prothétique. (Fig. 10)  

Figure 10 : matching de l’empreinte initiale avec l’empreinte post chirurgicale.

Ainsi il aura sur son fichier maxillaire, la relation entre le positionnement des implants enregistré après la chirurgie et le wax up virtuel. Il n’aura plus qu’à connecter, par la présence d’implants virtuels positionnés sur la base des Scan body numérisés, le projet prothétique aux piliers multi unit. Puis, l’ensemble sera placé virtuellement dans une galette de PMMA pour enfin être usiné, pendant environ une heure. (Fig. 11)

Figure 11 : connexion du projet prothétique aux implants virtuels et usinage.

Aujourd’hui, les cotes d’usinages et la résistance mécanique de la PMMA sont suffisamment maitrisés pour usiner les intra dos des connectiques bridge provisoire/piliers multi unit, directement en résine PMMA sans passer par le collage de ti base intermédiaire en titane pour renforcer cette connectique.

Ainsi, quelques heures après la chirurgie, le bridge provisoire est vissé en bouche du patient.(7) (8) (9) (10) (Figs. 12&13)

Figures 12 et 13 : vissage du bridge provisoire PMMA en bouche.

DISCUSSION

Alors que le traitement d’un édentement unitaire ou partiel en mise en charge immédiate dans la chaine du numérique est devenu fluide et maîtrisé, le traitement de l’édenté complet reste une difficulté :

  • à cause de l’impossibilité d’enregistrement numérique de l’occlusion chez l’édenté complet cicatrisé ;
  • par la difficulté que la caméra a à travailler en présence de sang dans le cas de chirurgie avec lambeaux ou en extraction implantation immédiate ;
  • par le manque de repère anatomique permettant la fluidité et la précision de la numérisation, surtout sur les crêtes édentées mandibulaires.

 

De plus, si l’intérêt de la chaine du numérique est aussi d’accélérer les temps de traitements et de passer moins de temps au fauteuil (Ici, 30 minutes de première consultation incluant l’empreinte optique initiale, 15 minutes d’essayage du projet prothétique en bouche, une heure de chirurgie et empreinte en bouche, une heure de chirurgie et empreinte optique post chirurgicale, et 15 minutes de vissage) et de passer le moins de temps possible en dehors du temps fauteuil en déléguant le maximum d’étapes (design du projet prothétique par le laboratoire de prothèse, matching automatique, impression du guide externalisé, usinage externalisé), il est absolument nécessaire de travailler en collaboration étroite avec un laboratoire de prothèse aguerri et maitrisant les outils numériques.

De plus, il a été remarqué un grand nombre de fois sur ces cas, l’affinité de la muqueuse lors de sa phase de cicatrisation pour la surface hyper polie de la résine PMMA témoignant de sa grande bio compatibilité. (Fig. 14)

Figure 14 : cicatrisation gingivale autour de l’état de surface de la PMMA.

Cependant, dans ces techniques d’enregistrement de grande étendue, sans que les caméras ne soient guidées par un autre élément plus rigide et plus remarquable que les éléments anatomiques muqueux, restent peu précises. En témoigne ici le manque de précision, à l’oeil nu du repositionnement du provisoire usiné sur le modèle en plâtre (issu d’une empreinte au plâtre et validé par une clef en plâtre) de 2 connexions provisoires/piliers multi unit lors de la réalisation du bridge d’usage. (Fig. 15)

Figure 15 : imprécision de l’empreinte optique sur arcade complète.

Cela ne semble pas compromettre les implants dans la phase de cicatrisation lors de la mise en charge immédiate, mais il faut rester très prudent quant à l’utilisation des caméras d’empreintes optiques dans la réalisation de prothèse d’usage définitive.(11) (12)

BIBLIOGRAPHIE

  1. CANNAS B., BOUTIN N., TRAN ML.: Le flux numérique en implantologie. Application à la mise en charge et/ou esthétique immédiate. IMPLANT 2014;20: 95-103
  2. CANNAS B, BOUTIN N,TRAN ML, L’évolution digitale, le flux numérique, Dental Tribune 2015
  3. CANNAS B., TRAN ML., BOUTIN N.: Transposition du projet prothétique vers l’imagerie en implantologie. De l’empreinte optique au guide chirurgical. Implant 2014; 20:327-333
  4. Guided surgery and pre-surgical prosthesis : preliminary results of 33 fully edentulous maxillae treated in accordance with the NobelGuide ® protocol Gillot L., Cannas B., Noharet R. Clin Implant Dent Relat Res 2010 May ; 12 Suppl 1 : e104-13
  5. Accuracy of CAD/CAM-guided surgical template implant surgery on human cadavers : Part I Pettersson A., Kero T., Gillot L., Cannas B., Fäldt J., Söderberg R., Näsström K. J Prosthet Dent 2010 ; 103
  6. Chirurgie guidée : revue des bases fondamentales et principes actuels. Bernard CANNAS, Renaud NOHARET. Journal de Parodontologie et Implantologie Orale 2017 : vol 36 (2)
  7. Cochran et al. Consensus statements and recommended clinical procedures regarding loading protocols for endosseous dental implants. Int J Oral Maxillofac Implants 2004 ; 19 (suppl):109-113
  8. Esposito M, Grusovin MG, Martinis E, Coulthard P, Worthington HV. Interventions for replacing missing teeth : 1- versus 2-stage implant placement. Cochrane Database Syst Rev. 2007 Jul 18 ; (3):CD006698
  9. A retrospective cohort study of 113 patients rehabilited with immediatly loaded maxillary cross-arch fixed dental prostheses in combination with implant placement Gillot L., Cannas B., Buti J., Noharet R. Eur J Oral Implantology 2012 ; 5 (1) : 71-79
  10. Les aspects médico-légaux de la mise en charge immédiate : y a-t-il un consensus scientifique en 2016 ? Laure TISSERAND, Jacques BITTON. Journal de Parodontologie et Implantologie Orale 2017 : vol 36 (2)
  11. Complete-Arch Accuracy of Four Intraoral Scanners: An In Vitro Study Giordano Celeghin , Giulio Franceschetti , Nicola Mobilio , Alberto Fasiol , Santo Catapano , Massimo Corsalini, and Francesco Grande Healthcare 2021, 9, 246.
  12. Trueness of 12 intraoral scanners in the full-arch implant impression: a comparative in vitro study, Mangano et al. BMC Oral Health (2020) 20:263
  13. TRAN ML, CANNAS B, BOUTIN N, L’empreinte optique en Implantologie. Où en sommes-nous ? ROS septembre 2015

 

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A propos de l'auteur

Dr. Bernard Cannas

Diplômé de la faculté Paris-V en 1978
Ancien attaché à l’hôpital de Lagny-Marne La Vallée depuis 1995
Cofondateur de SAPO Implant Exercice privé : Chirurgie buccale implantaire exclusive

Dr. Nicolas Boutin

Paris
Enseignant SAPO Implants
Attaché au département implantologie et esthétique, clinique Ambroise Paré la Providence

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