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LES ÉCLAIRCISSEMENTS DES DENTS DÉPULPÉES

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Les patients présentant des dyschromies isolées, limitées à une dent, décrivent un préjudice esthétique important, bien plus invalidant qu’en présence de dyschromies « globales” sur dents pulpées. Lorsqu’ils discutent avec d’autres personnes, ils nous racontent voir rapidement le regard de leurs interlocuteurs être attiré par cette unique dent trop colorée. La prise en charge de ces colorations a donc un impact positif sur l’estime de soi et les rapports psychosociaux des patients(1) . Les protocoles ont évolué ces dernières années. Face à une dyschromie d’une dent dépulpée et devant l’interdiction d’utilisation du perborate de sodium, qui constituait la référence(2) , d’autres stratégies d’éclaircissement sont actuellement à la portée des chirurgiens-dentistes. Ces protocoles s’inscrivent parfaitement dans le gradient thérapeutique esthétique(3) permettant de répondre à un besoin esthétique tout en restant ultra-conservateur.

PRONOSTIC DU TRAITEMENT

Le pronostic d’un éclaircissement interne dépend essentiellement de la nature de la dyschromie, donc du chromophore concerne.́ Lorsqu’une nécrose est à l’origine de la dyschromie, la coloration peut être due aux produits de dégradation des bactéries, ou alors iatrogène (comme une mauvaise irrigation canalaire) : ces différents produits sont alors libérés dans les tubulis dentinaires.

Fig.1.1 : dyschromie localisée grise foncée suite à une nécrose pulpaire et la libération de fer Ferrique de l’hème. Photographie avec flash.

Fig.1.2 : dyschromie localisée grise foncée suite à une nécrose pulpaire et la libération de fer Ferrique de l’hème. utilisation de lumière polarisée.

Le mécanisme d’oxydation des doubles liaisons qui régit le principe des éclaircissements dentaires explique les meilleurs résultats sur les substances organiques par rapport aux pigments métalliques, comme le Fer, souvent à l’origine de colorations gris foncé-noir (Fig. 1).

Le pronostic est aussi dépendant de l’ancienneté de la dyschromie. En effet, plus une coloration est ancienne, plus le résultat d’un éclaircissement semble réservé.

La diffusion de l’agent éclaircissant est freinée dans les dents des patients plus âgés. Cette imperméabilité à l’éclaircissement est due à un fort degré de minéralisation de l’émail et des tubulis moins larges(4) (5) .

Ainsi, face à la difficulté de prévoir le résultat esthétique d’un éclaircissement d’une dent dépulpée, il est conseillé de commencer par la dent colorée. En effet, le fait d’éclaircir toutes les dents en même temps risquerait d’augmenter le préjudice esthétique en augmentant la différence des contrastes en cas d’échec sur la dent nécrosée. Une gouttière réalisée en fenêtrant les dents jouxtant la dent cible permet au patient de déposer du produit uniquement sur la dent dyschromiée et éliminer ainsi les excès débordants (Fig. 2).

Fig. 2 : gouttière d’éclaircissement, ciblant la 11 en fenestrant la 21 et 12.

PRÉ REQUIS

avant de commencer un traitement d’éclaircissement sur une dent nécrosée ou dévitalisée, un certain nombre de pré requis sont à réaliser (Fig. 3).

Fig. 3 : les étapes cliniques du blanchiment interne sur dent dépulpée (6)
Fig. 3-1 : importance de l’évaluation de qualité de l’obturation canalaire et de la
perte de substance coronaire avant tout blanchiment interne.
Fig. 3-2 : nettoyage de la cavité camérale et élimination de ses résidus de tissu
pulpaire et nécrotique, de ciment canalaire, qui pourraient être à l’origine d’une récidive de la dyschromie.
Fig. 3-3 : réalisation d’une cavité coronoradiculaire au dépend de l’obturation
canalaire. Cette cavité s’étend jusqu’à 2 mm au-delà de la jonction amélocémentaire. L’obturation canalaire est étanchéifiée par la mise en place d’un bouchon de ciment.
Fig. 3-4 : mise en place de l’agent éclaircissant.
Fig. 3-5. : la fermeture provisoire de la dent est réalisée à l’aide d’une petite
boulette de coton et d’un bouchon de ciment de verre ionomère ou eugénate à prise rapide.
Fig. 3-6 : après éclaircissement, la dent est restaurée à l’aide un composite, de teinte claire, monté par stratification.

L’élimination totale de l’ancienne obturation est primordiale (Fig. 3-2). Pour cela, la transillumination peut être un outil simple d’utilisation et très intéressant (Fig. 4).

Fig. 4-1 à 4-3 : dépose de la restauration camérale d’une incisive, sous contrôle de la transillumination.

Dans le cadre d’un éclaircissement interne, l’ouverture de la chambre doit permettre l’élimination de toute la matière organique de la chambre pulpaire et notamment au niveau des cornes pulpaires. Un défaut d’élimination de la matière organique risque d’avoir un retentissement visuel en regard de cette zone. dans tous les cas, il est nécessaire d’avoir un traitement endodontique de bonne qualité avec une obturation étanche. La réalisation d’un bouchon canalaire permet de protéger le traitement endo-canalaire (Fig. 3-3). Les ciments en verre ionomère sont les matériaux de choix car ils permettent d’assurer la meilleure étanchéité tout en résistant le mieux au péroxyde d’hydrogène (6) . Le bouchon doit se situer quelques millimètres sous le point le plus déclive de la dent en vestibulaire, permettant ainsi au produit de diffuser au mieux dans les tubulis dentinaires au niveau des zones les plus visibles (collet de la dent).

L’utilisation d’une sonde parodontale mesurant la face vestibulaire et reporté en palatin permet de valider le bon positionnement de la gutta et du bouchon. On peut faire la même mesure à l’aide d’une précelle dont on met un mors à l’extérieur de la dent et un dans la chambre pulpaire.

L’application minutieuse du CVI ne doit pas boucher les tubulis dentinaires, ce qui aurait pour effet de bloquer l’action du gel éclaircissant dans la cavité. avant un éclaircissement interne, la cavité d’accès peut être mordancée pour en nettoyer la surface, mais cela ne semble pas améliorer les résultats esthétiques de l’éclaircissement (7).

Fig. 5 : utilisation d’une précelle pour visualiser la hauteur du bouchon par
rapport à la hauteur de la zone la plus déclive de la dent.
Fig. 5-1 : la branche interne de la précelle vient au contact de la gutta.
Fig. 5-2 la branche externe permet de visualiser la hauteur de la gutta par rapport à la jonction amélo-cémentaire.

LES TECHNIQUES D’ÉCLAIRCISSEMENT DES DYSCHROMIES ISOLÉES DES DENTS DÉPULPÉES

Face à une dyschromie localisée d’une dent dépulpée, les stratégies sont multiples (Fig. 6). Le traitement peut se réaliser uniquement en interne soit à base de perborate de sodium, de péroxyde d’hydrogène ou de carbamide.

Fig. 6 : différentes stratégies d’éclaircissement dyschromies des dents dépulpées.

LES ÉCLAIRCISSEMENTS INTERNES PURES OU TECHNIQUE « WALKING BLEACH »
Perborate de sodium

L’utilisation de perborate de sodium est interdite par la réglementation Européenne depuis 2012 car classé comme CMR1B. Le perborate de sodium est considéré comme carcinogène, mutagène ou toxique pour la reproduction. Péroxyde d’hydrogène fortement dosé Un gel de concentration élevé en peroxyde d’hydrogène est un facteur de risque important de rhizalyses cervicales externes (RCE ou résorption cervicale externe)(8) (Fig. 7) et entrainerait une importante diminution de la micro-dureté de la dentine (9) . Souvent asymptomatique et de découverte fortuite à distance des éclaircissements, les RCE seraient dues à un mécanisme de destruction macrophagique. L’organisme ne reconnaitrait plus la dentine dénaturée. Un lien direct a été mis en évidence avec une variation de pH(10) . L’utilisation de ce produit à forte concentration semble donc trèsrisquée. de plus, à l’instar du péroxyde d’hydrogène, le pH basique du peroxyde de carbamide semble plus protecteur.

Fig. 7-1 : dyschromie isolée de la 21 suite à un traumatisme et une nécrose pulpaire.
Pour répondre à la demande esthétique, le praticien préconise un éclaircissement
interne à l’aide de péroxyde de carbamide fortement dosé dans une cavité fermée

Fig. 7-2 : après 3 semaines, et malgré le résultat esthétique, nous pouvons observer l’apparition d’un RCE à la rétro-alvéolaire, condamnant la dent.

Péroxyde de carbamide à 10 %

de durée d’action courte, cette technique demanderait beaucoup de rendez-vous pour aboutir à des premiers résultats, rendant son application difficile au cabinet.

Les éclaircissements externes : L’avantage d’utiliser un abord externe à un éclaircissement d’une dent dépulpée, couplé ou pas à une approche interne, est de jouer sur les propriétés physiques de l’émail.

En effet, une fois éclaircie, l’émail modifie profondément ces propriétés optiques aboutissant à une opacification amélaire (12) . Ce filtre optique pourrait permettre de masquer des dyschromies profondes rebelles aux éclaircissements dentaires. a l’image des dents vivantes où l’éclaircissement externe est la référence, une approche purement externe d’une dent dépulpée est une alternative (Fig. 8). Cette technique, certes plus longue (environ 2 mois), a pour avantage d’être plus facile à mettre en œuvre en diminuant le risques des autres approches. Elle permettrait aussi selon certains auteurs(11) une meilleure stabilité dans le temps. Le risque de sensibilité des dents dépulpée étant nul, on peut utiliser directement du péroxyde de carbamide à 16 % ou 10 %.

Fig. 8-1 : dyschromie de la 21 dépulpée.

Fig. 8-2 : résultat après un éclaircissement externe pure au péroxyde de carbamide
16 % isolé de la 21 puis équilibrage des teintes par un éclaircissement des autres
dents au péroxyde de carbamide à 10 % (pour éviter de potentielles sensibilités).

– Les techniques combinées INSIDE/OUTSIDE :

  • Cavité ouverte : Cette technique consiste à laisser le temps du traitement la cavité camérale ouverte (Fig. 9). Un bouchon étanche assure la protection du traitement endodontique. Le protocole consiste à ce que le patient charge simultanément la cavité dentaire et la gouttière de gel éclaircissant. Il reproduira alors cette technique toutes les nuits pendant 2 à 4 semaines, selon l’intensité et l’âge de la coloration. Outre la coopération du patient, l’évaluation de la résistance mécanique des tissus résiduels est un prérequis indispensable (Fig. 10).

Fig. 9 : schématisation de la technique Inside/Outside
Fig. 9-1 : préparation de la dent pour un traitement ambulatoire en même temps à
l’intérieur et extérieur de la dent.
Fig. 9-2 : réalisation d’une gouttière thermoformée qui s’invagine à l’intérieur de la
chambre pulpaire.
Fig. 9-3 : application de gel de péroxyde de carbamide à l’intérieur et extérieur de
la dent en ambulatoire.

Fig. 10-1 : dyschromie de la 11 dépulpée.

Fig. 10-2 : l’usure de la face palatine et un facteur de risque de fracture si un
traitement Inside/Outside était entrepris.

  • Cavité fermée : En parallèle d’un éclaircissement externe, du péroxyde de carbamide à 10 % est renouvelé régulièrement dans la dent en cavité fermée par un bouchon coronaire. Même si elle est plus longue à réaliser que l’approche Inside/Outside à cavité fermée cette approche est une alternative en cas de contre-indication de la première technique.

Fig. 11-1 et 11-2 : patiente de 33 ans consultant pour une dyschromie localisée sur
la 11. La dent présente un traitement endocanalaire

Fig. 11- 3 : l’analyse de la photographie en noir et blanc permet d’apprécier la
luminosité de la dent dyschromiée. Un abord externe permettra une opacification,
plus diffliclement obtenu par un abord sctrictement interne.

Fig. 11- 4 : l’analyse de la dent en en lumière polarisée permet d’apprécier les
valeurs L, a et b et d’apporter des éléments de pronostic d’un traitement
d’éclaircissement

Fig. 11- 5 : réalisation d’un
traitement endocanalaire
étanche

Fig. 11- 6 : élimination des oburations coronaires.

Fig. 11- 7 : visualisation de la hauteur de la zone la plus déclive de la face
vestibulaire de la dent à l’aide d’une sonde parodontale.

Fig. 11- 8 : report de la longueur mesurée à la sonde parodontale pour apprécier au
niveau camérale la position du bouchon de protection de la gutta.

Fig. 11- 9 : réalisation d’une gouttière fenestrée

Fig. 11- 10 : résultat obtenu après 3 semaines de traitement, après stabilisation de 3
mois.

Fig. 11- 12 : évolution du a (quantité de rouge)

Fig. 11- 11 : évolution du L (luminosité).

Fig. 11- 13 : évolution du b (quantité de jaune)

CONCLUSION

La dyschromie d’une dent dépulpée peut constituer un préjudice esthétique pour le patient. Le pronostic peut être variable mais sa prise en charge par des techniques d’éclaircissement en première intention s’inscrit parfaitement dans le concept du gradient thérapeutique (3) . Le choix de la technique dépendra de la résistance mécanique de la dent et de la compliance du patient à la mise en œuvre du protocole.

BIBLIOGRAPHIE
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  5. Greenwall L. tooth whitening : the last 25 years. International dentistry – african. 2016, Vols. edition 6, no 2: 66- 74.
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  7. Greenwall L. Clinical tooth bleaching. the inside/outside bleaching technique. restorative and aesthetic practice. 2000, Vols. 2 (8): 104-110.
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A propos de l'auteur

Dr. Laurent Elbeze

Docteur en chirurgie dentaire Ancien assistant hospitalo-universitaire et
Chargé d’enseignement à la faculté de chirurgie dentaire de Toulouse
Fondateur de Stu’Dent
Formation

Dr. Eric BONNET

Docteur en chirurgie dentaire
Docteur de l’université Claude Bernard
Ancien assistant de la faculté d’odontologie de Lyon

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