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L’OSTÉOTOMIE SEGMENTAIRE MANDIBULAIRE POSTÉRIEURE EN CHIRURGIE RECONSTRUCTRICE PRÉ IMPLANTAIRE

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La technique d’ostéotomie segmentaire, décrite au début du 20ème siècle, visait à corriger les troubles occlusaux chez les patients dentés(1)(2). En 1976, Schettler est le premier à employer cette technique chez un patient édenté à visée pré prothétique en secteur mandibulaire antérieure afin d’améliorer la rétention d’une prothèse amovible (3). Avec l’avènement de l’implantologie dans les années 80, puis de la chirurgie pré implantaire, cette technique fut ensuite indiquée dans la prise en charge des atrophies osseuses verticales au maxillaire(4) puis à la mandibule (5).

La réhabilitation orale implantaire du secteur mandibulaire postérieur représente un défi tant sur le choix de la thérapeutique que sur sa réalisation chirurgicale. En effet, l’atrophie osseuse secondaire à l’édentement, son retentissement sur les tissus mous et la superficialisation des obstacles anatomiques sont autant d’éléments à prendre en compte lors de l’élaboration du plan de traitement. La reconstruction osseuse pré implantaire est importante sur le plan fonctionnel afin de rétablir un couloir osseux et prothétique, récupérer une courbe de Spee harmonieuse, équilibrer l’occlusion, améliorer la contenance salivaire et faciliter le maintien de l’hygiène. Sur le plan esthétique, elle permettra d’harmoniser les collets et normaliser le rapport couronne-implant.

Le premier élément à prendre en compte est l’espace prothétique. En cas d’espace prothétique augmenté, une greffe osseuse verticale pourra être proposée (régénération osseuse guidée, ostéotomie segmentaire, coffrage, distraction osseuse alvéolaire).

CHOIX DE LA TECHNIQUE

– La position du nerf alvéolaire inférieur

L’ostéotomie segmentaire nécessite de cliver horizontalement en deux parties la crête résiduelle, une position haute du nerf alvéolaire inférieur rend difficile sa réalisation. une hauteur osseuse résiduelle (HOR) minimale de 4 mm est retrouvée dans la littérature afin de pouvoir individualiser un fragment crestal et le maintenir dans sa position finale à l’aide de plaques d’ostéosynthèse (6).

– La hauteur osseuse à reconstruire

L’ostéotomie segmentaire permet de corriger des atrophies osseuses verticales jusqu’à 10 mm (7) , le gain osseux étant limité par la laxité destissus mous en lingual.Au-delà, la distraction osseuse alvéolaire semble plus indiquée.

– L’anatomie de la crête alvéolaire

Seules les atrophies verticales sont traitées par les ostéotomies segmentaires. En cas d’atrophie mixte, un coffrage 3D sera plus approprié. À noter qu’une technique d’ostéotomie segmentaire avec rotation du fragment crestal a été décrite afin de traiter les atrophies mixtes(8).

– La qualité des tissus mous

En cas de faible quantité de gencive kératinisée, il faudra préférer l’ostéotomie segmentaire aux coffrages 3D, le risque de désunion étant plus faible avec une incision vestibulaire qu’une incision crestale. La présence de brides ou de tissus cicatriciels rendront difficiles l’ascension du fragment crestal, une distraction osseuse alvéolaire est alors conseillée.

AVANTAGES
  • Faible résorption crestale, maintien du contour alvéolaire et stabilité du volume osseux dans le temps,
  • En cas d’infection, conséquenceslimitées du fait de la vascularisation du greffon crestal,
  • Par rapport aux coffrages : – diminution du temps opératoire et de la morbidité post opératoire liée à l’absence de prélèvement osseux, le comblement étant réalisé avec de l’os xénogénique ou allogénique, -faible taux de désunion,
  • Par rapport aux distractions osseuses alvéolaires : – confort d’une chirurgie en un temps.
INCONVÉNIENTS
  • Gain vertical limité par la laxité des tissus mous,
  • l traite les atrophies verticales uniquement,
  • HOR au-dessus du nerf alvéolaire inférieur > 4 mm.
COMPLICATIONS DECRITES DANS LA LITTERATURE
  • Dysesthésie dans le territoire du V3,
  • Fibro intégration / séquestre du fragment crestal,
  • Nécrose du fragment alvéolaire en cas de lésion du périoste lingual,
  • Fracture du fragment crestal au moment de l’ostéosynthèse si la HOR minimale n’est pas respectée,
  • Fracture du fragment basilaire dans les cas d’atrophie extrême.

L’ostéotomie segmentaire peut être réalisée sous anesthésie locale ou anesthésie générale en chirurgie ambulatoire en fonction de l’étendue de la zone édentée et de la difficulté du cas. Les traitements pré opératoires et consignes post opératoires sont identiques à ceux dispensés en chirurgie pré implantaire.

CAS CLINIQUE N°1

Une patiente de 62 ans consulte pour une réhabilitation implantaire fixe d’un édentement secteur 4 secondaire à la dépose d’implants. A l’examen clinique, l’édentement est compensé par une prothèse amovible partielle inconfortable. L’espace prothétique est légèrement augmenté sans égression du secteur antagoniste. La quantité de gencive kératinisée est faible mais elle ne présente pas de brides. Des empreintes sont réalisées afin de réaliser des modèles d’études, un projet prothétique et un guide radiologique (Fig.1).

Figure 1 : modèles d’études et projet prothétique (laboratoire Edentech)

Un cone beam mandibulaire est prescrit afin d’apprécier le degré d’atrophie osseuse, la densité osseuse, la position du canal du nerf alvéolaire inférieur et l’anatomie de la crête alvéolaire résiduelle (Fig. 2).

Figure 2 : cone beam mandibulaire avec guide radiologique :
a)reconstruction 2D du cone beam, b) site 47 HOR = 6 mm, c) site 46 HOR = 5 mm,
d) site 45 HOR = 5 mm + foramen mentonnier,
e) site 44 pas d’obstacle anatomique.

Au total, la patiente présente une atrophie osseuse Cawood 5, une crête plate et une HOR moyenne de 5 mm au-dessus du canal du nerf alvéolaire inférieur. L’indication d’ostéotomie segmentaire est retenue.

Protocole opératoire de l’ostéotomie segmentaire

  • Sous anesthésie générale,
  • Infiltration sous périostée à la xylocaïne adrénalinée 1 %,
  • Incision arciforme fond du vestibule de 42 à 47,
  • Décollement sous périosté vestibulaire à la rugine, exposition du foramen mentonnier et protection du nerf à l’aide d’un lac vasculaire, préservation du périoste crestal et lingual,
  • Ostéotomie au piezotome en u inversé, un trait horizontal et 2 traits verticaux légèrement divergents pour éviter tout conflit osseux (Fig. 3a),
  • Clivage du fragment crestal à la rugine tout en préservant le périoste lingual et les fibres du muscle mylo-hyoïdien (Fig. 3b)

Fig. 3 a : incision vestibulaire, protection du nerf alvéolaire inférieur, décollement du périoste vestibulaire, ostéotomie au piezotome.

Fig. 3 b : clivage du fragment crestal.

  • Ostéosynthèse du fragment crestal dans sa position finale à l’aide d’une plaque et de vis d’ostéosynthèse (Medartis 1.5, Modus®) (Fig. 4a),
  • Interposition de granules osseux xénogéniques (Bio Oss taille S, Geistlich®) (Fig. 4b),
  • Mise en place d’une membrane collagène (Bio Gide, Geistlich®) en vestibulaire afin d’isoler la reconstruction osseuse des tissus mous
  • Fermeture sans tension par des points séparés de Vicryl 4.0.

Fig. 4 a : ostéosynthèse du fragment crestal.

Fig. 4 b : comblement du gap osseux

La radiographie panoramique post opératoire permet de visualiser le bon positionnement du matériel d’ostéosynthèse, les vis basales étant sous le canal du nerf alvéolaire inférieur (Fig. 5).

Figure 5 : panoramique post opératoire.

A 6 mois post opératoire, une planification implantaire est réalisée à partir d’un nouveau cone beam mandibulaire (Fig. 6).

Figure 6 : planification implantaire
sur cone beam mandibulaire avec
guide radiologique :
a. reconstruction 2D du cone beam,
b. site 47 : implant 4,7×8 mm,
c. site 46 : implant 4,7×8 mm,
d. site 45 : proximité du foramen
mentonnier,
e. site 44 : implant 3,7×10 mm.

Protocole opératoire de la chirurgie implantaire

  • Sous anesthésie locale, injection lidocaïne adrénalinée 1/100 000.
  • Incision crestale, décollement sous périosté.
  • Ablation partielle du matériel d’ostéosynthèse (2 vis crestales et section de la plaque).
  • Forage implantaire progressif en site de 44 46 47 avec un guide de pointage, contrôle de l’axe implantaire et du couloir prothétique.
  • Pose de 3 implants (tSV, Zimmer Biomet ®), torque d’insertion 35-50 N/cm (Fig. 7), mise en place des vis de couverture.
  • Fermeture par des points séparés de Vicryl 4.0.

Les implants sont enfouis, un deuxième temps d’aménagement des tissus mous à la mise en charge des implants est prévu à 3 mois.

Figure 7 : a) incision crestale et décollement sous périosté, b) ablation du matériel d’ostéosynthèse et mise en place du guide de pointage c) passage du foret pointeur au niveau des sites implantaires, d) vérification de l’axe et du couloir prothétique, e) pose de 3 implants.

La radiographie panoramique post opératoire permet d’objectiver le bon positionnement des implants (Fig. 8).

Figure 8 : panoramique post opératoire.

La faible quantité de gencive kératinisée est corrigée par un aménagement tissulaire avec greffe épithélio conjonctive en poncho au moment de la mise en charge des implants (Fig. 9).

Figure 9 : a) faible quantité voire absence de gencive kératinisée, b) dissection en demie épaisseur associée à une vestibuloplastie, c) greffe epithélio conjonctive en poncho.

Le bridge implanto-porté est réalisé 1 mois après l’aménagement des tissus mous(Dr. Durin Touati Sandler, Laboratoire Delepierre) (Fig. 10).

Figure 10 : a) cicatrisation muqueuse à 1 mois post opératoire, bandeau de gencive kératinisée péri implantaire, b) bridge implanto-porté en vue vestibulaire, c) bridge implanto-porté en vue occlusale.

CAS CLINIQUE N°2

Un patient de 65 ans présente comme antécédent un carcinome épidermoïde gingivomandibulaire gauche traité chirurgicalement par une pelvimandibulectomie non interruptrice, un lambeau de FAMM et un curage ganglionnaire. Après 5 ans sans récidive, il désire remplacer sa prothèse amovible par une réhabilitation fixe implantaire. Au scanner du massif facial réalisé dans le cadre de sa surveillance carcinologique, on retrouve une atrophie osseuse verticale Cawood 5 avec une crête plate (Fig. 1).

Figure 1 : scanner du massif facial pré opératoire, atrophie osseuse verticale Cawood 5.

L’ostéotomie segmentaire est réalisée sous anesthésie générale (Fig. 2).

Figure 2 :
a) incision vestibulaire basse, décollement vestibulaire, protection du nerf alvéolaire inférieur avec un lac vasculaire,, b) ostéotomie au  piezotome, c) clivage du fragment osseux crestal.

Un gain osseux de 1 cm mesuré en pré opératoire est recherché. Le fragment osseux crestal de grande étendue est maintenu en place par 2 plaques d’ostéosynthèse (Medartis 1.5, Modus®) (Fig. 3).

Figure 3 :
a) ostéosynthèse 2 plaques,
b) comblement granules xénogéniques,
c) gain osseux vertical de 10 mm

Le scanner réalisé à 6 mois post opératoire objective le bon positionnement du fragment crestal, la compensation de l’atrophie osseuse verticale et la bonne cicatrisation de l’ostéotomie (Fig. 4).

Figure 4 : scanner du massif facial à 6 mois post opératoire pour planification
implantaire.

CONCLUSION

L’ostéotomie segmentaire est une technique de reconstruction osseuse pré implantaire validée, présentant un taux de survie implantaire et un taux de complications superposables aux autres protocoles de greffe. Le gain osseux espéré peut atteindre 10 mm. En secteur mandibulaire postérieur, il faudra la préférer aux autres techniques dans les cas d’atrophie osseuse verticale Cawood 5 avec une crête plate et un espace minimal de 4mm au-dessus du canal du nerf alvéolaire inférieur(10) (11) .

Bibliographie
  1. Wassmund M. Lehrbuch der praktischen Chirurgie des Mundes und der Kiefer. Leipzig : bd. I. Meusser, 1935.
  2. Köle H. Surgical operations on the alveolar ridge to correct occlusal abnormalities. Oral Surg Oral Med Oral Pathol. 1959 May;12(5):515–29.
  3. Schettler d. [Sandwich technic with cartilage transplant for raising the alveolar process in the lower jaw]. Fortschr Kiefer Gesichtschir. 1976;20:61–3.
  4. Politi M, Robiony M. Localized alveolar sandwich osteotomy for vertical augmentation of the anterior maxilla. J Oral Maxillofac Surg. 1999 Nov;57(11):1380–2.
  5. Jensen OT. Alveolar Segmental “Sandwich” Osteotomies for Posterior Edentulous Mandibular Sites for Dental Implants. J Oral Maxillofac Surg. 2006 Mar;64(3):471–5.
  6. Kamperos G, Zografos I, Tzermpos F, Iatrou I. Segmental sandwich osteotomy of the posterior mandible in pre-implant surgery – A systematic review. Med Oral Patol Oral Cirugia Bucal. 2016;0–0.
  7. Roccuzzo A, Marchese S, Worsaae N, Jensen SS. the sandwich osteotomy technique to treat vertical alveolar bone defects prior to implant placement: a systematic review. Clin Oral Investig. 2020 Mar;24(3):1073–89.
  8. Bormann K-H, Suarez-Cunqueiro MM, von See C, Kokemüller H, Schumann P, Gellrich N-C. Sandwich osteotomy for vertical and transversal augmentation of the posterior mandible. Int J Oral Maxillofac Surg. 2010 Jun;39(6):554–60.
  9. Chan C, Mirzaians A, Le BT. Outcomes of alveolar segmental ‘sandwich’ osteotomy with interpositional particulate allograft for severe vertical defects in the anterior maxilla and mandible. Int J Oral Maxillofac Surg. 2021 Dec;50(12):1617–27.
  10. Felice P, Pistilli R, Lizio G, Pellegrino G, Nisii A, Marchetti C. Inlay versus Onlay Iliac Bone Grafting in Atrophic Posterior Mandible: A Prospective Controlled Clinical trial for the Comparison of two techniques. Clin Implant Dent relat res. 2009 Oct;11:e69–82.
  11. Bianchi A, Felice P, Lizio G, Marchetti C. Alveolar distraction osteogenesis versus inlay bone grafting in posterior mandibular atrophy: a prospective study. Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral radiol Endodontology. 2008 Mar;105(3):282–92.

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A propos de l'auteur

Dr. Timothée Gellée

Chef de Clinique universitaire – Assistant
Hospitalier en chirurgie orale
Service de chirurgie maxillo faciale et stomatologie – Pr Bertolus – Hôpital
de la Pitié Salpêtrière
Directeur DIU réhabilitation orale
implantaire – Sorbonne
Université

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