Dans les techniques de chirurgies muco-gingivales, la gestuelle est essentielle à chaque étape, depuis la préparation du site receveur à la suture en passant par le prélèvement palatin.
Face à des techniques aussi différentes que celles de Zucchelli ou les techniques tunnellisées, nous comprenons que les règles des chirurgies gingivales peuvent-être très divergentes. Ces chirurgies sont étonnantes tellement elles sont intolérantes et ultra-tolérantes à la fois.
En effet, elles peuvent se montrer autant permissives que périlleuses selon l’approche réalisée.
Pour éviter des complications extrêmement délicates à gérer voir impossibles à réparer, il est essentiel de favoriser les approches les moins traumatiques pour les tissus. J’ai ainsi consacré les 10 dernières années à chercher comment concilier au mieux la facilité de décollement telle que permise par les techniques qui coupent les papilles et la préservation biologique de la vascularisation des approches tunnelisées. Moins d’incisions, travailler en pleine épaisseur , ne plus couper de papille… autant de critères qui ont conduit à un protocole que j’ai nommé TISP (Tunnel par Incision Sous Papillaire).
Pour bien des omnipraticiens, tout comme sur les réseaux sociaux, les greffes gingivales n’ont pas très bonne
réputation. ainsi, nombre de situations cliniques nécessitant une greffe de conjonctif enfoui restent sans traitement alors que ces greffes gingivales libres donnent des résultats très favorables, prévisibles et stables lorsqu’’elles sont correctement réalisées.
A contrario, ne pas les prendre en charge, conduit à une aggravation progressive inéluctable, perte des chances pour un traitement ultérieur de plus en plus invasif et de moins en moins prévisible. Ces chirurgies des tissus mous présentent un nombre d’indications véritablement très
important et méritent d’être démystifiées, surtout dans le contexte actuel où des techniques telle que le TISP améliorent la prévisibilité et le résultat avec un protocole plus accessible.
Certes, les risques, le vécu patient et le caractère non obligatoire ne poussent pas à une sur-indication mais avec une approche rationnelle, le respect d’une courbe d’apprentissage, et le respect des protocoles modernes revisités, ces techniques rendent possible de concilier prévisibilité et morbidité acceptable.
La première « astuce » va concerner le décollement effectué grâce à de nouveaux décolleurs développés par mes soins et fabriqués par DEVE. La deuxième astuce concernera les sutures.
TISP ET DÉCOLLEMENT
L’idée est de combiner les avantages des techniques gingivales tunnellisées et celles d’une incision sous papillaire de pleine épaisseur. Les greffes de gencives étant réalisées en cas de biotype fin, le travail en pleine épaisseur limite les risques de perforation ou de nécrose du lambeau.
La préservation des papilles est facilitée, et le décollement se réalisant grâce à une incision verticale, il permet de préserver au mieux toute la vascularisation, tout en permettant un décollement efficace et assez rapide.
Pour limiter le traumatisme du lambeau et éviter de devoir faire trop d’incisions sous papillaires, nous avons redessiné des décolleurs. Leur forme est optimisée pour pouvoir lever le lambeau de pleine épaisseur même à distance de l’incision en se glissant sous la gencive et limitant les contraintes tissulaires.
En cas de papilles très adhérentes, l’utilisation d’une lame MJK spoon Viper s’avère très utile. L’incision sous papillaire quand à elle est réalisée avec une lame 15.
TISP ET SUTURE DE STABILISATION
Si nous focalisons sur les techniques de sutures de greffes de conjonctif enfouis, des solutions souvent complexes sont décrites, nécessitant du composite en face vestibulaire ou pour verrouiller les points de contacts, afin de « mieux » tracter les tissus.
Le décollement de pleine épaisseur doit être parfaitement réalisé jusqu’aux papilles pour une laxité passive parfaite. après stabilisation des 2 extrémités du greffon conjonctif, distal puis mésial, une double suture suspendue va stabiliser le greffon en son centre et le remonter vers le collet. La stabilité coronaire est assurée par le cheminement derrière le collet de la dent servant d’ancrage. Cette suture est très simple et rapide, respecte la biologie et la physiologie de cicatrisation en limitant tout effet ischémiant, tout en assurant un maintien parfait du repositionnement coronaire.
Ces sutures nécessitent un fil suffisamment fin mais pas trop pour ne pas léser les tissus ni les découper, ainsi qu’une aiguille fine tapercut assez courte pour le management tissulaire greffon/site receveur et passer sous les points de contact.
Notre recommandation est un 5/0 PGa rapide avec une aiguille 3/8 de 16mm. Il évite de devoir déposer les sutures et représente le parfait compromis finesse et résistance, avec une facilité de gestion de tension dès lors que l’on tend le petit chef et que l’on fait coulisser le grand chef.
Ces sutures présentent en outre l’avantage en secteur esthétique d’être extrêmement discrètes.
Chaque entrée et sortie principale du fil se fait en vestibulaire, au niveau alvéolaire. Le cheminement
proximal et palatin se fait aiguille à l’envers (insertion par le chat) au niveau du sulcus. Les tricks chirurgicaux prennent tout leur sens quand nous nous intéressons aux intérêts pratiques et biologiques qu’ils apportent.
Le succès d’une chirurgie et la qualité du résultat se joue principalement à l’incision/décollement et à la suture. Ces deux étapes doivent être réalisées avec une conscience toute particulière. avoir les bons outils et les bons gestes sont essentiels à l’application d’une technique pour sublimer la part de l’opérateur.