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“Le numérique a tout révolutionné au sein de mon activité”

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Dr Olivier Chabreron

Sophie DALLEM

 

 

 

 

 

 

Le Dr Olivier Chabreron est installé à Toulouse et a une expertise du numérique et de la CFAO depuis plus de 15 ans. d’abord cantonné au cabinet, son flux de travail numérique a explosé ces dernières années, notamment au niveau de son domaine de prédilection : les réhabilitations complexes dentaires et implantaires.
Sophie Dallem est prothésiste à Metz dans son laboratoire à taille humaine mais qui a pris au bon moment le virage du numérique. Aujourd’hui, tous ses flux de travail sont numériques, même les plus esthétiques et elle ne concevrait plus son activité autrement.

Fil Dentaire : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Sophie Dallem : Je suis prothésiste dentaire en Moselle depuis 2003 et installée à mon compte depuis 2013. J’ai pris le pas du numérique à l’achat de ma première usineuse en 2015, au départ pour faire mes propres piliers implantaires, et de là, tout s’est enchaîné, avec une grosse accélération après le premier confinement de 2020. du coup, nous sommes passés d’une usineuse à 3 et d’une imprimante 3d à 4. Le flux numérique au laboratoire représente maintenant à peu près 98 % de notre activité. Si j’ai 10 empreintes physiques par semaine, c’est beaucoup. tout le reste est numérique.
Olivier Chabreron : Pour ma part, je suis chirurgien-dentiste, sorti en 2004 de la faculté de Toulouse. Mon activité est orientée vers la chirurgie implantaire et les réhabilitations de grande étendue fonctionnelles et esthétiques. J’ai commencé à pratiquer la dentisterie numérique à partir de 2005 en faisant du chairside avec le CEREC. a l’époque, il n’y avait véritablement que ça qui fonctionnait sur le marché, du moins pour les cabinets dentaires. J’ai depuis beaucoup évolué, au fur et à mesure des évolutions des caméras et des capacités des laboratoires, en étendant les indications des flux de travail numériques qui couvrent actuellement la quasi-totalité de mon activité.

Fil Dentaire : Sophie, comment s’est faite cette transition et cette évolution ? Fut-elle brutale ou bien progressive ? Voulue ou subie ?
Sophie Dallem : En 2013, au gré des salons, forums etc., je pressentais déjà ce changement profond qui se préparait, mais j’étais encore employée et je ne pouvais donc pas décider des investissements à faire. C’était un petit laboratoire familial, de proximité, avec une clientèle locale. Le déclic est venu lors de la reprise du laboratoire.

En effet, nous avions alors un client qui était, comme on dit, un très gros poseur d’implants. Nous avons décidé
alors d’investir dans une première usineuse dédiée à l’usinage du titane pour réaliser les piliers implantaires
sur mesure. C’était à l’époque – car les tarifs étaient plus élevés qu’aujourd’hui – un gros investissement pour de
jeunes repreneurs. Mais nous souhaitions pouvoir maitriser le flux prothétique sans dépendre des marques
implantaires et de leurs centres d’usinage. Ce flux numérique a commencé à attirer des clients extérieurs, et notamment désireux de travailler directement via des empreintes optiques. Nous avons donc installé les passerelles avec principales caméras du marché. Les choses se sont accélérées au moment du confinement où j’ai communiqué sur notre savoir-faire.

J’ai eu des empreintes numériques qui sont arrivées d’un peu partout et là on s’est dit « waouh », il va falloir accélérer car à l’époque je ne faisais pas de zircone et j’ai alors commencé à la proposer. Et rapidement, les quelques couronnes zircones se sont vite transformées en des centaines. Les frais de sous-traitance sont devenus très importants. Si les investissements dans le numérique sont très élevés, nous avions tout intérêt à produire nous-mêmes la zircone. Et sous-traiter reste très chronophage : envoi du fichier, s’assurer que l’usinage est bien fait, la sintérisation également, s’inquiéter du retour…bref nous perdions de l’argent. Cela étant, il a fallu faire comprendre à la banque que ce n’était pas juste une accélération mais bien une révolution de la profession qui était en train de se passer et le laboratoire devait prendre ce virage. C’était une chance d’avoir des clients qui venaient à nous ; nous n’avions plus à les chercher. depuis, nous sommes passés à une deuxième usineuse pour la zircone et une usineuse pour les blocs de vitrocéramiques/composites car le but est de rester dans ce flux numérique de a à Z. C’est devenu une obligation et je ne reviendrai pas en arrière.
J’ai suivi le chemin qui s’est tracé devant moi. Il ne m’a pas été imposé mais je l’ai suivi et je pense avoir bien fait car je ne sais pas comment font les laboratoires qui n’ont pas franchi ce cap. Moi, je ne saurais plus faire autrement.
Le numérique a tout révolutionné au sein de mon activité : ma clientèle n’est plus locale mais répartie sur toute la France et aussi en Belgique et au Luxembourg, je ne fais plus de métal ni même mes piliers en titane puisqu’aujourd’hui, on fonctionne sur tibases. Bref, je n’ai plus les mêmes clients, je n’ai plus le même travail. après, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : les bases traditionnelles et artisanales sont indispensables pour comprendre ce qui ne peut pas se passer en numérique. Sans cela, difficile d’en avoir les clés.

Fil Dentaire : Et vous Olivier, comment s’est passée la transition de la CFAO au cabinet à celle externalisée ?
Olivier Chabreron : J’ai finalement commencé très tôt dans le numérique (2005). a l’époque ceux qui faisaient de la CFAO, notamment du chairside (NDLR : CFAO directe au fauteuil), étaient des « marginaux » de la profession. Pour beaucoup, cela soulevait peu d’intérêt, trop cher, complexe et chronophage. Mais pour ceux qui s’y intéressaient, il y avait quelque chose de fascinant. Malheureusement, beaucoup de prothésistes y voyaient aussi une concurrence – à tort – les mêmes qui maintenant réclament les empreintes optiques avaient là les pionniers de cette révolution annoncée. Bref. a l’époque je n’avais pas eu beaucoup d’accompagnement et l’apprentissage – un peu par l’échec- s’est fait sur le tas. Mais cela fut très formateur et encore maintenant très utile. Pendant très longtemps, les caméras d’empreintes optiques sont restées très limitées dans leurs possibilités. ainsi, je réalisais mes prothèses « chairside » en flux numérique mais dès qu’il s’agissait d’envoyer le travail au laboratoire, je reprenais un flux traditionnel physique. avec le recul, je me dis que c’est bizarre et que j’aurais pu fonctionner différemment plus tôt. Peut-être un frein psychologique. La bascule eu lieu d’abord en 2017 avec l’ouverture des fichiers d’empreintes de ma caméra, puis totalement en 2019 avec l’acquisition d’une caméra de dernière génération permettant de réaliser des empreintes complètes rapidement et sans distorsion.

Fil Dentaire : Que dites-vous à ceux qui disent que les laboratoires sont parfois sous formés sur l’utilisation des nouveaux outils numériques ?
Sophie Dallem : La formation, il faut que ce soit déjà une démarche personnelle, vouloir aller dans ce sens. Cependant, il faut comprendre qu’un(e) prothésiste ne va pas faire des formations sur des nouveaux outils, et en particulier numériques, s’il n’en a pas la demande. La grande majorité des prothésistes n’anticipe pas à ce niveau-là, car aussi nous avons tout le temps la tête dans le guidon. Le laboratoire qui verrait une nouvelle technologie mais qui n’a pas de clients qui en sont équipée ne va pas forcément faire la démarche de les prospecter.

Inversement, il y a des praticiens qui voudraient bien s’équiper mais aimeraient avoir un prothésiste qui les comprennent et puissent les suivre. ainsi, si le praticien fait ça dans son coin, il se retrouve souvent en souffrance de trouver un nouveau laboratoire. Personnellement, je crois beaucoup aux binômes dentistes/prothésistes avec une envie de progresser ensemble. Si le dentiste voit une super formation sur une nouvelle technologie ou un nouveau protocole, il doit en parler avec son prothésiste afin de lui proposer de la faire ensemble. Il y a alors une vraie émulation et pour la suite un même niveau d’informations.
Ce dernier point est important car cela évite par la suite les incompréhensions ou les manques de communication.

Olivier Chabreron : Il faut aussi comprendre que pour qu’un laboratoire investisse, il faut qu’il ait suffisamment de clients qui lui envoient du travail justifiant cet investissement. En tout cas, que cela en vaille la peine car cela demeure des achats onéreux, tant le matériel que les licences. Il est vrai que les formations en binômes sont un vrai levier de progression pour chacun. Le laboratoire s’assure au moins d’avoir un client et peut ensuite aussi communiquer sur ses nouvelles compétences pour recruter de nouveaux clients les recherchant.


Fil Dentaire : Pensez-vous que le numérique améliore la communication dentiste/prothésiste ?
Olivier Chabreron : auparavant, j’avais le sentiment de ne pas avoir d’écoute. Il fallait attendre l’échec pour discuter, donc c’était compliqué. Le numérique me permet déjà de travailler avec qui je veux et de pouvoir discuter facilement autour d’un cas. Il est possible d’envoyer un tas d’informations supplémentaires. C’est certes à distance mais la discussion est bien plus concrète.
Sophie Dallem : Les passerelles de communication ou d’échange numériques sont de nos jours très développées. Aujourd’hui, on peut tout envoyer instantanément, on a tous un smartphone et il est facile de communiquer déjà grâce à cela. Juste une photo du visage du patient réalisée rapidement et envoyée par message va m’apporter beaucoup d’informations. Pour ma part, je n’hésite pas à communiquer dès qu’il le faut, en envoyant par exemple un aperçu du travail de conception via un viewer en ligne (NDLR : application en ligne permettant de voir la modélisation 3d). Clairement aujourd’hui, celui qui prétend qu’il ne peut avoir de communication avec le laboratoire ment. Nous avons tellement de moyens à notre disposition que c’est impossible.
Olivier Chabreron : C’est vrai que j’apprécie beaucoup ces viewer que je reçois sur mon smartphone et qui me permettent très facilement de valider ou non le cas avant qu’il ne passe à l’usinage par exemple. La communication dentiste/prothésiste demeure hyper importante et elle est réellement facilitée grâce à tous les outils disponibles.

Fil Dentaire : Quels problèmes pourriez-vous soulever sur un flux de travail numérique ?
Sophie Dallem : Les problèmes du numérique sont les mêmes que ceux du flux traditionnel. Notamment, il faut savoir que l’empreinte numérique, par exemple, est opérateur dépendante et qu’une caméra mise dans les mains d’un praticien qui n’a pas été formé pourra donner une empreinte imparfaite voire inexploitable. Il y a un ordre à respecter, un temps à respecter, une distance à respecter, un protocole à respecter propres à chaque caméra. Il faut également penser que le prothésiste ne pourra pas voir plus que ce que la caméra voit et enregistre. Pour cela, il faut être particulièrement vigilant sur l’enregistrement des limites et la critique de l’empreinte avant l’envoi.
Olivier Chabreron : Il est certain qu’il faut soigner son empreinte optique. C’est le point de départ de tous les travaux et de ce fait, il est décisif. Il faut parfaitement appréhender sa caméra pour maîtriser son chemin de scannage sans avoir un geste saccadé.


Fil Dentaire : Et quels conseils pourriez-vous donner ?
Olivier Chabreron : Être accompagné – surtout au début – et se former au début et ensuite. Le problème est que passé l’investissement matériel – exemple une caméra d’empreintes – les praticiens ne pensent pas que la formation soit nécessaire ou que cela puisse avoir de l’intérêt. C’est un sentiment qui d’ailleurs peut être favorisé par le discours des fabricants. Malheureusement, c’est souvent synonyme d’une intégration plus lente et d’un apprentissage par l’échec, ce qu’il est toujours souhaitable d’éviter. Nous avons été parmi les premiers à intégrer ces nouveaux outils, dans lesquels finalement nous avons toujours cru. aujourd’hui, je pense que notre rôle, c’est aussi d’accompagner ceux qui arrivent et de les aider.

QUELS OUTILS NUMERIQUES

Dr OLIVIER CHABRERON
Caméra
• Primescan (Dentsply Sirona)
Usineuse
• MCXL (Dentsply Sirona)
Equipement supplémentaire
• Modjaw
SOPHIE DALLEM
Usineuses
• 1 Kavo Arctica (pour titane premill et barre)
• 1 Roland Dwx42 DG Shape (pour les blocs)
• 1 Silamill 5 (pour peek, zircone, plâtre, cire, résine)
Imprimantes
• Kulzer Cara print 4.0
• Elegoo mars 2
• 2 Anycubic photon monoX
• S en 8k

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A propos de l'auteur

Dr. Karim NASR

Docteur en Chirurgie Dentaire
Maître de Conférences des Universités - Praticien hospitalier
Faculté de Chirurgie Dentaire de Toulouse - CHU de Toulouse
Praticien libéral

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