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LA PREPARATION D’UNE RESTAURATION ADHÉSIVE SUR DENT FÉLÉE

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Nous détaillerons dans cet article à l’aide de plusieurs cas cliniques des situations de fêlures ou le recours à des restaurations adhésives indirectes collées ont permis de renforcer la dent et de répondre aux impératifs biologiques, mécaniques et esthétiques. Nous nous intéresserons particulièrement aux situations 2 et 3 de la classification des fêlures présentées dans l’article paru dans ce même numéro.

INTRODUCTION
Lorsque l’on envisage de restaurer une perte de substance, la dentisterie adhésive est aujourd’hui l’indication de choix (1). Elle permet une meilleure préservation tissulaire qui reste un facteur clé de la pérennité de l’organe dentaire. Mais lorsque l’intégrité mécanique de la dent est mise en danger par la présence d’une fêlure, la réflexion peut être légèrement modifiée. En fonction de la localisation de la fêlure et de l’orientation des forces, il peut être judicieux de sacrifier des tissus sains afin de limiter la propagation de celle-ci afin de remplir le seul objectif qui vaille : préserver la dent sur l’arcade.
Les préparations pour onlays ou overlays constituent déjà un concentré de difficultés techniques pour le praticien. Impératifs biologiques (complexe dentino-pulpaire), impératifs biomécaniques (fragilité intrinsèque des prémolaires en particulier, charges occlusales centrifuges), impératifs liés aux matériaux utilisés et à l’esthétique doivent déjà être pris en considération(2). La présence d’une fêlure est un élément supplémentaire à prendre en compte lors de la préparation. Une approche codifiée, reposant sur le respect de cotes de préparation ne permet pas d’atteindre tous ces objectifs. Seule une vision plus ouverte, mais aussi pragmatique, basée sur l’étude des tissus résiduels peut être synonyme d’intégration naturelle et de pérennité́ des restaurations mimétiques collées.

DISCUSSION
La dent fêlée est une dent affaiblie et menacée biologiquement d’une part, par le risque d’infiltration pulpaire induisant la perte de vitalité, et mécaniquement d’autre part, par le risque de propagation de la fêlure dans une direction pouvant parfois être fatale à la dent.
Ces deux risques doivent impérativement être pris en compte dès la séance de préparation, afin d’apporter la thérapeutique juste et de renforcer au mieux les structures en place. Le souci de préservation tissulaire sera bien entendu au coeur de notre thérapeutique (3), mais il conviendra de se rappeler que dans ce contexte bien spécifique, la dent est parfois exposée à un risque d’extraction à court ou moyen terme. Une option thérapeutique qui « renforce et protège davantage » sera alors choisie, face à une autre option moins invasive mais également moins protectrice. L’analyse et la compréhension des risques encourus sera absolument nécessaire pour choisir entre préservation et sécurité.

PROTECTION BIOLOGIQUE IMMÉDIATE
Paul et Schärer ont proposé dès 1997 de traiter la dentine fraichement taillée lors de la préparation,
à des fins de protection biologique immédiate (4).
Pascal Magne a depuis largement décrit les multiples avantages de cette technique qu’il a nommée « Immediate Dentin Sealing » (IDS) ou « Scellement Dentinaire Immédiat » (5). L’intérêt de cette protection s’illustre particulièrement bien dans le cadre de la dent fêlée, puisque toute fêlure est une brèche permettant la pénétration des bactéries en son sein (6). Il est donc évidemment bénéfique de sceller cette brèche dès son ouverture lors de la séance de préparation.

PROTECTION MÉCANIQUE
Les différentes situations décrites dans l’article de Romain Chéron de ce numéro permettent de mettre en
lumière l’appréciation du risque pour la dent, en fonction de l’aspect et de la localisation de la fêlure.
La fêlure apparait comme une déficience de la rigidité et de la résistance de la dent (7). Une propagation de
la fêlure suppose une tension élastique entre les deux parties séparées par la fêlure. C’est cette tension élastique que nous devrons contrer, en faisant appel à un matériau rigide et résistant. La céramique à base de disillicate de lithium apparait comme une alternative de choix, du fait de sa grande résistance mécanique, de sa très bonne capacité adhésive, et de son haut niveau d’esthétique (8).
Les schémas X à Z décrivent les différentes situations possibles et le type de recouvrement qui devra être
adopté pour apporter la meilleure balance possible entre la préservation tissulaire optimisée et le renforcement mécanique optimisé.

CAS 1
Réintervention sur de multiples restaurations chez une patiente de 60 ans sans symptomatologie.

Fig. 1 : situation initiale.

Fig. 2 : pose du champ opératoire après retrait des points de contact.

Fig. 3 : après dépose des restaurations nous identifions des fêlures cuspidiennes. obliques. Très fréquent sous les restaurations à l’amalgame anciennes (article Chéron).

Fig. 4 : seules les cuspides concernées sont recouvertes.

Fig. 5 : vue après scellement dentinaire immédiat

Fig. 6 : vue finale.

CAS 2
Réintervention sur une restauration MOD chez un patient de 32 ans sans symptomatologie.

Fig. 1 : situation initiale.

Fig. 2 : fêlure transversale ou fêlure cuspidienne oblique ? (Situation 2 ou 3 ?).

Fig. 3 : l’élimination de la fêlure a permis de confirmer son orientation oblique (la progression par fraisage en direction apicale laisse apparaitre la direction). Il s’agit donc d’une fêlure cuspidienne.

Fig. 4 : préparation terminée. Pas besoin de tout recouvrir et nous pouvons garder la cuspide vestibulaire.

Fig. 5 : vue finale.

CAS 3
Fracture d’une cuspide mésio vestibulaire chez une patiente de 60 ans sans symptomatologie (même patiente que le cas 1).

 

Fig. 1 : situation initiale. L’indication d’une restauration adhésive
indirecte est posée.

Fig. 2 : la dépose de l’amalgame laisse apparaitre des fêlures à la base des cuspides. Il s’agit de fêlures cuspidiennes obliques, la situation 2. Elles ne menacent pas la dent mais risquent d’aboutir à la fracture de ladite cuspide.

Fig. 3 : les fêlures cuspidiennes (flèche verte) se compliquent d’une fêlure transversale (flèche rouge) pénétrante qui invitent à recouvrir toutes les cuspides (pas les seules cuspides fêlées). A noter qu’il reste un feuillet de dent au-dessus de la fêlure DV (flèche blanche : tissus à éliminer)

Fig. 4 : la fêlure DV est maintenant totalement éliminée.

Fig. 5 : une procédure de scellement dentinaire immédiat est réalisé. La fêlure est une voie de passage privilégiée pour les bactéries et cette thérapeutique est toute indiquée pour protéger.

Fig. 6 : protection de la dentine exposée et de la fêlure avec un adhésif et du composite fluide (scellement dentaire immédiat).

Fig. 7 : vue de la préparation finale après retouche des limites.

Fig. 8 : essai de la pièce prothétique. Noter l’épaisseur de la pièce, garante de la ténacité ici primordiale.

Fig. 9 : assemblage sous champ opératoire.

Fig. 10 : assemblage sous champ opératoire.

Fig. 11 : vue à 5 ans post opératoire.

Fig. 12 : vue à 8 ans post opératoire.

CAS 4
Patiente de 65 ans présentant une symptomatologie à la mastication. Le test au froid est positif et sans rémanence.

Fig. 1 : situation initiale. La dent 46 est sensible à la mastication.

Fig. 2 : la dépose laisse apparaitre une fêlure transversale et des fêlures cuspidiennes obliques.

Fig. 3 : cuspide ML fragilisée qui se fracture au fraisage. On comprend bien l’orientation de la fêlure cuspidienne.

Fig. 4 : compte tenu de la fêlure transversale et de la symptomatologie il est évidemment décidé de recouvrir toutes les cuspides de 46. Les multiples fêlures externes n’ont pas invité au même choix sur la 47.

Fig. 5 : préparations terminées. A la lueur des explications fournies dans ce numéro, une préparation plus proche de la couronne aurait totalement pu se justifier compte tenu de l’aspect clinique de la fêlure (ouverte, infiltrée, traversante, avec début de symptomatologie), du type de dent (molaire mandibulaire, particulièrement exposées aux fractures) et de l’âge de la patiente.

Fig. 6 : assemblage sous champ opératoire.

Fig. 7 : vue finale.

Fig. 8 : un test de sensibilité pulpaire est régulièrement réalisé.

Fig. 9 : vue à 8 ans post opératoire.

Fig. 10 : radio à 8 ans post opératoire.

CAS 5
Patiente âgée de 58 ans présentant une fracture de la cuspide vestibulaire de la dent #14. La dent est symptomatique au froid, sans rémanence.

Fig. 1 : situation initiale.

Fig. 2 : après isolation de la dent, les surfaces sont curetées et sablées. On constate qu’il ne persiste aucune fêlure. Un système adhésif est alors appliqué (Optibond FL, Kerr), ainsi qu’une fine couche de composite fluide (Inspiro DR, Edelweiss) afin de protéger biologiquement l’organe dentine-pulpaire.

Fig. 3 : assemblage d’un overlay en disillicate de lithium (eMax, Ivoclar). La préparation étant presque totalement plate, une petite encoche a été faite lors de la préparation, afin d’aider au positionnement univoque de la pièce prothétique.

Fig. 4 : lors d’une autre séance, il est décidé de traiter les dents #15 et #16. Celles-ci sont asymptomatiques mais testées positivement au froid. A la dépose des amalgames, sous digue, nous constatons sans surprise des résidus de corrosion et des infiltrations curieuses assez superficielles. On distingue déjà les fêlures sur ces deux dents.

Fig. 5 : le choix de couvrir ces cuspides est donc fait précocement, et les tissus cariés sont curetés.

Fig. 6 : sur la dent #15, une fêlure oblique et excentrée de la cuspide palatine. Une propagation de cette fêlure n’aurait aucune conséquence pulpaire et serait forcément supragingivale. La fêlure de la cuspide vestibulaire est beaucoup plus centrale. Bien que probablement oblique, elle présente une composante verticale bien plus marquée que la fêlure palatine et pourrait impliquer la pulpe et être (très) sous-gingivale en cas de propagation erratique. C’est une fêlure bien plus menaçante et le recouvrement s’impose. La préparation visera à tenter d’éliminer le fragment fracturé, ou si la composante est trop verticale, au moins adopter une forme de préparation en dôme, visant à contenir les parois Sur la dent #16, la fêlure mésiale est très centrale et colorée. Une propagation de cette fêlure serait probablement fatale, non seulement pour la pulpe, mais pour la dent dans son intégrité. La menace est donc majeure.

Fig. 7 : les deux dents présentent par ailleurs des lésions cervicales d’usure profondes, impactant l’esthétique et la solidité de ces dents. Sur la dent #15, le choix est fait de réaliser un veneerlay, permettant de couvrir la cuspide vestibulaire, tout en assurant une esthétique optimisée. Sur la dent #16, la fêlure centrale impose a minima, de réaliser un veneerlay. Cependant, compte tenu de la menace biologique et mécanique, un cerclage mécanique par une couronne apporterait une meilleure contention des parties vestibulaires et palatines.

Fig. 8 : la pose d’un clamp sur la dent #15 permettre réaliser un protocole de protection dentinaire immédiate par un adhésif dans des conditions opératoires idéales

Fig. 9 : situation juste avant l’empreinte. On distingue la légère irritation de la gencive marginale sur le #15 provoquée par le clamp. Le choix est donc fait de réaliser une couronne sur la dent #16, tout en tentant de préserver sa vitalité. Celle-ci sera scellée sans digue lors de la séance d’assemblage. La patiente est malgré tout avertie du pronostic réservé de la dent. La préparation sur #15 peut faire penser à une couronne. Il s’agit pourtant bien d’un veneerlay, dont la limite palatine est nettement supra-gingivale et qui sera collé sous digue selon le même protocole que pour la #14.

Fig.10 : vue post-opératoire montrant les 2 veneerlays sur #14 et #15 et la couronne sur #16. Les 3 pièces sont réalisées en disillicate de lithium (eMax, Ivoclar). Sur la dent #17, un composite direct a été réalisé.

Fig. 11 : radio post-opératoire.

 

 Fig. 12 : recall à 8 ans. La vitalité est réévaluée chaque année. Compte tenu de l’importante rétraction pulpaire, la sensibilité au froid est difficilement objectivable. On suit donc essentiellement l’absence d’image radiologique suspecte et l’absence de symptomatologie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SCHEMAS

Fig. 13 : les fêlures obliques se développent à l’angle entre le fond et une paroi axiale de la cavité.

Fig. 14 : onlay en disillicate de lithium. Le recouvrement cuspide permet de protéger la cuspide. Lors de la séance de préparation, la dentine est traitée par un adhésif et une couche de composite fluide, assurant la protection biologique immédiate de la fêlure exposée et permettant de combler les contre-dépouilles.

Fig. 15 : en cas de fêlure oblique de la cuspide vestibulaire, un recouvrement de 1 mm suffit à protéger la cuspide, tout en apportant un excellent pronostic pour la céramique disillicate de lithium(13).

Fig. 16 : compte tenu de la disgrâce esthétique éventuelle, un compromis peut être employé en plaçant la limite sur le sommet de la cuspide. Ainsi, tous les trajets fonctionnels sont pris en charge par la céramique.

Fig. 17 : le veneerlay, restauration hybride entre l’overlay et la facette, permet d’assurer protection et esthétique optimisés, mais au prix d’un coût tissulaire légèrement supérieur.

Fig. 18 : le veneerlay sera également l’option de choix lorsque la cuspide est fracturée.

Fig. 19 : en cas de fêlure centrale, le risque mécanique est très élevé. On évitera donc absolument l’effet de coin provoqué par la céramique. 

Fig. 20 : on assurera donc nécessairement le remplissage des parties profondes par du composite. Puis une préparation en forme de dôme permettra d’orienter favorablement les tensions vers le centre de la dent.

Fig. 21 : dans les situations les plus défavorables, où la menace mécanique est majeure, le risque de perdre la dent est réel. La préservation tissulaire n’est alors pas la priorité, un cerclage par une couronne apportera le meilleur maintien des parois séparées par la fêlure.

CONCLUSION

Nous garderons en tête, à l’heure de la préparation que l’important, particulièrement pour les dents fêlées, est de conserver la dent sur l’arcade. Il s’en suit certains arbitrages qui vont intégrer les paramètres habituels et le risque de propagation de la fêlure. Nous pouvons ainsi ajouter certains facteurs de risques qui nous pousserons à préparer plus afin de mieux protéger (9) :
– les molaires mandibulaires sont plus sujettes aux fractures.
– les dents plus proches de l’ATM subissent des forces plus importantes avec le ratio suivant : 4 : 2 : 1
(Molaires, Prémolaires, Incisives)
– les dents traitées endodontiquement sont plus sujettes aux fractures radiculaires verticales
– les dents restaurées sont plus susceptibles de fracturer
– la perte des crêtes marginales est source d’affaiblissement biomécanique
Fort de ces éléments, le praticien peut ensuite décider de la meilleure stratégie de préparation et de restauration afin de pérenniser la dent sur l’arcade. Cela n’empêchera pas la nécessité d’une communication claire avec le patient afin de le prévenir des risques et d’anticiper les inévitables échecs possibles.

BIBLIOGRAPHIE

1. ROULET J-F., DEGRANGE M. – Adhesion. The silent revolution in dentistry. Chicago : Quintessence Publishing Co., Inc., 2000.- 303p.
2. D. GERDOLLE, M. DROSSART, P. BAZOS – Évolution des formes de préparation pour inlays/onlays postérieurs au maxillaire. Réalités Cliniques n°4 – 15 décembre 2014 (page 307-316)
3. TIRLET G, ATTAL JP – Le gradient thérapeutique. Inf Dent. 2009 Numéro Spécial,n° 41/42, 2561-2568
4. PAUL SJ, SCHÄRER P – The dual bonding technique: a modified method to improve adhesive luting procedures. Int J Periodontics Restorative Dent. 1997;17(6):536-45
5. MAGNE P – IDS: Immediate Dentin Sealing (IDS) for tooth preparations. J Adhes Dent. 2014 Dec;16(6):594
6. RICUCCI D, SIQUEIRA J, LOGHIN S, BERMAN LH – The Cracked Tooth: Histopathologic and Histobacteriologic Aspects. JOE. 2015; 41(3),343-52
7. CLARK DJ, SHEETS CG, PAQUETTE JM – Definitive Diagnosis of Early Enamel and Dentin Cracks Based on Microscopic Evaluation. J Esthet Restor Dent. 2003; 15(7), 391‑401.
8. SEO DG, YI YA, SHIN SJ, PARK JW – Analysis of Factors Associated with Cracked Teeth. JOE. 2012; 38(3):288-92
9. GUESS PC, SCHULTHEIS S, WOLKEWITZ M, ZHANG Y, STRUB JR – Influence of preparation design and ceramic thicknesses on fracture resistance and failure modes of premolar partial coverage restorations. J Prosthet Dent. 2013 Oct;110(4):264-73

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A propos de l'auteur

Romain Cheron

Diplômé de la faculté de
chirurgie dentaire de Paris V
Ancien Assistant Hospitalo-
Universitaire de Biomatériaux
et Prothèse – Paris V
DEA de Génie Médical
et Biomatériaux – Paris XIII
(laboratoire du Pr Michel
Degrange)
Co-dirigeant et formateur
pour la société DentalClub
Exercice libéral à Genève

Maxime Drossart

Diplômé de Paris Descartes
Exercice Libéral à Paris limité
à la prothèse et la dentisterie
restauratrice
Fondateur de DentalClub

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