Il y a 3 ans, nous avions dédié un numéro à vos 50 ans de carrière. Que s’est-il passé depuis ?
La vie continue heureusement mais différemment, avec plus de temps pour la famille, les amis et les voyages aussi. Je suis retourné à mes racines et je suis maintenant à Marrakech à mi-temps où je m’adonne à la peinture. cette belle oasis entre l’Atlas et le désert où soleil et lumière changent vraiment le moral et où les gens sont si bienveillants et chaleureux. Bien sûr les contacts avec les patients, si précieux, ont manqué au début et ce ne fut pas facile de leur dire que je ne les soignerai plus, après tant d’années. Mais ils ont bien compris … 50 ans …il faut laisser la place aux jeunes. Le confinement Covid m’avait déjà montré la merveille d’avoir du temps pour soi ; les Africains disent souvent « vous avez des montres, nous on a le temps ». c’est si vrai.
Comment fait-on pour passer d’une vie trépidante de chirurgien-dentiste, auteur, conférencier international, rédacteur en chef, consultant auprès d’entreprises et j’en passe… à une vie d’artiste propice à la solitude, à l’introspection ?
La vie moderne nous phagocyte et nous empêche de voir l’essentiel. Se retirer de la vie trépidante c’est aussi prendre du recul et enfin voir ce qui est fondamental à chacun. En ce qui me concerne j’ai beaucoup sacrifié à mon métier, certainement aux dépens de ma famille et de mon « hobby » la peinture. certes depuis 1990 j’ai fait une dizaine d’expositions (St Germain des Prés, l’Unesco, Moscou, etc..) mais avec du temps volé sur mes dimanches et mes soirées ; souvent dans une certaine urgence. Maintenant j’ai l’opportunité de m’exprimer de l’intérieur et croyez-moi se retrouver devant une toile vierge, toute blanche, c’est vraiment la meilleure psychothérapie ! Je suis maintenant entouré d’un milieu d’artistes où les valeurs sont plus « subjectives », faisant plus appel à notre cerveau droit, à l’imagination et la créativité : j’adore … Ma prochaine exposition aura lieu le 6 Mai à la galerie Keya à Marrakech.
Vous avez vécu une grande histoire d’amour avec votre métier que vous avez exercé avec beaucoup de passion, la flamme est-elle toujours vivante depuis votre séparation ?
C’est l’un des plus beaux métiers du monde, il est follement addictif car passionnant. Il m’a rendu plus que je ne lui ai donné : des chefs d’état, un Roi, des Premiers Ministres étrangers, des célébrités en grand nombre, et aussi exercer Avenue Montaigne quand on a été “pion” pour payer ses études, comment ne pas remercier chaque jour ce métier et garder cette flamme bien vivante. Je souhaite que beaucoup de jeunes connaissent cette expérience …
L’innovation a toujours été au centre de vos préoccupations. D’ailleurs, vous aviez évoqué un projet d’envergure en implantologie sur lequel vous travaillez depuis quelques années, vous pouvez nous en dire plus sur l’avancement ?
Je n’ai pas totalement quitté la dentisterie mais je suis passé du côté de la recherche et de l’industrie, après
beaucoup d’années comme consultant et créateur de brevets d’invention. Avec un ingénieur Italo-Suisse Marco Ravanello, nous avons créé une start-up qui procède à sa seconde levée de fonds. CUDETI est spécialisée dans les implants customisés (sur mesure) réalisés en Titane par impression 3D avec une structure en faisceaux (conformal lattice structure). Ces implants sont adaptés aux conditions osseuses de chaque patient, notamment sa densité osseuse, l’épaisseur de sa corticale, ou celle de la muqueuse périimplantaire. Ce sont des implants totalement monoblocs, sans les problèmes liés aux connectiques, dont les piliers sont également customisés en fonction des paramètres prothétiques, et qui permettent l’ostéo-pénétration et non pas seulement l’ostéo- ntégration à la surface de l’implant. Il y a ainsi beaucoup plus de contact os-implant ce qui impacte la stabilité secondaire. Ces implants seront fabriqués pour chaque patient en fonction des données numériques (scanners extra et intra oraux ..) et livrés directement aux praticiens qui seront délivrés des contraintes de stocks ( un peu comme les aligneurs orthodontiques). La couronne provisoire peut également être imprimée avec les mêmes données numériques. on est vraiment dans le monde digital de A à Z … il ne manque plus que la livraison par drones.
Nous avons conscience d’être sur une niche très en avance sur les implants actuels machinés et dépendants des réseaux de distribution si coûteux (succursales, représentants … ) et qui sont tous des clones les uns des autres. Mais pensons que l’avenir est bien là : adapter l’implant au patient et non pas le contraire, avec les outils digitaux modernes.
Le recul que vous avez désormais sur la profession vous a-t-il permis d’y porter un regard différent ?
Je me sens un peu de la “vieille école” face à la prolifération des “centres ” de soins. Je ne porte pas de jugement car s’ils existent c’est que socialement ils répondent certainement à un besoin.
Il est vrai cependant que c’est loin de la conception libérale et humaine que j’avais de l’exercice en cabinet, où le patient n’était pas un numéro de Sécurité Sociale ou de Mutuelle mais un être humain.
Attention, je ne dis pas que tous les centres sont ainsi mais quand je parle à de jeunes diplômés, j’ai un peu l’impression que beaucoup prennent cette direction et trouvent des avantages au salariat.
Les scandales récents n’ont pas fait du bien aux centres. Pourtant, je crois profondément au travail de groupe, à l’association des disciplines, à l’intégration de jeunes auprès de cliniciens plus expérimentés.
Donc je suis persuadé que des cliniques dentaires vont émerger dans l’avenir pour privilégier des soins modernes et de qualité qui rehausseront encore l’image de la dentisterie dans notre pays.