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LA ROG « SAUSAGE TECHNIQUE »

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La pérennité d’un implant dentaire sur le long terme nécessite un volume osseux initial adéquat. L’implant doit être entouré d’au minimum 2 mm d’os en vestibulaire, et 1 mm en palatin/lingual. Le respect ces facteurs dimensionnels permettrait de prévenir les pertes osseuses péri-implantaires, offrant la garantie d’un résultat fonctionnel et esthétique dans le temps. Plusieurs critères de maintien de la santé implantaire s’ajoutent à ce volume osseux implantable : l’hygiène buccale, le tabac et la santé générale (diabète, vitamine D). Lorsque la crête alvéolaire ne respecte pas ces dimensions initiales, une augmentation osseuse est alors nécessaire. L’architecture de ces défauts ont été décrit par Cawood et al. en 1988 avec une classification radiologique simple, aujourd’hui devenue une référence en chirurgie pré-implantaire (Photo 1).

Afin de corriger cette résorption osseuse, plusieurs techniques sont disponibles dans l’arsenal du chirurgien-dentiste en fonction du type de volume à reconstruire :

  • les greffes dites « autogènes » par prélèvements osseux intra-oraux sur la zone ramique ou mentonnière ;
  • la régénération osseuse guidée (ROG) faisant intervenir des substituts osseux et des membranes protectrices ;
  • les greffes utilisant des systèmes de piquet de tente ou mainteneur d’espace type plaques ou vis ;
  • l’expansion osseuse et leur déclinaison : les ostéotomies de translation aussi appelées ostéotomies segmentaires pré-implantaires ;
  • la distraction osseuse.

Il existe aujourd’hui un vaste choix de techniques de reconstructions osseuses pré-implantaires reproductibles. Le choix d’un procédé par rapport à un autre dépend de type de défaut osseux, des habitudes chirurgicales du praticien, du plateau technique et enfin du « contexte patient ». La régénération osseuse guidée 2.0 « Sausage » telle que décrite par I. Urban est une technique simple à mettre en œuvre et semble offrir des résultats satisfaisants à moindre morbidité pour le patient. Quelles sont les indications de mise en œuvre de la Sausage technique ? Quelles sont les étapes du protocole chirurgical ?

PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA ROG

Initialement, la ROG reprend les principes de la régénération tissulaire guidée mise au point par Nyman en 1982, c’est-à-dire l’utilisation d’une membrane qui joue un rôle de barrière physique permettant ainsi une colonisation sélective du caillot par les cellules du desmodonte. Le but est de favoriser la colonisation le substitut osseux par les éléments ostéogéniques du site receveur. La ROG « classique » avec membrane résorbable a souvent été réservée à la préservation alvéolaire post-extractionnelle ou aux petits défauts avec un gain osseux mineur ou modéré. Les défauts moyens ou avancés étaient alors plutôt corrigés par greffes autogènes ou ROG avec membrane non résorbable. Néanmoins, la greffe autogène impose un site donneur et donc une morbidité accrue pour le patient, tandis que les membranes non résorbables auraient un risque supérieur d’exposition. Le choix de la technique de greffe fait largement débat dans la communauté scientifique, chacun défendant sa technique en fonction des situations anatomiques et de ses habitudes ; cependant elle doit répondre à des critères objectifs présents dans la littérature afin de maximiser les chances de réussite, tout en minimisant les risques et les suites opératoires pour le patient.

L’IMMOBILISATION DU BIOMATERIAU : FACTEUR CLÉ DE SUCCÈS ?

Les études de Park en 2012 et Garaicoa en 2015 ont permis une avancée majeure dans le choix d’une technique (ROG) par rapport à une autre. Garaicoa et al. ont réalisé des mesures radiographiques sur les maxillaires de 26 patients ayant bénéficié d’une ROG dans le sens horizontal. Et ils concluent ceci : lorsque le degré d’angulation de la concavité maxillaire est petit (angle α), la ROG offre d’excellents résultats. En d’autres termes, plus la crête osseuse du site receveur présente une forme de « cupule », plus la ROG est efficiente (Fig. 2).

Fig. 2 : importance de la concavité du site receveur pour choisir le type de greffe
adaptée.

On en déduit logiquement qu’une concavité osseuse plus marquée offre une immobilisation naturelle du biomatériau et que la membrane subit moins de pression venant des particules osseuses. Park and al en 2009, décrivait la même tendance avec une forte influence du degré de concavité mandibulaire. Ces conclusions permettent d’orienter le choix de la technique de ROG en fonction de l’anatomie du site à greffer. La ROG serait donc plus efficace face à une perte horizontale en cupule (Classe IV Cawood) lorsque le greffon est parfaitement stabilisé sur le site. C’est cette volonté d’immobilisation excessive du biomatériau qui a amené la ROG 2.0 décrite par Itsvan Urban : « La Sausage technique » (Fig. 3).

Fig. 3 : exemple de ROG type Sausage technique sur un secteur mandibulaire
antérieur. On note une tension maximale de la membrane de collagène.

Cette ROG « maximisée » élargit les indications de la ROG, en devenant alternative crédible pour corriger les défauts horizontaux en obtenant un volume post-opératoire intéressant. D’après la littérature, le gain osseux horizontal oscillerait entre 4 et 7 mm à 4 mois post opératoire. Afin d’obtenir des résultats satisfaisants, la sausage technique repose bien évidemment sur les principes communs à toutes les augmentations osseuses pré-implantaires :

  • Apport vasculaire du site receveur
  • Stabilisation et protection du biomatériau
  • Sutures sans tensions (Mammoto, 2009)
  • Absence de mouvement sur la muqueuse crestale (Hammerle, 2008)

Par opposition à la ROG « simple », ce procédé impose des décollements muqueux plus larges et la mise en évidence d’éléments anatomiques nobles comme l’émergence du nerf dentaire inférieur au niveau du trou mentonnier. La membrane collagénique est d’abord conformée puis parfaitement appliquée en tension sur le site par des micro-clous ou pin’s. Le biomatériau est fermement maintenu au contact du site receveur. tout mouvement du greffon compromet la réussite de la technique. En effet, une membrane sollicitée par des micro-mouvements perturbe la protection du caillot sousjacent, pouvant provoquer la formation de tissu fibreux au lieu de tissus osseux. urban décrit dans sa technique originelle un mélange égal d’os autogène et d’os xénogenique bovin (DBBM : deproteinized bovine bone mineral, Bio-oss, Geisltich Pharma). Néanmoins, les travaux d’Aludden et al. ont montré que le ratio de biomatériaux avait peu d’importance sur la réussite de la greffe. L’utilisation du PRF (Platelet rich Fibrin) est un atout dans cette technique pour deux raisons : il accroit la présence de facteurs de la coagulation et donc de de l’ostéogénèse ; et permet la densification du biomatériau dense et compact grâce au procédé du Sticky Bone. C’est pourquoi nous systématisons ce protocole, permettant un gain de temps considérable lors de la mise en place du substitut osseux.

TECHNIQUE CHIRURGICALE – CAS CLINIQUES

Afin d’illustrer nos propos, voici 2 cas d’augmentation osseuse par sausage technique.

CAS 1

1- Il s’agit d’une patiente de 65 ans désirant une réhabilitation dentaire fixe secteur 46-47. Elle est non fumeuse, en bonne santé, et supplémentée en vitamine D (Fig. 4a et 4b).

Le scanner préopératoire montre une Classe IV de Cawood avec une perte horizontale type « lame de couteau » (largeur de crête comprise entre 2,8 mm et 3,2 mm). Le défaut est à la fois lingual et vestibulaire avec une concavité de chaque côté (Fig. 4c).

2 – une incision muco-périostée est réalisée avec une décharge distale suivie d’un décollement pleine épaisseur vestibulaire et lingual. L’émergence du nerf dentaire inférieur au niveau du trou mentonnier est mise en évidence lors de la dissection afin de le protéger. Des ostéoplasties perforantes avec un foret sont exécutées dans le but de stimuler l’afflux sanguin du site receveur (Fig. 4d).

3 – Les tissus sont relaxés afin de libérer les tensions musculaires, en insistant sur le muscle mylo-hyoïdien et autour de la gaine du nerf dentaire inférieur.

4 – L’os autogène est prélevé sur le ramus droit à l’aide d’une râpe à os (Bone scraper). Le mélange entre os autogène et os xénogenique (Bio-oss, Geistlich Pharma) est placé au contact de la membrane côté lingual. La technique du Sticky bone est utilisée afin d’obtenir un matériau dense et immobile. La membrane collagénique (Bioguide, Geistlich Pharma) est conformée avant d’être positionnée du côté lingual. Elle est d’abord fixée par un clou mésio-lingual (Fig. 4e). Urban insiste particulièrement sur ce pin’s mésial qui permet de cercler la dent qui borde l’édentement.

5 – une fois le matériau compacté en lingual et sur la crête, la membrane est tendue puis rabattue en vestibulaire pour immobiliser le greffon de manière excessive par 3 clous placés en vestibulaire (Fig. 4f). Cette étape est capitale dans la Sausage technique assurant une compaction du matériau sur le site receveur.

6 – 3 sutures en u apical maitress sont réalisées coté vestibulaire et un surjet assurent l’étanchéité du lambeau muqueux.

7 – 4 mois après : le scanner de contrôle montre un gain osseux moyen de 4,5 mm sur toute la longueur de crête mesurant alors entre 6 et de 7,5 mm (Fig. 4g). La greffe a permis de reconstruire l’anatomie de la zone en lingual et vestibulaire.

8 – Les 2 implants (Anyridge, Megagen) sont positionnés en sous-crestal, en sur-forant sur les 2 premiers millimètres afin de préserver au maximum l’os greffé. Le scanner post-implantaire objective le volume osseux satisfaisant autour de l’implant (Fig. 4h).

CAS 2

1 – Au maxillaire la sauvage technique est également un outil en secteur esthétique maxillaire il s’agit d’une patiente de 38 ans qui a présenté un kyste volumineux d’origine endodontique et dont l’étiologie a été la dent 21 fracturée (Fig. 5a).

2 – Après extraction, énucléation et temporisation par un bridge collé à ailette, on note un défaut osseux majeur dans le sens horizontal (Fig. 5b et 5c). Au vu du défaut concave en « en cupule », la ROG Sausage est indiquée.

3 – une dissection large jusqu’au niveau des fosses nasales est réalisée afin de relaxer suffisamment les tissus mous. La membrane est d’abord pinsée côté palatin et le biomatériau est compacté sur la crête (Fig. 5d).

4 – La membrane est alors tendue côté vestibulaire et fixée par 2 pins (Fig. 5e). Les sutures sans tensions sont réalisées.

5 – Le scanner à 4 mois objective une bonne intégration du greffon qui reconstruit la crête osseuse ad integrum (Fig. 5f). La réouverture du site montre un volume osseux convexe satisfaisant (Fig. 5g).

On peut noter que la Sausage technique d’Urban est simple à réaliser et permet une reconstruction harmonieuse de la crête édentée, sans rebords osseux abrupts. Le risque d’exposition est minime, on sait d’après la littérature que les défauts de cicatrisation sur les membranes résorbables sont résolus assez facilement par des nettoyages avec de la chlorhexidine. La Sausage technique peut également être combinée à d’autres actes chirurgicaux comme en extraction-comblement (Fig. 6a, 6b).

Figure 6 a : avulsion des dents non conservables 35/38 et préservation alvéolaire
par Sausage technique simultanée.

Figure 6 b : le scanner pré-opératoire montrait un défaut avec perte des parois
vestibulaires. On observe un gain osseux de 5 mm à 3 mois, évitant un nouveau
geste invasif d’augmentation osseuse.

 

CONCLUSION

La Sausage technique d’Urban est une alternative moderne en chirurgie osseuse pré-implantaire. Elle fait ses preuves dans une indication précise : les défauts horizontaux concaves ou en forme de cupules. Les décollements muqueux larges nécessitent une connaissance de l’anatomie orale, cependant le procédé est simple et offre des résultats satisfaisants, tout en minimisant les risques et les suites opératoires pour le patient. Pour les défauts plus complexes (verticaux ou 3D), I. Urban développe les mêmes principes avec des membranes non résorbables.

BIBLIOGRAPHIE

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  2. Cawood JI, Howell RA. A classification of the edentulous jaws. Int J Oral Maxillofac Surg. 1988;17(4):232-6.
  3. Dahlin C, Linde A, Gottlow J, Nyman S. Healing of bone defects by guided tissue regeneration. Plast Reconstr Surg. 1988;81(5):672–676
  4. Garaicoa C, Suarez F, Fu J-H, Chan H-L, Monje A, Galindo-Moreno P, et al. Using cone beam computed tomography angle for predicting the outcome of horizontal bone augmentation. Clin Implant Dent Relat Res. 2015;17(4):717–23.
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  6. Urban, I.A., H. Nagursky, and J.L. Lozada, Horizontal ridge augmentation with a resorbable membrane and particulated autogenous bone with or without anorganic bovine bone-derived mineral: a prospective case series in 22 patients. Int J Oral Maxillofac Implants, 2011. 26(2): p. 404-14.
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  8. Mammoto A1, Connor KM, Mammoto T, Yung CW, Huh D, Aderman CM, Mostoslavsky G, Smith LE, Ingber DE. A mechanosensitive transcriptional

 

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A propos de l'auteur

Dr. Franck AFOTA

Spécialiste Qualifié en Chirurgie Orale,
Nice
Co-directeur du D.U. de greffes osseuses ré-implantaires,
Institut Universitaire de la Face et du Cou,
CHU Nice

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