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En trente années de carrière, on voit défiler les évènements les uns après les autres. Mais lorsqu’un d’entre eux arrive, on a du mal à en prendre réellement la mesure. Beaucoup de praticiens se disent qu’avec l’entrée en vigueur de la tarification imposée des prothèses, la profession opère un véritable tournant. Il existait avant un consensus établi : les soins, on travaille en pure perte, mais en échange, nous avons la liberté des tarifs des prothèses avec en arrière-pensée surtout les prothèses fixes. Mais était-ce vraiment le cas ?

Pour ceux qui ont gardé en souvenir les tarifs des CCM des années 1980 à 2000, on pouvait dire que les céramiques variaient de 3500 à 5000 francs avec une moyenne de 4000 F c’est-à-dire de 530 € à 760 € avec une moyenne de 600 €.

Or 40 ans plus tard, on retrouve globalement les mêmes chiffres et les mêmes moyennes. Ce qui signifie que pendant 40 ans les praticiens avec une incroyable conscience professionnelle ont eux-mêmes bloqué leur prix pour permettre l’accessibilité des couronnes à tous les citoyens. Dans la même période, le prix de la baguette a été multiplié par 3,5, ce qui équivaudrait pour la CCM à… 1.850 € l’unité.

L’obsession de faire baisser les tarifs de prothèses n’est donc pas justifiée puisque la profession a fait sa propre régularisation. Mais les politiques ne voyaient pas cette analyse du même œil. Un « dentiste » ne doit pas gagner plus qu’un cadre point final. Alors le déchaînement et le rouleau compresseur ont été impressionnants.

D’abord un tournant incroyable qui s’est déroulé le premier janvier 2000, sans que la profession ne soit sollicitée sans que les syndicats n’aient à négocier. Ni manifestation, ni CCDLi et encore moins de gilets jaunes. Non, la CMU a fait son entrée avec une tarification ahurissante sans que personne (ou presque) ne bronche.

Pour la première fois, les tarifs de prothèses étaient imposés. Aujourd’hui les tarifs de la convention pour les CCM n’ont que 18 % de différence avec les tarifs CMU (500 € versus 410 €). Gageons que bientôt (pour la nouvelle convention) les tarifs imposés pour cette couronne sera les mêmes pour le reste à charge 0 et les CMU (autour de 420 – 450 €).

Mais la CMU ne suffisait pas aux politiciens. Puisqu’elle a été acceptée, il faut montrer au peuple français que les dentistes sont des profiteurs. Pour cela deux tactiques : la première, diffuser l’idée qu’une couronne est comme un produit de consommation qui s’achète d’une part (au laboratoire de prothèses) et qui se vend d’autre part au, non pas patient, mais, consommateur. C’est pour cela que le terme de « culbute » a fait son entrée dans le jargon des journalistes offusqués qu’un produit médical réalisé au laboratoire soit vendu 10 fois son prix au cabinet. Très bonne idée que d’appliquer un dénigrement de la profession, mais ce n’était pas suffisant. Alors est entré en scène le devis conventionnel avec pour objectif (prétendument de traçabilité) de dévoiler à tous le prix du laboratoire afin de culpabiliser la profession de sorte qu’elle réduise encore et encore ses tarifs. Mais rien n’y faisait, les patients n’étaient pas dupes.

Il fallait trouver autre chose et M. SARKOZY et son gouvernement ont été géniaux.

Ils ont d’abord, imposé une complémentaire santé à tous (à tous les salariés) avec pour apothéose ce groupe Malakoff Médéric qui, selon Médiapart, a gagné près de 1 million d’adhérents d’un coup. À la tête de ce groupe, on trouvait le frère aîné du président de la République, Guillaume SARKOZY.

Ils ont ensuite, avec la loi Bachelot du 21 juillet 2009, du nom de cette ancienne ministre qui aujourd’hui amuse les auditeurs radio, facilité la croissance des centres de santé. La concurrence devenait rude et les prix (tout autant que le nombre de libéraux) diminuaient.

Mais ce n’est pas tout. Toujours dans les années 2000 s’est développé ce concept créatif et destructeur à la foi né de l’imagination de certaines complémentaires, la notion de réseau. Avec la MGEN et son réseau ouvert qui a attiré de nombreux syndiqués et plus de la moitié de la profession. Mais surtout avec les réseaux fermés dont un des fers de lance a été Santéclair qui a agi avec intelligence et lucidité. En sélectionnant 1000 praticiens qui se verraient adresser les adhérents de ce groupe, les autres praticiens, pour survivre, seraient obligés de baisser leur prix au niveau de ceux imposés par les réseaux fermés.

Enfin, comment ne pas finir sur les divisions de la profession, les luttes syndicales et l’individualisme des confrères qui ont achevé le travail. La résilience des chirurgiens-dentistes a toujours été mon admiration. Prions pour que la profession ne devienne pas celle des poseurs de couronnes après avoir longtemps été celle des « arracheurs de dents ».

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A propos de l'auteur

Philippe Rudyard BESSIS

Avocat à la Cour
Ancien chirurgien-dentiste

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