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GIOVANNI ZUCCHELLI VS SASHA JOVANOVIC

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Dans le cadre de son institut Gide Dental, le Dr Sasha Jovanovic de Los Angeles, illustre paro- Implantologiste et fondateur de la régénération osseuse guidée, s’entretient régulièrement avec les plus grands experts internationaux dans différents domaines de la dentisterie. Avec son aimable autorisation, LE FIL DENTAIRE vous propose au travers de cette nouvelle rubrique Face à Face de profiter de ces enrichissants échanges. Lever de rideau sur ce premier entretien entre Sasha Jovanovic et Giovanni Zucchelli, maître incontesté de la chirurgie mucogingivale.

Sasha Jovanovic : J’ai vraiment l’honneur et le privilège d’échanger avec mon binôme d’aujourd’hui, le Dr
Giovanni Zucchelli. Salut Giovanni, toi et moi, on se suit depuis de nombreuses années. Nous sommes parodontistes tous les deux, donc nous nous intéressons aux tissus. Toi, tu te concentres plutôt sur les tissus mous parodontaux alors que je suis un peu plus porté sur les tissus osseux. On se connaît depuis fort longtemps, on se fréquente et j’ai toujours eu beaucoup d’admiration et de respect pour ton
travail. Pourrais-tu me dire… parce qu’en fait c’est un entretien personnel que nous avons aujourd’hui et c’est intéressant de connaître ton long parcours, les techniques que tu as mises au point et comment tu as démarré. Je sais que tu as beaucoup travaillé sur la régénération tissulaire. La société de parodontologie italienne a d’ailleurs joué un rôle important dans ce domaine au cours des 30 dernières années. alors comment as-tu- développé les techniques que tu utilises ? Il est vrai qu’aujourd’hui nous avons de
nouveaux biomatériaux, de nouveaux protocoles mais qu’est-ce qui est différent aujourd’hui d’il y a peut-être 30 ans lorsque tu as commencé ?

Giovanni Zucchelli : En quelques mots, je suis parodontiste depuis le début. Je suis diplômé de l’Université de Bologne, j’y ai également obtenu ma spécialisation en parodontologie puis j’y suis devenu professeur en paro. J’ai eu plusieurs expériences à l’étranger notamment à Göteborg à l’Institut Jan Lindhe avec Jan L Wennström où j’ai commencé à m’orienter davantage vers la gestion des tissus mous. J’ai 2 éminents mentors : le Pr Calandriello qui a été le premier à m’avoir vraiment introduit dans le domaine de la
parodontologie, puis le Pr Massimo de Sanctis, que tu connais fort probablement, qui était aussi un de mes
professeurs à l’université de Bologne. Nous avons commencé à travailler ensemble et à l’époque, nous
voulions simplement peaufiner le protocole chirurgical pour optimiser le résultat esthétique au lieu de se limiter à augmenter les tissus kératinisés. C’était le point de départ du lambeau positionné coronairement (LPC) avec les techniques que nous avons mis au point par exemple pour les récessions gingivales unitaires ou multiples. au début, nous avons essayé de travailler exclusivement avec le LPC puis on lui a associé une greffe de tissu conjonctif pour certaines applications. C’est ce qui fonde vraiment notre concept parce qu’on n’utilise pas la greffe à chaque récession gingivale unitaire que nous traitons, mais uniquement pour des cas spécifiques, par exemple pour la tunnelisation, car le grand avantage du LPC est que c’est un
recouvrement radiculaire en soi. Mais ce qui a changé, depuis 20 ans, n’est pas vraiment la technique. Peut-être le type d’instrument que nous utilisons, le type de lames ou de sutures mais le protocole chirurgical est exactement le même. Ce qui fait la différence est que désormais nous savons que le lambeau positionné coronairement seul n’est pas toujours réalisable, et qu’il dépend de la quantité de tissu kératinisé. donc on essaie de normaliser les choses, si nous avons peu de tissu kératinisé, par exemple environ un millimètre, on a recours à une greffe de tissu conjonctif. Et si nous avons un tout petit peu plus d’un millimètre de tissu, alors on utilise une matrice de collagène, dont je pourrai te parler également. Par contre, si nous avons plus de deux millimètres de tissu kératinisée, nous n’utilisons que le LPC.
donc, la technique elle-même n’a pas beaucoup évolué c’est juste la prise de conscience de cette technique qui s’est accrue ces dernières années.

S.G. : Je le constate également au travers du travail que nous avons réalisé avec la régénération osseuse guidée (ROG). Si on regarde les fondamentaux et les principes biologiques, ils n’ont pas vraiment évolué et c’est toujours l’essence de notre succès, mais si j’ai bien compris, la microchirurgie s’est invitée dans ce domaine, donc on est plus précis, moins invasif…

G.Z. : Oui, les systèmes de grossissement ont évolué, les types de sutures, de lames, d’aiguilles sont plus raffinés mais comme tu le disais quand un protocole chirurgical est basé sur un bon principe biologique, il n’y a pas grand chose à changer. d’ailleurs, je dis souvent qu’il y a certaines techniques qui ressemblent à des météores. Elles sont éphémères et correspondent à un effet de mode. Tout le monde les utilise et 2 ans plus tard plus personne. Et c’est précisément parce qu’elles ne sont pas basées sur un principe biologique. Si le fondement d’une technique est biologique, elle peut connaître quelques changements ou
améliorations mais elle est pérenne.

S.J. : je voudrais à présent te poser une question clinique précise. Il y a quelques années, j’ai fait un post graduate à l’université Loma Linda que tu connais certainement. Il y avait un cours sur la régénération parodontale axé sur le lambeau positionné coronairement et on nous présentait une technique de suture que je trouvais fantastique à l’époque. Pour repositionner les limites du lambeau, un peu de composite était ajouté sur le bord incisal d’une dent ce qui permettait de maintenir le lambeau en position
coronaire alors, je me souviens t’avoir vu le faire, mais…en fait, je t’ai aussi vu NE PAS le faire. Est-ce un standard dans l’opération du LPC ? Ou est-ce plutôt au cas par cas ?

G.Z. : tu veux parler de la suture coronaire ancrée à la restauration composite ? Heu non, je ne trouve pas cela idéal d’un point de vue biologique, car pour que le tissu survive il faut un lit vasculaire sinon il retrécit rapidement. Je n’utilise donc cette technique que dans les cas où je dois déplacer tout le complexe gingivo- papillaire coronairement. D’un point de vue strictement chirurgical, c’est pas mal mais attention il y a beaucoup de retrécissement. donc je ne pense pas que cette suture fasse la différence. Le plus important est de bien identifier le litvasculaire et d’y placer le tissu. C’est pourquoi en zone  péri-implantaire, j’ai un peu modifié la technique du LPC. J’ai essayé d’élargir la zone papillaire pour désépithélialiser un peu plus en palatin pour avancer le lambeau en veillant bien sûr aux points de contact interdentaires.

S.J. : Nous allons mettre en lien ici la vidéo de cet entretien car les praticiens aiment visualiser les différences et ils pourront ainsi bénéficier de ton expertise.
https://www.youtube.com/watch?v=oQX5SqoV8JI

G.Z. : Si vous visionnez à partir de la 15ème minute (timing 15 : 20mn). Nous voici, en 1998, Massimo de Sanctis et moi. J’étais vraiment différent (Rires).

Ce qu’on peut voir c’est qu’évidemment la lame était complètement différente mais le tracé du lambeau était exécuté de la même manière il y a 20 ans même si je n’étais pas aussi précis dans le placement de l’incision.

Je réalisais le tracé du lambeau quasiment en même temps que l’élévation de la papille. aujourd’hui, je réalise d’abord le tracé et puis je commence l’élévation de la papille et afin d’obtenir la bonne épaisseur à l’apex je fais l’incision en biseau puis je pivote la lame pour maintenir la bonne épaisseur au niveau de l’extrémité de la papille. Et malgré cette croissance papillaire, je veux garder la bonne épaisseur de tissu conjonctif même si on a une petite invagination. a présent, je suis surtout conscient de l’importance de conserver l’extrémité de la papille absolument intacte avec la bonne épaisseur et garder la même épaisseur tout au long de la ligne apicale à distance mésiale de la papille. Puis élévation pleine épaisseur avec
l’élévateur à périoste puis demi-épaisseur. Aujourd’hui, je limite les incisions profondes car cela minimise l’inconfort du patient alors qu’à l’époque j’incisais plus profondément.
L’incision profonde qui permet de détacher les muscles du périoste est très limitée alors que l’incision superficielle, peut être beaucoup plus étendue dans la direction apicale.
Vous pouvez voir qu’une grande partie de la lame est en dehors du tissu et une fois le périoste détaché de tous les muscles, je peux déplacer ma lame en vérifiant avec la sonde évidemment et je commence à faire l’incision superficielle. J’insère alors toute la lame à l’intérieur du tissu mais de façon tellement superficielle qu’il n’y a pas de nerf ni de gros muscles qu’on pourrait endommager et donc le saignement et la douleur postopératoire sont très limités. Au départ, c’était la grande confusion entre incision profonde et incision superficielle. Maintenant il est très clair que l’incision profonde permet uniquement de détacher les muscles du périoste et l’incision superficielle est celle que nous pratiquons pour faire avancer le lambeau.
Pour le surfaçage radiculaire, on utilise l’EDTA tout comme c’était le cas il y a 20 ans. Là encore, on utilise des instruments différents pour préparer la zone de la papille comme les ciseaux de microchirurgie, pour
désépithélialiser. Et enfin, la grande différence, c’est l’application d’un petit greffon uniquement sur les dents qui n’ont pas assez de tissu kératinisé. On ne couvre pas toutes les dents mais on traite le bloc inciso-canin: on constate qu’il n’y a aucun tissu kératinisé au niveau de la canine, et on soulève juste 3 mm, on greffe 0,4 à 0,5 mm de greffon, et on fait la même chose depuis la molaire donc l’utilisation de cette technique pour une dent spécifique est un nouveau concept. à l’époque, soit on avançait le lambeau, soit on utilisait la greffe de tissu conjonctif. Ensuite, on suture le tout et la stabilité du lambeau est plus ou moins la même. A cette époque, j’utilisais aussi un point de suture en matelassier horizontal qui servait à stabiliser le cingulum palatin mais maintenant que je parviens à retirer les muscles du lambeau avec une incision profonde en surface, je ne l’utilise plus. On peut utiliser la même technique en utilisant
une matrice de collagène à la place du tissu conjonctif mais c’est toujours le même concept. Mais il faut juste veiller à prendre un tout petit greffon pour limiter l’inconfort du patient mais aussi éviter une exposition de la greffe.

S.J. : C’est très instructif. Mieux comprendre l’anatomie aide en effet à comprendre l’intérêt de la microchirurgie et d’une meilleure gestion des tissus mous. Giovanni, parlons un peu de l’utilisation des biomatériaux tu viens de parler de sites receveurs de greffe et il serait intéressant d’aborder les sites donneurs. alors, le tissu palatin est une première option et il y a bien sûr différents emplacements,
on peut peut-être l’expliquer. Et puis il y les biomatériaux qui sont souvent à base de collagène, certains sont faits de pur collagène, comme le Geistlich Mucograft™, ou à base de collagène réticulé, comme le Fibro-Gide™ de Geistlich. Y a-t-il une différence selon toi ? J’aimerai aussi avoir ton opinion personnelle sur les matériaux allogéniques utilisés ici aux États-unis comme Alloderm™.

G.Z. : Je vais si tu veux bien expliquer au préalable la manière dont je procède à ces prélèvements. Il est surtout très important de comprendre comment l’inconfort du patient peut être réduit si on respecte la bonne dimension du greffon.

De Sanctis & Zucchelli – Coranally advanced flap a modified surgical approach for isolated recession-type defects : three years results – J. Clin Periodonto 2007;34(3):262-8. Pour visionner cette technique : https://www.youtube.com/watch?v=oQX5SqoV8JI Timing : à partir de 23 : 11mn

Voici un exemple de ma méthode actuelle de prélèvement de greffe et c’est très semblable à ma façon de soulever la papille, je fais une incision horizontale vraiment très proche des dents adjacentes, une incision superficielle verticale très courte, et aucune incision apicale, au début, donc le site ne sera pas cruenté pendant le prélèvement du greffon. Ensuite, à hauteur de l’angle mésial, je fais pivoter la lame afin de la
garder tant que possible parallèle à la surface externe, c’est très important car si on garde la lame parallèle à l’os, on prélève une trop grande épaisseur et c’est très douloureux pour le patient. alors qu’ainsi, on garde une épaisseur de greffon minimale et régulière au niveau coronaire et apical.
Et quand je fais l’incision de décharge verticale, je peux alors approfondir l’incision en distal et cela me permet de libérer le greffon aisément pour le prélever.

S.J. : Giovanni, de combien est l’épaisseur du lambeau greffon ?
G.Z. : Ici, 0,7 mm. 0,8 mm maximum. Ceci est pour les dents naturelles mais évidemment, je peux aborder la même technique pour une greffe de tissu conjonctif periimplantaire.

Là, j’ai un greffon apico-coronaire de grande taille car je dois recouvrir toute l’exposition de l’implant bien sûr mais la technique est la même : à hauteur de l’angle mésial, rotation et maintien de la lame en parallèle de la surface externe, et on voit que même si ce greffon fait environ 10 mm de hauteur, pour 1 mm d’épaisseur, on n’a aucun saignement car je n’ai pas fait l’incision apicale en premier, je fais d’abord l’incision en mésial, à l’horizontale puis en distal et c’est seulement lorsque la partie coronaire du greffon est décollée que je peux approfondir l’incision en distal, ce qui fait quelquefois saigner davantage. Je garde
la lame parallèle et seulement maintenant, je retire le greffon en connectant les incisions distales verticales avec l’incision mésiale. En fait, tout le monde connaît cette technique, c’est la greffe gingivale libre : le lambeau greffon est placé sur le plateau chirurgical, on retire le tissu glandulaire adipeux en premier lieu, puis on utilise la lame pour désépithélialiser en la gardant toujours parallèle à la surface extérieure. J’aimerais te montrer qu’à la fin de cette opération, le palais ne saigne pas du tout. Je prends juste
une éponge de collagène que j’applique et que je maintiens avec un point matelassier horizontal pour stabiliser le caillot sanguin et depuis peu, j’applique également un peu de colle au cyanoacrylate et rien d’autre, pas de plaque, parce que c’est très superficiel, et bien que le greffon soit de grande taille, on voit que le tissu post-opératoire, ne saigne pas du tout. On voit la colle au cyanoacrylate que j’ai appliqué pour stabiliser le caillot sanguin et éviter que le patient ne touche cette zone et commence à saigner dans la première heure qui suit l’intervention.Voilà, c’est ma pratique habituelle pour les gros greffons et c’est la technique de choix pour prélever du tissu conjonctif. Je n’utilise plus la technique de l’incision
unique dans la zone prémolaire, parce que cette zone est très graisseuse et contient un tas de tissu adipeux et c’est quelque chose que je n’aimerais pas coller sur mes dents ou mes gencives.
S.J. : Merci pour ces explications. J’aimerais rebondir sur ce point. Si j’ai bien compris, quand on a une marge de gencive kératinisée, même sur une épaisseur d’à peine 1 mm, j’ai cru comprendre que dans de nombreux cas, on peut réussir avec un lambeau positionné coronairement.
G.Z. : avec ne serait-ce qu’un seul mm, c’est jouable. S’il y a moins d’un mm, on doit ajouter du tissu conjonctif. Si on a entre 1 et 2 mm, on peut ajouter une matrice pour augmenter l’épaisseur selon le besoin. Par exemple, si on a une égression de racines. il est nécessaire d’augmenter l’épaisseur. Enfin, disons que c’est plus pratique. Il faut au moins 2 mm pour utiliser le lambeau positionné coronairement seul si on est entre 1 et 2 mm, mieux vaut utiliser une matrice de collagène plutôt qu’un tissu
conjonctif. C’est cela le protocole. S.J. : Parfait, c’est une bonne recommandation pour nos
lecteurs. En résumé, au-delà des 2 mm, on peut raisonnablement réussir avec le LPC seul d’après vos
recherches, entre 1 et 2 mm, on peut utiliser un biomatériau de type matrice collagène, et sous les 1 mm, on privilégiera le palatin pour augmenter la kératinisation.

G.Z. : Mais avec cette technique, la quantité de palatin qu’on peut prendre est vraiment très, très limitée avec une épaisseur réduite pour les dents naturelles. Pour les dents, je n’utilise jamais une greffe de plus de 4 mm même si la racine est exposée à 10 mm, je pense que c’est 3 mm dans la zone la plus coronaire pour stabiliser le lambeau.
S.J. : Puis-je déduire que c’est un changement de paradigme de la greffe traditionnelle de tissus mous
publiée par Henry Takei et Thomas Han à l’UCLA ?

G.Z. : Oui, je pense que c’est vraiment une modification de l’ordre des étapes dans le protocole de prélèvement de la greffe. Parce que si on suit les étapes : d’abord l’incision horizontale, puis mésial, incisions parallèles, puis distales, on prélève le greffon, on limite vraiment l’inconfort du patient car la greffe reste très fine et on a des dimensions égales apicalement et cororairement sans trop ôter de tissu
du palatin car c’est ce qui faisait souffrir le patient. Je pense que ce nouveau procédé a été appliqué en 2010, par notre groupe même si la technique a été publiée avant, en 2004, mais la normalisation de cette technique qui consiste à prélever et enlever l’épithélium est un peu plus récente.
Concernant les matrices, je vais en toucher deux mots… La matrice que j’affectionne le plus de nos jours, quand je ne peux ou ne veux pas prélever de greffe, c’est la Fibro- Gide™, car elle constitue une excellente éponge pour la stabilisation des caillots sanguins et l’épaisseur des tissus mous. Malheureusement, compte-tenu de son mode de fabrication, elle est trop épaisse pour le traitement des récessions gingivales. 6 mm environ, mais elle est convient très bien pour l’augmentation des tissus mous sur certains sites.

Matrice 3mm épaisseur

Matrice 6 mm d’épaisseur

 

 

 

 

 

 

 

Pour visionner cette technique : https://www.youtube.com/watch?v=oQX5SqoV8JI11mn
Timing : à 30 mn

Cela dit, on peut réduire et aussi refaçonner ces matrices suivant les besoins. Il faut pour cela utiliser la lame et être délicat avec ce matériau, au risque d’altérer sa structure.
On prend une dimension de base, supérieure à celle du greffon afin de stopper le saignement, et de là, on peut décider de l’épaisseur voulue. Par exemple, si on a un défaut d’abrasion, la substance devra être plus épaisse et a contrario si on a une égression de racine. donc, on découpe la matrice entre les deux doigts.
On peut aussi réduire l’épaisseur en périphérie car le plus important est que la matrice reste épaisse au centre, là où se trouve la racine. L’épaisseur ainsi réduite sur les bords facilite énormément la suture. C’est en quelque sorte comme si on désépithélialisait la matrice. Ce qui fait qu’une matrice peut avoir pile la bonne forme pour s’adapter à la racine, et ici, on voit la différence entre utiliser le matériau d’origine et une matrice modifiée. On voit que le matériau s’insère parfaitement bien au site et permet un bon ancrage au niveau des sutures. à l’inverse, si on utilise le matériau épais de 6 mm, il est alors très difficile de l’insérer dans la papille à cause de l’épaisseur.
Pour résumer, ce matériau nécessite parfois quelques modifications mais le plus important est qu’il ne
fonctionne que si on a un minimum de tissus kératinisés. Sans ce minimum, il faudra utiliser une greffe de tissu conjonctif, qui est plus fine. un autre inconvénient du matériau épais est qu’il faut le stabiliser apicalement alors qu’un matériau plus fin sera stabilisé par le lambeau directement.

S.J. : Ok. Je vais maintenant te poser une question fort de nos 2 expériences mais sous deux points de vue différents. Quand on a une exposition de l’implant et qu’on voit le titane ou les spires de l’implant apparaître à travers la gencive, cela me rend toujours très nerveux, parce que je veux de l’os sur cet implant et sans os, je ne peux pas fermer l’oeil. Et toi Giovanni, tu dors à poings fermés, même sans os, en cas d’implant exposé car il te suffit d’une belle greffe de tissu conjonctif et d’un LPC, et voilà, tout va pour le mieux. Dis-moi, pourquoi un implant exposé te rend si heureux rien qu’avec du tissu conjonctif ?

G.Z. : Non, ce n’est pas vrai, je ne suis pas content. Je préfère moi aussi avoir de l’os. Mais j’aimerais en fait
clarifier ce concept, puisque j’ai la chance de le faire avec toi qui es un vrai maître en matière de chirurgie implantaire. Je pense, pour ma part, que c’est très ambigü en littérature dentaire, on parle tous de déhiscence de l’os, et donc la déhiscence de l’os vestibulaire avec exposition des implants présume qu’il n’y a aucun os vestibulaire à la surface de l’implant. Cela induit que soit on a une perte d’os vestibulaire alors que l’implant lui-même est placé dans la bonne position, donc plutôt en palatin, Ou… il peut n’y avoir aucun os vestibulaire parce que quelqu’un a fait l’erreur de ne pas installer l’implant dans l’os. donc cet
implant est trop vestibulaire, et on n’a aucune chance d’avoir une néoformation osseuse.
alors cela dépend : si on a une perte osseuse vestibulaire avec un implant correctement positionné, je préférerais ajouter de l’os, donc je fais une augmentation osseuse. Mais si l’implant est installé, totalement en dehors du site osseux, on ne peut pas prétendre à une néoformation osseuse vestibulaire. Si on veut de l’os, il faudra extraire l’implant, le placer correctement, en palatin, puis régénérer l’os, etc.. C’est pour ça que je dis, si j’ai un implant dénudé, avec un mauvais placement de l’implant, seule une opération sur les tissus mous est envisageable, tout comme pour une dent naturelle ! Car, si une dent n’est pas dans
l’os, on ne peut pas faire d’augmentation osseuse, et ça, on le sait depuis toujours. La racine est trop vestibulaire et personne ne pourrait prétendre avoir de néoformation osseuse. Et quiconque veut affronter ce problème, même pour une racine exposée de 10 mm, n’agit que sur les tissus mous. Et bien c’est pareil avec des implants. Si l’implant n’est pas logé dans l’os, la seule solution, si on veut le conserver, c’est de faire de la gestion de tissus mous autrement dit, une greffe de tissu conjonctif. à l’inverse, si on veut avoir une néoformation osseuse, il faudra extraire l’implant et le repositionner dans le site osseux.
J’aimerais d’ailleurs avoir ton opinion là-dessus Sasha.

S.J. : Alors, je suis tout à fait d’accord, clairement, le cas de la première image où on a un implant bien placé dans son logement osseux est bien sûr idéale pour une ROG, et c’est le traitement adéquat. Le patient présenté sur la seconde image est intéressant car moi j’ai tellement de patients dont les implants sont mal positionnés et pour lesquels comme tu dis, je ne peux pas faire de ROG car l’implant est trop vestibulaire. Je dois alors dire au patient « ok, peut-être qu’on pourrait retirer l’implant, ce n’est pas ce qu’il y de mieux mais c’est le plan B, » Mais j’ai envie de te poser la question, est-ce la meilleure solution ?

G.Z. : Le problème c’est la distance vestibulaire à laquelle l’implant est posé, quelle quantité d’os manque en vestibulaire et surtout est-ce que la surface osseuse est contaminée, c’est important, car il y a de nombreux implants situés en dehors de leur site osseux et que le tissu mou recouvre ce qui veut dire que la surface de ces implants n’a jamais été contaminée. C’est donc une bonne option pour maintenir l’implant. En revanche, si le filetage de l’implant est exposé ou si on peut passer la sonde entre le tissu et l’implant, on sait qu’il y aura eu contamination et on aura un autre problème à régler à savoir la
décontamination et dans ce cas, la meilleure solution est de le retirer. C’est drôle parce que j’en ai discuté avec ton confrère et ami Massimo Simione il me disait que chaque fois qu’il voyait un implant trop vestibulaire, il le retirait d’office Je comprends parfaitement mais tant pour nous que pour nos patients, tout recommencer à zéro n’est pas toujours la meilleure solution. Il ne faut pas oublier l’aspect
esthétique également. tu sais, moi, j’ai une très longue expérience du recouvrement des implants dénudés et au bout de 10 ans, je peux dire que le résultat est toujours stable et parfois, on constate une croissance de l’épaisseur tissulaire au fil du temps mais cela dépend de la profondeur d’ancrage de l’implant. Il faut bien sûr s’assurer de l’absence de peri-implantite et si c’est le cas, le protocole d’augmentation tissulaire est vraiment efficace. Ce qui n’est pas à négliger c’est aussi de savoir comment je vais dévisser l’implant. Si je sais que l’implant peut être dévissé avec un instrument spécifique, l’extraction est un très bon
choix car c’est gagné vis à vis des dents adjacentes. Si je dois retirer l’implant chirurgicalement, avec une
ostéotomie entre autres, je penche un peu plus pour la solution de garder l’implant car, en fait, l’opération peut être vraiment très invasive et le résultat esthétique après une augmentation osseuse ou une gestion de tissus mous, n’est pas si prédictible. tout est affaire de choix…

S.J. : J’ai, tu sais, un outil d’extraction d’implants qui est très facile d’utilisation que tu connais certainement : c’est la clé à torque inversée de Nobel Biocare™ que j’utilise particulièrement dans la zone maxillaire où je parviens à extraire l’implant avec très peu de traumatisme. Cela marche très bien mais je suis curieux de savoir ce qu’il en est à long terme ? de nombreuses études documentées menées par le groupe Branemark montrent que si l’implant est sain et si le titane de l’implant est exposé en face vestibulaire, il peut rester sain pendant encore au moins 10 ans, sans os ! C’est très intéressant et j’aimerais juste que le lecteur le comprenne aussi. Maintenant, je fais appel à ta grande expérience de 30 années, quand tu sélectionnes
un patient, toi, tu sais quand retirer l’implant et quand faire une intervention sur les tissus mous ? Car c’est un compromis en quelques sortes… Il faut être raisonnablement sûr qu’il n’y ait aucune infection et que
l’implant ne soit pas trop distalisé par rapport à l’os pour que le tissu mou puisse aider. C’est impressionnant de constater que certains implants, avec cet appui muqueux, puissent vivre encore plus de 10 ans et c’est un grand avantage pour le patient finalement.

G.Z. : Je suis de cet avis également. Le problème, c’est l’épaisseur du tissu qui doit être de 2mm au moins car si elle est insuffisante, cela risque d’entraîner une récession, donc une hausse du risque de contamination de la surface. Et donc, la clé n’est pas juste de recouvrir l’implant dénudé
mais d’augmenter l’épaisseur tissulaire, d’où le besoin d’une greffe de tissu conjonctif, il n’y a pas d’alternative. S’agissant d’une dent, on peut tous se servir de matrices, mais quand on doit recouvrir une surface métallique exposée, on se doit d’épaissir la gencive pour atteindre au minimum les 2mm de tissu mou. Il n’y a aucun moyen de le faire avec la matrice, puisque le lambeau est souvent trop fin, on a toujours besoin d’ajouter mettons 1,5 parfois 1,8 mm de tissu conjonctif afin de compenser la faible épaisseur, recouvrir la partie métallique dénudée et masquer cette transparence gingivale à des fins esthétiques. Cela
vaut non seulement pour l’entretien à long terme des implants, mais aussi au niveau esthétique dans la zone antérieure. Si le patient aperçoit cette partie métallique, il sera mécontent.

S.J. : Giovanni , utilises-tu d’autres matériaux comme Mucograft™ ou Alloderm™ dans ton cabinet ?

G.Z. : Pour les implants, non je ne peux pas le conseiller.

S.J. : Et pour les dents naturelles ?

G.Z. : Là oui, pour les dents naturelles, comme je l’ai dit, je préfère utiliser le Fibro-Gide™, le MucoGraft™ est trop fin donc je ne l’utilise que pour sceller l’alvéole, juste pour isoler le matériau osseux en cas de carie, mais je ne l’utilise plus pour augmenter l’épaisseur de tissus mous. Je trouve le Fibro-Gide™ meilleur à cette fin. C’est comme une éponge, qui retient bien les cellules sanguines.

S.J. : Et les matériaux d’allogreffes, comme Alloderm™ ?

G.Z. : Notre expérience en Europe est très limitée car nous ne sommes pas autorisés à utiliser les matériaux de greffe allogéniques. Mais je l’ai testé aux États-Unis et franchement, il y a peu d’indications pour ce matériau, il est très difficile à manipuler, vraiment, il est rigide, épais pour un recouvrement…
Je pense que même pour l’intérêt du patient également, il vaut mieux recourir à une greffe de tissu conjonctif fine et peu invasive, que d’essayer d’effectuer un recouvrement risqué.
Notamment pour le lambeau, l’Alloderm™ est un matériau qu’on peut difficilement comprimer et stabiliser contrairement à une matrice de collagène par exemple et il risque d’entraîner une nécrose. d’un point de vue chirurgical, il est beaucoup plus complexe à utiliser qu’une greffe de tissu conjonctif ou un LPC.
Je ne vois pas tant d’indications…

S.J. : Oui, je suis d’accord. Je suis basé en Californie à Los Angeles, donc bien sûr, j’ai ce matériau à disposition, mais je ne l’utilise jamais pour les recouvrements radiculaires et autres. J’opte plus volontiers pour du collagène…

G.Z. : Oui, chirurgicalement, c’est beaucoup de risques, pour finalement obtenir une épaisseur très limitée contrairement au tissu conjonctif où on part d’une greffe toute fine qui va s’épaissir
avec le temps. Si je ne veux pas prélever une greffe de tissu conjonctif, j’opte pour une matrice de collagène. Biologiquement, ça marche nettement mieux.

S.J. : Peux-tu nous faire part de ton expérience, en cas d’abrasions ou de caries dentaires, ou peut-être même en présence d’amalgames en composite ? Comment traites-tu ces patients au niveau de la procédure de recouvrement radiculaire, est-ce différent pour toi ??

G.Z. : Non. Le point crucial, c’est de comprendre que lorsqu’il y a abrasion ou mylolyse dentaire comme c’est le cas sur le cas clinique ci-après, on ne restaure pas avec un matériau composite
au niveau radiculaire mais uniquement au niveau coronaire. Il faut identifier la jonction amélo-cémentaire et dans un cas complexe comme celui-ci, ce n’est pas si simple, il faut utiliser les paramètres esthétiques, qui vont te permettre de positionner les incisives centrales, les incisives latérales, les canines qui devraient
se situer davantage en apical que les incisives centrales, etc. Ensuite, seules les faces coronaires sont restaurées avec un matériau composite, il faut visualiser toute la racine pour faire un recouvrement radiculaire.
N’oublions pas que les mylolyses appartiennent à l’émail et c’est cette zone qui doit être restaurée, avant la chirurgie.
Il ne faut pas étendre la restauration par composite à la zone qui peut être recouverte de tissus mous, car ceci obturerait la zone à couvrir. La restauration par composite d’une canine se place un peu plus à l’apex  que celle d’une molaire, alors que la restauration de l’incisive se placera au centre, parce que j’aime avoir l’incisive un peu plus à l’apex que les molaires et la canine est plus à l’apex, au même niveau que l’incisive. Les deux canines, molaires et incisives, au même niveau. Ce sont les paramètres esthétiques qui nous indiquent où placer la nouvelle jonction amélo-cémentaire. de là, on opère, on applique les greffes de tissu conjonctif là où il faut, on avance le lambeau coronairement Sur le composite de restauration, et voilà le premier résultat ici, puis le résultat final. On constate qu’on a un volume amélaire et tissulaire, et quand
on regarde l’avant et l’après, on comprend que certaines de ces récessions ont été traitées effectivement avec du composite de restauration, mais la majorité a été traitée avec du tissu conjonctif. alors, qu’en est-il de la longévité de ces restaurations ? C’est très important et c’est souvent la question posée par les patients. Là par exemple, c’est un suivi à 7 ans. Je présume qu’elle va durer un bon moment même si on constate une légère altération au niveau de la teinte des dents.

Globalement, ces restaurations sont durables mais ce n’est jamais ad vitam eternam. Mais ce qu’il faut souligner, c’est que le matériau composite permet au tissu mou de cicatriser, il s’épaissit et on peut même poser une facette à la suite, ce qui est probablement plus esthétique et pérenne.
Donc, ici, on a un cas à 2 ans avant/après traité avec le seul composite de restauration, puis le composite a été retiré et remplacé par une facette. donc oui, pour traiter les mylolyses, on utilise le composite de restauration en lieu et place de l’émail, pour stabiliser le lambeau. une fois que le tissu mou a épaissi et qu’il est totalement mature, si on ne fait pas attention à l’aspect esthétique de la restauration
par composite comme ici, on peut retirer la restauration composite et poser une facette. Je pense que cela peut être une bonne solution temporaire avant la solution finale qui sera plus esthétique. au niveau chirurgical, et en termes de maturation des tissus, elle a pour rôle essentiel de stabiliser le lambeau qu’on a avancé coronairement. Il est donc très important de faire la restauration par composite AVANT la chirurgie. La restauration par composite doit s’arrêter au niveau de la jonction amélo-cémentaire et ensuite, on peut traiter le tissu mou, on procède au recouvrement radiculaire et si on le souhaite on peut changer la restauration composite pour une facette.

S.J. : Ok. C’est très clair, j’ai beaucoup apprécié cette présentation. Giovanni. Comme je te l’ai dit au début de notre rencontre, l’entretien ne dure qu’une heure mais quand on a un invité du calibre de Giovanni Zucchelli, une heure, ça passe vite ! du coup… je pense que… nous allons peut-être devoir programmer un autre entretien pour plus tard.

G.Z. : avec grand plaisir, vraiment. J’espère aussi revenir à Los Angeles quand la crise du COVID nous aura quittés.

Traduit de l’anglais et adapté depuis le format One-On-One du Gide Dental Institute avec l’aimable autorisation de Sasha Jovanovic que nous remercions chaleureusement.
https://gidedental.com/

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A propos de l'auteur

Patricia LEVI

Directrice de la publication

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