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LES IMPLANTS SOUS PÉRIOSTÉS COMME TRAITEMENT DES ÉDENTEMENTS PARTIELS POSTÉRIEURS DE LA MANDIBULE ATROPHIÉE

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Dans le secteur postérieur mandibulaire édenté non compensé, la résorption osseuse entraîne une réduction significative de la crête alvéolaire, menant rapidement à son atrophie.
Dans ces conditions, la pose d’implants endo-osseux représente un défi majeur, car elle nécessite des régénérations osseuses pré-implantaires pour recréer un volume osseux suffisant, tout en préservant les structures anatomiques à risque. Le recours à ces techniques prolonge la durée du traitement, augmente les coûts et le risque de complications post-opératoires. De plus, le succès de ces techniques dépend de la sélection de patients présentant encore un potentiel ostéogénique important. Les implants sous-périostés (ISP), qui connaissent un regain d’intérêt grâce à l’évolution des technologies numériques, permettent de répondre à ces problématiques. Dans cet article nous nous concentrerons sur le traitement des mandibules postérieures fortement résorbées. Nous décrirons les protocoles de conception et de fabrication de ces implants, ainsi que les procédures chirurgicales, à travers l’analyse d’un cas clinique (Fig. 1).

Fig. 1 : situation initiale chez une patiente présentant des édentements terminaux bilatéraux, associés à une résorption osseuse sévère due à la perte de sept
implants endo-osseux, tous atteints de péri-implantites terminales.

1. INDICATION : L’ATROPHIE MANDIBULAIRE

La situation mandibulaire atrophique n’est pas rare et peut avoir de multiples causes pathologiques, traumatiques ou physiologiques.
En effet cette résorption est très importante les trois premiers mois qui suivent l’extraction et continue tout au long de la vie.
D’après les travaux de Schropp (1), cette résorption peut atteindre 50 % du volume osseux de l’alvéole après un an et 80 % après deux ans et demi en l’absence de facteurs aggravants. Même si nous savons que ce pourcentage de résorption et sa vitesse varient en fonction de l’individu ainsi que de la quantité et qualité de l’os initial.
De plus à la mandibule, la résorption alvéolaire est plus importante et moins prédictible qu’au maxillaire. Cela peut s’expliquer par une répartition des contraintes sur une surface plus faible majorant l’ostéolyse. (2)
Le recours aux implants sous-périostés favorise à la fois sa consolidation et permet d’éviter des chirurgies de reconstruction lourdes (telles que les blocs osseux, les ostéotomies segmentaires …) ou encore des interventions complexes comme la transposition ou la latéralisation du nerf.

2. FLUX NUMÉRIQUE

Les ISP entrent dans une nouvelle ère grâce à l’avènement des technologies numériques. Cependant, comme dans tout flux digital, il est primordial d’enregistrer des données exactes avec le moins de déformation possible afin de fournir les éléments de travail les plus précis.
La collecte des données commence par l’acquisition d’un CBCT qui doit enregistrer un maximum d’informations. Il est donc recommandé d’utiliser un champ moyen (entre 9 et 15 cm) ou un grand champ (supérieur à 15 cm) afin d’enregistrer au-delà du trigone rétro-molaire, l’angle de la mandibule et le début de la branche montante.
La qualité de l’image est également primordiale ; il est donc préconisé d’avoir une haute définition
(voxels inférieurs ou égaux à 125 μm) voire une ultra haute résolution (50 à 100 μm). (3) (Fig. 2).

Fig.2 : cone beam préopératoire mettant en évidence l’atrophie osseuse dans les secteurs postérieurs et une émergence des foramens mentonniers très superficielle par rapport à la crête édentée.

Une empreinte numérique étendue des surfaces dento-muqueuses est également requise. Il va être crucial d’enregistrer une surface suffisante pour permettre l’alignement avec le CBCT (grâce aux dents restantes ou aux repères radio-opaques), ainsi qu’un maximum de tissus mous pour transférer l’environnement gingival des futurs piliers.
Enfin, des photographies intra-buccales et extra-buccales peuvent être réalisées, bien que leur utilité dans le secteur postérieur mandibulaire soit très limitée (Fig. 3).

Fig. 3 : empreinte optique de la situation initiale et wax up numérique.

3. DESIGN ET CONCEPTION DE L’IMPLANT

À réception des données, un info-prothésiste ou ingénieur-prothésiste procédera à leur superposition. Comme pour toute pose d’implant moderne, les sous-périostés sont également « prothétiquement guidés » grâce à un projet prothétique validé avec le dentiste, permettant de définir l’émergence et la position idéale des piliers.

  • 3.1. POSITIONNEMENT DES VISD’OSTÉOSYNTHÈSE
    La position des vis de fixation est ensuite déterminée. Nous préconisons dans l’ordre de fixation :

• Une vis courte (4-5mm) sur la ligne oblique externe, souvent proche du nerf, pour stabiliser l’implant avant le vissage des autres vis moins accessible. Les autres vis sont toutes plus longues (entre 7 et 11 mm)
• Une vis antérieure en avant du foramen mentonnier, reliée au pilier par un bras passant au-dessus ou au-dessous du foramen mentonnier, selon l’importance de la résorption osseuse. Son positionnement doit tenir compte d’un éventuel implant cylindrique en cas de combinaison ce dernier.
• Une vis verticale postérieure au niveau du trigone rétro-molaire qui reste souvent un élément anatomique fort et persistant même en cas de forte résorption.
• Enfin 1, 2 ou 3 vis complémentaires, latérales, sont souvent positionnées en-dessous de la ligne oblique externe et sous le nerf alvéolaire.

Une planification minutieuse des longueurs des vis d’ostéosynthèse permet d’optimiser la stabilité primaire du dispositif, tout en veillant à prévenir les risques de lésions nerveuses.

  • 3.2. LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE L’IMPLANT

Sur ces cas mandibulaires chaque pilier est supporté par un bras de fixation. Ces bras peuvent avoir un design avec une lèvre périphérique pour faciliter la croissance osseuse et leur recouvrement par de l’os. Un bras postérieur accessoire permet de recevoir la vis postérieure de fixation au niveau du trigone. Les bras ont une surface rugueuse en interne et polie en externe. L’implant est anodisé de couleur rose pour limiter le préjudice esthétique en cas de rétraction gingivale visible.
En lingual, les piliers sont connectés par un bandeau plus superficiel, situé au-dessus de la ligne oblique interne, afin de préserver les zones d’insertion des muscles mylo-hyoïdiens et d’éviter tout inconfort au niveau du plancher buccal pendant la déglutition.
En vestibulaire, le design de l’implant comprend un corps renforçant la structure. Contrairement au pilier et au bras qui sont polis, le corps est sablé et doté d’une surface en treillis, dite « lattice », qui favorise l’apposition osseuse et permet ainsi l’ostéointégration de l’implant. En postérieur et en vestibulaire, cette zone peut être plus ou moins étendue pour aller chercher de la stabilisation vers le ramus (Fig. 4).

Fig. 4 : différentes vues du design des implants (droite et gauche) montrant pour chacun deux bras reliant les piliers au corps principal, un bras de stabilisation supplémentaire au niveau des trigones, ainsi que la position des vis de stabilisation.

4. PROCÉDURE CHIRURGICALE
Le plan de traitement consiste en la pose de deux implants sous-périostés partiels et bilatéraux, associés
à la pose de deux implants endo-osseux en positions 34 et 44. Cette intervention vise à remplacer les deux secteurs postérieurs mandibulaires par deux bridges qui relieront de chaque côté les ISP aux implants cylindriques.
L’avantage de cette technique est la conservation des dents antérieures mandibulaires de la patiente. Il est assez fréquent de mixer des implants cylindriques et sous périostés à la mandibule postérieure et nous pensons que cela permet de bénéficier des avantages des deux techniques qui se potentialisent.
L’intervention est réalisée sous anesthésie locale.
L’incision crestale doit contourner les émergences nerveuses qui peuvent se situer au sommet de la crête en cas d’atrophie majeure. Si le foramen affleure la crête édentée, l’incision doit être déportée en lingual pour éviter tout traumatisme des structures neuro-vasculaires. Des incisions de décharge sont réalisées en vestibulaire de chaque côté le long de la branche montante en distale. Si une décharge mésiale est nécessaire, elle sera plutôt réalisée au niveau du frein médian.
Deux lambeaux muco-périostés, vestibulaire et lingual, sont décollés pour permettre l’accès à l’os sous-jacent.
En vestibulaire, le décollement s’étend au-delà de la ligne oblique externe et expose une partie latérale du ramus et l’angle mandibulaire. Le pédicule mentonnier est isolé et peut être protégé à l’aide de lacs chirurgicaux si nécessaire. Des incisions périostées sont ensuite réalisées pour relaxer le lambeau, permettant ainsi un gain de laxité suffisant pour une fermeture sans tension. (6)
En lingual, il est impératif de refouler la loge sublinguale, riche en structures vasculo-nerveuses, en décollant toujours en pleine épaisseur jusqu’à la ligne oblique interne en postérieur et parfois même jusqu’à la fosse digastrique antérieure. Le muscle mylo-hyoïdien peut être très légèrement désinséré tout en protégeant les structures anatomiques du plancher buccal. Les fibres superficielles du muscle mylo-hyoïdien seront clivées à l’aide d’un instrument mousse de type « Soft brushing ». (5,7)
Une fois la position et l’adaptation soigneusement contrôlées, l’implant est ostéosynthésé à l’aide des vis de fixation. Puis les implants endo-osseux peuvent être positionnés en 34 et 44. Les implants sont recouverts d’une fine couche de COLLAPAT® II, imbibé de PRF liquide S-prf ou exsudat du A prf.
Dans nos protocoles à la mandibule, étant donnée la faible quantité de gencive attachée et le risque de récession gingivale au niveau des bras, nous réalisons systématiquement des greffes de tissus conjonctifs enfouis, obtenus ici par double prélèvement palatin. Les lambeaux sont ensuite suturés sans tension à l’aide de points matelassiers apicaux et crestaux (Figs. 5 et 6).

Fig. 5 : étapes chirurgicales côté gauche.

Fig. 6 : mêmes étapes chirurgicales côté droit.

À l’issue de l’intervention, une empreinte optique est réalisée. Les provisoires usinés en Full PMMA sont transvissés le soir de la chirurgie et seront maintenus pendant toute la phase de temporisation. Il est donc impératif de fournir des recommandations alimentaires strictes afin de limiter leur sollicitation (Fig. 7).

Fig. 7 : usinage et vissage des bridges provisoires
full PMMA et sans interface.

Un contrôle radiographique post-opératoire est effectué afin de vérifier la parfaite adaptation des implants (Fig. 8).

Fig. 8 : radio panoramique et cone beam post-opératoires. Mise en
évidence des 2 implants sous périostés et des 2 implant endo-osseux
Biotech (Gamme Kontact Monobloc – KMB) en position 34-44.

5. PHASE PROTHÉTIQUE ET MAINTENANCE
Le patient sera revu après 4 à 6 mois de cicatrisation afin de contrôler l’intégration des implants grâce au test de percussion et à l’absence de mobilité du dispositif.
Les piliers trans-gingivaux des ISP sont similaires à ceux utilisés pour les implants endo-osseux. Ce sont des piliers coniques destinés à recevoir une prothèse fixe, solidarisée et transvissée.
Les étapes de réalisation de la prothèse définitive suivent les mêmes procédures que les techniques conventionnelles. Une empreinte numérique des piliers est réalisée. Des maquettes d’essayage permettent de valider le projet prothétique, l’adaptation, l’occlusion et le passage des brossettes. Enfin, les prothèses d’usage en céramique sont vissées.
Pour garantir la pérennité de ce type de traitement, une maintenance personnelle quotidienne avec l’utilisation de brossettes interdentaires est indispensable pour le patient. Cet entretien doit être complété par des maintenances professionnelles au moins 2 fois par an, seul moyen de maintenir une santé gingivale durable. Les secteurs postérieurs mandibulaires, particulièrement en cas de résorption osseuse importante, sont difficiles d’accès. Par conséquent, le contrôle de la plaque dans ces zones est souvent perfectible, et les répercussions sur ce type de traitement peuvent être significatives.
Associée à cette difficulté d’accès pour le nettoyage, la problématique majeure de la mandibule fortement résorbée est le manque fondamental et systématique de gencive.
D’où l’importance de l’aménagement muqueux péri-implantaire, réalisé le jour de la chirurgie par le biais de greffons de tissu conjonctif enfouis. Cette approche vise à améliorer le contexte gingival et à limiter les risques de récession dans le temps (Fig. 9).

Fig. 9 : contrôle clinique après 3 mois de cicatrisation, mettant en évidence l’épaississement des tissus mous grâce à la greffe de tissu conjonctif (autre cas clinique).

Lorsqu’un protocole de désinfection rigoureux est suivi par le patient et qu’un suivi régulier est mis en place,
nous pouvons observer une stabilité des tissus péri-implantaires, comme en atteste l’intégration de cet
implant sous-périosté à deux ans (Fig. 10).

Fig. 10 : contrôle d’un autre cas clinique à 18 mois : le démontage des couronnes révèle une excellente intégration gingivale autour des piliers Multi-Unit.

CONCLUSION
Chez des patients souvent âgés et réticents à subir des chirurgies lourdes, que ce soit par anxiété ou secondaire à des traumatismes résiduels d’anciens traitements infructueux, l’abstention thérapeutique ou le recours à des solutions amovibles inconfortables sont trop souvent privilégiés à tort.
L’apparition des technologies CAD/CAM, concomitante à l’évolution des cone beam et à la systématisation des flux numériques prothétiquement guidés, a récemment propulsé les implants sous-périostés sur le devant de la scène. Grâce à leur parfaite adaptation au tissu osseux et à l’utilisation d’alliage de titane, ces implants ont désormais la capacité de s’ostéointégrer. De plus, leur mise en place ne nécessitant pas d’augmentation osseuse préalable, les procédures chirurgicales sont simplifiées, les risques de complications réduits et les temps de traitement largement diminués. Ces implants ont su se réinventer et s’adapter aux avancées technologiques, au bénéfice des praticiens et des patients.

BIBLIOGRAPHIE

1. SCHROPP L, WENZEL A, KOSTOPOULOS L, KARRING T. Bone healing and soft tissue contour changes following single-tooth extraction: A clinical and radiographic 12-month prospective study. Int J Periodontics Restor Dent. sept 2003;23(4):313‑23
2. CAWOOD, J. I. et HOWELL, RA3139793. A classification of the edentulous jaws. International journal of oral and maxillofacial surgery, 1988, vol. 17, no 4, p.232-236.
3. DAVIDOWITZ, Gary et KOTICK, Philip G. The use of CAD/CAM in dentistry. Dental Clinics, 2011, vol. 55, no 3, p. 559-570
4. COHEN, David J., CHENG, A., KAHN, A., et al. Novel osteogenic Ti-6Al-4V device for restoration of dental function in patients with large bone deficiencies: design, development and implementation. Scientific reports, 2016, vol. 6, no 1, p. 20493
5. GAUDY, Jean-François, CANNAS, Bernard, GILLOT, Luc, et al. Atlas d’anatomie implantaire. Elsevier Health Sciences, 2011
6. RONDA, Marco et STACCHI, Claudio. A novel approach for the coronal advancement of the buccal flap. International Journal of Periodontics & Restorative Dentistry, 2015, vol. 35, no 6.
7. Poitras Y. Diagnostic et plans de traitement [Internet]. Institut Canadien d’implantologie. 2021. Disponible sur :
https://institutimplant.com/formations/formation-professionelle- continue/cad-cam-subperiosteal-implant-fr/diagnostic-et-plans-de-traitement/
8. CLAFFEY, Noel, BASHARA, Haitham, O’REILLY, Peter, et al. Evaluation of New Bone Formation and Osseointegration Around Subperiosteal Titanium Implants with Histometry and Nanoindentation. International Journal of Oral & Maxillofacial Implants, 2015, vol. 30, no 5.

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A propos de l'auteur

Dr. Laurine Birault

Praticien libéral, Nice
Exercice dédié à l’implantologie et la parodontologie
Formatrice « Génération Implant »


Adresse : 299 ch de la Calada

Dr. Antoine DISS

Docteur en chirurgie dentaire
Docteur en sciences
Ancien interne des Hôpitaux de Nice
Président fondateur de Génération Implant

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