Nous nous proposons dans cet article de suivre l’évolution de l’implantologie, ce qui nous permet aujourd’hui de gagner du temps par rapport aux préceptes du professeur Brånemark, d’être plus conservateur et moins invasif :
- sans lambeau, lorsque c’est possible : la vascularisation est moins perturbée, les tissus mous sont respectés
- extraction et implantation simultanées
- mise en place d’une provisoire en inocclusion statique (temporisation immédiate)
L’évolution du concept de base de Brånemark au cours des années 90 avec à l’appui de nombreuses études cliniques, permet de reconsidérer le protocole conventionnel. Une étude particulièrement importante de Brunski en 1993 a conclu à la régénération osseuse à l’interface os/implant et ce, malgré des micro-mouvements inférieurs ou égaux à 100 microns. De très nombreuses études prouvent également le succès clinique de l’implantologie non enfouie.
Les facteurs déterminants à prendre en compte et les examens nécessaires pour pratiquer l’intervention avec temporisation immédiate
Examens cliniques : anamnèse, demande esthétique du patient, étiologie de la perte de la dent.
Examen occlusal : para-fonctions, bruxisme, supraclusion, classe II div. 2. sont des contre-indications.
Examen parodontal : biotype parodontal (fin ou épais), état des papilles, sourire gingival, état parodontal.
Examen radiologique : un scanner éventuel va permettre de visualiser parfaitement l’état osseux sous-jacent et le futur positionnement de l’implant, l’espace vestibulaire résiduel à combler, la présence d’os résiduel au niveau apical (ancrage de l’implant).
Discussions et protocoles
De nombreux auteurs ont recensé les avantages de l’extraction avec implantation immédiate avec ou sans temporisation immédiate :
- confort du patient (diminution du nombre d’interventions)
- avantage psychologique
- la temporisation est plus confortable que le port d’une prothèse amovible par exemple
- préservation de l’architecture osseuse et gingivale
- préservation des papilles
- taux de succès identique à la technique conventionnelle (implants enfouis)
L’implantation immédiate après extraction a pour objectif essentiel de limiter les pertes tissulaires.
La réussite d’une extraction/implantation et temporisation immédiate va dépendre des éléments suivants :
- extraction la plus atraumatique possible afin de préserver l’intégrité des tissus osseux
- type d’implant utilisé (forme, état de surface, longueur)
- stabilité primaire de l’implant : 35 N/cm au moins au vissage de l’implant
- juste positionnement de l’implant
- bonne gestion des tissus dur et mous (comblement de l’espace vestibulaire entre l’os et l’implant, greffon conjonctif pour compenser le défaut de gencive marginal vestibulaire)
- réalisation d’une dent provisoire non fonctionnelle et non compressive sur la gencive marginale
Un curetage soigneux du tissu de granulation éventuel sera réalisé avant l’implantation. L’absence de lambeau, dans certains cas, est un élément non négligeable dans la préservation des tissus. En effet, selon certains auteurs, la résorption osseuse verticale varie de 0,3 à 1,3 mm avec un lambeau sans comblement de l’espace vestibulaire entre l’os et l’implant. Elle sera moindre sans lambeau de 0,6 à 0,93 mm avec comblement.
Elian (2007) propose une classification simple en fonction de l’état des tissus dur et mous, et d’après cet auteur et d’autres, l’extraction/implantation immédiate n’est conseillée que dans les cas où l’alvéole est intacte (tissus mous et dur ont un niveau normal) ou bien lorsqu’il y a une petite perte osseuse (classe 2), régénérable par simple comblement) et une gencive à un niveau normal. La classe 3 avec une perte osseuse et gingivale importante contre-indique la technique selon ces même auteurs.
Le type d’implant utilisé joue un rôle prépondérant dans la réussite de la technique. La longueur de l’implant ne doit pas être inférieure à 11 mm et son état de surface doit être rugueux. De nombreux auteurs ont montré que le pourcentage d’apposition osseuse directe est favorisé par l’utilisation de surfaces rugueuses ou poreuses. Le seuil de tolérance aux micro-mouvements est amélioré par l’utilisation de ces mêmes surfaces. La présence d’os au niveau apical est un facteur dé- terminant dans la stabilité primaire de l’implant. Les valeurs de serrage conseillées pour la réussite d’un traitement d’extraction/implantation et temporisation immédiate oscille entre 30 et 35 N/cm suivant les auteurs.
Enfin l’implant doit respecter des règles fondamentales dans son positionnement.
- dans le sens vertical, l’implant ne doit pas être positionné trop profondément, 1 mm sous la crête osseuse et 3 mm en dessous du rebord gingival
- dans le sens sagittal l’implant doit avoir une position plus palatine afin de préserver la paroi vestibulaire ; cette table osseuse vestibulaire doit avoir idéalement 2 mm d’épaisseur ; en aucun cas l’implant ne doit combler l’alvéole
- au niveau proximal, il faut respecter une distance de l’implant par rapport aux dents adjacentes au minimum de 1,5 mm et au maximum de 3 mm entre les implants pour les implants à col lisse
Après extraction, la résorption osseuse vestibulaire physiologique est inévitable avec ou sans implantation immédiate.
Le comblement de l’espace vestibulaire entre l’implant et la corticale vestibulaire est systématique lorsque cet espace est supérieur à 1,5 mm.
Au niveau muqueux l’implant étant positionné 2 mm en palatin par rapport à la corticale vestibulaire, il faut que les tissus mous soient maintenus par la dent provisoire, sans compression de ceux-ci. Une greffe conjonctive enfouie pourra être envisagée au niveau vestibulaire au-dessus du comblement osseux surtout dans les cas de biotype fin.
Enfin, la réalisation de la dent provisoire non fonctionnelle scellée ou transvissée, non compressive sur la gencive marginale est la dernière étape d’EITIU. 3 à 4 mois après la pose de l’implant, la réalisation de la prothèse définitive peut être envisagée.
L’utilisation d’un pilier définitif en zircone associé à une couronne en céramique pure est la solution de choix pour les réhabilitations prothétiques antérieures.
Analyse des résultats
Depuis 10 ans nous avons posé 325 implants unitaires antérieurs avec une dent provisoire non fonctionnelle en respectant les critères ci-dessus. D’un point de vue pratique, nous avons toujours expliqué sommairement au patient le processus de cicatrisation osseuse et lui avons stipulé de ne pas solliciter sa dent provisoire pendant 3 mois (une parfaite coopération du patient est indispensable). Chaque patient est vu à une semaine afin d’enlever les fils de suture, puis ensuite tous les 15 jours à 3 semaines les deux premiers mois. Lors de ces visites nous estimons cliniquement la stabilité de l’implant.
Nous avons débuté les temporisations immédiates en 2002 avec ce protocole.
Nous avons perdu seulement 3 implants. La perte de ces 3 implants s’est faite dans le premier mois de l’implantation pour l’un et dans l’année pour deux autres. Ces pertes ont été liées à des problèmes infectieux que nous n’avons pas pu résoudre, sauf par la dépose des implants. Dans ces trois cas les implantations se sont faites après curetage de tissus de granulation. Ces 3 pertes ne nous semblent cependant pas très inquiétantes en comparaison du nombre de cas que nous avons traités avec succès.
Nous avons aussi considéré parmi nos cas, 40 cas avec iconographies complètes du début à la fin du traitement et nous avons considéré les six critères de Furhauser en reprenant son système de notation de 0 à 2 : 0 étant la plus basse valeur et 2 la plus haute. Nous avons comparé chaque cas au départ et à l’arrivée, traitement fini. Nous n’avons pas cherché à faire une notation moyenne avec l’ensemble des critères comme l’avait fait Furhauser mais nous avons voulu voir pour chaque critère quel pouvait être le résultat esthétique obtenu en utilisant la méthode clinique de la temporisation immédiate (Tableau 1).
Conclusions en fonction des chiffres obtenus
Ce type de technique nous semble particulièrement indiqué pour préserver une esthétique qui est favorable au départ, ou bien pour améliorer l’esthétique du départ.
Sauf en ce qui concerne les papilles, nous obtenons sur 5 des critères une amélioration des résultats esthétiques.
- Il nous apparaît que le plus difficile est de pré- server les papilles. Nous avons cependant d’excellents résultats mais pas d’amélioration par rapport à un cas de papille qui serait défavorable au départ. Nous avons 4 cas sur 40 d’aggravation concernant les papilles distales.
- L’alignement des collets peut être sensiblement amélioré car nous pratiquons en même temps des techniques de déplacement des tissus.
- La couleur des tissus et leur texture sont généralement très améliorées, cela est dû à l’élimination des tissus infectés et des racines naturelles sombres du fait de l’extraction. On constate d’ailleurs cliniquement une excellente cicatrisation des tissus mous sur les prothèses provisoires.
- La perte alvéolaire est dans presque tous les cas améliorée. Nous associons chaque fois que cela est nécessaire, des techniques de greffe osseuse, gingivale ou d’expansion ce qui explique cette amélioration.
Conclusion
L’extraction/implantation et temporisation immédiate d’une dent unitaire dans le secteur antérieur est une technique de choix lorsque l’indication est bien posée.
Nous devons respecter les critères de décision et approcher chaque cas méthodiquement.
Les résultats sont reproductibles. Le nombre d’interventions est limité par rapport aux techniques d’implantation après cicatrisation.
Cette technique permet de conserver l’architecture des tissus et présente un avantage psychologique majeur pour le patient en lui permettant de retrouver un sourire immédiatement après l’intervention.
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