En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés à vos centres d'intérêts.

LEFILDENTAIRE est un site réservé aux professionnels de la santé dentaire.
Si vous n'êtes​ pas un professionnel de santé, vous pouvez obtenir des réponses à vos questions par des experts sur Dentagora.fr en activant le bouton Grand Public.

Je suis un professionnel Grand Public

Quel avenir pour l’endodontie ?

0

L’endodontie est une discipline clinique difficile mais néanmoins extrêmement présente dans notre exercice quotidien. Depuis plus de 35 ans maintenant, des postulats ont été posés par le Professeur Herbert Schilder, et force est de constater que ceux-ci n’ont jamais évolué. Seuls les moyens pour y parvenir ont changé.

Il est même étonnant que ces postulats, édités à une époque ou les moyens d’investigations et de recherche étaient loin de ceux dont nous disposons aujourd’hui, n’ont jamais été contredits, voire modifiés.

Le rationnel de l’endodontie est immuable et consiste à prévenir toute infection bactérienne du système endodontique, ou la combattre lorsqu’elle est présente, et prévenir toute réinfection dans le temps grâce a une obturation étanche et « biocompatible ».

A une époque où l’ont peut penser être parvenu à l’apogée de la qualité des traitements, il est honnête de se poser la question : « Sommes-nous parvenus à atteindre les postulats de base ? » en d’autres termes, « sommes nous aujourd’hui en mesure de stériliser un canal et de prévenir réellement sa réinfection dans le temps ? »

Une analyse de la littérature est intéressante, si elle est considérée dans son intégralité et de façon non sélective ; elle tend à montrer que malgré tous nos efforts, le taux de succès de l’endodontie est resté stable entre les études de 1928 et 2005 (Pour revue, voir Ng et al, International Endodontic Journal, décembre 2007). Ces études montrent que les postulats de bases sont les bons, que les objectifs de traitement le sont également (mise en forme, désinfection), mais que les moyens à notre disposition ne permettent pas de les atteindre dans tous les cas.

Doit-on pour autant considérer que la rotation continue, les microscopes, les localisateurs d’apex, etc. sont inutiles et que leur seul but est d’enrichir les industriels ? Si la conclusion hâtive est tentante car « sensationnelle », quelques éléments sont néanmoins à prendre en considération pour appréhender ces revues de littératures avec précaution.

Les études sont faites avec des statistiques et donc des pourcentages de succès par rapport aux dents traitées d’un échantillon, mais ne prennent jamais en considération le nombre total de traitements effectués dans une population. Aujourd’hui, l’espérance de vie a largement augmente depuis 1928, et en même temps le nombre de patients édentés a sensiblement diminué. Une analyse objective permet donc de conclure que si le taux de guérison reste le même, le nombre total de dents conservés, en valeur absolue, est beaucoup plus important. En résumé, on peut dire que si en 1928 les praticiens pouvaient traiter correctement des incisives centrales, aujourd’hui, les mêmes chances de succès peuvent être obtenues avec un retraitement sur une dent de sagesse après démontage d’une couronne et d’un tenon, le retrait d’un instrument fracturé et l’obturation d’une perforation.

mouvement-de-réciprocité

Fig. 1 : Traitement endodontique sur une 36 en une séance ; les trois canaux ont été mis en forme avec un seul instrument (Protaper F2) animé du mouvement de réciprocité. Après désinfection, le système endodontique a été obturé par condensation verticale de gutta chaude (Radiovisographies capteur 6100 Kodak).

Les chiffres ont une signification, mais seule leur interprétation objective en fonction du contexte est intéressante.

La profession peut s’enorgueillir d’avoir atteint, avec l’endodontie notamment, un des objectifs de santé publique, à savoir conserver les dents sur l’arcade et faciliter la restauration de la fonction. Il ne reste plus qu’à espérer que l’engouement progressif de la profession pour l’implantologie ne provoquera pas un retour en arrière des indications de l’endodontie, notamment de la reprise de traitement. L’implantologie a eu raison de la parodontologie, sachons préserver l’endodontie !

Il est facile de constater que les récents développements et progrès de l’endodontie se limitent à des développements de nouveaux instruments, appareils et matériaux.

Le microscope opératoire, les localisateurs d’apex de dernière génération, les capteurs de radiographie numérique de qualité tels que le Kodak 6100 qui permettent d’obtenir une image instantanée de qualité proche de celle d’un cliché argentique, des instruments d’activation des solutions d’irrigation (ultra sonores, sonores), etc. sont autant d’éléments qui permettent d’améliorer la qualité des traitements, à l’échelle individuelle, mais également à l’échelle de toute la population de professionnels.

L’apparition en 1995 des premiers instruments en nickel titane a permis de rendre accessible l’endodontie difficile à une majorité des praticiens. Ces instruments ne permettent pas d’optimiser la qualité de la désinfection ;

Néanmoins, en facilitant la mise en forme sur tout la hauteur des canaux, ils rendent possible la circulation de la solution d’irrigation dans le tiers apical du canal, même en cas d’anatomie très particulière. En rendant possible cette mise en forme optimisée à tous les praticiens, la qualité des traitements (interprétation radiographique) est clairement améliorée. En matière de santé publique, rendre accessible le travail de qualité à l’ensemble d’une profession est une preuve irréfutable d’une évolution positive.

Depuis 1995, de nombreux instruments en nickel titane sont apparus sur le marché. Tous ont leurs avantages et leurs inconvénients. On ne peut pas considérer un instrument comme bon ou mauvais. C’est son utilisation et le protocole suivi qui rendent cet instrument performant ou dangereux. Seuls les objectifs recherchés (conicité régulière, foramen étroit) sont importants, peu importe la façon d’y parvenir.

Le nickel titane est aujourd’hui l’alliage de choix. Le retour à l’instrumentation en acier sous prétexte de meilleur résistance à la fracture doit être appréhendé avec beaucoup de précautions ; rigidité ne doit pas être confondu avec meilleur résistance à la fracture.

Obturation-condensation-verticale

Fig. 2 : Une mauvaise cavité d’accès est vraisemblablement la cause qui a conduit à la fracture instrumentale dans le canal mésio vestibulaire de cette 26. Le fragment supprimé, le système endodontique est appréhendé comme pour un traitement initial et les quatre canaux sont mis en forme selon la technique décrite par Yared. Obturation condensation verticale à chaud (Radiovisographies capteur 6100 Kodak).

Evolutions à venir

Il y a de fortes chances que de nouveaux instruments soient développés dans les années à venir ; de nouveaux alliages sont également probables, reprenant les avantages du nickel titane, tout en optimisant ses propriétés mécaniques.

Mais plus que les instruments, c’est surtout le mouvement qui risque d’être revu. La rotation continue présente des limites d’utilisation, et certains auteurs se sont intéressés au mouvement de réciprocité. Il s’agit d’un mouvement alternatif dont le mouvement en sens horaire (environ 160º ) est immédiatement suivi d’un mouvement anti horaire (environ 90º). Ce mouvement n’a rien à voir avec le mouvement de quart de tours alternés, proposés sur des pièces à main tels que le gyromatic (Micro méga) ou M4 (Kerr) ou récemment dans le système Endo express.

Décrits par le Dr Yared de Toronto et récemment publié (Yared G. International Endodontic Journal, early pub 2008), ce mouvement est extrêmement intéressant puisqu’il permet idéalement d’assurer la mise en forme d’un canal avec un seul instrument. Après avoir déterminé la longueur de travail avec un instrument manuel, le canal est mis en forme avec un instrument Protaper Finisher F2 (rouge) animé par ce mouvement de réciprocité et un mouvement de pompage. Les objectifs du traitement restent inchangés. Le canal est mis en forme uniquement dans le but de le désinfecter. La réduction de temps pour assurer la mise en forme permet ainsi d’optimiser l’étape de désinfection obtenue avec le protocole d’irrigation (Fig.1, 2 et 3).

évolutions-à-venir

Fig. 3 : Traitement endodontique sur la 48 suite à la nécrose de la pulpe. Les longueurs de travail ont été déterminées avec le localisateur d’apex électronique (Root ZX, Morita) et confirmé avec la technique de la pointe de papier. Mise en forme avec mouvement de réciprocité et Protaper F2. Obturation par condensation verticale à chaud de gutta percha (Radiovisographies capteur 6100 Kodak).

Cette technique est une évolution réelle de l’endodontie puisqu’elle permet de faciliter les procédures et donc d’améliorer à terme la qualité des traitements dans leur globalité, et pas seulement celle des spécialistes.

Ces investigations doivent être confirmées par des études qui permettront de définir clairement la qualité de la mise en forme, de la propulsion éventuelle de débris au delà de l’apex, de la compression des débris éventuels sur les parois, etc. La seconde limite de cette technique est l’absence de disponibilité sur le marché de moteur et de contre angles permettant d’obtenir ce mouvement de réciprocité. A notre connaissance, seul le Moteur ATR Technika, qui n’est plus commercialisé, permet d’obtenir le réglage.

Ce mouvement « animant la communauté endodontique » depuis plusieurs mois maintenant, il y a de très fortes chances que de nouveaux moteurs soient proposés prochainement. De nouveaux instruments pourraient également voir le jour.

Si ces évolutions matérielles rendent nos thérapeutiques de plus en plus précises et reproductibles, elles ne doivent pas pour autant nous faire oublier que l’essentiel du traitement ne se situe pas dans la phase mécanique.

Malgré l’évolution permanente des technologies, il reste une part incompressible (environ 15 %) d’infections réfractaires, et insensibles à toutes nos approches technologiques.

Il serait donc grand temps que la profession toute entière prenne conscience des limites de cette approche mécanique et réalise que l’endodontie en particulier, et l’odontologie en général risquent d’évoluer vers des traitements plus biologiques.

Il est surprenant que malgré l’appréhension de la réalisation d’un traitement endodontique, un praticien choisira la dépulpation d’une dent comme traitement de facilité ; moins de risque de nécrose pulpaire sous une prothèse, moins de douleurs post opératoires suite à un traitement conservateur.

Les objectifs des professionnels et des gens impliqués dans la recherche, notamment en endodontie, doivent en premier prendre conscience de ce virage de la profession et préparer en amont une approche thérapeutique différente. Le praticien devra, quant à lui, en son temps, accepter de revoir son approche thérapeutique, assumer une formation continue différente, se former à comprendre la biologie. Au corps enseignant il reviendra d’adapter le message de la formation, et le rendre accessible, pour répondre au vieil adage : « Ce qui se conçoit bien, s’exprime facilement. »

Le jour où les journaux d’endodontie ne publieront plus d’études contradictoires sur le torque, la résistance, l’irrigation passive ou active, on pourra alors réellement parler de révolution en endodontie et en odontologie en général. Le Pr Kenneth Hargreaves, éditeur en chef du Journal of endodontics, publiait dans le premier numéro dont il avait la charge (2004) un appel à la prise de conscience par la communauté endodontique de l’urgence à prendre conscience de ce revirement. Les choses évoluent, de plus en plus rapidement. Et ce qui semblait être un fantasme il y a encore deux ou trois ans, commence à prendre forme in vitro, voire in vivo.

Néanmoins les étapes à franchir sont encore longues. Il existe depuis plusieurs années un combat idéologique entre l’école scandinave et l’école américaine.

La première ayant une approche très biologique, la seconde une approche très mécaniste et « High Tech ». L’avenir donnera peut-être raison à la première, au grand désespoir des possesseurs de fonds de pension américains…

Partager

A propos de l'auteur

Dr. Stéphane SIMON

DCD, Master recherche, Docteur ès Science, PhD, Habilitation à Diriger des Recherches
Professeur des Universités (Paris Diderot, paris 7)
Praticien Hospitalier (CHU Rouen)
Directeur du Diplôme Universitaire Européen d'Endodontologie Clinique
(Paris Diderot, Paris 7)

Dr Willy BERTOT

Ex Maître de conférence (Université de Marseille)
Exercice limité à l’Endodontie

Laisser une réponse