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L’endodontie assistée par ordinateur… C’est possible ?

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Le succès du traitement endodontique est conditionné par le succès des procédures d’aménagement des voies d’accès, de mise en forme et d’irrigation (nettoyage chimio-mécanique) ; la finalité étant l’obturation tridimensionnelle du réseau canalaire radiculaire. L’omnipraticien est parfois confronté à des situations anatomiques nécessitant un plateau technique spécialisé.

lumiere canalaire reduite

Figure 1 : lumière canalaire réduite et atteinte parodontale sur 11.

Ce cas clinique met en avant une technique issue de l’implantologie et mise au service du traitement endodontique.

Une incisive centrale en position de 11 est atteinte d’une lésion endo-parodontale. La première difficulté pour le traitement endodontique est la lumière canalaire réduite difficilement objectivable sur les clichés rétro-alvéolaires de différentes angulations (Fig. 1). La deuxième difficulté réside dans la mobilité de classe 3 de la 11.

Les risques majeurs lors du traitement endodontique de cette dent sont la perforation et la fausse route qui seront d’autant plus apicales que la lumière canalaire est réduite.(Estrela et al.

2017) Une imagerie tridimensionnelle est réalisée à l’aide d’une tomographie volumique à faisceau conique (résolution 100 μm, 85kV, 5 mA) pour évaluer la position du réseau canalaire et l’atteinte osseuse péri-radiculaire. (Fig. 2).

Byun a décrit en 2015 dans un rapport de cas, l’utilisation d’une impression 3D en résine d’une incisive maxillaire à l’anatomie canalaire perturbée pour réaliser un guide en résine pour la cavité d’accès.(Byun et al. 2015) Dans notre cas, la décision est prise d’imprimer directement un guide dento-porté de type implantaire pour faciliter l’aménagement des voies d’accès, en réalisant une cavité a minima. Les cavités d’accès ninja, ou « truss cavities » sont des cavités d’accès de taille très réduite, qui consistent en une simple trépanation du plafond de la chambre pulpaire en regard du canal à traiter. La résistance à la fracture des dents présentant des cavités d’accès de type ninja serait plus importante que pour des cavités d’accès conventionnelles. (Plotino et al. 2017)

coupe-coronale

Fig. 2 : coupes issues de l’examen CBCT. a) coupe coronale de 11 : lumière canalaire réduite et résorption osseuse. b) coupe coronale de 21 montrant une lumière canalaire physiologique. c) coupe horizontale objectivant la lumière canalaire réduite sur 11 et la perte osseuse péri radiculaire.

Nous avons choisi d’associer une cavité d’accès ninja à une planification 3D et à l’utilisation guide à appui dentaire afin d’effectuer un délabrement minimal sur une dent déjà très fragilisée.

etapes-de-recalage

Fig. 3 : étapes de recalage. a) fichier DICOM comportant les informations du volume osseux et l’anatomie endo canalaire. b) fichier STL surfacique permettant la création du guide endodontique. c) alignement des deux fichiers.

Les avantages de cette technique sont les suivants. Cette solution permet de déterminer à l’avance, de planifier comme pour un traitement implantaire, une longueur de sécurité pour la recherche de la lumière canalaire. Ensuite, la cavité d’accès pourra être réduite au minimum. Enfin, le guide à appui dentaire permettra de réaliser la contention de la dent pendant la recherche du canal.

Même si les aides optiques sont une aide précieuse et augmenteraient le taux de succès en endodontie (Del Fabbro et al. 2015)), elles peuvent parfois être absentes du plateau technique de l’omnipraticien. C’est pourquoi la confection d’un guide peut parfois aider l’omnipraticien à surmonter une difficulté anatomique comme une lumière canalaire réduite, en un temps relativement court.

La planification a été réalisée à l’aide du logiciel BlueSkyPlan 3 (Blue Sky Bio®) dédié à la planification et à l’exportation des guides implantaires au format STL. En utilisant le même protocole que pour la réalisation d’un guide implantaire, deux fichiers sont nécessaires : le fichier au format DICOM de l’anatomie osseuse et de la lumière canalaire ; et le fichier STL surfacique des dents et du parodonte. Les deux fichiers sont alors recalés ou superposés pour la réalisation d’un guide à appui dentaire. (Fig. 3)

Positionnement-de-l-implant-factice

Fig. 4 : a) Positionnement de l’implant factice selon l’axe et la distance de sécurité choisie. Il correspond à la planification de la cavité d’accès endodontique. b) Conception du guide à appui dentaire en fonction de la planification.

Le fichier DICOM permet de planifier l’axe et la longueur de la cavité d’accès. (D’haese et al. 2012; Cassetta et al. 2013) Un implant virtuel dont les dimensions correspondent au diamètre et à la longueur de l’instrument utilisé pour la cavité d’accès est créé. Le fichier STL surfacique a permis la réalisation du guide opératoire. (Fig. 4) Dans ce cas, la difficulté résidait dans l’absence d’instruments endodontiques dédiés aux guides chirurgicaux, soit une fraise long col dont le diamètre du mandrin puisse être guidé et une douille métallique. En implantologie, le foret pilote a généralement un diamètre de 2 mm ce qui est surdimensionné pour l’endodontie.

objectivation des deux informations

Figure 5: objectivation des deux informations données par le guide: en vert l’axe du forage et en violet la butée d’arrêt pour la longueur du forage.

Positionnement-du-guide-avec-fraise-chirurgicale

Fig. 6: a,b) Positionnement du guide avec fraise chirurgicale en place. c) Contrôle radiographique montrant le positionnement de la fraise.

La décision a été prise d’utiliser une fraise chirurgicale Komet® H254E avec un diamètre de pointe de 0,12 mm. L’absence de douille métallique inférieure à 2 mm a contraint à l’utilisation d’un guidage par le matériau du guide, à savoir un ½ tube pour l’angulation et un appui occlusal pour la longueur. (Fig. 5)

Le guide conçu a été exporté au format STL à partir de BlueSky Plan. La découpe et les tiges de soutien ont été réalisées par le logiciel Automaker TM, puis imprimé en NGen Clear (ColorFabb®) filament de copylester PET, grâce à l’imprimante 3D filaire Robox® avec des paramètres d’impression à 50 μm et une densité de remplissage de 100%. Le temps d’impression était de 2h10 minutes.

Après pose de la digue sectorielle, le guide est positionné et la cavité d’accès réalisée au contre-angle bague rouge sous irrigation. (Fig. 6)

Le traitement endodontique a ensuite été poursuivi de manière conventionnelle : détermination de la longueur de travail, mise en forme canalaire, irrigation à l’hypochlorite de sodium à 2,6 % et obturation canalaire par condensation thermomécanique.

Catheterisme-et-obturation

Fig. 7 : a,b,c) Cathétérisme et obturation par thermocompaction de la gutta

(Fig. 7) La patiente a suivi en parallèle un traitement parodontal et une contention métallique a été collée après le traitement endodontique de 13 à 23.

Discussion

Le guide endodontique réalisé par CFAO a été un succès dans ce cas mais il existe des limitations liées au matériau. En implantologie, les guides utilisent des douilles en métal insérées dans le guide pour permettre la rotation du foret sans destruction du guide.

Dans notre cas, il n’était pas possible d’utiliser de douille métallique. Nous ne savions pas comment allait se comporter le matériau copolyester PET au contact direct du mandrin de la fraise en rotation. Le premier essai a été réalisé sans s’appuyer sur le guide et essayant de rester parallèle à la surface de guidage, ce qui a abouti à une inexactitude directionnelle.

Pour le deuxième essai, la décision a été prise de s’appuyer directement sur le guide comme planifié en utilisant une vitesse de 1 000 tours par minutes sous irrigation. Le guide n’a pas souffert dans ces conditions et le canal a été directement trouvé à l’aide d’une lime K6. (Fig.8)

Objectivation-des-deux-utilisations-du-guide

Fig. 8 : a) Objectivation des deux utilisations du guide. b) On note bien que la cavité d’accès mésiale est dans le prolongement direct du guide.

Conclusion

En conclusion, l’utilisation d’un guide endodontique pour la réalisation d’une cavité d’accès planifiée et contrôlée est possible et possède de nombreux avantages. Il reste néanmoins à améliorer la technique en mettant au point des outils dédiés tels que des douilles calibrées au diamètre des fraises utilisées, afin de pouvoir prendre appui avec les instruments rotatifs sur le guide sans risque de modifier celui-ci par échauffement de la résine.

Bibliographie

1. Byun, Chanhee, Changhwan Kim, Seungryong Cho, Seung Hoon Baek, Gyutae Kim, Sahng G. Kim, and Sun Young Kim. 2015. “Endodontic Treatment of an Anomalous Anterior Tooth with the Aid of a 3-Dimensional Printed Physical Tooth Model.” Journal of Endodontics 41 (6). Elsevier Ltd: 961–65. doi:10.1016/j.joen.2015.01.016.
2. Cassetta, M., A. Di Mambro, M. Giansanti, L. V. Stefanelli, and C. Cavallini. 2013. “The Intrinsic Error of a Stereolithographic Surgical Template in Implant Guided Surgery.” International Journal of Oral and Maxillofacial Surgery 42 (2). International Association of Oral and Maxillofacial Surgery: 264–75. doi:10.1016/j.ijom.2012.06.010.
3. D’haese, Jan, Tommie Van De Velde, Ai Komiyama, Margaretha Hultin, and Hugo De Bruyn. 2012. “Accuracy and Complications Using Computer-Designed Stereolithographic Surgical Guides for Oral Rehabilitation by Means of Dental Implants: A Review of the Literature.” Clinical Implant Dentistry and Related Research 14 (3): 321–35. doi:10.1111/j.1708-8208.2010.00275.x.
4. Estrela, Carlos, Jesus Djalma Pécora, Cyntia R.A. Estrela, Orlando A. Guedes, Brunno S.F. Silva, Carlos José Soares, and Manoel Damião Sousa-Neto. 2017. “Common Operative Procedural Errors and Clinical Factors Associated with Root Canal Treatment.” Brazilian Dental Journal 28 (2): 179–90. doi:10.1590/0103-6440201702451.
5. Fabbro, Massimo Del, Silvio Taschieri, Giovanni Lodi, Giuseppe Banfi, and Roberto L. Weinstein. 2015. “Magnification Devices for Endodontic Therapy.” The Cochrane Database of Systematic Reviews, no. 12(December): CD005969. doi:10.1002/14651858.CD005969.pub3.
6. Plotino, Gianluca, Nicola Maria Grande, Almira Isufi, Pietro Ioppolo, Eugenio Pedullà, Rossella Bedini, Gianluca Gambarini, and Luca Testarelli. 2017. “Fracture Strength of Endodontically Treated Teeth with Different Access Cavity Designs.” Journal of Endodontics 43 (6): 995–1000. doi:10.1016/j.joen.2017.01.022.

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A propos de l'auteur

Dr. Antoine GALIBOURG

Docteur en chirurgie dentaire (Toulouse)
Ancien assistant hospitalo-universitaire en prothèse Toulouse DU d’Implantologie Toulouse

Dr. Loïc MOURLAN

Docteur en chirurgie dentaire (Toulouse)
Assistant hospitalo-universitaire en endodontie Toulouse
DESU d’Endodontie de la faculté d’Aix-Marseille

Dr. Jérôme LHUSSA

Docteur en chirurgie dentaire (Bordeaux)
Exercice libéral (Toulouse)
Co-fondateur du Centre de Formation Bio-numérique

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