Présentation du cas clinique
Une femme de 57 ans se présente en première consultation avec une prothèse fixée en territoire de 12-13 en situation de mobilité terminale (Fig. 1).
Il est décidé de procéder à l’avulsion de ces deux dents après élaboration d’un projet thérapeutique global.
Etude du cas
L’analyse de la radiographie panoramique (Fig. 2) montre :
- les agénésies:
– au maxillaire de 15, 12, 22, 23, 25
– à la mandibule de 37 et 47
- la persistance de 52 et 53 à extraire.
- la persistance de 63 en bon état radiculaire, couronnée et solidarisée à une couronne sur 24
- la présence d’une image radioclaire aux apex de 36
- l’absence des dents de sagesse
L’examen clinique (Fig. 3 à 6) montre:
- une supraclusion importante en raison de la version palatine des incisives supérieures.
- une palato-position de 14 en rotation à 90° avec inversé d’articulé.
- la présence de tartre supra-gingival dans le secteur incisivo-canin mandibulaire.
L’examen du sourire (fig. 7) montre par ailleurs :
- une différence de hauteur des bords libres importante entre les incisives centrales et latérales
- une impression d’édentement dans le secteur prémolaire maxillaire droit en raison de la palato-position de 14.
Plan de traitement
Il est entendu avec le patient de procéder :
- à l’élimination totale des dépôts tartriques supra et sous-gingivaux.
- à la reprise du traitement radiculaire de 36 et au remplacement de la prothèse fixée.
- à la pose d’un appareil orthodontique maxillaire pour vestibuler 14, corriger la palato-version des incisives et harmoniser les espaces édentés. Dans le cas présent, le patient n’éprouvant pas de gêne à porter un appareil visible, c’est un appareil vestibulaire qui est choisi.
- aux extractions des dents condamnées (52 et 53)
- à la pose de deux couronnes implanto-portées dans les secteurs de 12 et 22.
- au remplacement des couronnes sur 63 et 24. Afin d’harmoniser et de symétriser le sourire, l’éventualité de la réalisation de couronnes sur 13 voire 14 est évoquée.
La mise en place d’une prothèse implanto-portée en territoire de 47 pour donner un meilleur antagoniste à 17 est jugée inutile par la patiente et refusée d’emblée.
Préparation orthodontique pré-implantaire
Une fois la préparation initiale réalisée, le patient est appareillé à l’arcade maxillaire.
A la deuxième visite c’est à dire 4 semaines après NB1, un arc de section rectangulaire est mis en place permettant l’extraction des 52-53 et la pose dans la journée de deux postiches (Fig. 8) en résine. La section rectangulaire de l’arc empêche les mouvements de rotation des postiches autour de l’arc. A la séance suivante, la correction de la palato-position/rotation à 90° de 14 est initiée.
Pour ce faire (Fig. 9), un ressort en compression ouvre l’espace entre la molaire et la canine alors que deux élastiques mis en tension selon des vecteurs opposés exercent un couple de forces.
Au bout de six mois, la 14 est prise en charge par l’arc principal ce qui permet d’entreprendre la fermeture des espaces : l’espace de la 12 est diminué par un mouvement non seulement au niveau des dents postérieures qui sont mésialées mais aussi des incisives centrales déplacées vers l’arrière et la droite augmentant ainsi l’espace dédié à 22 (Fig.10). Au cours de cette phase de traitement, les deux postiches remplaçant 52 et 53 sont remplacés par un postiche unique préfigurant le résultat esthétique final.
Chirurgie implantaire
Au terme de 12 mois de traitement, la répartition des espaces et l’inclinaison des incisives étant acceptables, deux implants sont posés en territoire de 12 et 22 (Fig. 11). Pour ce faire, l’arc et les postiches sont simplement déposés avant l’intervention, et remis juste après.
Après trois mois d’ostéointégration, sont réalisées dans la même journée NB2 :
- la dépose de l’appareillage orthodontique.
- la réalisation de prothèses provisoires sur 13, 63 et 24 (Fig. 12).
- la prise de l’empreinte pour 12, 22 et 13, 63, 24.
- la pose d’une gouttière thermoformée avec deux postiches en place de 12 et 22 en attente des prothèses définitives (15 jours). Cette gouttière ayant aussi comme fonction d’assurer la stabilisation des mouvements orthodontiques.
Nota bene 1:
Contrairement aux traitements chez les adolescents, il est préférable de procéder d’abord à la pose de l’appareil multi-attaches puis quelques semaines après à l’extraction des dents antérieures, pour trois raisons :
- la pose d’un appareil multi-attaches est toujours inconfortable les premiers jours, inutile d’en rajouter !
- il est préférable lors de la séance de pose de mettre un arc de section ronde délivrant des forces légères mais n’empêchant pas la rotation des postiches autour de l’arc.
- psychologiquement, mettre un appareil orthodontique à plus de 50 ans est un pas difficile à franchir. Prévoir de retirer en même temps des dents antérieures peut conduire le patient à reporter voire à renoncer au traitement.
Nota Bene 2 :
En fin de traitement, les patients sont très investis dans le projet thérapeutique et disposent de beaucoup « d’énergie ». Ils se rendent facilement disponibles et ne redoutent plus les séances longues ou plusieurs séances dans la même journée.
Quinze jours après, les prothèses définitives sont posées (Fig. 13 à 17). Deux attelles de contention sont collées dans la journée pour éviter toute récidive : une de 11 à 21 et l’autre de 16 à 15.
Discussion
D’autres types de réhabilitation auraient pu être envisagés mais seule la conjonction orthodontie – prothèse fixée – implantologie peut donner dans ce type de cas autant de bénéfices fonctionnels et esthétiques (Fig. 18).
La mise en place d’une couronne sur 14 aurait été favorable pour l’harmonie du sourire mais jugée superflue par la patiente.
De même, il eut été possible d’appareiller l’arcade inférieure pour résoudre l’encombrement incisivo-canin et la supraclusion persistante, mais non seulement le traitement aurait été plus difficile à vivre et la pose d’une contention collée de 33 à 43 nécessaire, ce qui n’est jamais anodin.
La difficulté de ce type de cas réside dans la communication entre les intervenants afin de réaliser les actes simultanément – et non successivement – et d’écourter ainsi la durée globale du traitement.
Attention cependant à commencer doucement sous peine de perdre le patient ou pire, sa confiance…
Afin de satisfaire le patient, il nous paraît vraiment indispensable de s’astreindre à des durées raisonnables de traitement global, c’est à dire ne dépassant pas environ une année.
Et n’oublions pas qu’à 57 ans, l’orthodontie est toujours possible !
Bibliographie
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6. Marinetti A. Prothèse transitoire, recours à l’orthodontie linguale. Titane 2008; Vol. 5 (1).
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