Le consensus actuel est susceptible d’évoluer avec l’utilisation de membranes qui doivent présenter deux qualités essentielles ; exposable et susceptible d’induire la reconstruction du tissu épithélio-conjonctif.
L’extraction-implantation immédiate présente un vif intérêt en ce sens qu’elle raccourcit le temps de traitement. Pour autant, il ne nous est plus permis de penser aujourd’hui que le seul fait de mettre un implant dans une alvéole déshabitée préserve celle-ci d’une résorption. Au contraire la forme finale de la crête ne peut être prédictible et la résorption potentiellement génératrice d’un échec esthétique. Chaque situation clinique doit être finement analysée pour choisir l’une ou l’autre des deux stratégies, extraction-implantation immédiate ou implantation différée après cicatrisation complète de l’alvéole. L’implantation immédiate ne peut se concevoir que si elle permet un succès prothétique, c’est-à-dire non seulement une ostéointégration de l’implant mais également un alignement des collets et la présence de papilles remplissant l’espace inter-dentaire. C’est la situation anatomique osseuse qui peut être appréciée au moment de l’avulsion qui permettra la décision.
Commençons par les papilles. Les études radiologiques montrent que l’épaisseur de gencive entre deux éléments dépend de l’os alvéolaire inter-proximal.
L’os vestibulaire et proximal est un os très sensible à la présence desmodontale. Ainsi la présence de la dent adjacente à la zone d’implantation maintient l’os proximal. Il y a donc un consensus pour dire que l’os proximal ne subit pas de résorption lors de l’avulsion (Schropp 2005, Lindeboom 2006).
Seul un mauvais positionnement de l’implant, trop proche de la dent, pourrait provoquer cette résorption (Fortin, Le fil dentaire, mars 2010). Si, pour l’avulsion-implantation immédiate d’une dent, on respecte une distance de 1,5 mm, au moins, entre la dent et l’implant, la papille en fin de traitement sera celle existante au moment de l’avulsion.
Pour l’alignement des collets, le fait d’implanter immédiatement permet-il de maintenir l’os en vestibulaire et/ou de favoriser la régénération osseuse vestibulaire ? Araujo (2005) et Schropp (2003) ont montré que la résorption horizontale autour d’alvéoles sans implant est de 50 % environ pour la corticale vestibulaire et ce, significativement plus que pour la corticale palatine. Botticelli (2004) et Araujo (2006) rapportent des résultats similaires de résorptions horizontales après extraction-implantation immédiate. Elle est en moyenne de 2,5 mm au bout de trois mois. Donc implanter immédiatement ne maintient pas l’os en vestibulaire.
Cette résorption horizontale est pondérée par deux facteurs : l’épaisseur de la corticale vestibulaire et la distance implant-corticale. Un défaut à 3 parois se comble spontanément avec de l’os néoformé et sans interposition de tissu conjonctif sur un défaut inférieur à 2 mm. Au-delà de 2 mm un comblement est indispensable avec fermeture de l’alvéole.
Dans le cas d’une alvéole présentant une déhiscence vestibulaire, ce qui est souvent le cas compte tenu de la faible épaisseur de la table osseuse vestibulaire, la réduction spontanée du défaut vestibulaire est rare. De l’ordre de 24 % selon Schropp (2003). Plusieurs auteurs ont proposé l’implantation immédiate avec comblement du défaut, mise en place d’une membrane et fermeture hermétique du site. Nemcovsky (2000) a montré qu’avec membrane et/ou comblement on pouvait espérer 80 % du recouvrement du défaut vertical. Les 20 % manquants étant à l’origine de l’échec esthétique avec mise à nu du collet implantaire. Becker (1994) a montré qu’avec des membranes résorbables on obtenait 100 % de recouvrement à chaque fois que celle-ci était hermétiquement recouverte pendant la durée de la régénération osseuse. Mais il a également montré que dans 40,6 % des cas on obtenait une exposition prématurée de la membrane provoquant une exposition de 2,6 spires coronaires en moyenne. Ces résultats sont confirmés par de nombreux auteurs.
Pour toutes ces raisons il existe un consensus pour dire qu’il faut privilégier l’implantation différée pour les défauts à type déhiscence avec mise en place d’une régénération osseuse guidée lors de l’avulsion.
Depuis plusieurs années nous participons à la mise au point et à l’évaluation d’une membrane qui puisse être exposée pour pouvoir réussir de manière prédictible l’extraction-implantation immédiate avec régénération osseuse simultanée pour les défauts à type déhiscence. L’objet de cette observation est l’évaluation clinique d’une membrane qui est une matrice extracellulaire obtenue à partir de la muqueuse de l’intestin du porc. Le processus de fabrication permet le maintien de molécules, composantes naturelles de la matrice extracellulaire, telles que le collagène (type I, III, IV et VI), les glycoaminoglycanes, des glycoproteines, des protéoglycanes et des facteurs de croissance. Elles sont connues pour jouer un rôle important dans la réparation et le remodelage tissulaire. Cette étude observationnelle et prospective, type phase 1, s’est faite sur l’hypothèse que cette membrane est exposable et qu’elle peut provoquer une épithélialisation rampante à sa surface tout en protégeant une néoformation de la paroi osseuse vestibulaire conforme au succès esthétique attendu.
À partir de février 2009, tous les patients qui présentaient une indication d’avulsion d’une à 4 dents adjacentes dans le secteur antérieur maxillaire avec présence d’une déhiscence lors de l’avulsion et désireux de recevoir un traitement implantaire se sont vus proposer une implantation immédiate avec comblement et mise en place d’une membrane DynaMatrix (KeystoneDental, Voiron, France) sans fermeture de l’alvéole par du tissu épithélioconjonctif.
Les 20 premiers patients ont été retenus. Seuls les défauts à type déhiscence vestibulaire centrée sur l’alvéole ont été considérés dans cette étude (Fig. 1 et 2). Lors de la mise en place de l’implant le nombre de spires exposées variait de 3 à 10 avec une médiane à 6 (Fig. 3). L’exposition de la membrane variait de 50 à 100 % de la surface crestale compte tenu du fait que le lambeau vestibulaire était repositionné en fin d’intervention dans sa position initiale sans traction sur le sommet de la crête (Fig. 4 à 6). Dans tous les cas, la variation de la hauteur des collets à la pose des couronnes, la variation par rapport aux collets adjacents a été qualifiée de nulle (inférieure à 1 mm) et le contour vestibulaire de similaire aux contours adjacents (Fig. 7 à 9) avec un aspect visuel esthétique tout à fait naturel.
Discussion
L’avulsion-implantation immédiate est une technique séduisante en ce sens qu’elle permet d’économiser dans le temps de traitement le temps de cicatrisation de l’alvéole et éventuellement celui de la reconstruction du volume osseux. Elle est prédictible sur une alvéole intacte avec ou sans comblement associé. En présence d’un défaut à type déhiscence le consensus pousse à différer l’implantation après cicatrisation alvéolaire puis éventuellement reconstruction du volume de l’alvéole. Cette étude préliminaire tend à montrer que ce consensus sur l’extraction-implantation immédiate est susceptible d’évoluer par l’utilisation de matériaux de reconstruction autogènes ou allogéniques associés à une membrane qui doit présenter deux qualités essentielles : exposable et susceptible d’induire la reconstruction du tissu épithélio-conjonctif. Cette observation est à rapprocher de celle de Myron Nevis et ses collaborateurs (2010) qui ont comparé le greffon épithélio-conjonctif autogène d’origine palatine à la mise en place d’une Dynamatrix dans la chirurgie muco-gingivale d’approfondissement vestibulaire. Ils montrent que les deux procédures sont équivalentes pour augmenter le bandeau de gencive kératinisée avec tout de même une meilleure intégration visuelle du tissu néo-formé lorsque la Dynamatrix est utilisée.
Dans notre observation nous retrouvons une intégration visuelle parfaite de la gencive kératinisée néo-formée. Nevis et ses collaborateurs (2010) ne mettent en évidence aucune différence histologique entre les deux tissus, celui issu du greffon autologue et celui issu de la Dynamatrix. L’avantage d’utiliser ce type de membrane, outre la protection du site osseux en remodelage qu’elle offre est le fait qu’elle permet la réalisation de greffe sans site donneur avec un apport quasi illimité de tissu.
Bibliographie
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