La mise en charge immédiate sur racines artificielles au maxillaire supérieur n’est pas validée par notre communauté scientifique, ni sur une fixture, ni sur plusieurs. Les échecs, lorsqu’ils surviennent sont dévastateurs, jamais publiés ni présentés, souvent oubliés. Les patients, eux, ne les oublient pas. La chirurgie maxillo-faciale peut-être une aide précieuse pour rattraper une implantologie moderne, certes aboutie mais parfois encore imprudente.
Le patient
M. C., 47 ans, non fumeur et en bonne santé, nous est adressé après une tentative infructueuse de mise en charge immédiate implanto-portée fixe sur 4 implants. La perte de 3 implants sur 4 (Fig. 1) laisse des lyses osseuses importantes qui ne permettront pas la pose de nouveaux implants dans ce maxillaire, dont l’atrophie est maintenant sévère.
Cependant, M. C. supporte maintenant une prothèse adjointe totale et après avoir goûté au confort d’une réhabilitation fixe restée en place quelques semaines, il souhaite mastiquer et sourire de nouveau sans appréhension et sans gène.
Nous étudions son cas et lui indiquons qu’une solution fixe sur implants reste encore possible avec des aménagements osseux. Nous l’adressons à un chirurgien maxillofacial qui a toute notre confiance, pour des greffes d’apposition avec prélèvement autogène crânien et comblement bilatéral des bas fonds sinusiens. Le Dr Paul Cresseaux (Lyon) réalise une étude clinique et radiographique et nous propose judicieusement une chirurgie de type Le Fort 1 (première description pour le traitement des classe 3 en 1969) avec interposition de greffons osseux autogènes (remplissage a retro des sinus) provenant de la crête iliaque. L’hyperdivergence des maxillaires autorise cette intervention. Après de nombreuses explications, le patient décide de poursuivre dans la voie d’une réhabilitation fixe que nous lui proposons. Nous lui indiquons que cette intervention va permettre de placer les implants dans les meilleures conditions possibles, permettant par la suite une réhabilitation esthétique et fonctionnelle.
Le protocole de chirurgie maxillo-faciale
Sous anesthésie générale, à l’Hôpital Privé Jean Mermoz, à Lyon, Paul Cresseaux procède à l’incision des tissus mous avec une lame de bistouri électrique. Le décollement de pleine épaisseur est rapide, les FN sont réclinées et les traits d’ostéotomie horizontale permettent de libérer le maxillaire.
La mobilisation totale de celui ci est terminée avec des pinces (Fig. 2a et 2b). Les membranes sinusiennes sont ruginées afin de permettre un contact intime de la greffe.
Le prélèvement iliaque est effectué (Fig. 3). L’étape suivante consiste à placer le maxillaire dans la bonne position. Un appareil résine, préparé avant l’intervention, avec dents ajustées est positionné afin de simuler le résultat final. Il est transfixé dans le maxillaire par 4 vis (Fig. 4). Il sera maintenu en bouche pendant un mois sans le retirer. Des vis d’ancrage de diamètre 2 mm et de 9 mm de longueur sont placées à la mandibule au niveau des canines. Elles permettent de relier et de maintenir les deux maxillaires dans la position recherchée (Fig. 5). Les vis et les ligatures seront déposées dès la fin de l’intervention, avant les sutures.
Les fragments cortico-spongieux sont modelés pour s’insérer au niveau du plancher des 2 cavités sinusiennes (Fig. 6). La greffe étant placée dans un espace clos, les phénomènes de résorption, principal écueil de ce prélèvement, sont limités. Ces pièces autogènes sont maintenues et stabilisées avec des microvis. Les espaces et défauts sont comblés avec du spongieux ; les fosses nasales remplies avec du phosphate tricalcique gros grain pour éviter toute fuite.
Les plaques d’ostéosynthèses fixées avec des microvis vont stabiliser et sécuriser la cicatrisation de l’ensemble (Fig. 7). Les sutures sont réalisées avec le plus grand soin pour que les lambeaux soient maintenus sans tension.
Des conseils d’alimentation molle sont donnés. Les suites postopératoires sont simples, l’appareil provisoire, initialement vissé dans le palais est déposé afin de redevenir une prothèse adjointe totale et ce jusqu’à la réalisation fixe finale.
La réalisation implanto-prothétique
À 4 mois, une radiographie Cone-Beam complète du maxillaire supérieur est réalisée, le volume osseux obtenu permet, sous anesthésie locale, la pose de 10 implants Tekka Progress (de diamètre 4 mm et de longueur 10 à 15 mm) mis en nourrice. Les plaques de fixation sont toutes conservées, elles ne gênent pas la mise en place des implants (Fig. 8).
Nous réalisons la mise en fonction avec des bagues transgingivales et validons l’ostéointégration.
La mise en place d’un bridge transvissé avec armature chrome-cobalt et dents en résine (Fig. 9a et 9b) redonne au patient, après 12mois de patience, confort et mastication bien mérités après un échec et des mois d’effort. À 2ans, les radiographies de contrôle (Fig. 10a et 10b) valident l’intégration et le très bon comportement des implants Tekka Progress dans ce maxillaire remanié brillamment et avec succès.
Conclusion
Nos patients n’ont pas ou peu conscience des conséquences d’un échec, qui ne sont que peu ou pas présentés dans les congrès ou la littérature.
Ce parcours est « chaotique » et on peut le dire, proposé à ce patient par une science implantologue avide de challenge. L’avantage est grand mais l’échec, lorsqu’il survient, l’est encore plus. Le patient subit de forts désagréments, tant physiquement que psychologiquement (le ou les praticiens avec lui). Une attente de quelques mois seulement, avec le port d’un appareil complet, conduit à une réussite quasi-certaine. C’est à nous de proposer des solutions fiables et à être convaincants sur le délai de cicatrisation ainsi que d’en assumer les désagréments ou tout du moins de les supporter avec nos patients. Le choix d’une option thérapeutique pour la réalisation d’une réhabilitation implanto-prothétique repose sur plusieurs facteurs. Tout d’abord, le protocole proposé par le Dr Paul Cresseaux est prédictible pour traiter des patients présentant de sévères atrophies du maxillaire et s’appuie sur des études nombreuses rapportées dans la littérature. Le taux de survie des implants placés après ce type de préparation est de 96 %, d’après différents auteurs de renom (Chiapasco par exemple).
On compte également sur les connaissances du praticien, son expérience, sa formation, ses convictions, la personnalité du patient, son anatomie, ses besoins et envies. La liste n’est pas exhaustive, le lecteur pourra la compléter avec ses arguments. Pour terminer et à propos de la mise en charge immédiate au maxillaire supérieur, nous pensons que la prévention des complications doit être notre guide car le patient n’en a pas conscience et nous confie sa santé.
Bibliographie
1. De Santis D, Trevisiol L, D’Agostino A, Chucci A, De Gemmis A, Noccini PF. Guided bone regeneration with autogenous block grafts applies to LeFort1 osteotomy for treatment of severely resorbed maxillae: a 4- to 6-year prospective study. Clin. Oral Impl. Res. 23, 2012; 60-69.
2. Kaeppler G. Anwendungen der dentalen Volumentomografie in der Zahn-, Mundund Kieferheilkunde. Int J Comput Dent. 13, 2010 ; 203-219.
3. Obwegeser HL. Surgical correction of Small or retrodisplaced maxillae. The « dish face » deformity. Plastic and reconstructive Surgery. 43, 1969; 351-365.
4. Chiapasco M, Brusati R, Ronchi P. Le Fort 1 osteotomy with interpositionnal bone grafts delayed oral implants for the rehabilitation of extremely atrophied maxillae: a 1-9 year clinical follow-up study on humans. Clin. Oral Impl . Res. 18, 2007; 74-85.