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Le bridge transitoire dans le traitement implantaire de l’édenté complet en mise en charge immédiate

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Le bridge transitoire est un élément central dans la mise en œuvre du traitement implantaire de l’édenté complet par mise en charge immédiate (MCI). C’est d’abord un élément de cicatrisation et à ce titre, il participe à la bonne ostéointégration des implants. C’est ensuite un élément prothétique qui permet une première approche esthétique et valide le concept occlusal choisi avant la réalisation du bridge final. Cela nous oblige à le concevoir avec une grande rigueur. Mais l’urgence dans laquelle il est réalisé, entre 24 et 72 heures, implique un protocole rigoureux. Nous avons traité en MCI, 87 patients depuis 2007, posé 575 implants Astra Tech pour équiper 47 maxillaires, 26 mandibules et 14 bimaxillaires. Cet article résume les aspects cliniques de la mise en œuvre du bridge transitoire : la préparation des cas, sa réalisation et enfin sa transformation en bridge définitif.

Choix technologiques

Dans le cadre de la mise en charge immédiate, la réalisation du bridge transitoire fait partie intégrante de la chirurgie et doit être calée dans les 72 heures suivant celle-ci. Il existe 2 méthodes de réalisation : la méthode directe, qui consiste en un rebasage au fauteuil d’une prothèse adjointe complète (PAC) existante ou d’un bridge transitoire réalisé à l’avance.

L’avantage est que le patient ressort de la chirurgie avec des dents. Les inconvénients sont les suivants : difficulté de mise en œuvre, augmentation du temps opératoire, difficulté de finition, absence d’armature coulée. Nous préférons la méthode indirecte, c’est à-dire la réalisation en laboratoire et la pose généralement à 48 heures post-opératoires. Mis à part l’inconvénient du délai, ces bridges ont un haut degré de finition et une très grande rigidité.

Il a été démontré de longue date que la stabilité primaire peut être améliorée lorsque les implants sont reliés entre eux par une liaison rigide (Ledermann 1979, 1999 ; Salama et al. 1995 ; Spiekermann et al. 1995 ; Tarnow et al. 1997 ; Randow et al 1999).

Pour Glantz et al. (1984a, 1984b) les conditions les plus favorables à la MCI sont obtenues via un bridge fixe rigide. Tarnow et al. en 1997 utilisent un bridge provisoire avec une armature coulée pour optimiser la stabilité et obtiennent de très bons taux de succès.

Les auteurs suggèrent d’ailleurs qu’une fois ce bridge vissé ou scellé il ne doit pas être démonté pendant la période de cicatrisation implantaire pour éviter tout mouvement inutile et iatrogène.

Dans les premières publications sur la mise en charge immédiate, certains auteurs préconisent des connections rigides par barre (Ledermann 1979 ; Salama et al. 1995 ; Spiekermann et al. 1995), d’autres l’utilisation de bridge fixe en évitant les cantilevers (Skalak 1985 ; Brunski 1993 ; Tarnow et al. 1997), ou au contraire adoptent ces extensions (Randow et al. 1999 ; Ericsson et al. 2000 ; Colomina 2001).

Finalement en 2001, Ganeles et al. (2001) placent 161 implants, mis en charge par des bridges avec différents designs (technique directe ou indirecte, scellés ou vissés) et ne montrent pas de différence dans les résultats obtenus entre les différents protocoles.

Ainsi, les choix technologiques dans la conception du bridge transitoire peuvent être laissés à l’appréciation de chaque clinicien à condition de garder le principe initial de rigidité. Ces choix se feront donc sur des notions de praticité et d’affinité. Nous allons détailler la technique de MCI par des bridges transvissés sur des piliers prothétiques définitifs conçus en technique indirecte avec des cantilevers en inocclusion.

Mise en oeuvre

Préparation de la chirurgie

La mise en œuvre de ces bridges transitoires nécessite une préparation avant intervention. Des empreintes d’étude sont montées en articulateur, dans une situation d’occlusion d’intercuspidie maximale (OIM) si les rapports interarcades sont corrects ou dans une relation d’occlusion de relation centrée (ORC) si ceux-ci sont incorrects. Il est évident que dans des situations pathologiques (perte complète de calage, migration antérieure du bloc incisivocanin, cas de parodontite terminale…) on ne peut que s’approcher d’une ORC « physiologique », qui sera validée et affinée au fur et à mesure de l’utilisation du bridge et avant réalisation du définitif.

Les modèles d’étude initiaux sont conservés par le technicien de laboratoire comme référence et il lui est demandé de travailler sur des duplicatas. Une fois ces modèles montés en articulateur, les dents sont rasées et un PEI d’occlusion est confectionné en base dure (Fig. 1). Ce PEI servira à l’enregistrement des RIM en fin d’intervention après la prise de l’empreinte. Nous partons du postulat qu’il est quasi-impossible, après une intervention chirurgicale, d’enregistrer les RIM de manière classique (tests phonétiques et esthétiques). Dans certains cas, une dent peut être conservée pour aider à l’enregistrement puis extraite en toute fin d’intervention. Le PEI d’occlusion a donc comme objectif d’enregistrer des RIM en guidant le patient. Il est pré-indentée sur les dents antagonistes (Fig. 2) et il conserve des zones de calage issues des modules d’études : le raphé médian dans les cas maxillaires (Fig. 3) et les trigones dans les cas mandibulaires. Il est évidé au niveau des futures crêtes et sera rebasé en fin d’intervention sur les bagues de cicatrisation en titane vissées après l’empreinte.

la-zone-crestale

Fig. 1 : les modèles d’étude sont montés en articulateur pour permettre la réalisation d’un PEI d’occlusion, ici un cas bimaxillaire Fig. 2 : le PEI d’occlusion est pré-indenté pour permettre sa stabilisation sur l’arcade antagoniste Fig. 3 : au maxillaire, le raphé médian constitue une zone de calage, la zone crestale est évidée pour être ensuite rebasée sur des bagues de cicatrisation en titane à la fin de la chirurgie Fig. 4 : avant la réalisation des sutures, les transferts de piliers sont positionnés Fig. 5 : enregistrement des RIM grâce au PEI d’occlusion, cas bimaxillaire

Le jour de la chirurgie

En début d’intervention, il est essentiel de mesurer la dimension verticale d’occlusion du patient à l’aide de repères marqués sur le visage. En cours d’intervention, le juste positionnement implantaire est le premier élément important pour la bonne réalisation prothétique du cas. Dans le cas de bridge transvissé sur des piliers droits, les axes implantaires doivent être en dedans de l’arcade pour une esthétique optimale.

Les piliers placés au moment de la chirurgie sont considérés comme définitifs même s’ils pourront par la suite être changés. La hauteur prothétique de ces piliers est classiquement de 2 mm. Les implants sont légèrement sur enfouis pour prévenir la future rétraction post-cicatricielle qui est systématique et d’autant plus importante en cas de parodontite terminale.

Avant la réalisation des sutures, les transferts de piliers sont positionnés (Fig. 4). Les comblements osseux sont effectués et les berges sont suturées à l’aide d’un fil résorbable. Une empreinte à ciel ouvert est réalisée à l’aide d’un porte-empreinte plastique du commerce et d’un matériau empreinte faiblement hydrophile (Honigum®, Pred) pour éviter une fusée du matériau sous les sutures et les lambeaux.

Une fois l’empreinte réalisée, des bagues de cicatrisation en titane sont vissées sur les piliers pour éviter leur recouvrement par la muqueuse. Le PEI d’occlusion est essayé. On mesure la DVO et on observe si celle-ci est identique ou non à celle enregistrée en début d’intervention. Si nécessaire, des retouches sont entreprises notamment dans l’intrados du PEI qui peut interférer avec les bagues en titane. Une fois ces réglages entrepris, les RIM sont enregistrés par un silicone mou de rebasage de (Silagum®, Pred) injecté dans l’intrados. Le PEI est calé sur les dents antagonistes et le patient est guidé pour fermer la bouche jusqu’à la mise en butée du PEI sur les repères conservés (raphé médian ou trigones rétromolaires) (Fig. 5). La DVO est vérifiée, le milieu marqué. Des corrections éventuelles peuvent être indiquées au prothésiste ainsi que des informations complémentaires : teinte, numéro des dents extraites, nécessité de fausse gencive, type d’armature…

La conception

Armature et rigidité

La conception du bridge et notamment la nature de l’élément de renfort est donnée par des considérations cliniques. Le bridge est vissé sur les piliers par l’intermédiaire d’embases en titane et celles-ci sont noyées dans la résine. La résine possède une rigidité suffisante mais sa résistante est faible ce qui se traduit par des fractures au niveau des embrasures ou des puits de vissage. Pour l’améliorer, on peut avoir recours à de la fibre, à des fils de renfort (Fig. 6), à des attelles coulées ou à des armatures coulées.

Dans ce dernier cas, les embases en titane sont remplacées par des calcinables. Le choix est fonction du nombre de dents et d’implants, en gardant à l’esprit que plus le bridge est étendu, plus les forces exercées seront postérieures et puissantes, et plus l’armature devra être résistante. D’une manière synthétique, le fil de renfort ou les fibres sont indiquées dans les cas de mise en charge de 4 implants antérieurs par des bridges de 8 ou 10 dents sans extension. Dans les autres cas, nous privilégions la réalisation d’une attelle coulée (Fig. 7) qui encercle des bagues en titane (technique collée/vissée). Cette solution constitue une bonne alternative entre coût et résistance à la fracture. Enfin, la résine n’étant pas chimiquement liée au métal il convient de réaliser des micro et des macro-rétentions pour améliorer la cohésion de celle-ci.

Compression et fausse gencive

Le bridge transitoire est un bridge de cicatrisation et doit aussi constituer un modèle pour le bridge définitif.

En fonction du degré de rétraction pré-extractionnelle, de la longueur des dents à extraire (cas de maladie parodontale terminale par exemple) et de critères esthétiques morphologiques propres au patient (par exemple la position de la ligne du sourire), on a recours ou non à une fausse gencive.

Le bridge transitoire avec fausse gencive (Fig. 8) est plus facile à mettre en œuvre, plus résistant (car les embrasures fragilisent le bridge), non compressif et moins douloureux lors de son vissage initial. Il est indiqué chez des patients âgés avec de fortes résorptions osseuses dans le but d’obtenir un bon soutien de lèvre.

À l’inverse, le bridge transitoire sans fausse gencive (Fig. 9) est plus compliqué à mettre en œuvre car il doit être compressif pour permettre de sculpter de futures papilles (Fig. 10 et 11). Il est utilisé dans le cas de patients jeunes avec une faible résorption post-extractionnelle pour réaliser des bridges céramiques.

La complexité réside dans le degré de compression des pontiques ovoïdes. Il faut tout d’abord informer son prothésiste que la fausse gencive du modèle peut être fortement taillée car celle-ci n’a rien de comparable au cas de bridge sur des crêtes cicatrisées.

Ensuite, il est utile d’indiquer sur la fiche de transmission au laboratoire les alvéoles d’extraction car les pontiques y seront plus compressifs. La règle pour le prothésiste est de ne presque pas tenir compte de la fausse gencive et de faire pénétrer les pontiques au même niveau que celui des piliers prothétiques adjacents. Lors de la mise en place de ces bridges, une anesthésie locale est nécessaire. Il faut aussi parfois régler la compression au fauteuil en fonction des doléances du patient. Un resserrage systématique des vis de bridge est entrepris à 1 semaine, 15 jours et 1 mois postopératoires pour permettre une mise en place complète et stable du bridge.

Compression-et-fausse-gencive

Fig. 6 : vue des piliers en titane et du fil de renfort avant injection de la résine Fig. 7 : attelle coulée : les piliers en titane sont entourés et collés dans l’attelle Fig. 8 : bridge provisoire avec fausse gencive peu compressive Fig. 9 : bridges provisoires bi-maxillaires sans fausse gencive Fig.10 : bridges provisoires sans fausse gencive le jour de sa mise en place à 48 heures postopératoires, notez la compression de la muqueuse Fig.11 : retrait du bridge provisoire à 4 mois, notez la sculpture des papilles

passage-au-bridge

Fig.12 : enregistrement des RIM validés sur le bridge provisoire qui sert de base d’occlusion pour la mise en articulateur des modèles définitifs Fig.13 : bridge définitif en résine sur armature chrome-cobalt coulée Fig.14 a : panoramique de contrôle du bridge provisoire avec son fil de renfort Fig.14 b : panoramique de contrôle du bridge définitif avec son armature chromecobalt

Le passage au bridge définitif

Compte tenu du confort apporté par le bridge transitoire, on peut attendre au minimum 4 à 6 mois, le temps nécessaire pour une rétraction tissulaire et à une stabilisation des tissus péri-implantaires. Cette période doit être mise à profit pour valider le concept occlusal (DVO, calage, centrage et guidage). La résine est un élément cosmétique qui permet de réaliser des rajouts ou des modifications mineures au fauteuil.

Dans le cas d’erreurs esthétiques importantes, il peut être nécessaire une fois la période précoce de cicatrisation passée de faire un remontage de dents.

Le passage au bridge définitif débute par un enregistrement des RIM validés par plusieurs mois de fonction (Fig. 12) et la prise en compte des modifications esthétiques finales demandées par le patient.

Cet enregistrement se fait simplement sur le bridge transitoire qui sert de base d’occlusion et qui est ensuite dévissé. La prise d’empreinte est classique et le bridge provisoire, l’empreinte, l’accastillage prothétique et le modèle antagoniste sont envoyés au prothésiste. Le patient repart sans dents et les récupérera en fin de journée.

Une fois les modèles coulés, le bridge transitoire est vissé sur les répliques de piliers et le montage en articulateur réalisé. Le prothésiste confectionne ses clefs de positionnement et de montage et le bridge est rendu au patient. Ainsi, dès la première séance de prise d’empreinte, nous obtenons un modèle monté selon les bons RIM. Les étapes suivantes ne sont que des validations d’un projet prothétique mûri de longue date : validation de l’empreinte par la clef en plâtre si nécessaire, puis essayage de l’armature, essayage esthétique et livraison du bridge définitif (Fig. 13, 14 a et b).

Conclusion

L’objectif principal du bridge transitoire en MCI est la réalisation d’une connexion rigide entre les implants. La principale difficulté de sa mise en œuvre réside dans l’enregistrement des RIM à la fin de l’intervention car le patient est éprouvé et que cet enregistrement se fait sur des références modifiées par la chirurgie : la crête édentée suturée et équipée des implants.

Une fois cette étape validée, le bridge permet l’intégration des implants et assure un confort pour le patient. Il facilite aussi grandement la réalisation du définitif.

Remerciements aux laboratoires GL dent (Grasse) Mazuel (Nice)

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A propos de l'auteur

Dr. Antoine DISS

Docteur en chirurgie dentaire
Docteur en sciences
Ancien interne des Hôpitaux de Nice
Président fondateur de Génération Implant

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