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DÉROUTEMENT ET COFFRAGE MANDIBULAIRES POSTÉRIEURS EN CAS D’ATROPHIE EXTRÊME

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La réhabilitation fixe du secteur postérieur mandibulaire représente un défi.

En effet, comme la décrit Cawood et al (1), la résorption de la crête alvéolaire mandibulaire postérieure s’accompagne d’une superficialisation du nerf alvéolaire inférieur. Plusieurs difficultés vont ainsi apparaitre en cas de reconstruction de cette région : la gestion des tissus mous, la gestion du nerf alvéolaire inférieur et celle du site donneur de greffe. Au niveau des tissus mous, l’objectif va être de pouvoir recouvrir totalement le site greffé de façon hermétique en jouant sur la laxité des tissus mous. Pour le nerf alvéolaire inférieur, il représente le principal risque per et post opératoire. De par sa position anatomique, il empêche la mise en place des vis d’ostéosynthèse. Sa sortie au niveau du foramen mentonnier nécessite une dissection fine est précise. Enfin, le site donneur autologue, habituellement ramique, peut être difficile à prélever du fait de sa position proche du site à greffer et du risque de fracture per opératoire de la mandibule.

A travers cette article, nous vous présentons la technique de déroutement coffrage mandibulaire postérieur à travers deux cas cliniques.

CAS 1

Il s’agit d’une patiente de 67 ans ayant bénéficié d’une réhabilitation implantaire il y a 7 ans en site mandibulaire postérieur. La patiente nousrapporte une installation rapide d’une péri-implantite avec suppuration et mucosite après la pose d’implant. Le jour de la consultation, elle présente une péri-implantite terminale avec des implants non conservables (Fig. 1). La patiente est revue en consultation de contrôle avec son cone beam (Fig. 2 et 3).

Figure 1 : péri-implantite terminale avec proximité avec le nerf alvéolaire inférieur.
Une dépose des implants est effectuée sous anesthésie locale accompagnée de
l’avulsion de 33.

Figures 2 et 3 : état initial et CBCT initial.

Elle présente une atrophie mandibulaire extrême classé Cawood VI avec une procidence et superficialisation du nerf alvéolaire inférieur. La position haute de son nerf rend difficile toute procédure de greffe osseuse autologue par prélèvement intra ou extra orale. En effet, le positionnement d’une vis d’ostéosynthèse entrainera une lésion inéluctable du nerf (2). Les techniques de régénération osseuse guidée avec membrane armée sont une alternative intéressante dans ce type de reconstruction cependant la gestion des tissus mous(3, 4, 5), la prédictibilité du résultat et la durée d’attente avant la pose des implants nous font exclure cette technique. Nous optons donc pour une technique originale de déroutement du nerf alvéolaire inférieur associée à un coffrage osseux autologue par greffon ramique. La première description du déroutement encore appelé latéralisation du nerf alvéolaire inférieur a été décrite par O. Jensen en 1987 (6) dans le but de poser un implant dans le même temps opératoire en cas de mandibule atrophique. Nous avons modifié cette indication en réalisant à la fois le déroutement du nerf alvéolaire inférieur et en y ajoutant un coffrage osseux autologue. Cette technique permet à la fois de s’affranchir de la position du nerf alvéolaire inférieur et de réaliser une augmentation per opératoire permettant de diminuer l’index couronne-implant, faciliter la maintenance péri-implantaire future et renforcer la mandibule. L’utilisation d’une greffe autologue reste le gold standard en chirurgie pré implantaire. En effet, de par ces propriétés ostéoprogénitrice, ostéoconductrice et ostéoinductrice (7), l’os autologue permet également de raccourcir la durée de cicatrisation avant la pose d’implant (environ 4 à 6 mois). L’intervention a lieu sous anesthésie générale. une incision crestale étendue à la région ramique permet d’exposer le site donneur et receveur de greffe. Le trigone rétro molaire est exposé. Les muscles masseter et temporal sont ruginés afin de bien exposer le site donneur. Le nerf mentonnier est exposé et la gaine du nerf est ouverte après avoir réalisé une moucheture de la gaine à la lame 11 (Fig. 4).

Figure 4 : exposition du foramen mentonnier.

Cette micro incision permet de disséquer les rameaux du nerf mentonnier en toute sécurité. Cela permet également d’obtenir une très bonne laxité tissulaire. une contre incision du périoste réalisée en linguale et en vestibulaire permet d’obtenir la laxité tissulaire nécessaire au recouvrement de la future reconstruction (4, 5) . L’ostéotomie est réalisée à la fraise boule fine en avant et en arrière du nerf mentonnier (Fig. 5).

Figure 5 : ostéotomie.

Cette ostéotomie est réalisée en timbre poste environ 1 cm en avant du foramen mentonnier et environ 2 cm en arrière du nerf mentonnier. A la fraise fissure, nous réunissons les traits d’ostéotomie. Le clivage de la valve extrême s’effectue à la rugine fine (Fig. 6).

Figure 6 : section complète.

On procède d’abord par le fragment en avant du nerf mentonnier puis en second, celui en arrière. Le nerf mentonnier et alvéolaire inférieur est mobilisé doucement avec un palpateur à nerf. une fois mobilisé, le pédicule incisif est sectionné afin de dérouler complètement le nerf alvéolaire inférieur (Fig. 7).

Figure 7 : libération du nerf alvéolaire inférieur et création d’un néo foramen en distal.

A la fraise boule large, une gouttière est réalisée en distale de la fenêtre postérieure. Cette gouttière permet de repositionner le nerf en position plus distale. Dans le deuxième temps opératoire, au piézotome avec insert droit, un greffon cortical est prélevé au niveau du ramus gauche (homolatéral). Ce greffon est affiné au Safe scraper. Au Safe scraper ®, des copeaux osseux sont prélevés sur la branche horizontale. La récupération des copeaux osseux permettra de combler le coffrage afin de favoriser une meilleurs coaptation et vascularisation des greffons(8). Les greffons sont conformés et adaptés au site receveur. L’ostéosynthèse est réalisée avec des vis Medartis® 1,5 mm. Les valves externes issues de l’ostéotomie d’accès pour le déroutement du nerf alvéolaire inférieursont repositionnées et ostéosynthésées. Le broyat osseux est positionné sous les greffons. Le greffon de valve postérieur est repositionné de façon à caler la nouvelle émergence du nerf alvéolaire inférieur (Fig. 8).

Figure 8 : greffe osseuse ramique et valve externe. Création du nouveau foramen.

La fermeture s’effectue en 2 plans avec un premier plan de point en u permettant d’éverser le plan conjonctif puis des points simples de Vicryl 4/0 (Fig. 9).

Figure 9 : fermeture sans tension.

La prescription post opératoire est assez conventionnelle avec antibioprophylaxie et corticothérapie.

Le suivi est réalisé à J7, J14, 1 mois et 6 mois post opératoire. L’examen clinique n’a pas retrouvé de perte de sensibilité en post opératoire.

A 6 mois post opératoire, le CBCt et la panoramique mettent en évidence une parfaite ostéointégration des greffons, un gain vertical de 8 mm et la nouvelle émergence du nerf mentonnier (Figs. 10 a, b).

Figures 10 a, b : CBCT et panoramique post opératoire.

La pose d’implants s’effectue sous anesthésie locale. Les vis d’ostéosynthèse sont enlevées dans le même temps opératoire (Fig. 11).

Figure 11 : exposition du site greffé

A la réouverture on retrouve un greffon parfaitement vascularisé et stable (Fig. 12).

Figure 12 : vue occlusale de la reconstruction.

Le forage des sites implantaires s’effectue à l’aide du guide radiologique transformé en guide chirurgical. une attention particulière est portée sur le forage du site greffé. En effet, comme toujours celui-ci est doux sous irrigation continue et le taraud est passé sur chaque site implantaire pour éviter toute compression de la greffe pouvant entrainer une perte d’implant précoce par défaut d’ostéointégration lié à une ischémie tissulaire (Fig. 13).

Figure 13 : vue post forage implantaire.

Les implants (ZIMMEr® tSV) sont posés au contre angle avec un contrôle du torque d’insertion pour un objectif à 35 Ncm. 4 implants tSV B13 sont posés (3,7/13mm) et un implant tSVB11 (3,7/11 mm) (Figs. 14 a et b).

 

Figure 14 a, b : vue occlusale et latérale de la pose d’implants.

Le deuxième temps opératoire est prévu à 3 mois. Il sera accompagné d’un aménagement muqueux par vestibuloplastie et greffe gingivale (Dr. Timothée GELLEE – Figs. 14 c et d) puis viendra la partie prothétique.

Figs. 14 c et d : vestibuloplastie

Le panoramique de contrôle permet d’objectiver le bon positionnement des implants ainsi que la présence du nouveau foramen mentonnier (Fig. 14 e).

Figure 14 e : panoramique de contrôle

CAS 2

Le cas clinique suivant est celui d’une patiente de 56 ans présentant une péri-implantite avancée sur ces implants boule en site de 33-43 (Fig. 15 a, b, c).

Figures 15 a, b, c : état initial.

Figures 15 a, b, c : état initial.

Elle présente également une atrophie extrême mandibulaire postérieure. Le plan de traitement retenu a été le suivant :

  • dépose des implants et avulsion des dents mandibulaires avec déroutement des nerfs alvéolaires inférieurs et coffrage mandibulaire par greffons osseux autologues d’origine pariétal (Figs. 16 a et b).

Figure 16 a : vue per opératoire de la mobilisation du nerf.

Figure 16 b : panoramique de contrôle post opératoire.

  • à 4 mois post greffe : ablation du matériel d’ostéosynthèse et pose de 6 implants mandibulaires avec mise en charge immédiate (Figs. 17 a et b).

Figures 17 a : pose d’implants.

Figures 17 b : pose d’implants après dépose de matériel, vue occlusale

La première intervention s’est déroulée sous anesthésie générale. Le protocole de déroutement du nerf alvéolaire suit exactement celui décrit dans le cas 1. Parla suite, la réalisation prothétique est réalisée par les Dr Pomes Benjamin, Edouard Finet et Arthur Benard (Figs. 18 a, b et c).

Figures 18 a : réhabilitation finale.

Figures 18 b : réhabilitation finale, vue occlusale.

DISCUSSION

Bien que cette technique soit élégante, elle n’est pas dénuée de risque notamment sur le plan neuro sensoriel. En effet, la latéralisation du nerf peut entrainer des troubles neurologiques transitoires (50 % le premier mois(10) voire définitifs chez 7,5 % des patients d’après P. Russe et A. Lorean(10,11) . Notre expérience est de 12 déroutements sur 8 patients traités (4 patients avaient bénéficié d’un double déroutement coffrage) avec cette technique. Seul 1 patient présentait une hypoesthésie post opératoire soit 8,3 % de troubles post opératoires. Il est évident qu’une courbe d’apprentissage et la maitrise de la chirurgie pré implantaire lourde semble être un pré requis nécessaire à cette pratique.

Figures 18 c : panoramique finale.

CONCLUSION

La technique de déroutement coffrage est une technique de chirurgie pré implantaire originale et fiable. Elle permet de s’affranchir par la suite de la position du nerf alvéolaire inférieur. Elle est cependant délicate à pratiquer et à réserver aux atrophies mandibulaires postérieures extrêmes. L’implantation immédiate est également possible mais fragilise à notre sens le bord basilaire. De plus, nous pensons que le déroutement du nerf avec implantation immédiate rend plus difficile les réinterventions à distance. Cette technique est à réserver aux résorptions alvéolaires terminales classées Cawood VI avec un nerf haut situé.

 

Bibliographie
  1. Cawood JI, Howell RA. reconstructive preprosthetic surgery: I. Anatomical considerations. Int J Oral Maxillofac Surg. 1991;20(2):75-82.
  2. Gary Greenstein 1 , Dennis Tarnow the mental foramen and nerve: clinical and anatomical factors related to dental implant placement: a literature review J Periodontol 2006 Dec;77(12):1933-43. doi: 10.1902/jop.2006.060197.
  3. Urban IA and Al. Effectiveness of two different lingual flap advancing techniques for vertical bone augmentation in the posterior mandible; A comparative splite mouth cadaver study; Int J periodontics restorative Dent Jan/fev 2018 Vol 38 issue 1 p 35-40
  4. Ronda M, Stacchi C. Management of a coronally advanced lingual flap in regenerative osseous surgery : a case series introducing a novel technique. Int J Periodontics restorative Dent 2011 ; 31: 505-513
  5. Ronda M , Stracchi C. A novel Approach for the coronal Advancement of the buccal Flap . Int J periodontics restorative Dent 2015; 35: 795-801
  6. O Jensen, d Nock. A case report Inferior alveolar nerve repositioning in conjunction with placement of osseointegrated implants: – Oral Surgery, Oral Medicine, Oral Pathology, 1987 – Elsevier
  7. Tulasne JF, Andreani JF, Lesclous P, et coll. Les greffes osseuses en en implantologie. Quintessence international. Paris: 2007.
  8. Wang HL, Boyapati L. “PASS” principes for predictable bone regeneragion. Implant Dent. 2006;15(1):8-17.
  9. T. LinKevicius. Zero bone loss concepts Quintessence Publishing 2019 Chapitre 1 p 4-15
  10. P. Russe, J.-B. Flament. Latéralisations du nerf alvéolaire inférieur en chirurgie implantaire Implantodontie 12 (2003) 49–59.
  11. A.Lorean and al. Inferior alveolar nerve transposition and reposition for dental implant placement in edentulous or partially edentulous mandibles: a multicenter retrospective study International Journal of Oral and Maxillofacial Surgery Volume 42, Issue 5, May 2013, Pages 656-659.

 

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A propos de l'auteur

Dr. Mickael Samama

Chirurgien orale
Stomatologue
Ancien interne et chef de clinique des hôpitaux de paris
Activité libérale Paris
Activité hospitalière
Service de stomatologie et chirurgie maxillo-faciale,
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière
Directeur du DIU de réhabiliation orale et implantaire Sorbonne université
Directeur du DU de chirurgie pré et péri implantaire orale
Sorbonne université
Fondateur ATROFI
Académie de Traitement et de Réhabilitation
Orale Fonctionnelle
Implantaire

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