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“Le dialogue, la curiosité et la confiance sont importants dans le choix d’une technologie”

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Dr Alexis NICOLAS

Corinne PINSARD

Florian BOUSSIN

 

 

 

 

 

 

 

Le Dr Alexis Nicolas a franchi le cap du numérique il y a 12 ans et très rapidement, il a souhaité intégrer un laboratoire numérique à son cabinet. aujourd’hui, le cabinet est devenu un cabinet de groupe et compte 2 prothésistes. Bien qu’en zone rurale, il privilégie le dynamisme et la modernité. Passionné mais aussi pragmatique, il n’envisage aucun investissement au hasard.

Fil Dentaire : Pourriez-vous présenter votre structure à nos lecteurs ?
Alexis Nicolas : Le cabinet est situé à la Flèche, petite ville de 15000 habitants de la Sarthe, classée en « zone très sous dotée » par l’ARS. J’ai été à l’initiative, il y a 10 ans, de la construction de ce cabinet qui est devenu rapidement un cabinet de groupe. Notre croissance a été très rapide : en 8 ans, nous sommes passés d’un praticien et 2 assistantes à aujourd’hui 6 praticiens et 14 employés. Le local, lui aussi, a suivi cette augmentation par 3 phases successives, pour atteindre aujourd’hui 500 m2. au niveau de la répartition des professionnels : on retrouve donc 6 praticiens, 2 coordinatrices (dont une est aussi infirmière de bloc), 2 secrétaires, 2 prothésistes, 7 assistantes dentaires et une aide-soignante. Nous avons un laboratoire numérique intégré, ainsi qu’un laboratoire un petit peu plus « traditionnel ». Nous avons fait le choix de séparer le propre…du « sale » si je puis dire.
Fil Dentaire : A quel moment avez-vous fait le saut du numérique ?
Alexis Nicolas : J’ai toujours été un gros curieux de tout ce qui concerne les branches de la profession. Je me reconnais également volontiers un côté « geek » (NDLR : Personne passionnée par les nouveautés techniques, et particulièrement par l’informatique, l’internet, les jeux vidéo) et l’informatique ne m’a jamais vraiment rebuté mais au contraire attiré.
En 2010, lors de l’ADF, j’ai signé pour un CEREC et un cone beam ! Le grand saut le plus total car je ne posais pas encore d’implants. Mais un grand saut que j’avais préparé et anticipé au travers de rencontres avec des praticiens qui utilisaient le système CEREC, en allant voir ce qu’ils faisaient et comment ils le faisaient, en lisant des articles sur le sujet et enfin en échangeant avec les industriels, les dépôts dentaires et les commerciaux.

Fil Dentaire : Passée l’installation, comment avez-vous intégré cette nouvelle technologie à votre activité ?
Alexis Nicolas : Je me souviens d’un article où une praticienne racontait ses premiers pas avec son CEREC et
les (grandes) difficultés qu’elle avait rencontrées (NDLR : à lire Fil dentaire Mars 2017). Je pense que l’anticipation et l’accompagnement sont essentiels pour une intégration rapide et réussie. Je me suis entouré d’un professionnel formateur chevronné qui a pu m’épauler dès le début et m’aider à me lancer. Je me suis ensuite fixé une obligation de l’utiliser pleinement mais à moyenne échéance que j’avais établie à 4 mois. ainsi pendant 4 mois, grâce à une copie du logiciel, j’ai pu prendre le temps d’apprendre son fonctionnement, ses avantages et ses inconvénients ; j’ai appris à usiner, à maquiller, à connaître et comprendre les matériaux, à coller… Sur mon temps libre, j’ai fait des tests, usiné des blocs sans forcément les poser. au terme de ce temps d’apprentissage, j’ai estimé que j’étais prêt à travailler directement en bouche en toute confiance. Bref, je ne me suis pas lancé d’un coup, mais j’ai planifié mon coup à l’avance.
Fil Dentaire : A quel moment avez-vous décidé d’intégrer un laboratoire de prothèse à votre cabinet ?
Alexis Nicolas : J’ai travaillé comme cela pendant 2 à 3 ans ce qui m’a permis d’évaluer les qualités et avantages du système mais également ses limites qui finalement étaient plus les miennes. Le travail de la céramique, le maquillage ne font pas partie de notre formation et nous n’avons pas tous la « patte » du prothésiste. de plus, ce temps de maquillage, tout comme celui de la conception, sont des temps improductifs d’un point de vue rentabilité. des temps que je pourrais consacrer aux patients et si ces tâches étaient déléguées. Fort de ce constat, le projet de construction d’un nouveau local a suggéré naturellement un laboratoire de prothèse numérique.
Fil Dentaire : Comment s’est passé la création de ce laboratoire ? Avait-il déjà la physionomie de celui qu’il est aujourd’hui ?
Alexis Nicolas : Forcément c’était un gros investissement. Nous avons donc prévu au départ les choses a minima ne sachant pas trop où nous allions. Il était bien plus petit qu’actuellement. de la même manière, nous avions décidé d’embaucher quelqu’un qui serait prothésiste de formation, mais ne maîtrisant pas la quantité de travail à lui confier, nous l’avions également fléché sur un temps de travail d’assistante dentaire (30 % du temps prothésiste et 70 % du temps en tant qu’assistante dentaire). Mais rapidement ce temps a glissé vers de la prothèse exclusivement. Il a fallu également comprendre ce qu’est le métier de prothésiste parce que même si on en a une idée, il y a plein d’éléments qui nous échappent : de la place que cela prend au matériel nécessaire. Et là-dessus, Corinne a été extraordinaire. Elle nous a aidés et guidés. On peut dire même qu’elle a construit son propre poste.

Fil Dentaire : C’est à ce moment-là que les prothésistes entrent dans l’histoire. Quel a été votre parcours ?
Corinne Pinsard : Je suis prothésiste dentaire de formation et également depuis 9 ans assistante dentaire, date de mon arrivée au sein du cabinet.
Florian Boussin : J’ai fait mes études à Nantes en lycée public professionnel, un CAP et un bac professionnel. Je suis arrivé au sein du cabinet en 2018 après plusieurs expériences en laboratoire. au cours de ces 4 ans, j’ai
également passé un diplôme d’assistant dentaire.
Alexis Nicolas : La double casquette prothésiste/assistante dentaire est d’un point de vue légal normalement nécessaire pour pouvoir travailler au sein d’une structure qui n’a pas différencié son laboratoire de la partie activité de soins. Ainsi, les contrats de travail doivent incorporer la possibilité de travailler au fauteuil, comme l’autorise la loi pour les assistant(e)s dentaires. de plus, un prothésiste n’a absolument pas le droit de connaître ni le nom ni la moindre donnée du dossier médical d’un patient (voire presque même son visage) alors que ce double-statut le permet.


Fil Dentaire : Quelles ont été vos formations et votre bagage numérique en arrivant au cabinet ?
Corinne Pinsard : Je travaillais déjà dans un laboratoire dans lequel nous faisions de la CFAO. J’étais donc déjà familiarisée mais le logiciel était différent. Il a donc fallu que j’apprivoise le nouveau système, puis les autres étapes notamment le maquillage essentiel et spécifique aux restaurations monolithiques.
Florian Boussin : Je connaissais également le numérique avant mon arrivée mais les machines étaient plus anciennes et l’activité n’était pas aussi tournée vers le digital. La cadence était aussi moins intense.
Fil Dentaire : Quelles sont pour vous les particularités, voire les avantages, d’un laboratoire numérique intégré au cabinet ?
Florian Boussin : Je pense que cela apporte déjà un gain de temps pour tout le monde et un gain de d’énergie. S’il y a un problème, le praticien a juste à venir nous voir et le problème va se régler très rapidement, sans téléphone, sans latence.
Corinne Pinsard : Nous pouvons nous déplacer tout de suite et directement au fauteuil. C’est un confort
extraordinaire notamment pour le maquillage : il n’y a rien de mieux pour un prothésiste que d’avoir le visu du patient, en particulier pour les cas difficiles. Cela vaut toutes les prises de teinte ou photographies.


Alexis Nicolas : Il y a véritablement ce côté d’échange plus direct, plus riche et beaucoup plus constructif. Il est facile de se mettre tous autour de l’ordinateur et échanger à propos d’un cas. C’est beaucoup plus difficile, voire impossible avec un laboratoire externe.
Corinne Pinsard : C’est plus simple également de trouver les bons réglages lors de la mise en place et même après. Il y a forcément, à certains moments, un peu de tâtonnement mais la force d’être plusieurs corps de métiers différents est que par le dialogue, on trouve les solutions.
Fil Dentaire : Que produisez-vous directement sur place et qu’externalisez-vous ?

Alexis Nicolas :aujourd’hui, nous avons élargi énormément la palette d’actes que nous pouvons faire directement au cabinet. Maintenant, on ne fait pas tout et on ne veut pas tout faire au cabinet. On a fait le choix des travaux à faire sur place et ceux à déléguer. Les travaux en céramique (même zircone) et en résine sont internalisés mais nous sous-traitons tout ce qui relève de la métallurgie (coulée ou usinée) : inlay core, châssis de PPAC, barres implantaires…Ce sont en effet des travaux qui posent des problèmes de faisabilité dans un cabinet mais aussi de rentabilité : une usineuse pour métal coûte « une fortune » à intégrer, à utiliser et donc à rentabiliser (par rapport à la production d’un seul cabinet).
Nous avons donc fait le choix de réaliser en interne les travaux qui nous apportent au quotidien des intérêts de qualité, de communication, de rapidité, d’échange et de rentabilité. Une partie des travaux (inlays, couronnes, provisoires) est ainsi réalisée sur un seul rendez-vous : soit les avantages du chairside sans les inconvénients ! Le reste est réalisé de manière plus traditionnelle avec l’avantage du sur place qui nous permet plus grande
réactivité sur les délais.

Fil Dentaire : Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs qui souhaiteraient faire le saut du numérique et pourquoi pas intégrer un laboratoire numérique à leur structure ?
Alexis Nicolas : aujourd’hui, lorsque l’on veut intégrer une technologie numérique, petite ou grosse, dans un
cabinet, il faut évidemment avoir un tant soit peu d’affinité avec ce genre de technologie et pour l’informatique. Même si nous sommes tous plus ou moins à l’aise, il faut néanmoins être très vigilants sur « l’après installation » et veiller à avoir un bon service après-vente comprenant un réel accompagnement presque individualisé.
Pour ma part, le dialogue, la curiosité et la confiance sont importants dans le choix d’une technologie. Ne pas hésiter à échanger avec les confrères, les industriels et tester, en conditions réelles, le matériel.
Il faut aussi chercher à se simplifier la vie. Pour notre part, nous avons privilégié une chaine numérique complètement intégrée pour gagner en facilité, en temps et en sérénité, plutôt que d’avoir la meilleure caméra ou le meilleur logiciel.
Florian Boussin : Il faut dans tous les cas une chaine la plus ouverte possible. Il faut que le flux soit justement fluide et ne pas chercher à créer des obstacles qui viendraient le perturber.

Fil Dentaire : Quelle est la prochaine évolution ? Le prochain investissement ?
Alexis Nicolas : La virtualisation complète du patient, c’est à dire créer son avatar numérique le plus proche possible de la réalité, est l’objectif ultime lorsque que l’on parle de numérique. J’avoue avoir un oeil sur les systèmes d’enregistrement dynamique de la cinématique mandibulaire. En 2018 déjà, j’avais commencé à travailler là-dessus. Mais je veux prendre le temps de faire les choses correctement sans forcément aller trop vite non plus parce que je garde toujours en tête aussi le côté économique. Je ne peux pas me permettre d’investir dans une technologie pour la laisser dans un coin. Maintenant, les coûts sont très importants dans le numérique, que ce soient les équipements ou les logiciels, et je ne peux pas me permettre que ce soit uniquement pour mon activité de surcroît vis-à-vis de mes associés, d’aller les emmener sur un investissement qui serait pas du tout utile ou qui soit comme un caprice de geek. Il faut que cela reste raisonné, utilisable et reproductible et que chacun puisse y trouver son compte. Nous devons voir comment intégrer cette technologie parce que c’est le seul moyen de la rentabiliser.
Fil Dentaire : Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Alexis Nicolas : Historiquement, les laboratoires faisaient partie des cabinets dentaires jusque dans le dernier quart du 20ème siècle où justement, ils ont pris leur indépendance, un peu poussés dehors par les praticiens. aujourd’hui, on a des cabinets de groupes qui font beaucoup d’omnipratique et qui s’intéressent à la CFAO. Les nouveaux matériaux et les procédés d’usinage permettent de monter des laboratoires assez facilement en s’épargnant tout ce qui est lié aux alliages métalliques. Le profil des prothésistes a également beaucoup changé, si bien que l’on parle volontiers « d’infothésiste ». Intégrer des prothésistes nous a apportés un plaisir, un confort et une qualité de travail améliorés. Pour nous, c’est devenu tout aussi évident que le fait de travailler ou non avec une assistante dentaire. de la même manière, cela a amélioré notre productivité et notre rentabilité. Pour finir, s’il y avait 3 mots à retenir pour une intégration réussie : curiosité, patience et anticipation.

QUELS OUTILS NUMÉRIQUES ?
Caméras
• 1 Primescan (DentsplySirona)
• 2 Omnicam (DentsplySirona)
Usineuses
• 2 MCXL-Inlab (Dentsply Sirona)
• 1 Roland 52DWX (DG SHAPE) + son aspiration (RENFERT TS), Cyclone MESTRA et évacuation extérieure
Logiciels de Conception/Planification
• 2 Inlab-22 (Dentsply Sirona)
• 1 Exocad 3.1
• 1 Exoplan 3.0.2021
• 1 logiciel de Nesting Millbox 5A CIM System
• 1 logiciel CFAO 3D pour les certificats de conformité
• 3 Ordinateurs dédiés à la Conception 3D avec écrans 27 pouces

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A propos de l'auteur

Dr. Karim NASR

Docteur en Chirurgie Dentaire
Maître de Conférences des Universités - Praticien hospitalier
Faculté de Chirurgie Dentaire de Toulouse - CHU de Toulouse
Praticien libéral

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