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EVIDENCE-BASED DENTISTRY Données acquises de la science médicale et données actuelles

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CONTROVERSE CLINIQUE N°2 : LA SUITE…

Dans notre précédent numéro (LFD179 – Novembre 2022), un second volet de CONTROVERSES CLINIQUES intitulé EVIDENCE-BASED DENTISTRY & ENSEIGNEMENT UNIVERSITAIRE – Congruence synchrone OU Décalage temporel ? avait été posé par le docteur Michel Abbou suite à l’édito de sa consoeur, le Dr Frédérique d’Arbonneau, paru dans le numéro 26 de l’ID de juin 2022. On y apprend notamment que la médecine par la preuve se serait imposée dans nos Universités au tournant des années 90.
Comme convenu, voici la seconde partie de cette CONTROVERSE qui se compose :
– des réactions argumentées de 2 praticiens enseignants en exercice : Dr Jacques VERMEULEN et Dr Pascal KARSENTI.
– de l’arbitrage du Professeur Patrick MISSIKA, notamment sur les aspects juridiques de cette problématique.

Ci-après l’arbitrage du Professeur Patrick MISSIKA

La question qui est posée sur les traitements prodigués au patient soulève plusieurs éléments de réponse qui sont dictés par la jurisprudence En premier lieu, intervient le devoir d’information du patient.
Depuis un arrêt de la Cour de cassation de février 1997, c’est au praticien d’apporter la preuve qu’il a bien donné les informations nécessaires à son patient. C’est ce que l’on a appelé le renversement de la charge de la preuve Cette solution jurisprudentielle a été consacrée par la loi du 4 mars 2002, au sein de l’article L1111-2 du Code de la santé publique.
En réalité, la Cour de Cassation est revenue à la règle commune, définie par l’article 1315 du Code civil qui stipule « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »
Le problème qui se pose en pratique courante est : comment apporter cette preuve ?
La seule preuve irréfutable consisterait en l’enregistrement vidéo intégral des consultations et donc des explications données au patient ; ou bien la présence d’une tierce personne assermentée pendant la consultation… ce qui est irréaliste !

Conséquences pratiques
• L’information doit-être systématique
• Le consentement doit être libre et éclairé
• Le patient doit pouvoir acquiescer à la prescription de son praticien en dehors de toute contrainte.

Il doit pouvoir opter pour la solution thérapeutique de son choix dès lors qu’elle est conforme aux règles de l’art.
Le devoir d’information pèse sur le praticien qui prescrit l’acte et celui qui le réalise. Il ne peut être délégué à un tiers (assistante dentaire ou secrétaire).
Deux exceptions à cette obligation : l’urgence et l’impossibilité d’informer.
Comment donc apporter la preuve que l’on a bien informé notre patient ? Cette preuve peut être apportée par un « faisceau de présomptions », c’est-à-dire par différents éléments cumulés.
1. Le nombre de rendez-vous pour analyser et étudier le cas avant de proposer le plan de traitement. Il est évident que si trois ou quatre rendez-vous sont consignés dans le dossier médical avant de commencer le traitement, le patient aura du mal à soutenir devant un expert que le praticien ne lui a rien expliqué.
2. La consignation dans la fiche médicale du patient des éléments d’information dispensés sur le traitement proposé et sur les éventuelles autres thérapeutiques possibles.
3. Les photographies numérisées de la situation clinique avant traitement.
4. La remise de documents d’information générale concernant les traitements, comme les documents édités par l’Association Dentaire Française ou les sociétés savantes (Société Française de Parodontologie et d’Implantologie, Association Française d’Implantologie, Syndicat des Spécialistes en ODF et autres). Cette remise de documents doit être consignée dans la fiche médicale du patient.
5. Les courriers des correspondants éventuels qui auraient adressé le patient pour un traitement spécifique.
6. Les courriers aux correspondants rendant compte de la consultation et du traitement réalisé. Il est utile, dans le corps du courrier, de mentionner que l’information quant au traitement a bien été donnée selon une formulation de type « … comme j’en ai informé notre patient(e)… ».
7. Le document imprimé issu d’un programme informatique qui permet une simulation des différents traitements possibles adaptés à la situation clinique du patient.
8. Le document formalisant le plan de traitement détaillé et précisant la nature des traitements, leur chronologie et leur durée.
9. Le devis pour le traitement. Ce devis doit être détaillé et chiffré pour chaque séquence d’acte. Il doit être clair et compréhensible pour le patient et signé par ce dernier.

En cas d’expertise judiciaire le juge demande à l’Expert si le traitement était conforme aux données acquises de la science médicale.
On considère que cette notion répond aux critères suivants. La technique doit :
1. avoir fait l’objet d’études cliniques avec un recul de 5 ans,
2. avoir fait l’objet de publication dans une revue avec comité de lecture,
3. être enseignée dans une faculté de chirurgie dentaire,
4. faire l’objet d’un consensus de la communauté scientifique.

Pour la question sur l’enseignement dans les Facultés dentaires
La réponse est très complexe car il n’y a pas d’homogénéité dans les programmes d’enseignement et il y a de grandes disparités d’une faculté à une autre… sans entrer dans le débat du niveau de certaines facultés européennes dont les praticiens peuvent venir exercer en France sans contrôle de leur niveau réel de connaissances.
Le principe général est un enseignement des techniques validées par l’« l’Evidence Based Dentistry » mais cet enseignement est sous la seule responsabilité de l’enseignant ou du responsable de la sous-section de sa discipline. Si l’on prend l’exemple des techniques de traitement « laser assistées », il n’y a, à ce jour en France, que 2 ou 3 Facultés dentaires qui assurent cet enseignement qui fait pourtant partie des données acquises.

Pour la question relative aux soins dans un hôpital universitaire dépendant d’une Faculté dentaire
Il est évident que les traitements prodigués doivent être conformes aux données acquises. Cependant les traitements récents peuvent faire l’objet de recherche clinique. Cette recherche fait partie des missions de la Faculté et de l’hôpital.
Dans ce cas, la recherche doit avoir l’agrément du comité d’éthique et le patient doit être informé qu’il entre dans un protocole de recherche clinique.
Il doit signer un consentement spécifique à cette participation.
On doit se poser la question suivante ; à quel moment une technique actuelle devient-elle une donnée acquise ?
La réponse se trouve dans les critères des données acquises.
Le patient qui a reçu tous les éléments d’information sur le traitement proposé et conseillé par le praticien, sur les traitements alternatifs, sur les risques en cas de non-traitement, sur les complications éventuelles et leur conséquence financière et qui a reçu une évaluation des honoraires consignés dans un devis clair et détaillé, est en mesure de donner son consentement éclairé.
Ce consentement peut être formalisé dans un document écrit ce qui est vivement recommandé pour les traitements implantaires, de chirurgie avancée, de réhabilitation prothétique complexe ou d’orthodontie.
Il est recommandé de laisser au patient un temps de réflexion de deux semaines entre l’établissement du devis, le recueil du consentement éclairé et le début du traitement. Ce délai, comme son nom l’indique, permet au patient de réfléchir à la proposition de traitement et de demander éventuellement un deuxième avis.
Ce délai de réflexion n’est pas une obligation en cas d’urgence par exemple en cas de fêlure ou de fracture verticale qui justifie une extraction-implantation immédiate.

CONCLUSION
Le choix du traitement est sous la responsabilité entière du praticien. Il est obligatoire d’informer le patient du traitement envisagé avec les risques encourus mais également du ou des autres traitements possibles avec leurs avantages et leurs risques. Le praticien est soumis à l’obligation de donner des soins attentifs, consciencieux, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale.

Quelques exemples de l’évolution des données acquises
Lors de la parution des travaux de Brånemark, il était
impératif de mettre les implants en nourrice et la
technique extraction mise en place immédiate des
implants ne faisait pas partie des données acquises
Aujourd’hui, cette technique fait partie des données
acquises.
Il en est de même pour la mise en esthétique immédiate
des dents du secteur antérieur qui fait partie
des données acquises En revanche, la mise en place
d’implants à travers une canine incluse fait partie des
données actuelles mais pas des données acquises.

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A propos de l'auteur

Dr. Patrick MISSIKA

MCU PH
Faculté de chirurgie dentaire université Paris 7
Vice-doyen
Directeur du diplôme universitaire d’implantologie
Professeur associé TUFTS Boston university
Expert national agréé par la Cour de cassation

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