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LE DEVOIR D’INFORMATION

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POURQUOI FAUT-IL INFORMER ?
Depuis un arrêt de la Cour de Cassation de février 1997, c’est au praticien d’apporter la preuve qu’il a bien donné les informations nécessaires à son patient. C’est ce que l’on a appelé le renversement de la charge de la preuve. Cette solution jurisprudentielle a été consacrée par la loi du 4 mars 2002, au sein de l’article L1111-2 du Code de la santé publique.
En réalité, la Cour de Cassation est revenue à la règle commune, définie par l’article 1315 du Code civil qui stipule « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »
Le problème qui se pose en pratique courante est : comment apporter cette preuve ?
La seule preuve irréfutable consisterait en l’enregistrement vidéo intégral des consultations et donc des explications données au patient ; ou bien la présence d’une tierce personne assermentée pendant la consultation… ce qui est irréaliste !

Conséquences pratiques
• L’information doit être systématique
• Le consentement doit être libre et éclairé
• Le patient doit pouvoir acquiescer à la prescription de son praticien en dehors de toute contrainte
• Il doit pouvoir opter pour la solution thérapeutique de son choix dès lors qu’elle est conforme aux
règles de l’art.

QUI DOIT INFORMER ?
Le devoir d’information pèse sur le praticien qui prescrit l’acte et celui qui le réalise. Il ne peut être délégué à un tiers (assistante dentaire ou secrétaire).
Deux exceptions à cette obligation : l’urgence et l’impossibilité d’informer.

Conséquences pratiques
• Dans le cas d’une cellulite, d’un traumatisme et d’un risque infectieux grave, par exemple,
l‘information pourra être faite après les soins d’urgence.
• D’autres situations d’urgence ne délient pas le praticien de son devoir d’information : l’exemple classique est la réception en urgence d’un patient pour le rescellement d’une couronne réalisée par un confrère. Si celle-ci s’avère inadaptée (rétention insuffisante, tenon radiculaire trop court), il convient d’informer le patient des risques inhérents à son rescellement. Dans cette situation particulière, la prudence est de s’abstenir. En effet, si dans un second temps la prothèse était inhalée ou ingérée, la responsabilité du praticien ayant procédé au rescellement pourrait être alors engagée.
• Dans le cadre d’un traitement multidisciplinaire, l’information doit être délivrée par chacun des intervenants.
Chaque praticien doit donner une information sur la partie de traitement qu’il doit réaliser, établir un devis et obtenir le consentement du patient.

QUI DOIT ÊTRE INFORMÉ ?
Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Art. L.1111-2 du CSP. Il s’agit donc du patient en mesure d’exprimer sa volonté, des parents s’il s’agit d’un mineur (ou toute autre personne ayant l’autorité parentale) ou du tuteur. Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté.

Conséquences pratiques
• L’information doit-être adaptée au degré de maturité (mineurs) ou à la faculté de discernement (majeurs incapables) du patient. • Dans le cadre d’un traitement sur mineurs, l’information doit être délivrée non seulement au jeune patient, mais aussi aux parents. Le praticien doit être attentif, lorsque les parents sont divorcés, à celui qui a l’autorité parentale.

EN QUOI CONSISTE LE DEVOIR D’INFORMATION ?
« L’information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (…) ». Art. L.1111-2 du CSP.
« Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix (…). Aucun acte médical ni aucun traitement ne peuvent être pratiqués sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ». Art. L.1111-4 du CSP.

L’information doit s’établir à différents niveaux :
• sur le diagnostic, le choix des modes d’investigation et sur l’indication thérapeutique,
• sur la nature exacte et les conséquences des actes proposés,
• sur les risques inhérents au traitement,
• sur les risques en l’absence de traitement.

Elle doit être donnée :
• préalablement aux soins (résultats de l’examen clinique, les alternatives possibles et leur utilité,
risques, incidents possibles et suites prévisibles)
• éventuellement de manière concomitante (modifications du plan de traitement, tous changements
apportés aux décisions médicales initialement prises avec l’accord du patient)
• mais aussi postérieurement aux soins si des risques nouveaux sont identifiés.

Conséquence pratique
• Le devoir d’information est non limité dans le temps.

SUR QUEL TYPE DE RISQUE DOIT PORTER L’INFORMATION ?
L’information peut porter sur les risques mineurs et les risques majeurs.
Seuls sont évoqués dans la loi du 4 mars 2002, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles, ceux-ci devant être préalablement portés à la connaissance du patient et accompagner son choix.

Conséquences pratiques
• L’absence d’information sur les risques mineurs (comme les douleurs postopératoires) fait rarement
l’objet d’un contentieux. De ce fait, si cette information reste utile, elle n’est pas indispensable, sinon sur le plan humain. Une liste exhaustive des risques mineurs est inutile.
• Concernant les risques majeurs, l’information est à l’évidence indispensable. Tous les risques doivent
être répertoriés même si leur fréquence est faible.
Il est recommandé d’informer le patient des risques majeurs lors d’une consultation suffisamment
éloignée de la date de l’intervention. Cela permet au patient d’avoir un délai de réflexion suffisant et
la possibilité de demander un second avis professionnel. Les détails de cette consultation
doivent être mentionnés dans le dossier médical ainsi que les commentaires du patient.

LES MODALITÉS DE LA PREUVE DE L’INFORMATION
Depuis la loi du 4 mars 2002, la preuve peut être apportée par tout moyen par le praticien.
Il existe cinq formes juridiques de la preuve de l’information : la preuve littérale, la preuve testimoniale, les présomptions, l’aveu, le serment. Au regard des modifications à intervenir par ordonnances du gouvernement sur le droit de la preuve, cette énumération (considérée comme désuète) n’est rappelée que par principe. Le problème qui se pose en pratique courante est : comment apporter cette preuve ? La seule preuve irréfutable consisterait en l’enregistrement vidéo intégral des consultations et donc des explications données au patient ; ou bien la présence d’une tierce personne assermentée pendant la consultation… ce qui est irréaliste ! Comment donc apporter la preuve que l’on a bien informé notre patient ? Cette preuve peut être apportée par un « faisceau de présomptions », c’est-à-dire par différents éléments cumulés.
1. Le nombre de rendez-vous pour analyser et étudier le cas avant de proposer le plan de traitement. Il est évident que si trois ou quatre rendez-vous sont consignés dans le dossier médical avant de commencer le traitement, le patient aura du mal à soutenir devant un expert que le praticien ne lui a rien expliqué.

2. La consignation dans la fiche médicale du patient des éléments d’information dispensés sur le traitement proposé et sur les éventuelles autres thérapeutiques possibles.

3. Les photographies numérisées de la situation clinique avant traitement.

4. La remise de documents d’information générale concernant les traitements, comme les documents édités par l’Association Dentaire Française ou les sociétés savantes (Société Française de Parodontologie et d’Implantologie, Association Française d’Implantologie, Syndicat des Spécialistes en ODF et autres). Cette remise de documents doit être consignée dans la fiche médicale du patient.

5. Les courriers des correspondants éventuels qui auraient adressé le patient pour un traitement spécifique.

6. Les courriers aux correspondants rendant compte de la consultation et du traitement réalisé. Il est utile, dans le corps du courrier, de mentionner que l’information quant au traitement a bien été donnée selon une formulation de type « … comme j’en ai informé notre patient(e)… »

7. Le document imprimé issu d’un programme informatique qui permet une simulation des différents traitements possibles adaptés à la situation clinique du patient.
Ce document issu du programme informatique Dental Expert ou Dental Pad peut également être adressé au patient par internet avec des fichiers d’information spécifiques sur les moyens de traitement envisagés.
Après avoir pris connaissance de ces documents le patient clique sur un onglet précisant qu’il a bien reçu les fichiers d’information, qu’il a compris le plan de traitement et envoie un accusé de réception toujours par mail. Attention cependant, internet n’est pas actuellement sécurisé pour des transmissions soumises au secret médical (hormis certains procédés comme ceux développés par l’ASIP).

8. Le document formalisant le plan de traitement détaillé et précisant la nature des traitements, leur chronologie et leur durée.

9. Le devis pour le traitement. Ce devis doit être détaillé et chiffré pour chaque séquence d’actes. Il doit être clair et compréhensible pour le patient et signé par ce dernier.

Dans son annexe V, l’avenant n° 3 de la convention des chirurgiens-dentistes intègre un modèle de devis dentaire qui se substitue au précédent (annexe VII de l’avenant n° 2). Ce devis établit la distinction entre le montant des prestations médicales du praticien et le prix de vente de la prothèse. Le praticien devra y renseigner le pays de fabrication du dispositif médical et s’il est réalisé avec ou sans sous-traitance du fabricant. Le praticien devra aussi renseigner, s’agissant de la description des actes, le prix de vente du dispositif médical, le montant des prestations de soins, les charges de structure du cabinet dentaire, le montant des honoraires, la base de remboursement de l’AMO et le montant non remboursable par l’AMO. Il doit préciser en outre : les dents concernées ou les sites pour les implants, l’indication des codifications des actes selon la CCAM, la nature des matériaux employés (composite, résine ou céramique) et le type de métal précieux ou non précieux avec leur référence.

D’autres éléments peuvent être mentionnés :
• l’information selon laquelle les honoraires des actes Non Pris en Charge (NPC) ne seront pas reportés sur les feuilles de soins. Le texte suivant peut-être proposé :
« L’établissement de nouvelles dispositions réglementaires relatives aux formalités de rédaction des
feuilles de Sécurité Sociale a conduit les Caisses Primaires d’Assurance Maladie à modifier la
législation existante : désormais en fin de soins, ne doivent figurer sur les feuilles de Sécurité Sociale
que le montant des actes (prothétique, soins ou autres) inscrits à la CCAM. A ce jour, certains types
de prothèses (dents provisoires, bridge collé, etc.), certains actes ou soins, ne sont pas inscrits à la
CCAM. Ces actes ne sont pas pris en charge et libellés NPC. Ils ne peuvent donc pas faire l’objet
d’un remboursement et donc à l’établissement d’une feuille de soin. Vous trouverez ci-après une
copie de la modification de l’article L. 162-4 du code de la Sécurité Sociale. Les chirurgiens-dentistes
qui contreviennent à ces nouvelles dispositions peuvent faire l’objet de sanctions allant de l’avertissement à l’interdiction définitive de soigner les assurés sociaux ».

Article L 162-4 du Code de la Sécurité Sociale (partie législative) :
Les médecins sont tenus de signaler sur l’ordonnance, support de la prescription, le caractère non remboursable des produits, prestations et actes qu’ils prescrivent :
1º – Lorsqu’ils prescrivent une spécialité pharmaceutique en dehors des indications thérapeutiques ouvrant droit au remboursement ou à la prise en charge par l’assurance maladie, tel qu’elles figurent sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 162-17 ;
2º – Lorsqu’ils prescrivent un produit ou une prestation en dehors des indications thérapeutiques ou diagnostiques, tel qu’elles figurent sur la liste mentionnée à l’article L. 165-1 ;
3º – Lorsqu’ils prescrivent des actes ou prestations en dehors des indications ou des conditions de prise en charge ou de remboursement, tel qu’elles figurent sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 162-1-7 ;
4º – Lorsqu’ils prescrivent des actes et prestations non remboursables en application de l’article L. 321-1 ».
« Lorsque les médecins réalisent des actes non remboursables, ils n’établissent pas le document prévu à l’article L. 161-33 ».
• La modalité des règlements des acomptes d’honoraires.
• L’article L1111-3 CSP indique aussi que « … Les professionnels de santé d’exercice libéral ainsi que les professionnels de santé exerçant en centres de santé doivent, avant l’exécution d’un acte, informer le patient de son coût et des conditions de son remboursement par les régimes obligatoires d’assurance maladie… »
Le devis ne doit en aucun cas être global, car si le patient interrompt ses soins en cours de traitement, il sera très difficile de chiffrer les honoraires dus et cela peut être une source de contestation. Il est toujours possible d’établir un devis avec une phase de réévaluation après temporisation par exemple ou après un traitement parodontal, avant de passer à la phase prothétique ou après une greffe osseuse.
De plus, le devis doit être un descriptif précis et conforme à la réalisation thérapeutique et ne doit pas comporter de surcharges ou de modifications sur un des exemplaires sans les reporter sur l’original remis au patient.

Enfin, la signature du patient et du praticien est obligatoire. Le devis sert à réitérer l’information orale.
En l’absence d’un consentement écrit, le devis peut servir de preuve à condition que les données du dossier médical montrent que l’information orale et les explications détaillées ont bien été délivrées.
Le patient qui a reçu tous les éléments d’information sur le traitement proposé et conseillé par le praticien, sur les traitements alternatifs, sur les risques en cas de non-traitement, sur les complications éventuelles et leur conséquence financière et qui a reçu une évaluation des honoraires consignés dans un devis clair et détaillé, est en mesure de donner son consentement éclairé.

Ce consentement peut être formalisé dans un document écrit ce qui est vivement recommandé pour les traitements implantaires, de chirurgie avancée, de réhabilitation prothétique complexe ou d’orthodontie.
Il est recommandé de laisser au patient un temps de réflexion de deux semaines entre l’établissement du devis, le recueil du consentement éclairé et le début du traitement.
Ce délai comme son nom l’indique permet au patient de réfléchir à la proposition de traitement et de demander éventuellement un deuxième avis.
Ce délai de réflexion n’est pas une obligation en cas d’urgence par exemple en cas de fêlure ou de fracture
verticale qui justifie une extraction-implantation immédiate. Si l’on se réfère à la HAS et à sa Recommandation de Bonne Pratique de 2012, en plus des éléments cités, peuvent être retenues les modalités reconnues de la pratique habituelle, systématique et probante du praticien quant à une communication appropriée sur l’information préalable (via des documents type tels que les schémas et/ou documents de synthèse disponibles au cabinet, témoignage des assistantes et des autres patients).
La MACSF propose par exemple, en matière de consentement pour les traitements implantaires, le texte suivant. Chaque praticien peut en aménager la formulation selon son type d’exercice, l’acte réalisé et ses propres critères d’exercice.

Concernant la prothèse, nous utilisons dans notre exercice le consentement suivant :

QUELS SONT LES RISQUES EN CAS DE DÉFAUT D’INFORMATION ?
Le manquement au devoir d’information peut être constitutif d’une perte de chance d’échapper au dommage qui s’est réalisé ou à un dommage moindre. Il est sanctionné par application d’un pourcentage de perte de chance sur les préjudices.
Un arrêt de la Cour de Cassation du 3 juin 2010 a, par ailleurs, reconnu l’existence d’un préjudice autonome détaché des atteintes corporelles. Dans un arrêt du 23 janvier 2014, la Cour de Cassation a précisé les conditions de reconnaissance de ce préjudice autonome : « Indépendamment des cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation de l’un de ces risques, en refusant qu’il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice résultant d’un défaut de préparation aux conséquences d’un tel risque ». Le respect des règles énoncées ci-dessus permet donc au praticien d’apporter à l’Expert, en cas de mise en cause de son traitement, des éléments objectifs autorisant l’Expert d’apprécier et de confirmer qu’il a bien rempli son devoir d’information et qu’il a obtenu le consentement éclairé de son patient avant d’entreprendre son traitement.
À l’inverse, le non-respect de ces règles place le praticien dans une situation très inconfortable en cas d’expertise, car le patient soutiendra avec force :
• qu’on ne lui a pas expliqué le traitement,
• qu’on ne lui a pas proposé de solution alternative,
• qu’on ne lui a jamais parlé des risques les plus graves et les plus fréquents ou des complications potentielles spécifiques en fonction de la situation clinique observée,
• qu’il n’était pas informé du coût du traitement.
L’Expert ne pourra alors que constater la divergence des points de vue et consigner dans son rapport d’expertise que le praticien n’a pas apporté la preuve qu’il a bien rempli son devoir d’information.

BIBLIOGRAPHIE
Simonet P., Missika P., Pommarède Ph.
Recommandations de bonnes pratiques en chirurgie dentaire.
Ed Information Dentaire 2015

Missika P. Bert M, Kleinfinger I.
Implantologie chirurgicale et prothétique.
Ed Information Dentaire

Hureau J., Poitout D. :
L’expertise médicale en responsabilité médicale et en réparation d’un préjudice corporel.
Masson. Paris. 2010.

Missika P, Rahal B.
Droit et chirurgie dentaire.
Prévention, expertises et litiges.
Editions CDP 2006.

Vade Mecum MACSF 
L’obligation d’information. 2014
http://www.macsf.fr

HAS
Délivrance de l’information à la personne sur son état de santé. Principes généraux.
Mai 2012. http://www.has-sante.fr

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A propos de l'auteur

Dr. Patrick MISSIKA

MCU PH
Faculté de chirurgie dentaire université Paris 7
Vice-doyen
Directeur du diplôme universitaire d’implantologie
Professeur associé TUFTS Boston university
Expert national agréé par la Cour de cassation

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