Connaissez-vous l’hypnose ? Et connaissez-vous ses applications dans le domaine du dentaire ? Dès que vous lisez ce mot “hypnose”, vous avez sûrement quelques clichés en tête qu’il convient de jeter à la poubelle ! En effet, il ne s’agit pas d’une pratique obscure avec une personne armée d’un pendule et qui vous endort en claquant des doigts. Il ne s’agit pas non plus d’une pratique qui vous fera perdre conscience au point de faire des choses dont vous ne vous souviendrez pas.
L’hypnose est une discipline qui a évolué au fil du temps et qui se décline aujourd’hui sous de nombreuses formes : hypnose directe, hypnose ericksonienne, hypnose conversationnelle, neurohypnose… Et elle se fait progressivement une place dans les cabinets dentaires ! Connue pour soigner les phobies en tous genres (avion, vertige, araignées…), elle est aussi très souvent utilisée pour les personnes souffrant de stomatophobie, c’est-à-dire la phobie du dentiste. L’objectif ? Faciliter les soins au fauteuil et diminuer
l’anxiété du patient. Mais saviez-vous que le chirurgien-dentiste était lui aussi susceptible de bénéficier de l’hypnose ?
Souvent pressés par le temps, avec de lourdes responsabilités et une charge de travail conséquente, les
professionnels du dentaire sont de plus en plus nombreux à se déclarer stressés, voire anxieux. Et l’hypnose peut être une clé pour apaiser leurs maux et les aider à être plus sereins dans leur quotidien. L’hypnose en cabinet dentaire : pour les patients, mais pas seulement !
“ Si les patients peuvent se rendre directement chez des hypnothérapeutes, il existe aujourd’hui des formations dédiées aux chirurgiens-dentistes qui souhaitent appliquer cette méthode au sein de leur cabinet. ”
L’HYPNOSE POUR APAISER LES PATIENTS ANXIEUX.
Le chirurgien-dentiste est l’un des professionnels de santé que les patients appréhendent le plus de voir, enfants et adultes confondus. En France, selon un sondage Opinion Way effectué en 2016, près d’une personne sur deux serait concernée ! Pourquoi ? Tout d’abord, rappelons que les premières dents sont source de douleur chez le bébé qui vit cet événement dans une grande solitude puisqu’il ne peut pas encore s’exprimer et donc partager sa souffrance. Et cela laisse une trace dans l’inconscient. De plus, dans l’imaginaire collectif, le chirurgien-dentiste, également surnommé « l’arracheur de dents », est souvent associé à ses instruments, au sang et à la douleur. Il est vrai qu’il fut un temps où les techniques d’anesthésie n’existaient pas et où les barbiers étaient autorisés à faire de la chirurgie dentaire. Surprenant, n’est-ce pas ?
Mais en 2021, ce n’est plus le cas et tout est fait pour que le patient ressente le moins de douleur possible !
Il s’agit donc d’un préjugé lié à l’histoire de la profession. Enfin, une mauvaise expérience peut avoir de sérieuses répercussions sur l’image que l’on se fait de ce professionnel de santé : certains sont tombés sur des professionnels manquant d’empathie et de délicatesse et d’autres vivent le traumatisme de leurs proches par procuration.
“ Se former à l’hypnothérapie est un excellent moyen de passer des journées plus sereines puisque les patients seront plus apaisés. De plus, il est possible de se l’appliquer à soi-même. Avec l’hypnothérapie, tout le monde est gagnant ! ”
L’angoisse ressentie à propos du chirurgien-dentiste est protéiforme : peur de la piqûre d’anesthésie, stress lié aux bruits – par exemple de l’aspirateur chirurgical ou du bruit strident de la turbine, angoisse à l’idée de souffrir lors de la réalisation des soins… Et les conséquences sont importantes : rendez-vous manqués ou annulés ou attente d’une urgence pour se rendre au cabinet… D’une part, cela impacte la santé du patient qui arrive souvent au cabinet avec des problèmes bien plus importants que s’il était venu plus tôt ; par exemple, si une carie n’est pas traitée à temps, elle peut progresser vers une pulpite. D’autre part, cela impacte le praticien qui voit son agenda perturbé si le patient n’honore pas son rendez-vous ou qui passe beaucoup de temps à rassurer son patient, prévoit des créneaux plus longs à cet effet et qui peut se retrouver frustré par l’échec.
Alors pour venir en aide à ces patients, il est possible d’avoir recours à l’hypnose. Cette méthode douce met le patient dans un état de conscience particulier (appelé la transe hypnotique) que vous avez très sûrement déjà expérimenté. Pour vous l’expliquer plus facilement, prenons l’exemple de tous ces moments où vous êtes « dans la lune » ou lorsque vous regardez un film en étant très concentré, au point de ne plus entendre lorsqu’on vous adresse la parole. Dans ces moments-là, vous n’êtes pas endormis mais dans un état d’éveil légèrement différent ! C’est une capacité que nous avons tous et c’est cet état que l’hypnothérapeute va chercher à induire chez son patient. Il aura simplement besoin de la collaboration de ce dernier. Plus concrètement, l’hypnothérapeute modulera sa voix en parlant lentement, demandera au patient de se concentrer sur sa respiration et de fermer les yeux. De cette façon, le patient sera détendu et plus à l’écoute des suggestions qui seront mobilisées dans un but thérapeutique. Pour les enfants, l’approche sera légèrement différente et plus axée sur la distraction. Le Dr Sharon Krief, chirurgien-dentiste exerçant à Marseille, nous explique qu’elle demande souvent aux enfants d’imaginer un dessin qu’elle fera sur leurs dents. « De cette façon, ils ne se concentrent plus sur le bruit de la fraise, mais sur l’avancée du dessin que je leur fais. Et ça marche ! Certains réfléchissent même au prochain dessin qu’ils souhaitent que je leur fasse pour la prochaine séance. C’est très gratifiant. »
Si les patients peuvent se rendre directement chez des hypnothérapeutes, il existe aujourd’hui des formations dédiées aux chirurgiens-dentistes qui souhaitent appliquer cette méthode au sein de leur cabinet. Le Dr Sharon Krief a suivi une formation d’hypnose pour améliorer la prise en charge de la douleur chez ses patients. « Au cabinet, je faisais face quotidiennement à des patients (enfants et adultes !) pour lesquels les soins étaient impossibles tant l’anxiété est importante. Même pour un simple détartrage ! Les séances pouvaient durer des heures… j’étais frustrée, fatiguée et le patient aussi. Il est vrai que je pouvais leur prescrire des médicaments à prendre avant les séances mais je souhaitais avoir une approche autre que pharmacologique » raconte-t-elle. Les choses ont bien changé depuis qu’elle applique les techniques apprises lors de sa formation. « J’ai appris à adopter des attitudes verbales et non-verbales spécifiques pour que le patient soit détendu et prêt à être soigné de façon optimale. Concrètement, je parle toujours d’une voix douce, j’invite le patient à bien respirer et je ne montre jamais mes émotions : par exemple, lors de l’examen clinique, je ne manifeste jamais ma surprise quand je constate quelque chose d’étonnant. » La praticienne insiste sur le fait qu’il convient avant tout d’être à l’écoute de son patient et d’avoir de l’empathie pour comprendre comment agir. « L’objectif n’est pas de devenir hypnothérapeute ni de forcer les gens à être détendus ! C’est avant tout du bon sens et des qualités relationnelles. Je me souviens d’un patient en particulier, qui ne s’était pas rendu chez le dentiste depuis 15 ans. Lors du premier rendez-vous, j’ai rapidement compris qu’il allait avoir besoin de temps, et j’ai décidé de lui expliquer ce qu’il faudrait faire dans l’idéal, sans commencer le traitement. Je l’ai invité à prendre un second rendez-vous si et seulement si, il était en confiance avec moi. Et il l’a fait. En étant patiente, cet homme a été rassuré et j’ai ensuite pu le soigner en appliquant les techniques d’hypnose adéquates. »
L’HYPNOSE POUR APAISER LES PATIENTS ANXIEUX.
Mais l’hypnose est également applicable pour les praticiens eux-mêmes ! Avec leur agenda chargé, leurs lourdes responsabilités, l’agressivité de certains patients, l’angoisse des autres, le personnel à gérer, les tâches administratives qui s’accumulent, les urgences et les imprévus en tout genre… ils peuvent se sentir dépassés et se laisser progressivement envahir par le stress. Pour y remédier, ils peuvent tout à fait se rendre chez un hypnothérapeute pour quelques séances ou, s’ils ont les compétences, pratiquer l’auto-hypnose. S’ils décident de se faire aider par un professionnel, il conviendra de le choisir avec soin et en étant suffisamment motivé et en confiance pour que les résultats puissent être au rendez-vous. Quelques séances suffisent car l’hypnose est une thérapie brève ! Concrètement, d’un point de vue physiologique, il y aura une nette diminution de la sécrétion de cortisol, l’hormone du stress par excellence et une augmentation de la sérotonine et des endorphines, hormones du bien-être. Le praticien en ressentira très rapidement les effets. Un praticien moins stressé, c’est un praticien qui sera plus performant, non seulement au niveau des gestes techniques mais aussi dans ses relations avec les autres, patients et collaborateurs. Pour conclure, je dirais que l’hypnose est une discipline très intéressante et qui gagne progressivement du terrain dans les cabinets dentaires. Cependant, il n’est pas encore courant de trouver des cabinets dans lesquels l’équipe y est formée. Par conséquent, elle permet de se démarquer des autres cabinets car elle fait partie intégrante de la qualité de service. Pour les plus réticents, pas d’inquiétude ! L’objectif n’est pas de se former pour se former, et il n’est pas non plus question de changer de métier. Se former à l’hypnothérapie est un excellent moyen de passer des journées plus sereines puisque les patients seront plus apaisés. De plus, il est possible de se l’appliquer à soi-même. Avec l’hypnothérapie, tout le monde est gagnant !
“ Un praticien moins stressé, c’est un praticien qui sera plus performant, non seulement au niveau des gestes techniques mais aussi dans ses relations avec les autres, patients et collaborateurs. ”
