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PRÉSERVATION DE L’ALVÉOLE D’EXTRACTION : INDICATIONS, INTÉRÊT ET LIMITES

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Les conditions tissulaires péri-implantaires prédisposent au succès des réhabilitations implanto-prothétiques et suscitent un intérêt accru pour l’étude des changements physiologiques survenant pendant la cicatrisation et le remodelage de l’alvéole d’extraction ainsi que pour les matériaux et les procédés chirurgicaux susceptibles de les optimiser.
Depuis quelques années, le recours à des comblement d’alvéoles d’extraction connait un développement inattendu. L’affirmation de cette procédure de chirurgie orale comme technique d’accompagnement de l’avulsion dentaire interpelle quand on sait qu’elle n’est pas anodine et ne devrait certainement pas être appliquée en routine lors des actes d’avulsion de dents condamnées. Son intérêt est indéniable mais son indication est dictée par des considérations médicales et biologiques. Une stratégie thérapeutique fondée sur le diagnostic et les objectifs du traitement apparait indispensable à son utilisation.
L’attitude du praticien précautionneux consiste à avulser toute dent condamnée de la manière la moins traumatique possible, s’assurer de l’élimination des éventuels foyers infectieux associés à cette dent, et préserver au mieux le processus cicatriciel, en limitant les suites opératoires, en évitant les complications et en assurant les meilleures conditions cicatricielles à ce site d’extraction. La mise en place d’un implant peut être envisagée à l’issue de ce processus cicatriciel ou plus précocement voire simultanément au retrait de la dent. Et c’est certainement pour répondre à des exigences biologiques et esthétiques que l’engouement pour la technique de préservation d’alvéole d’extraction (PAE) ne cesse de croitre. En effet, plutôt que d’accompagner ou de précéder la mise en place d’un implant dentaire de procédures d’augmentation osseuses propres à compenser un défaut osseux, pourquoi ne pas compenser préventivement l’effondrement des parois osseuses
alvéolaires par une technique de PAE ? L’idée semble vertueuse car elle vise à limiter les interventions ultérieures en anticipant un remodelage qui se fait au détriment des volumes osseux existants. Mais la médaille attribuée à la PAE possède son revers : elle prolonge le délai cicatriciel, n’offre pas une qualité de reconstruction osseuse systématique et peut favoriser des accidents infectieux délétères. Il convient donc de bien évaluer les bénéfices et risques qui résultent de cette option.

INDICATIONS DE LA PAE
La morphologie et les dimensions de la crête alvéolaire qui découlent de l’extraction apparaissent
déterminantes vis-à-vis des phases chirurgicales et restauratrices implantaires. La préservation des
dimensions de la crête alvéolaire post extractionnelle et la néoformation osseuse consécutive facilitent le
positionnement adéquate de l’implant.

Fig.2 : la Préservation d’Alvéole d’Extraction s’inscrit dans le cadre plus large des techniques de Régénération Osseuse Guidée dont les indications sont multiples.

Dès lors le maintien du contour et du volume des tissus mous conditionne la qualité esthétique de la réhabilitation implanto prothétique grâce au soutien des tissus mous qui en découle. La résorption et le remodelage osseux post-extractionnels dépendent de facteurs locaux et systémiques propres à chaque individu et chaque site dentaire. L’ampleur des changements morphologiques et dimensionnels qui affectent la crête alvéolaire d’extraction influencent la complexité, le coût, la temporalité du traitement implantaire (Fig. 2 et 3).

Fig.3 : le niveau de complexité des augmentations de tissus durs croit avec la typologie des défauts osseux rencontrés. Les défauts présentant plusieurs parois osseuses (qualifiés d’intra-osseux) présentent un potentiel cicatriciel plus élevé que les défauts extra-osseux (pour lesquels plusieurs dimensions de la perte tissulaire doivent être restaurées).

Le secteur antérieur, qualifié d’esthétique, apparait particulièrement prédisposé au risque de résorption
alvéolaire lié à la présence d’un os à la fois mince et fasciculé.
La préservation de l’alvéole d’extraction (PAE) regroupe tout type de procédure dont les objectifs
conjugués consistent à :
• limiter les changements dimensionnels de la crête alvéolaire après l’extraction afin de faciliter la pose
d’un implant sans recourir à d’autres procédures d’augmentation tissulaire,
• favoriser la néoformation osseuse alvéolaire en cours de cicatrisation,
• promouvoir la cicatrisation des tissus mous du site d’extraction
• et préserver le contour de la crête alvéolaire (Fig.1).

Fig.1.1 : patiente âgée de 25 ans adressée pour une réhabilitation implanto-prothétique de la dent 11 traitée à la suite d’un accident survenu dans la petite enfance. L’incisive médiale, traitée précocement, présente une dyschromie et une extrusion.

Fig.1.2 : la radiographie rétro alvéolaire retrouve une résorption externe de la dent.

Fig.1.3 : la radiographie cone beam retrouve une lésion périapicale étendue. La patiente à prévu un voyage de plusieurs mois à l’étranger. Le plan de traitement s’oriente donc vers une préservation d’alvéole d’extraction préalablement à son départ ainsi qu’une temporisation fixée par un fil de contention palatin.

Fig.1.4 : la dent numéro 11 est avulsée, la lésion kystique apicale éliminée, puis l’alvéole est soigneusement curetée, inspectée et désinfectée (povidone iodée + eau oxygénée) avant d’être rincée abondamment au sérum physiologique.

Fig.1.5 : des particules corticospongieuses d’os allogénique (Puros® Zimvie) viennent ensuite combler l’alvéole déshabitée. Enfin, une compresse collagénique vient obturer le comblement en complément d’une greffe épithélio conjonctive qui vient sceller l’alvéole ainsi rendue étanche.

Fig.1.6 : les fils sont déposés à 15 jours et à un mois, on observe la soudure tissulaire du greffon mais aussi les traces laissées par la pression des fils de suture.

Fig.1.7 : la radiographie rétro-alvéolaire retrouve un aspect homogène de l’alvéole comblée.

Fig.1.8 : le cone beam effectué au retour de la patiente de son voyage objective la présence d’un tissu dur homogène au niveau du site de préservation d’alvéole d’extraction.

 

 

 

 

 

Fig.1.9 : la crête alvéolaire ainsi préservée autorise le positionnement optimal d’un implant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fig.1.10 : après trois mois de cicatrisation l’ostéo-intégration de l’implant est testée et une empreinte optique adressée au laboratoire de prothèse pour réaliser une dent provisoire transvissée.

Fig.1.11 : la couronne provisoire est transvissée sur l’implant. Le blanchiment transitoire lié à la pression dynamique imposée lors de l’assemblage disparait en quelques dizaines de minutes.

Fig.1.12 : empreinte optique de la dent provisoire et de l’émergence créée par celle-ci au cours des semaines de suivi

 

 

 

 

 

 

 

Fig.1.13 : résultat 6 mois après l’assemblage de la couronne zircone céramique stratifiée. On note le bon maintien (voire l’excès) des tissus péri-implantaires, le léger décalage de niveau de collet qui pourrait être corrigé par chirurgie mucogingivale (ainsi que la discrète cicatrice de la muqueuse kératinisée en regard de l’implant) mais que la patiente qui découvre peu ne souhaite pas conduire pour l’instant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MAINTIEN DU CONTOUR DE CRÊTE ET LIMITATION DES INTERVENTIONS DE RECONSTRUCTION OSSEUSE
Des revues systématiques et des méta-analyses (1)(2)(3) établissent la capacité de la PAE de maintenir la largeur et la hauteur de la crête alvéolaire comparativement à une extraction « conventionnelle ». Différents motifs orientent la thérapeutique vers la PAE :

• contre-indication temporaire à la mise en place d’un implant dentaire :
– patient trop jeune pour recevoir un implant dentaire.
– lésion intra-osseuse limitant la possibilité d’implantation immédiate
• exigence esthétique : finesse des tables osseuses externes, os fasciculé. Dans une étude récente, Avila-Ortiz et al (4) ont constaté que les PAE pratiquées dans des cas où l’épaisseur de la table osseuse externe/labiale était inférieure à 1 mm en moyenne influençait positivement et significativement le maintien des dimensions osseuses horizontales et verticales de la crête alvéolaire. Ils ont indiqué que la PAE pouvait supprimer la résorption tridimensionnelle de la crête alvéolaire d’au moins 10 %.
• limitation des élévation sinusiennes : l’essai clinique contrôlé et randomisé de Cha et al (5) révèle que la hauteur osseuse résultant de la PAE (7,30 mm) dépasse significativement celle obtenu après cicatrisation conventionnelle (4,83 mm) six mois après l’extraction de la dent. L’étude établit que 42,9 % des sites traités par PAE n’ont pas nécessité d’élévation sinusienne, alors que la totalité des cas traités par extraction conventionnelle l’ont requise (Fig.5).

Fig.5.1 : étapes de préservation d’alvéole d’extraction conduite pour limiter le recours à une technique d’élévation sinusienne ultérieure. Comme pour le cas développé précédemment, les alvéoles sont soigneusement inspectées et préparées pour recevoir le matériau de comblement (Bio-oss® Geistlich). Une membrane barrière résorbable recouvre le comblement (Copios Flex® Zimvie)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fig.5.2 : mise en place des implants (TSV Zimvie) six mois après comblement. On note la qualité cicatricielle des tissus mous et des tissus durs autorisant la mise en place de deux implants sans recourir à une technique d’élévation sinusienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fig.5.3 : vues clinique et radiologique de la situation après mise en place des couronnes d’usage implanto-portées.

réduction des besoins d’augmentation osseuse complémentaire lors de la mise en place en place d’implants (Fig. 4) : démontrée par la revue systématique réalisée par Atieh et al (6). Lee et al (7) ont étudié l’influence de la PAE sur la mise en place d’implant lorsque les alvéoles d’extraction présentent déjà des défauts osseux complexes résultant de lésions parodontales ou endo parodontales. Il ressort de leur étude que ces défauts complexes rendent plus difficile la pose d’implants dans les sites qui n’ont pas bénéficié de PAE (4,7 % des cas contre 0,8 % des cas dans le groupe avec PAE). Selon cette étude, ce bénéfice s’observe aussi concernant le besoin global d’augmentation osseuse notablement réduit dans le cas des sites où ont été conduites des PAE (23,5 % contre 45 %), ou plus spécifiquement vis-à-vis :
– des procédures d’augmentation osseuse horizontale (18,2 % contre 38,6 %),
– des procédures d’augmentation osseuse verticale (1,2 % contre 15,2 %)
– et d’élévation sinusienne (6,5 % contre 15,8 %).

LIMITES ET CONTRAINTES DE LA PAE
La vulnérabilité médicale du patient ou la présence de facteurs locaux compromettants comme une infection aigue) peuvent contre-indiquer la PAE. Les principaux inconvénients de la technique de PAE concerne l’allongement de la durée de traitement, la qualité du résultat parfois insatisfaisante et le coût additionnel de la procédure (à moduler avec le cout d’une éventuelle augmentation osseuse ainsi évitée).
Complications : le bénéfice des PAE doit être pondéré par les nombreux rapports de complications associées aux PAE. Des complications précoces comprennent entre autres des infections (2,8-9,1 %) et des déhiscences tissulaires (2,6 %). De plus, les suites opératoires peuvent s’avérer plus sévères que les suites classiques d’une avulsion sans PAE. Dans les premières semaines qui suivent l’intervention, on peut observer la persistance de symptômes inflammatoires d’intensité accrue, ainsi que perte de matériau de greffe (2,9-14,3 %), l’exposition de la membrane barrière éventuellement mise en place lors de la PAE, la perforation de la muqueuse ou encore la perte d’une portion de la muqueuse kératinisée(9).
Lors de la phase de mise en place de l’implant des difficultés peuvent se déclarer comme l’impossibilité d’obtenir une stabilité primaire satisfaisante, la fragilité des tissus durs obtenus (intégration fibreuse du matériau nécessitant parfois la dépose partielle ou totale du matériau de comblement), ou le besoin de procédures d’augmentation osseuse complémentaires (en raison de la perte du matériau de greffe osseuse).


Ces complications plus ou moins sévères retentissent sur la chirurgie implantaire elle-même, imposant à l’opérateur une adaptation ou une interruption de la procédure programmée (récusation de la pose de l’implant, dépose du matériau, procédure complémentaire).
La complication différée mais associée à la PAE concerne l’échec précoce de l’implant dont Hoang et Mealey (8) établissent la prévalence à 3,3 % des cas tandis que Lee et al. ont rapporté des taux de 1,6 % et 0,6 % (avec et sans PAE, respectivement). Ces résultats atténuent la confiance attribuée à la PAE la considérant comme une procédure fiable et efficace.
Comme nous l’intiment Munakata,et al (9) dans leur étude narrative, la PAE ne doit pas être considérée comme une procédure de routine consistant “simplement” à “remplir l’alvéole d’extraction avec un matériau de greffe”.

CONCLUSION
Comme dans toute démarche de médecine buccodentaire, le plan de traitement repose sur un diagnostic qui, confronté aux éléments clinico-biologiques recueillis, oriente notre décision en accord avec les attentes du patient. La vulnérabilité médicale de ce dernier, ses doléances, son implication et nos propres exigences définissent les contours des options envisageables. Parmi celles-ci, les techniques de PAE constituent des auxiliaires indéniables mais pas systématiquement indispensables de nos thérapeutiques. Il convient d’en maitriser parfaitement les aspects techniques (abord chirurgical, biomatériaux…) mais surtout d’en poser l’indication juste. La PAE constitue une approche cliniquement validée, mais la littérature scientifique ne fait pas consensus en termes de bénéfice clinique supplémentaire par rapport à la cicatrisation non assistée de l’alvéole.
Parfois considérée comme un surtraitement, la PAE pourrait être plus spécifiquement envisagée dans les cas présentant un risque élevé de résorption osseuse et de perte tissulaire, afin de faciliter le traitement implantaire à venir, ou d’améliorer les résultats esthétiques d’une restauration fixe dento-portée.

BIBLIOGRAPHIE
1. Aribau-Gumà C, Jorba-García A, Sánchez-Torres A, Sànchez- Garcés MÀ. Alveolar ridge preservation: an overview of systematic reviews. Int J Oral Maxillofac Surg. févr 2022;51(2):234‑42.
2. Bassir SH, Alhareky M, Wangsrimongkol B, Jia Y, Karimbux N. Systematic Review and Meta-Analysis of Hard Tissue Outcomes of Alveolar Ridge Preservation. Int J Oral Maxillofac Implants. 2018;33(5):979‑94.
3. Atieh MA, Alsabeeha NH, Payne AG, Ali S, Faggion CMJ, Esposito M. Interventions for replacing missing teeth: alveolar ridge preservation techniques for dental implant site development. Cochrane Database Syst Rev. 26 avr 2021;4(4):CD010176.
4. Avila-Ortiz G, Gubler M, Romero-Bustillos M, Nicholas CL, Zimmerman MB, Barwacz CA. Efficacy of Alveolar Ridge Preservation: A Randomized Controlled Trial. J Dent Res. avr 2020;99(4):402‑9.
5. Cha JK, Song YW, Park SH, Jung RE, Jung UW, Thoma DS. Alveolar ridge preservation in the posterior maxilla reduces vertical dimensional change: A randomized controlled clinical trial. Clin Oral Implants Res. juin 2019;30(6):515‑23.
6. Atieh MA, Alnaqbi M, Abdunabi F, Lin L, Alsabeeha NHM. Alveolar ridge preservation in extraction sockets of periodontally compromised teeth: A systematic review and meta-analysis. Clin Oral Implants Res. sept 2022;33(9):869‑85.
7. Lee J, Yun J, Kim JJ, Koo KT, Seol YJ, Lee YM. Retrospective study of alveolar ridge preservation compared with no alveolar ridge preservation in periodontally compromised extraction sockets. Int J Implant Dent. 26 mars 2021;7(1):23.
8. Hoang TN, Mealey BL. Histologic comparison of healing after ridge preservation using human demineralized bone matrix putty with one versus two different-sized bone particles. J Periodontol. févr 2012;83(2):174‑81.
9. Munakata M, Kataoka Y, Yamaguchi K, Sanda M. Risk Factors for Early Implant Failure and Selection of Bone Grafting Materials for Various Bone Augmentation Procedures: A Narrative Review. Bioengineering. 17 févr 2024;11(2):192.

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