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RÉHABILITATION IMPLANTO-PORTÉE MAXILLAIRE TOTALE SANS FAUSSE GENCIVE : UN OBJECTIF THÉRAPEUTIQUE AMBITIEUX

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La prothèse dentaire a pour objectif de restaurer la fonction de l’appareil mandicateur dont l’esthétique du sourire.
Le succès thérapeutique en implantologie est caractérisé par une fonction masticatrice retrouvée pour le patient ainsi qu’un aspect esthétique le plus naturel possible.

Fig.1 : prothèse définitive dans le cadre réhabilitation totale maxillaire sur 8 implants Osstem TSIII ; Prothèse céramique par Quentin Gauthier (Numéridental Soyaux).

La réhabilitation prothétique du maxillaire atrophique est fréquente en implantologie dentaire. Plusieurs stratégies thérapeutiques existent et seront choisies par le praticien en fonction du cas, de ses habitudes et des objectifs esthétiques et fonctionnels. Parmi les techniques existantes, on peut citer l’implantologie basale, l’implantologie par implants zygomatiques et les sous périostés en titane sur mesure. Ces procédures permettront la mise en place d’une prothèse fixée sur implant fonctionnelle. Elles sont cependant des solutions thérapeutiques de dernière intention.
Dans le cas d’un patient en bonne santé générale présentant une atrophie maxillaire sévère, la reconstruction des structures osseuses ad integrum doit être proposée. La réalisation d’une ostéotomie de Lefort 1 associée à des greffes osseuses permet une correction verticale et horizontale de l’atrophie osseuse(1).

Fig. 2 : ostéotomie de Lefort chez un patient édenté.

Cette correction osseuse permettra de réaliser une réhabilitation implanto-portée totale maxillaire idéale sans fausse gencive.
En fonction de l’objectif prothétique et esthétique du patient, le praticien doit savoir proposer le plan de traitement adapté. La prothèse guidera toujours le chirurgien.
A travers cet article, nous décrirons la technique chirurgicale et l’illustrerons par quelques cas cliniques.

POUR QUEL PATIENT ?
L’indication de ce type de réhabilitation est fonction de l’objectif prothétique. Il me semble important, lorsque cela est possible, de pouvoir proposer à un patient plusieurs possibilités thérapeutiques : All on four, Prothèse stabilisée sur implant, etc…
Le choix du patient sur l’objectif prothétique sera déterminant sur le plan de traitement. Le praticien devra présenter les différentes options de traitement avec leurs avantages et inconvénients. L’idéal est si possible de montrer au patient ce que telle ou telle technique permettra d’obtenir comme résultat.

INDICATION
Cette technique de correction des atrophies osseuses maxillaires permet d’obtenir une position idéale de l’os alvéolaire maxillaire. Elle est indiquée à partir de la classe IV de Cadwood chez l’édenté total maxillaire.
C’est pour nous la technique de choix chez un patient présentant une atrophie verticale et horizontale du maxillaire.
Dans chaque cas, il est indispensable de réaliser un projet prothétique. Ce projet prothétique sera transformé en guide radiologique pour permettre une planification précise de la correction osseuse.

Fig. 3 : reconstruction 3D avant et après Lefort greffe.

Une surcorrection verticale et horizontale est recommandée car la résorption peut atteindre jusqu’à 20 % du volume greffé (2,3).
L’un des critères esthétiques de succès est l’obtention de papille gingivale. Le maintien ou la création des papilles en implantologie est plurifactoriel mais extrêmement lié à l’os sous-jacent (4). Certains auteurs rapportent 100 % de papille si la distance os-point de contact est inférieur ou égal à 5 mm(5). L’ostéotomie de Lefort en chirurgie pré-implantaire permettra une correction verticale globale de l’arcade avec un gain verticale pouvant atteindre plus de 10 mm.

TECHNIQUE CHIRURGICALE VOIR LA VIDEO 
L’intervention est réalisée sous anesthésie générale avec intubation naso-trachéale. On réalise une infiltration vestibulaire au maxillaire au sérum adrénaliné. L’incision est pratiquée à la lame froide sur la crête de prémolaire à prémolaire. Une décharge distale est réalisée de chaque côté. Un décollement sous périosté du lambeau vestibulaire est réalisé pour permettre une exposition de l’orifice piriforme et du maxillaire jusqu’aux apophyses ptérygoïdes en arrière. La muqueuse nasale est décollée soigneusement.

Fig. 4 : décollement de la muqueuse nasale. Cloison cartilagineuse
luxée.

L’ostéotomie de Lefort est réalisée au piézotome ou à l’aide d’une fraise sur pièce à main. L’ostéotomie est complétée à l’aide de ciseaux à os au niveau des parois intersinuso-nasales et zygomatiques. On réalise
l’ostéotomie du pied de cloison à l’aide d’un ostéotome.
La disjonction ptérygo-maxillaire est réalisée à l’aide d’un ostéotome courbe.
L’abaissement du plateau palatin est ensuite délicatement réalisé à l’aide d’un disjoncteur de Tessier. Le maxillaire est alors mobilisé progressivement pour obtenir la laxité nécessaire à son déplacement. Après l’obtention d’une mobilité suffisante, on réalise l’ablation de la muqueuse sinusienne au niveau du plancher des sinus maxillaires.

Fig. 5 : préparation du plancher sinusien avant le comblement.

Le comblement du bas fond des sinus maxillaire avec des copeaux d’os allogénique mélangé avec du IPRF.

Fig. 6 : comblement des sinus maxillaires.

On recouvre le comblement du plancher sinusien avec des membranes de PRF.
L’interstice laissé par l’abaissement du maxillaire doit être comblé par de l’os autogène, allogénique ou
xénogénique (6).

Fig. 7 : greffe allogénique de l’espace créé par l’abaissement du maxillaire ; ostéosynthèse à l’aide plaque 1,5 KLS Martin.

La position du maxillaire est déterminée préalablement par une analyse tridimensionnelle à l’aide de guide radiologique. Une gouttière ou des plaques surmesures peuvent être utilisées à cet effet. L’ostéosynthèse est réalisée par 4 plaques en titane. L’espace créé au niveau des piliers canins et malaires doivent être greffés. Lorsque l’ostéosynthèse du maxillaire est réalisée, on entreprend une correction du volume osseux horizontalement.
Cette correction peut être faite par coffrage autogène, grille titane, membrane armée.
Les greffes sont ensuite recouvertes de membranes de PRF dans notre pratique. La mise en place de PRF facilitera la revascularisation de la greffe (7).
La fermeture des tissus mous doit absolument se faire sans tension (8). L’obtention d’une laxité tissulaire est réalisée en incisant le périoste ou en le brossant à l’aide de décolleur courbe ou d’une brush. La persistance d’une tension tissulaire lors de la suture favorisera de façon importante la survenue de désunion et donc de complications.
La cicatrisation nécessaire avant la mise en place d’implants est au minimum de 4 mois.
L’ablation des vis est réalisée durant la pose des implants.
La technique de Lefort greffe peut aussi être réalisée à l’aide d’une grille titane.
Dans ce cas, il n’y aura pas de nécessité de réaliser des prélèvements au niveau mandibulaire.

Fig. 8 : réhabilitation totale maxillaire avec le fort greffe, grille
titane et chirurgie muco-gingivale ; Prothèse par Quentin Gauthier.

Après cicatrisation de la greffe et avant l’implantation, nous réalisons à nouveau un projet prothétique.

Fig. 9 : reconstruction 3 D avec guide radiologique avant la
réalisation de la reconstruction osseuse, après la reconstruction
osseuse et avant la pose d’implants avec guide radiologique.

Ce dernier permettra après validation de réaliser un guide radiologique.
La pose des implants est dans ma pratique effectuée à main levée sans guide mais pas sans planification.
Chaque cas est préparé minutieusement avec un examen approfondi du cône beam pré-opératoire. On prendra alors des repères anatomiques comme la position des vis ayant servi à la reconstruction osseuse, du foramen rétro-incisif et du relief osseux pour positionner nos implants. Durant la pose d’implant, il est nécessaire de prendre le temps de vérifier selon plusieurs angles de vue la position sur l’arcade et dans le visage du patient.
Il est de fait plus simple de travailler debout pour se mobiliser plus facilement autour du patient et ainsi contrôler pas à pas la pose des implants.
L’incision muqueuse sera déportée en palatin afin d’obtenir un maximum de gencive kératinisée en vestibulaire des implants.

Fig. 10 : incision déportée en palatin lors de la pose d’implants Osstem TSSIII après Lefort greffe ; Cicatrisation à 3 mois lors du contrôle.

Une partie importante de la cicatrisation gingivale sera de type secondaire.

Fig. 11 : même cas Avant et Après Lefort greffe et mise en place
de 8 implants maxillaires Osstem TSIII.

Le nombre d’implants est en général de 8 avec un positionnement au niveau des incisives centrales, des canines, des secondes prémolaires et des premières molaires.

Fig. 12 : mise en place de 8 implants Osstem TSIII après Lefort greffe.

Il est parfois possible de recréer une architecture osseuse propice à la formation des papilles.

Fig. 13 : recréation d’une architecture osseuse propice à la
formation des papilles lors de la pose d’implants Osstem TSIII après
Lefort greffe ; Notez le bourgeonnement des papilles à 3 semaines.

Il est aussi extrêmement important de ménager l’os greffé et d’éviter d’appliquer un couple trop important lors de la mise en place de l’implant (9). La mise en place de piliers type multi-unit avec 3 mm de hauteur transgingivale est réalisée. Cette hauteur permettra de préserver l’espace biologique (10). Une empreinte avec une technique pick-up est ensuite réalisée. La mise en place du bridge provisoire est réalisée dans notre pratique à 48-72 heures. Cette prothèse provisoire va guider la cicatrisation gingivale. Il est absolument important que le prothésiste soit très vigilant aux profils d’émergence (11). Nous recommandons au patient de réaliser un brossage soigneux à l’aide d’une brosse à dents post-chirurgicale 7 /100 avec de l’eau oxygénée après chaque repas. L’utilisation du jet dentaire est recommandée après les 15 premiers jours de cicatrisation. La réalisation de bain de bouche est proscrite dans ma pratique car un rinçage excessif désorganise les tissus de cicatrisation donc perturber la cicatrisation secondaire par dégradation précoce du caillot sanguin et du dépôt de fibrine.
L’alimentation est mixée et froide durant les quatre premiers jours puis mixée le premier mois. Le patient sera revu à une semaine pour vérifier le serrage des vis de la prothèse à 35 newtons par cm2.
Un contrôle à 3 mois permettra de dévisser une première fois le bridge provisoire afin de vérifier la bonne cicatrisation des implants et d’effectuer une désinfection des piliers prothétiques à l’eau oxygénée 10 volumes.
Ce contrôle permettra aussi de vérifier la quantité de gencive attachée.

Fig. 14 : contrôle à 3 mois de la pose d’implants Osstem TSIII ;
notez les résidus de biomatériaux ajoutés lors de la pose. La
prothèse provisoire a permis le remodelage gingival et la création
de papille.

En cas de déficit, un geste gingival sera réalisé pour augmenter la quantité et qualité de gencive périimplantaire.
Un environnement gingival idéal facilitera une bonne hygiène pour notre patient (12).
La prothèse définitive pourra être envisagé lorsque l’environnement péri-implantaire sera parfaitement stabilisé et sain.

CONCLUSION
La technique de Lefort 1 associée à des greffes osseuses en chirurgie pré implantaire est une technique de choix dans les réhabilitations maxillaires totales (13). Elle permet une reconstruction ad integrum du volume osseux.
La réalisation de montage esthétique en début de traitement guidera la réalisation de la prothèse définitive.
Le projet prothétique est le fil conducteur de l’ensemble du traitement. C’est à la chirurgie de s’adapter à la prothèse et non l’inverse. La chirurgie pré-implantaire doit répondre à des objectifs prothétiques au même titre que l’implantologie. Le succès de nos thérapeutiques est déterminé par le respect des indications chirurgicales et d’une bonne analyse per-opératoire. Aucun traitement implantaire ne doit être conduit sans projet prothétique.
Dans ce type de traitement, le praticien devra aussi accompagner son patient sur le plan psychologique.
L’édentement est un handicap fonctionnel et psychologique. L’impact émotionnel fort de ce type de traitement doit être appréhendé par le praticien pour mieux accompagner son patient

BIBLIOGRAPHIE

  1. Chiapasco M, Brusati R, Ronchi P. Le Fort I osteotomy with interpositional bone grafts and delayed oral implants for the rehabilitation of extremely atrophied maxillae: a 1?9-year clinical follow-up study on humans. Clin Oral Implants Res. févr 2007;18(1):74‑85.
  2. Regnault EM, Marteau JM, Fénelon M, Fricain JC, Brunet S, Catros S. Reconstruction osseuse verticale pré-implantaire. 2019;7.
  3. Fenelon M, Masson-Regnault E, Catros S. La cicatrisation osseuse en chirurgie orale. Réal Clin. 27:7.
  4. Zetu L, Wang H. Management of inter‐dental/inter‐implant papilla. J Clin Periodontol. juill 2005;32(7):831‑9.
  5. Adeyemo WL, Reuther T, Bloch W, Korkmaz Y, Fischer JH, Zöller JE, et al. Influence of host periosteum and recipient bed perforation on the healing of onlay mandibular bone graft: an experimental pilot study in the sheep. Oral Maxillofac Surg. mai 2008;12(1):19‑28.
  6. Eser C, Gencel E, Gökdoğan M, Kesiktaş E, Yavuz M. Comparison of Autologous and HeterologousBone Graft Stability Effects for Filling MaxillaryBone Gap After Le Fort I Osteotomy. Adv Clin Exp Med. 2015;24(2):341‑8.
  7. Arpornmaeklong P, Kochel M, Depprich R, Kübler NR, Würzler KK. Influence of platelet-rich plasma (PRP) on osteogenic differentiation of rat bone marrow stromal cells. An in vitro study. Int J Oral Maxillofac Surg. 2004;33(1):60‑70.
  8. Gil-Marques B, Pallarés-Sabater A, Brizuela-Velasco A, Sánchez Lasheras F, Lázaro-Calvo P, Gómez-Adrián MD, et al. A Biomechanical Analysis of the Influence of the Morfology of the Bone Blocks Grafts on the Transfer of Tension or Load to the Soft Tissue by Means of the Finite Elements Method. Mater Basel Switz. 17 déc 2022;15(24):9039.
  9. da Rocha Ferreira JJ, Machado LFM. Insertion Torque Value and Implant Stability Quotient: Separate Evaluation and Correlation for Different Clinical Parameters. Int J Oral Maxillofac Implants. 2022;37(4):812‑22.
  10. Dib-Zaitum I, Guadilla-González Y, Flores-Fraile J, Dib-Zakkour J, Benito-Garzón L, Montero J. Effect Morphology and Surface Treatment of the Abutments of Dental Implants on the Dimension and Health of Peri-Implant Biological Space. Mater Basel Switz. 22 juin 2022;15(13):4422.
  11. Gomez-Meda R, Esquivel J. Perio-prosthodontic pontic site management, part I: Pontic designs and their current applications. J Esthet Restor Dent Off Publ Am Acad Esthet Dent Al. juin 2023;35(4):609‑20.
  12. Zucchelli G, Tavelli L, McGuire MK, Rasperini G, Feinberg SE, Wang HL, et al. Autogenous soft tissue grafting for periodontal and peri-implant plastic surgical reconstruction. J Periodontol. janv 2020;91(1):9‑16.
  13. Modified Le Fort I interpositional grafting of the severe atrophied maxilla-a retrospective study of 106 patients over 10 years – PubMed [Internet]. [cité 21 avr 2022]. Disponible sur: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35175642/

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A propos de l'auteur

Dr. Emmanuel Masson Regnault

Chirurgien Oral
Exercice Libéral à Angoulême
Centre Clinical, Soyaux
Ancien Interne et Ancien
AHU de Bordeaux
DU d’Orthognathie
médico-chirurgicale
Attaché à l’Université de Bordeaux
Enseignant au Diplôme
Universitaire de Greffe
osseuse Pré-implantaire de Nice

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