Lorsque l’on aborde le sujet des implants sous-périostés (ISP), cela génère énormément de questions. L’objectif de cet article est de fournir des informations spécifiques sur ces implants et de répondre aux interrogations les plus fréquentes.
1. QU’EST-CE QU’UN IMPLANT SOUS-PÉRIOSTÉ
Il s’agit d’un implant conçu sur mesure à partir des données DICOM du patient et d’un wax-up numérique. Il s’appuie sur la surface de l’os et intègre des piliers multi-units pour recevoir une prothèse transvissée. Il est imprimé en Titane ELI grade 23 (équivalent au titane Grade 5). Dans les cas d’édenté complet, il est livré avec un bridge provisoire transvissé en PMMA renforcé par une armature en titane usinée permettant une mise en charge immédiate en reliant les implants droit et gauche (Image 1).
QUELLES SONT LES DIFFÉRENTES PARTIE DE L’ISP ?
Le concepteur va dessiner l’implant en positionnant (Image 2) :
• les vis d’ancrage dans les zones anatomiques fortes : pilier canin (1), processus zygomatique (2) et région ptérygo-tubérositaire (3) au maxillaire ; ligne oblique externe, trigone retro-molaire et ramus à la mandibule.
• le corps de l’implant qui relie les différents points d’ancrage, son épaisseur est d’environ 1,4 mm. Il peut inclure une structure perforée de type lattice (4) pour favoriser son intégration osseuse1.
• les piliers prothétiques (type MUA) au centre des futures dents (5).
• les bras qui connectent les piliers au corps de l’implant, avec possibilité d’ajouter des bras supplémentaires pour augmenter la sustentation (6).
• l’ensemble des éléments (bras et corps) peut être entouré d’une lèvre périphérique fine pour promouvoir la croissance osseuse de recouvrement.
3. COMMENT EST-IL FABRIQUÉ ?
L’introduction de technologies de fabrication additive et d’impression 3D, telles que la technologie de frittage laser direct de métal (DMLS : Direct Metal Laser Sintering) a permis de produire des implants en alliage de titane, tels que le Ti-6Al-4V ELI, avec des caractéristiques qui favorisent leur ostéointégration2 et garantissent leur biocompatibilité3. De plus, la flexibilité inhérente de l’impression 3D pour créer des formes complexes permet de personnaliser les implants pour répondre aux besoins spécifiques de chaque patient.
Dans le DMLS, des couches de poudre de titane sont fusionnées minutieusement ensemble à l’aide d’un faisceau laser. Ce procédé est répété, couche par couche, permettant de créer des structures d’implants très détaillées et complexes qui étaient auparavant inaccessibles4. Les piliers sont ensuite repris par usinage pour permettre une passivité et une adaptation parfaite des futurs bridges (ce que ne permet pas l’impression 3D). Les bras sont polis5 pour éviter les péri-implantites en cas d’exposition, et le corps sablé pour améliorer l’ostéointégration. L’implant est décontaminé et subit souvent une anodisation pour être coloré sans altérer l’ostéointégration6. L’utilisation de la couleur rose est particulièrement intéressante en cas de rétraction gingivale pour des raisons esthétiques. Enfin l’implant est souvent livré propre mais non stérile, c’est alors au praticien de le stériliser par un cycle prion à l’autoclave de classe B et d’assurer la traçabilité de cette stérilisation (Image 3).
4. LES IMPLANTS SOUS PÉRIOSTÉS S’INTÈGRENT-ILS ?
Plusieurs études expérimentales chez l’animal7 indiquent une ostéointégration de ces implants dans l’os (Image 4). On retrouve ce phénomène sur les plaques d’ostéosynthèse en chirurgie maxillofaciale8,9, qui peuvent être recouvertes d’os au fil du temps. Les études cliniques à moyen terme chez l’homme objectivent, après démontage de la prothèse transvissée, des implants immobiles avec un son clair à la percussion10.

Image 4 : étude de Cohen et coll. (2016) (3) Cette étude montre une ostéointégration des implants chez l’animal et l’homme. A notre connaissance, il s’agit du premier rapport de cas d’un implant sous périosté en titane imprimé et implanté chez l’homme.
Dans notre pratique, des CBCTs de contrôle réalisés à 2 ans, avec des filtres pour limiter les artéfacts (MAR®, Carestream Dental), montrent une reconstruction osseuse (Image 5). Certains éléments de conception, comme des structures lattice, des bords périphériques de l’implant aplatis (lèvre), ou des pratiques chirurgicales (stimulations endostées de la corticale, comblement, ostéotomies) pourraient encourager ce phénomène.

Image 5 : contrôle CBCT à 2 ans montrant une ostéo-intégration de l’implant sous périosté chez l’homme.
5. QUEL EST L’INTÉRÊT DES ÉTUDES EN ÉLÉMENTS FINIS ?
Les études en éléments finis modélisent le comportement biomécanique des implants sous périostés soumis à différentes contraintes, permettant de déterminer leur seuil de déformation plastique et leur résistance à la fatigue. Elles sont utiles pour :
• Concevoir de nouveaux implants en faisant varier des paramètres comme l’épaisseur des bras et leur nombre, et en choisissant le design optimal de l’implant selon des critères précis.
• Vérifier si chaque implant produit peut résister aux contraintes connues telles que l’intercuspidie maximale (200N), l’occlusion latérale, et le bruxisme ou clenching (1000N). Nous estimons qu’il est important de le vérifier pour chaque implant produit (Image 6).

Image 6 : étude en élément fini réalisé lors de la conception de l’implant. Ici une charge de 1000 N est appliquée. Les contraintes dans l’implant restent dans le domaine de la déformation élastique des implants.
Toutes les études montrent que le maximum de contraintes sont absorbées au niveau de la jonction bras-pilier, zone à épaissir11. Cependant, notre revue de la littérature indique que les récessions gingivales au niveau des bras sont l’une des complications les plus fréquentes, bien qu’elles n’affectent pas la survie de l’implant. Or, même si aucune étude ne l’a montré, on peut supposer que plus le bras est épais plus le risque de récession augmente. Cette balance permanente entre biologie et mécanique est l’une des clefs de la conception des ISP.
6. QU’EST-CE QUI DIFFÉRENCIE CES 2 IMPLANTS ?
En 1938, Stock a placé un implant en Vitallium (Cr-Co-Mo) fileté dans une alvéole d’extraction : c’est le premier implant vis endo-osseux implanté à long terme. Il est resté non mobile et asymptomatique pendant près de 17 ans.
En 1982, lors de la conférence de Toronto, Bränemark a présenté l’implant en titane fileté et posé en deux étapes chirurgicales avec 15 ans de recherches et d’essais cliniques et des taux de réussite encore jamais atteints (Image 7).13
Ce qui différencie ces 2 implants ? Le métal, la méthode de production (usinage), le protocole chirurgical, l’état de surface, la recherche fondamentale et clinique et finalement le concept. Nous pourrions bien assister à la même révolution entre d’un côté les ISP « historiques » et de l’autre les ISP « actuels » imprimés en alliage de titane par CFAO.
7. DIFFÉRENCE ENTRE LES ISP «HISTORIQUES » ET « ACTUELS » ?
8. PEUT-ON FAIRE DES TECHNIQUES D’EXTRACTIONS / IMPLANTATIONS IMMÉDIATES AVEC LES ISP ?
Ces implants sont destinés aux cas de résorption osseuse importante, donc plutôt des crêtes édentées. Néanmoins, dans certaines situations (parodontites terminales), on peut les poser en même temps que des extractions sont réalisées. Il faut alors réaliser au préalable une réduction osseuse car l’implant doit reposer sur de l’os basal et non sur de l’os alvéolaire qui risque de se résorber. De plus, les alvéoles sont souvent en contre-dépouilles. Cette ostéotomie est effectuée avec précision à l’aide d’un guide de réduction osseuse, généralement lui aussi imprimé en titane (Image 8). Ce guide est dessiné et produit en même temps que les implants. Cette réduction peut être faite avec une fraise à os de Lindemann sous irrigation ou de la piézochirurgie. L’implant sera ensuite posé sur ce nouveau lit osseux.

Image 8 : guide de réduction osseuse en titane. Il permet de retirer
précisément l’os alvéolaire pour pouvoir positionner l’ISP
directement sur l’os basal.
9. PEUT-ON RELIER DES ISP AVEC DES IMPLANTS CYLINDRIQUES ?
Oui, c’est tout à fait possible bien qu’à notre connaissance aucune étude sur le sujet n’a été publiée hormis ce rapport de cas clinique que nous avons rédigé14. Mécaniquement, rien ne semble s’opposer à ce mariage bien au contraire. Au maxillaire ou à la mandibule, l’ISP peut être utilisé en postérieur pour éviter des greffes alors que dans les zones plus antérieures (en avant des foramens mentonniers et des sinus) des implants cylindriques sont parfois utilisables. Alors pourquoi ne pas utiliser les 2 et obtenir le meilleur de chacun ? La lésion mécanique rigide entre ces 2 types d’implant autorise la survenue et le maintien de l’ostéointégration à la fois de l’ISP et de l’implant cylindrique (Image 9).

Image 9 : 2 ISP mandibulaires postérieurs avec 2 implants
cylindriques antérieurs (radio de contrôle à 18 mois).
10. ET LE MAXILLAIRE POSTÉRIEUR UNILATERAL ?
L’édentement partiel maxillaire est pour l’instant une indication qui ne fait pas l’objet de publications abouties. Mécaniquement cette situation est moins favorable que les cas complets (pas de liaison par un bridge fixe rigide des 2 implants) ou mandibulaire (os de moins bonne qualité). Médicalement leur intérêt réside dans les cas de contre-indications ou d’échecs de comblements de sinus et de reprises chirurgicales (Image 10).

Image 10 : à gauche : visualisation des 2 communications buccosinusiennes.
A droite : 2 ISP avec 2 piliers et chacun un bridge de 3 dents pour traiter cet édentement postérieur bilatéral.
11.FAUT-IL COMBLER QUAND ON UTILISE DES ISP ?
L’objectif premier des ISP est de traiter des patients présentant des résorptions importantes, sans recourir à des greffes osseuses complexes, notamment en hauteur. Toutefois, cela ne signifie pas que cette technique ne puisse être associée à l’utilisation de substituts osseux. C’est tout d’abord une obligation, lors d’un manque d’adaptation (inférieur à 1 mm) entre la plaque en titane et l’os sous-jacent. Le comblement de cet espace par de l’os allogénique ou xénogénique permet d’éviter une interposition fibreuse et d’obtenir l’ostéointégration de l’implant. Mais il peut être aussi avantageux de combler au-dessus de l’implant et d’interposer un comblement entre l’implant et le périoste. Dès 1972, Kratochvil et Boyne15 publient sur l‘utilisation de greffe de moelle osseuse avec des implants sous périostés enfouis. Des études chez l’animal montrent une régénération osseuse au-dessus des implants lorsque ceux-ci sont recouverts d’hydroxyapatite bovine et de membranes résorbables ou non16. Le but est d’éloigner le périoste de la surface externe de l’implant et ainsi favoriser son recouvrement et son ostéointégration dans la masse. En revanche, combler augmente le volume et complexifie le recouvrement par des tissus muqueux très fins. De plus, en cas d’infection post-opératoire le comblement non vascularisé constitue un milieu propice au développement des bactéries qui peut réduire l’efficacité du traitement antibiotique. Dans nos protocoles nous avons opté pour le recouvrement des ISP avec une fine couche de COLLAPAT II® (Biotech Dental), imbibée de PRF® (PRF-Process) liquide et en membranes. Ce biomatériau osseux, sous forme d’éponge de collagène incrustée de granules céramisées d’hydroxyapatite d’origine bovine présente l’avantage d’être facile à façonner et particulièrement peu agressif pour les tissus mous (Image 11). Il constitue une matrice ostéoconductrice favorable aux cellules osseuses. Nous n’utilisons pas de membrane de régénération mais tentons de laisser le périoste le plus intact possible, notamment en le disséquant délicatement pour tracter les lambeaux.
12. MISE EN CHARGE IMMÉDIATE ET BRIDGE PROVISOIRE
Le traitement des cas complets repose sur un concept en trois parties : 2 ISP symétriques, comportant chacun 2 ou 3 piliers MU, et un bridge provisoire avec une armature titane usinée. Une fois le décollement réalisé, chaque implant est positionné, plaqué sur l’os sans être vissé. Le bridge provisoire avec son armature en titane usinée est alors vissé sur les pilier MU des implants. Le patient est invité à mordre et les implants sont ostéosynthésés dans cet position, bridge en occlusion. On réalise donc une mise en charge immédiate (MCI) avec un bridge transvissé réalisé en amont ce qui est un réel avantage par rapport aux implants cylindriques. Ce bridge provisoire peut devenir un bridge définitif et ainsi limiter les coûts pour le patient (Image 12). En ce qui concerne les cas partiels, la réalisation d’une MCI se discute car souvent ces implants concernent les secteurs postérieurs. Si une MCI est envisagée, on utilisera un bridge provisoire en sous occlusion et il sera en Full PMMA. Biomécani-quement, il apparait inutile de relier les piliers d’un même implant avec une armature en Titane.

Image 12 : 2 implants sous périostés maxillaires et de son bridge
provisoire transvissé ne formant qu’un seul et même système implanto-prothétique.
CONCLUSION
Les implants sous périostés constituent un nouvel atout thérapeutique dans le traitement des édentements avec forte résorption osseuse chez le sujet âgé. De nombreux travaux scientifiques restent à produire pour valider dans les détails ce concept, mais les premiers résultats publiés depuis 7 ans sont prometteurs.
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