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Révélateur de Plaque de dernière génération : aide à la motivation et à la décision de traitement

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Savoir prendre en compte la façon dont se forment les biofilms bactériens sur les dents est devenu essentiel pour le chirurgien-dentiste qui cherche à contrôler une infection carieuse ou parodontale [Axelsson & Lindhe 1981].

En effet, nous inspirant de Walsh (2009), avant même tout traitement, nous devrions nous poser 5 questions :

  • La plaque de ce patient a-t-elle la même pathogénicité que celle d’autres patients ?
  • Cette plaque a-t-elle la même pathogénicité sur tous les sites de sa bouche ?
  • Sinon, comment évaluer cette pathogénicité au niveau d’un site précis ?,
  • Est-il nécessaire et possible d’enlever « toute » la plaque et jusqu’à quel niveau ?
  • Sinon, pouvons-nous faire évoluer l’écologie de la plaque résiduelle pour la rendre compatible avec la santé ?

Pour répondre à ces questions, nous pouvons aujourd’hui visualiser et caractériser les biofilms pour mieux les comprendre, les réduire et les contrôler, grâce à des révélateurs de plaque, produits anciens, mais qui restent d’actualité.

En effet, en mélangeant différents colorants, l’industrie est parvenue à créer des spécialités bitons, et plus récemment tritons.

Fonctionnement

Le dernier en date est un gel révélateur de plaque tritons de conception nouvelle (GC Tri Plaque ID Gel) qui identifie la plaque jeune, ou mature et même celle capable de déminéraliser les tissus durs.

La structure du gel est assez complexe et comprend un mélange de pigments rouges (Erythrosine E127) incorporés à un substrat à fort poids moléculaire, de pigments bleus (Green E) incorporés à un substrat à faible poids moléculaire et de saccharose.

Le gel présenté en tube de 40g permet de faire de très nombreuses applications. Il est appliqué au pinceau ou avec un applicateur et rincé (Fig. 2 a et b).

la-cavité-buccale

Fig. 1 : dans la cavité buccale, de site en site les conditions locales qui permettent ou empêchent la formation du biofilm varient Fig. 2 : le Gel est appliqué au pinceau et rincé après quelques secondesvarient

Lorsque la salive est épaisse, on peut sécher les surfaces pour éviter que les protéines salivaires ne s’interposent entre le colorant et le biofilm. Il faut laisser le temps au colorant de bien imprégner le biofilm. Les surfaces colorées sont vigoureusement rincées avec la seringue air-eau.

Si la plaque est récente, jeune, clairsemée (quelques heures). Les pigments bleus plus petits sont facilement éliminés par le rinçage. Seules sont retenues par le biofilm clairsemé (plaque récente) les grosses molécules rouges (Fig. 3). Ce biofilm a une capacité réduite à déminéraliserles tissus durs : il produit principalement des acétates (ainsi qu’un peu de propionate et de butyrate). Ce sont des acides très faibles.

La plaque plus ancienne (48h et plus) est plus dense. Les pigments rouges et bleus restent bloqués au sein du biofilm (Fig. 3).

Fonctionnement-de-Triplaque

Fig. 3 : schématique du Fonctionnement de Triplaque ID Gel® Copyright G. Renaud & S. Bessard avec leur aimable autorisation Fig. 4 : la plaque « jeune » est plus fine, moins structurée, moins spécifique, elle recouvre de larges aires de la bouche, même si on ne la voit pas sans colorant

Ils prennent un aspect pourpre-violet. Plus la plaque est dense et ancienne plus le colorant bleu est prisonnier, plus la coloration bleue s’intensifie.

Cette zone est dense, peu perméable à l’oxygène et va permettre le développement de Streptococcus mutans (SM) et de bactéries facultatives anaérobies.

Cette zone produit, en présence d’hydrates de carbone, des quantités importantes de lactates, de formates et pyruvates, acides plus forts qui pourraient très rapidement déminéraliser les tissus durs.

Si dans ce biofilm épais, se sont développées des bactéries cariogènes, le saccharose du colorant est dégradé rapidement en acides atteignant rapidement un pH 4.5 et même moins.

Suite à la baisse de pH, le pigment rouge est conçu pour être éliminé par l’acide, et le pigment bleu pour s’éclaircir et devenir turquoise-fluo (Fig. 3).

Ainsi, est mis en évidence un bio film qui crée les conditions de déminéralisation carieuse.

Que visualisons-nous ainsi ?

une-plaque-epaisse

Fig. 5 : dans les zones proximales s’est développée une plaque epaisse et mature qui contient davantage d’espéces acidogénes Fig. 6 : A : le pigment rouge est conçu pour être éliminé par l’acide des bactéries acidogénes et le pigment bleu pour s’éclaircir et devenir turquoise/fluo ; B : Seules ont été retenues par la plaque récente les grosse molécules rouges ; C : plus la plaque est dense et ancienne plus le colorant bleu est prisonnier

Dans la cavité buccale, varient de site en site, les conditions locales qui permettent ou empêchent la formation du biofilm [Teles & al. 2012]. C’est pourquoi, il y a des différences écologiques d’un site à l’autre (Fig. 1).

La plaque « jeune » est plus fine, moins structurée, moins spécifique. Si on la laisse se former, elle recouvre de larges aires de la bouche, même si on ne la voit pas sans coloration (Fig. 1 et 4). Mais si le temps passe et que le biofilm commence à se structurer, la situation se complexifie [Socransky & Haffajee 2005].

La face vestibulaire d’une canine a souvent un pH élevé, et un environnement riche en oxygène. Ici, (Fig. 5).sur les zones vestibulaires déminéralisées et poreuses se développe un biofilm qui peut évoluer en une plaque épaisse et mature qui contiendra davantage d’espèces acidogènes, alors qu’en proximal des microcavités contenant des biofilms plus anciens recèlent déjà un biofilm acide [Hicks 2003].

La face vestibulaire d’une molaire peut avoir un pH élevé et un environnement riche en oxygène. Alors que ses faces proximales ont un pH bas, sous gencive, le pH est élevé.

C’est là que va se développer une plaque épaisse et mature qui contiendra d’avantage d’espèces anaérobies facultatives, fréquemment associées aux parodontites (Fig. 6).

De multiples facteurs peuvent favoriser le développement de tel ou tel biofilm [Axelsson 1987]. La multiplication de prises alimentaires acides va par exemple favoriser un pH bas et le développement de bactéries aciduriques, ou la teneur en oxygène lorsque le patient est fumeur va favoriser les bactéries facultatives anaérobies.

Nous pouvons aider notre patient et enrayer ces processus complexes avec une approche simple : la mise en place d’un « bon brossage » (ou plutôt d’une « désorganisation du biofilm efficace et régulière »). Ainsi, on réduit et maintient une faible épaisseur de biofilm qui reste perméable à l’oxygène.

Inversement, sans brossage efficace, la teneur en oxygène décroît au sein du bio film. Les anaérobies facultatifs, comme le SM (qui initient la carie) [Hicks 2003], se développent (Fig. 6) ainsi que les bâtonnets gram-négatifs et spirochètes (associés à la parodontite) [Socransky & Haffajee 2005].

Ce biofilm épais qui vieillit abrite de plus en plus de pathogènes liés à la déminéralisation carieuse ou à l’infection parodontale. Sa nécessaire élimination est de plus en plus difficile.

Ceux qui réalisent quotidiennement des Nettoyage Prophylactiques Professionnels des Surfaces Dentaires (NPPSD) [Goodson & al. 2004] pour éliminer ces biofilms savent combien ils résistent aux agents mécaniques, physiques, chimiques de nos traitements. Traiter ces bactéries, qui se protégent au sein des biofilms qu’elles forment, est autrement plus complexe que lorsqu’elles flottent, isolées tel du plancton, dans la cavité buccale.

Quelles solutions prophylactiques proposer ?

L’utilisation de ces révélateurs nous apporte des informations concrètes utiles à la décision et au traitement cliniques, et ainsi nous pouvons :

  • évaluer la susceptibilité à développer des caries [en conjonction avec d’autres facteurs : Doméjean-Orliaguet & al.2009, Featherstone 2004]chez le patient suspecté de risque carieux élevé. Il faudra dans ce cas identifier les co-facteurs à travers une anamnèse simple. On pourra alors réduire les facteurs favorisant le développement et la persistance des biofilms acidogènes (brossage, alimentation, etc.)
  • justifier la mise en place de thérapies complémentaires au brossage pour réduire le développement des biofilms (par exemple cures de brossage suivi de rinçage à la chlorhexidine), limiter leur impact (application de gel d’ACP-CPP qui remonte le pH et met in situ des ions Calcium et Phosphate pour favoriser la reminéralisation des tissus durs) [Yengopal & Mickenautsch 2009]
  • mettre en évidence auprès du patient le rôle des bactéries acidogèniques dans son processus carieux personnel. Le patient est confronté au fait que la présence soupçonnée de biofilms créant de l’acidité n’est plus « supposée et théorique » mais bien visible et précisément localisée (Fig. 1, 5, 6)
  • faire prendre conscience au patient de l’importance de ne pas laisser « vieillir » son biofilm pour en faire un biofilm « dangereux », donc de l’importance d’un contrôle de plaque efficace et régulier
  • valider en toute objectivité, la compliance à nos instructions d’hygiène, avec un objectif simple : pas de biofilms matures acidogènes
  • enfin, et non des moindres : permettre au praticien au fauteuil, de savoir où agir avec précision, et décider des thérapeutiques prophylactiques à employer, permettant même de vérifier l’efficacité per-opératoire des techniques utilisées. ( Nettoyages Prophylactiques Professionnels des Surfaces Dentaires : NPPSD [Blique 1998], vernis fluorés, vernis décontaminant, ACP-CPP) (Fig. 7).
traitements-prophylactiques

Fig. 7 : identifier mieux les biofilms, c’est pouvoir affiner la nature des traitements prophylactiques à réaliser

Conclusion

Le révélateur de plaque est souvent considéré comme un « gadget » efficace mais salissant, destiné aux enfants brosseurs récalcitrants. L’évolution vers des formules plus sophistiquées en a fait un produit incontournable pour le patient, mais aussi pour le praticien, lorsqu’il s’agit de mettre en place une prophylaxie carieuse ou parodontale efficace.

Bibliographie

1. Axelsson P. et Lindhe J. – Effect of controlled oral hygiene procedures on caries and periodontal disease in adults. Results after 6 years J Clin Periodontol 1981 ; 8(3) : 239-248
2. Walsh Laurence J.- Recent Developments in Chairside Diagnostics for Dental Plaque Assessment: Dental Inc. Sep/Oct 2009
3. Teles, F., Teles, R., Sachdeo, A., Uzel, N., Song, Z., Torresyap, G., Sigh, M., Papas, A., Haffajee, A., Socransky, S.: Comparison of Microbial Changes in Early Redeveloping Biofilms on Natural Teeth and Dentures. J Perio 83: 1139-1148, 2012.
4. Socransky SS, Haffajee AD- Periodontal microbiology Periodontol Periodontology 2000, Vol. 38, 2005, 135–187.
5. Hicks J, Garcia-Godoy F, Flaitz C. – Biological factors in dental caries role of saliva and dental plaque in the dynamic process of demineralization and remineralization (Part 1). J Clin Pediatric Dent 2003; 28: 47-52
6. Axelsson P, Plaque Formation Rate Index (PFRI)-Indicator for prevention of caries, gingivitis and periodontitis, frequency and pattern of needs-related oral hygiene. Tandlakartidningen 79 :7 :387-391, 1987
7. Goodson JM, Palys MD, Carpino E, Regan EO, Sweeney M, Socransky SSMicrobiological changes associated with dental prophylaxis. J Am Dent Assoc. 2004 Nov;135(11):1559-64
8. Doméjean-Orliaguet S, Banerjee A, Gaucher C, Milètic I, Basso M, Reich E, Blique M, Zalba J, Lavoix L, Roussel F, Khandelwal P – Minimum Intervention Treatment Plan (MITP) – practical implementation in general dental practice J Minim Interv Dent 2009; 2: 103-23
9. Featherstone JD. -The caries balance: the basis for caries management by risk assessment. Oral Health Prev Dent. 2004; 2 Suppl 1: 259-264.
10. Yengopal V, Mickenautsch S. – Caries preventive effect of casein phosphopeptide-amorphous calcium phosphate (CPP-ACP): a meta-analysis. Acta Odontol Scand. 2009 Aug 21:1-12.
11. Blique M – Nettoyage Prophylactique Professionnel des Surfaces Dentaires Aspects pratiques 1ère Partie Information Dentaire n°19 du 14/05/98 1335-1340, 2ème Partie Information Dentaire n°22 du 04/06/98 1565-1569

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A propos de l'auteur

Dr. Michel BLIQUE

Pratique privée
Attaché Département Odontologie Pédiatrique
Faculté d’Odontologie de Nancy

Dr. Sophie GROSSE

Pratique privée Nancy

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