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Technique d’éclaircissement sur dents dépulpées

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Le traitement des dyschromies de la dent dépulpée conduit encore trop souvent à des solutions prothétiques mutilantes. Il existe pourtant une technique simple pour « blanchir » une dent dépulpée, permettant de réserver les techniques plus sophistiquées à des cas particuliers et d’éviter les solutions les plus délabrantes : le blanchiment ou éclaircissement interne en technique ambulatoire.
Cet article synthétique et clinique ne traitera pas de toutes les techniques d’éclaircissement des dents dépulpées mais simplement de celle qui nous semble présenter, aujourd’hui, un rapport coût/bénéfice/risque le plus favorable. Cette technique est actuellement parfaitement codifiée et donne des résultats très reproductibles, lorsque l’indication est bien posée. Depuis longtemps, cette technique utilisait un mélange de perborate de sodium avec de l’eau oxygénée, mais l’apparition de résorptions cervicales externes dans environ 15% des cas traités a fait abandonnée ce mélange pour ne garder que le perborate de sodium mélangé à de l’eau distillée. Dans ces dernières conditions, il n’y a aucun risque de résorption.

Etiologies des dyschromies des dents acquises

On trouve plusieurs étiologies à l’origine des dyschromies acquises des dents dépulpées :

  • nécroses et hémorragies pulpaires : Les dyschromies dentaires consécutives à un traumatisme sont les plus fréquentes. La coloration dentaire survient soit par dégénérescence du parenchyme pulpaire nécrosé, soit par le fait d’une hémorragie pulpaire, qui envahit les tubuli dentinaires. L’hémolyse libère alors de l’hémoglobine qui, en se dégradant, libère à son tour divers produits responsables de diverses colorations.
  • Un traitement endodontique incomplet : Les obturations incomplètes du système endocanalaire, oublier d’un canal et les débris de parenchyme pulpaire persistant au niveau de la chambre mal ouverte sont à l’origine de dyschromies par un mécanisme identique à celui de la nécrose.
  • Les pigmentations inorganiques iatrogéniques : Les produits de corrosion issus de restaurations métalliques et certains produits endodontiques (ciments d’obturation canalaire, Gutta percha…) peuvent diffuser dans les tubuli dentinaires et colorer l’organe dentaire.
  • Etanchéité des restaurations coronaires : On rencontre aussi très souvent des problèmes de colorations secondaires de ces dents dépulpées, suite à une mauvaise qualité de restauration en fin de traitement endodontique. Outre le problème de percolation bactérienne, le passage régulier des agents chromogènes dans la structure dentinaire a pour effet de colorer l’organe dentaire plus ou moins rapidement. Il est donc primordial d’effectuer au plus vite une restauration coronaire étanche à la suite d’un traitement endodontique.

Contre-indication de l’éclaircissement sur dent dépulpée

La technique d’éclaircissement a pour but de fragmenter des molécules pigmentées par phénomène d’oxydation. Ce résultat est obtenu par l’action d’un agent oxydant, l’eau oxygénée (ou solution aqueuse de peroxyde d’hydrogène), qui n’agit que sur les pigments organiques. Fort heureusement, la plupart des pigments colorés, que l’on rencontre au niveau dentaire, sont des pigments organiques. C’est dans ce principe d’action que se trouvent les limites et les contre-indications du blanchiment interne. En effet, toutes les dyschromies induites par des pigments indélébiles et inorganiques (produit de corrosion, amalgame…) sont réfractaires à la technique de blanchiment interne. De même, toutes les taches amélaires présentes avant le traitement se retrouveront à l’identique en fin de traitement, l’émail étant un substrat inorganique.

Procédure clinique

On utilisera donc le perborate de sodium, qui se présente sous forme d’une poudre cristallisée, blanche et anhydre. En présence d’humidité, il se forme un composé de métaborate de sodium, et de peroxyde d’hydrogène qui initiera un lent processus d’oxydation. La libération très progressive (sur 15 à 18 jours environ) de ses composants lui donne une action prolongée dans le temps, favorable aux techniques ambulatoires, pour oxyder l’ensemble des pigments et obtenir un bon éclaircissement des dents dépulpées. L’avantage de cette technique est qu’elle évite les produits à forte concentrations (comme le peroxyde d’hydrogène à 30 %) qui est une source potentielle de résorptions cervicales très souvent relatées dans la littérature.

Le seul désavantage de la technique [perborate de sodium + eau]est la durée du traitement.

Pour pouvoir entamer un tel traitement, il faut respecter les conditions suivantes :

  • un cliché radiographique doit être réalisé pour évaluer la qualité du traitement endodontique. En cas de traitement défectueux, celui-ci devra obligatoirement être repris.
  • des photographies de la situation initiale de la dent à blanchir sont indispensables en préambule de tout traitement cosmétique.

Le traitement doit se dérouler ainsi :

  • La cavité camérale est parfaitement nettoyée et débarrassée des résidus de tissu pulpaire et nécrotique, de ciment canalaire, qui pourrait être à l’origine d’une récidive de la dyschromie ou bien de limitation de l’action du produit éclaircissant.
    On veillera toujours à préserver le maximum de tissu sain et surtout la matière organique. Ainsi, la dentine colorée saine (= dentine affectée) ne doit pas être éliminée au risque de fragiliser l’organe dentaire. Le nettoyage de la chambre se fera préférentiellement à l’aide d’une fraise boule en carbure de tungstène.
  • Une cavité corono-radiculaire est réalisée au dépend de l’obturation canalaire. Cette cavité s’étend jusqu’à 2 mm au delà de la jonction amélo-cémentaire. Cette distance peut être augmentée ou modifiée en cas de récession parodontale importante jusqu’à un niveau plus occlusal que l’attache épithéliale afin d’éviter l’infiltration du produit de blanchiment au niveau de l’attache épithéliale par les canalicules dentinaires, très nombreux à ce niveau. L’obturation canalaire est étanchéifiée par la mise en place d’un bouchon de ciment (CVI, CVIMAR, ciment oxyphosphate…).
    Ce bouchon est d’autant plus important que la notion de minéralisation des tissus dentaires est faible : plus un patient est jeune, plus la notion de jonction amélo-cémentaire doit être respectée.
  • Le mélange perborate de sodium + eau en consistance « crème fraîche épaisse » est placé dans la cavité à l’aide d’un porte amalgame ou d’une spatule de bouche et sera ensuite tassé dans la cavité à l’aide d’une boulette de coton, plus ou moins humide.
  • La fermeture provisoire de la dent est alors réalisée à l’aide d’un bouchon de ciment de verre ionomère ou d’un eugénate à prise rapide. La notion d’étanchéité de cette restauration interséance est essentielle : en effet, une fuite du perborate aurait pour effet de retarder ou d’annuler l’efficacité du traitement. La libération des agents oxydants se fait principalement au cours des 10 premiers jours ; il est conseillé de le laisser 3 semaines pour obtenir un résultat optimal. Passé ce délai, on peut renouveler le produit de blanchiment en cas de nécessité. En général, il suffit de 1 à 2 applications (3 au maximum) pour obtenir un bon éclaircissement. Le nombre de séance dépend directement de l’intensité et de l’âge de la coloration.
  • Lorsque l’éclaircissement est satisfaisant, il reste à rincer, sécher et placer une obturation provisoire et attendre au moins 1 semaine avant de réaliser l’obturation finale à l’aide de composite monté par stratification. Ce temps d’attente permet un collage amélo-dentinaire sans défaut de polymérisation, le peroxyde d’hydrogène amenant une boue dentinaire qui se dissout pendant ce laps de temps (fig. 6). La condition essentielle de la stabilité de la teinte est aussi liée à la bonne herméticité de la restauration coronaire et canalaire.
  • Des photographies de fin de traitement et des radiographies sont réalisées en fin de traitement et lors de chaque séance de contrôle, qui sont espacées de 6 mois.
    Le vieillissement tissulaire intervenant, la dent blanchie pourra de nouveau se colorer dans le temps. On observe des récidives variant de 1 à 5 ans en moyenne. Les récidives les plus importantes sont observées chez les jeunes patients. La technique perborate de sodium + eau pourra alors de nouveau être effectuée.

La-technique-très-simple

La technique très simple est résumée dans les schémas suivants :

Fig. 1 à Fig. 6 : les étapes cliniques du blanchiment interne sur dent dépulpée

  1. Fig. : Importance de l’évaluation de qualité de l’obturation canalaire et de la perte de substance coronaire avant tout blanchiment interne.
  2. Fig. : Nettoyage de la cavité camérale et élimination de ses résidus de tissu pulpaire et nécrotique, de ciment canalaire, qui pourraient être à l’origine d’une récidive de la dyschromie.
  3. Fig. : Réalisation d’une cavité corono-radiculaire au dépend de l’obturation canalaire. Cette cavité s’étend jusqu’à 2 mm au delà de la jonction amélo-cémentaire. L’obturation canalaire est étanchéifiée par la mise en place d’un bouchon de ciment.
  4. Fig. : Le mélange perborate de sodium + eau en consistance « crème fraîche épaisse » est placé dans la cavité à l’aide d’un porte amalgame ou d’une spatule de bouche et sera tassé dans la cavité à l’aide d’une boulette de coton.
  5. Fig. : La fermeture provisoire de la dent est réalisée à l’aide d’une petite boulette de coton et d’un bouchon de ciment de verre ionomère ou eugénate à prise rapide.
  6. Fig. : Après éclaircissement, la dent est restaurée à l’aide un composite, de teinte claire, monté par stratification.
Cas-cliniques

7a : Cas d’une coloration gris rose suite à un choc sur 21, 5 ans auparavant. 7b : Résultat après 2 séances de perborate de sodium : on peut noter la bonne intégration de couleur, avec toutes les caractérisations initiales de cette dent après traitement. 8a : Choc sur 11 et 21 – couleur grise de la dent 21 – la 11 est à surveiller régulièrement. 8b : Après 2 séances de perborate, l’éclaircissement est très satisfaisant. En fin de traitement, la dent semble souvent plus opaque : il faut attendre 6 à 8 semaines avant que la dent ne retrouve sa translucidité naturelle. 9a : Coloration jaune, datant de 10 ans, sur 11, suite à un choc. Le composite sur cette dent est maintenu en place. 9b : Contrôle du traitement (en 2 séances) après 2 ans. Le composite sur 11 n’a pas été refait. 9c et 9d : Vue naturelle de la bouche avant et après traitement

L’âge de la décoloration ainsi que le degré de minéralisation du patient influence directement le temps du traitement. La condition essentielle de la stabilité de la teinte obtenue est liée à la bonne herméticité des restaurations qu’elles soient canalaires ou de reconstitution coronaire. Cependant, le vieillissement tissulaire intervenant, la dent traitée aura à nouveau, dans le temps, une teinte un peu plus différenciée que celle des dents adjacentes quelles soient naturelles et vivantes ou recouvertes prothétiquement. Il s’agit d’une technique qui est souvent présentée comme « temporaire » pour nos patients.

Conclusion

Avec une technique simple, rapide et reproductible, il est extrêmement facile de répondre à une demande esthétique tout en respectant l’intégrité tissulaire. Magne et Belser décrivent dans leur livre « restaurations adhésives en céramiques sur dents antérieures » (quintessence, 2003) une approche très rationnelle : au chapitre 3, intitulé « modalités thérapeutiques ultraconservatrices », on peut lire : « Le choix doit d’abord se porter sur les protocoles les plus simples (traitements chimiques et composites directs) avant d’envisager des techniques plus sophistiquées (facettes et couronnes), en cas de nécessité absolue … La maîtrise de ces techniques et une sélection précise des indications permettent souvent d’éviter des traitements plus invasifs et donc tout risque d’atteinte de la biomécanique de la dent ».

A travers, ces lignes on perçoit tout l’intérêt de cette technique d’éclaircissement des dents dépulpées, qui reste un procédé simple, efficace et reproductible.

Aspect-avant-et-après-traitement-en-situation-normale

10a : Coloration jaune très intense sur 22, suite à un traumatisme très ancien. 10b : Résultat après une séance de perborate + eau et motivation du patient par enseignement de l’hygiène orale. 11a : Jeune patiente présentant une coloration jaune intense et homogène sur 21 suite à un traumatisme. 11b : Résultat après une seule séance de traitement : il est très important de bien respecter la zone du collet anatomique pour placer le bouchon de CVI chez les jeunes patients. 11c et 11d : Aspect avant et après traitement en situation normale. 12a : Traumatisme sur 11 avec fracture de l’angle mésial, ayant entrainé une coloration jaune. 12b : Résultat après 2 séances de traitement : très bonne intégration de la couleur ; la patiente n’a pas souhaité refaire son angle fracturé 12c et 12d : Photographies de la bouche avant et après traitement

Bibliographie : lectures conseillées

1. Les dyschromies dentaires : de l’éclaircissement aux facettes céramiques – FAUCHER AJ, PIGNOLY C., KOUBI GF, BROUILLET JL. Guide clinique – Editions CDP – 2001
2. Traitements des dyschromies en odontologie – MIARA Alexandre et MIARA Paul – Collections Mémento – Editions CDP – 2006
3. Blanchiment des dents pulpées et dépulpées. CLAISSE Anne, BONNET Eric., CLAISSE Dominique. Editions
4. Techniques – Encyclopédie Médico-Chirurgicale (Paris, France), Odontologie, 23-150-A-10,2000,10p.
5. Techniques d’éclaircissement dentaire et projet esthétique. LOUIS Jean-Jacques, BONNET E. Réalités Cliniques – Vol 14 2003 : 393-407.
6. Eclaircissement interne des dents dépulpées : les clés du succès. LEHMANN Nicolas , BONNET E.,. Clinic (Paris, France), N°26 : 375 – 382 – Septembre 2005.

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A propos de l'auteur

Dr. Eric BONNET

Docteur en chirurgie dentaire
Docteur de l’université Claude Bernard
Ancien assistant de la faculté d’odontologie de Lyon

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