Quels arguments avancer aux patients qui souhaitent tenter l’expérience du tourisme dentaire ?
Le tourisme dentaire a le vent en poupe. En 2013, près de 21300 assurés français sont sortis des frontières hexagonales pour faire soigner leurs dents dans d’autres pays. Avec la crise, de plus en plus de ménages ont des difficultés à boucler leurs fins de mois. Et le système de santé français possède des lacunes qui font que certaines personnes regardent vers l’étranger pour réaliser leurs soins. De nombreux patients ne cherchent plus qu’à opter pour «les plus offrants».
Voilà pourquoi ils se tournent vers l’Espagne, la Hongrie, le Portugal ou l’Afrique du Nord. Gérés en collaboration avec des agences de voyages, ces cabinets étrangers possèdent des sites Internet faisant appel aux techniques marketings les plus sophistiquées. Difficile de lutter à armes égales ! Il est facile de remarquer comment les patients mal informés peuvent être attirés par une baisse de leurs frais dentaires. Sauf que, se faire soigner à moindre coût a un prix.
Quelle attitude adopter ?
Ce type de situation est très délicat. Si vous en parlez alors que vos patients ne se posent pas la question, vous risquez de faire germer l’idée dans leur tête. Par contre, si vous n’abordez pas le sujet, ils risquent de ne rien vous dire et céder aux sirènes du tourisme dentaire. Ma suggestion est d’aborder clairement le sujet avec les patients pour lesquels vous auriez un doute. Présentez-le comme un devoir d’information de votre part. L’objectif est de donner une information complète pour que les patients puissent être informés en toute objectivité et non uniquement sur la foi de publicités enchanteresses ! En tout état de cause, la meilleure attitude est de créer une réelle relation de confiance avec eux. Ainsi, le patient n’aura pas l’idée de se renseigner ailleurs.
Que répondre à leurs questions sur le tourisme dentaire ?
Tout d’abord ne jamais se sentir agressé, être contrarié ou sur la défensive face à ce type de question.
ÉTAPE 1
Remerciez le patient d’en parler avec vous et comprenez qu’il puisse se poser la question !
ÉTAPE 2
Précisez qu’il est de votre devoir de l’informer des risques.
ÉTAPE 3
Listez les risques de façon générale sans dévaloriser les confrères étrangers : « Je ne les connais pas, ce sont peut-être de bons praticiens mais les standards de formation ne sont pas les mêmes dans tous les pays».
Je vous propose d’avancer auprès de vos patients les arguments suivants afin de les informer au mieux avant toute prise de décision de leur part.
Les lignes qui suivent sont destinées aux patients
Tourisme dentaire : une fausse bonne idée !!!
Sous la pression d’un marketing puissant, certaines personnes pourraient être tentées de réaliser leur traitement à l’étranger pour obtenir des tarifs à première vue moins élevés. Cependant, si certains traitements sont moins chers, d’autres le sont beaucoup plus qu’en France. Or, la publicité est réalisée sur les seuls traitements les moins onéreux et non pas sur l’ensemble des soins. Ces derniers viennent alourdir, sans remboursement, lourdement parfois le devis de prothèse ou d’implants.
C’est le cas, dans certains pays, pour les dents dévitalisées, les extractions, et certains autres soins.
D’autre part, la différence de tarif justifie-t-elle la prise de risque ?
RISQUE 1
La dentisterie est une activité médicale. À un moment donné, quelque chose peut mal tourner voire très mal tourner, surtout en cas de chirurgie telle que la pose d’implant. Si vous êtes à l’étranger confronté à une situation d’urgence, êtes-vous certain d’avoir un hôpital à proximité avec des experts compétents ? Aurez- vous le soutien d’un membre de votre famille et d’un ami ? Aurez-vous même la capacité de communiquer correctement aux professionnels de santé dans votre langue maternelle ? La France est équipée d’infrastructures pour faire face aux urgences d’origine dentaire et les chirurgiens-dentistes français sont formés aux soins d’urgence. Par ailleurs, si vous êtes accompagné par une tierce personne, il faudra ajouter le prix de son déplacement dans le coût de votre traitement. Enfin, vérifiez bien que l’assurance complémentaire couvre tous les frais en cas d’hospitalisation éventuelle.
RISQUE 2
L’origine des matériaux utilisés peut être obscure, la traçabilité pas toujours assurée. Les patients qui souhaitent réaliser des traitements à l’étranger ont souvent besoin de bridges ou d’implants. Si peu de temps après votre traitement vous êtes confrontés à un problème infectieux ou une défaillance quelconque, qui va assurer la réparation ? Devant qui devrez-vous porter plainte ? Le dentiste étranger est-il couvert par une assurance « responsabilité civile » qui couvrira les frais en cas d’erreur ? Les matériaux dentaires français sont réglementés par la Haute Autorité de Santé et l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. Par ailleurs, la nouvelle règlementation française sur les devis dentaires impose d’indiquer clairement l’origine des matériaux utilisés. Il n’est pas sûr que ces standards soient aussi élevés dans tous les pays.
RISQUE 3
Etes-vous certain que le dentiste qui vous soigne soit qualifié pour effectuer le traitement ? Dans certains cas, êtes-vous certain qu’il s’agit bien d’un dentiste et non d’un aide opératoire tel qu’une hygiéniste, une assistante ou prothésiste ? En France, seuls les chirurgiens-dentistes ont le droit d’exercer en bouche.
RISQUE 4
Quel est le niveau de qualification du dentiste que vous verrez à l’étranger ? Certains pays, surtout ceux avec des écoles dentaires privées, tolèrent un niveau de formation qui ne correspond pas forcément aux normes françaises. En France, les chirurgiens-dentistes ont le titre de Docteur en Chirurgie dentaire. Ils font partie intégrante des professions médicales. (Leur nomenclature fait d’ailleurs partie de la nomenclature des actes médicaux). Ils suivent un entraînement et une formation poussés dans les Universités, sont obligatoirement inscrits à l’Ordre des Chirurgiens dentistes pour exercer et doivent suivre une formation professionnelle continue obligatoire.
RISQUE 5
Le risque d’infection nosocomiale dans les hôpitaux et les cabinets dentaires peut être une préoccupation très réelle dans certains pays. Comment être certain que les instruments ou les fauteuils utilisés ont été convenablement désinfectés et stérilisés ? En France, les cabinets dentaires doivent se conformer aux protocoles de contrôle de l’infection sévères imposés par le Ministère de la Santé (Guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire). Les stérilisateurs utilisés pour stériliser le matériel doivent être de Classe B, c’est-à-dire être actifs sur toutes les bactéries et virus y compris le prion.
RISQUE 6
Enfin, assurez-vous de savoir quand et comment le règlement doit être effectué. N’effectuez jamais d’acompte avant d’avoir rencontré le praticien étranger et surtout pas de règlement anticipé.
Il s’agit de votre argent, de vos dents et surtout de votre santé !
Votre santé bucco-dentaire est très importante. Que vous ayez besoin du traitement d’une simple carie ou d’un travail dentaire complexe, vous devez toujours être conscient et informé des avantages et des risques associés au traitement. Même si le coût financier du traitement peut sembler élevé, votre santé est plus importante. Avant d’envisager sérieusement tout traitement dentaire à l’étranger, consultez votre chirurgien-dentiste de famille, posez lui toutes les questions et évaluez objectivement toutes les options.
N’oubliez pas, il s’agit de votre argent, de vos dents et surtout de votre santé !
Un commentaire
Pourquoi partir loin quand on peut faire appel à des dentistes low-cost qui proposent également la pose de couronnes et d’implants dentaires à moindre coût dans des centres spécialisés en France ? À vous de juger ! Les dentistes low-cost se développent également en France, et, même s’ils provoquent la colère des dentistes plus classiques, ils proposent des prestations bien moins chères.