En cette période de trouble économique, nous espérons tous que 2009 ne sera pas aussi catastrophique que ce que les médias nous annoncent. Il est à noter qu’au cabinet dentaire, une attitude pessimiste ne fera qu’aggraver les problèmes car elle rejaillira inévitablement sur les patients. Ne laissez pas l’ambiance morose miner vos efforts en vue de soigner et servir vos patients de la meilleure manière possible !
C’est pourquoi ma première recommandation pour réduire le stress ne concerne pas le domaine dentaire. C’est celle-ci : Ne regardez plus le journal télévisé, n’écoutez plus les informations à la radio (non, je plaisante !).
Le burn-out du chirurgien-dentiste : un risque courant
Plus sérieusement, votre métier est-il en train de vous épuiser ? De façon surprenante, le « burn-out », c’est à- dire l’épuisement professionnel est assez fréquent dans notre profession. Nous avons pu constater que l’isolement en est certainement l’un des paramètres les plus importants. En effet, la plupart des chirurgiens-dentistes exercent seuls en tant que praticiens.
Notre profession est physiquement et nerveusement épuisante. Nous exerçons quasiment sans bouger, avec nos mains dans l’espace réduit qu’est la bouche de nos patients, sans compter l’éclairage surpuissant et les bruits stridents de nos équipements. De plus, nous devons, bien sûr, prendre en charge l’anxiété du patient. Enfin, ajoutons à cela l’angoisse généralisée liée à la crise et le cocktail peut devenir détonnant.
Pour un praticien exerçant dans un cabinet avec un gros volume de patients, le stress peut ainsi être sans répit.
Il n’est pas étonnant alors, dans ce contexte, que notre profession compte parmi celles où le nombre de dépressions, maladies cardiaques, et autres divorces voire (heureusement plus rarement) suicides est proportionnellement élevé. Sans parler des pathologies vertébrales, auditives et oculaires et dans certains cas de l’alcoolisme. Il y a un syndrome classique en milieu de carrière : votre cabinet s’est bien développé, vous travaillez 8 à 11 heures par jour. Un beau matin, vous vous réveillez en réalisant que vous n’aimez plus ce que vous faites. Si tel est votre cas, c’est le bon moment pour vous poser les questions suivantes :
Suis-je heureux (se) dans ma profession? Est-ce que le métier que j’exerce n’est pas en train de m’épuiser ? Quel type de relation ai-je développé avec mes patients : de simples contacts professionnels ou une véritable relation de confiance ?
Il est intéressant de savoir qu’assez fréquemment les patients développent de meilleures relations sur le long terme avec les assistantes qu’avec les praticiens. « Comment cela est-il possible ? », allez-vous me dire.
En réalité une grande majorité d’entre nous travaillent de façon régulière avec un fonctionnement de crise.
Explication : nous traitons les dents de nos patients les unes derrière les autres du mieux que nous pouvons et assez souvent dans l’urgence. À mes yeux, la meilleure façon de conserver le plaisir de travailler est de développer une approche plus large de notre relation avec nos patients et de leur porter encore plus d’attention. Je considère que les meilleurs patients sont ceux qui ont le désir d’avoir une santé dentaire optimale. Dans le même temps, c’est cela qui rend notre profession attrayante : réaliser sans cesse de meilleurs soins sur les patients qui apprécient cette qualité. L’immense majorité des chirurgiens-dentistes sont très consciencieux. Cependant, il me paraît aujourd’hui une évidence de dire que le praticien qui limite son activité uniquement aux traitements remboursés (Sécurité sociale et/ou compagnies d’assurance) augmente de façon importante le risque de désintérêt pour sa profession.
Trouver son équilibre
La meilleure façon d’éviter la dépression professionnelle est de prendre du recul vis-à-vis de votre activité.
Mais malheureusement, nous chirurgiens-dentistes sommes entraînés à observer les micro-détails, c’est ce à quoi nous avons été formés. Aussi, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée doit être l’une de vos priorités. Cependant, il n’est pas toujours facile d’y parvenir sans aide. Voici quelques pistes pour réduire votre stress et vous aider à atteindre cet équilibre :
Planifiez du temps pour la réflexion : en effet, l’absence de recul vis-à-vis du cabinet crée un stress insidieux car il s’insinue progressivement dans l’activité quotidienne. C’est pourquoi des périodes de réflexion au cours desquelles vous prenez le temps d’évaluer votre activité, votre motivation et votre désir de progresser vous permettront de comparer votre exercice actuel avec l’exercice que vous désirez. Le décalage entre les deux est souvent à l’origine d’un stress de fond.
Fixez-vous des objectifs de production réalistes pour votre cabinet : même si le secteur de la santé est épargné plus qu’un autre par cette crise, les difficultés actuelles auront vraisemblablement un impact sur nos cabinets. Dépasser les résultats de l’année dernière est un véritable défi aujourd’hui. Heureusement, il reste beaucoup de pôles d’amélioration dans les cabinets dentaires français. Cependant, seule une amélioration continue et pertinente de votre organisation vous permettra d’espérer un accroissement important de vos résultats. Sinon, fixer des objectifs trop ambitieux est source de frustration.
En période faste, il est recommandé de fixer des objectifs annuels avec 10 à 15 % de croissance. En cette période plus délicate, optez plutôt pour un objectif identique à celui de l’année dernière ou légèrement supérieur.
Si vous faites mieux, ce sera un bonus (Cela n’inclut pas l’augmentation annuelle des honoraires. Celle-ci est recommandée pour compenser l’inflation dentaire).
Enfin, améliorez l’ensemble de vos systèmes organisationnels : les rendez-vous, la présentation des projets de traitement, le système d’encaissement, la gestion, la cohésion d’équipe et la qualité du service.
Mettez à jour les descriptions de poste pour les membres de votre équipe. En effet, c’est généralement l’insuffisance de clarification des tâches attendues qui crée des tensions internes. Un manque de systèmes crée une très importante déperdition d’énergie, d’efforts et est source de nombreux dysfonctionnements.
Sans descriptions des fonctions bien définies, il n’y a aucune responsabilité et aucune manière d’évaluer le travail effectué. Entourez-vous de personnes positives et motivées. N’acceptez pas, par dépit, d’avoir des personnes négatives dans votre cabinet.
Restez physiquement actif : il s’agit de l’une des meilleures façons de combattre les effets néfastes du stress. L’exercice physique régulier est l’une des conditions essentielles pour durer dans notre métier.
Pas besoin pour cela de devenir un sportif de haut niveau. À votre rythme, commencez par la marche au cours de la journée. Dès que vous le pouvez, marchez plutôt que de prendre la voiture. Investissez dans un vélo d’appartement ou un tapis de course. Privilégiez également des activités en plein air. En effet, notre métier nous enferme dans des pièces exiguës avec de plus le port du masque, des gants, etc. Enfin, n’oubliez pas de vous étirer régulièrement en cours de journée (2 mn chaque heure).
Développez une activité sociale en dehors du cabinet : qu’il s’agisse d’associations locales ou professionnelles (formation continue ou autre), de réseaux caritatifs, n’hésitez pas à vous inscrire car le contact avec les groupes sociaux prévient le repli sur soi et développe d’autres pôles d’intérêt.
Établissez un rituel pour célébrer vos petites réussites : organisez avec votre assistante ou même parfois avec un patient une petite collation à la fin d’un traitement difficile. Accordez-vous des moments de détente afin de casser l’engrenage du stress. Cela, loin d’être une idée farfelue, fait partie du professionnalisme.
Notre rôle dépasse largement celui réducteur que veulent nous faire jouer les organismes de remboursement en tant que simples techniciens des dents. En réalité, c’est bien plus comme conseiller en dentisterie que nos patients nous perçoivent aujourd’hui. Ils viennent certes chercher des traitements mais également souhaitent être compris et guidés dans leurs choix par un professionnel en qui ils placent leur confiance. Ce changement de perception est à mes yeux l’une des clés pour conserver (ou retrouver) le plaisir et j’ose le dire, la fierté d’être chirurgien-dentiste. Sans cela, il est certain que le désintérêt et son cortège de frustrations qui en découlent ne sont pas loin. Un fort sentiment d’utilité au sein de la société nous permet d’exercer plus sereinement un métier certes passionnant mais aussi qui soumet nos organismes à un stress très élevé. Il est également nécessaire pour nous permettre de trouver un équilibre personnel en dehors du cabinet. Au bout du compte, n’est-ce pas là l’objectif le plus élevé d’une carrière réussie ?