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Démarche diagnostique et thérapeutique pour la gestion des taches blanches de l’émail.

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Résumé

Dans notre pratique quotidienne, les taches blanches de l’émail sont devenues un motif de consultation de plus en plus fréquent. Cependant, de nos jours, il existe plusieurs options thérapeutiques qui visent à traiter ce type de lésion. Le choix de l’une ou l’autre de ces thérapeutiques repose sur leur mécanisme d’action d’une part, et des particularités histopathologiques de ces lésions d’autre part. Par conséquent, la compréhension de ces lésions d’un point de vue anatomopathologie ainsi que le mode d’action des différentes solutions thérapeutiques est nécessaire afin de porter son choix sur la thérapeutique optimale. Dans cet article, nous proposons à travers des cas cliniques une démarche diagnostique et thérapeutique pour la gestion des taches blanches de l’email.

Introduction

Les taches blanches de l’email sont devenues, de nos jours, un motif de consultation de plus en plus fréquent. Indépendamment de leurs étiologies, ces lésions sont d’un point de vue histologique des hypominéralisations amélaires responsable de leur aspect blanchâtre typique.[1] Aujourd’hui, l’arsenal thérapeutique qui vise à traiter ce type de lésions est vaste, reposant sur des principes différents et des mécanismes d’actions qui leur sont propres.[2-4] Face à cette panoplie thérapeutique, il est parfois difficile de choisir le traitement adapté à la situation clinique. Le but de cet article est de faire une mise au point sur les différentes solutions thérapeutiques qui s’offrent à nous, d’en poser les indications et limites et enfin de proposer une démarche thérapeutique claire et codifiée lorsqu’on est confronté à ce type de lésion.

À un même problème histopathologique, plusieurs options thérapeutiques.

La compréhension de la nature histopathologique des taches blanches est fondamentale afin de choisir l’option thérapeutique adaptée.

D’un point de vue histopathologique les hypo minéralisations amélaires présentent un déficit de la phase minérale au détriment de la phase organique. L’organisation prismatique y est conservée mais demeure moins dense d’où un email poreux et perméable. Enfin, l’élargissement des espaces inter prismatiques crée de larges failles comblées par une matrice riche en protéine. Sur le plan optique, l’hétérogénéité de cette organisation cristalline contribue à la perturbation de la trajectoire des rayons lumineux rendant toute la lumière incidente à ces lésions réfléchie d’où leur aspect blanchâtre. [1]

A la lumière de ces données histopathologiques, le traitement des taches blanches de l’email consiste soit à restituer l’email hypominéralisé ad integrum soit camoufler la lésion sur le plan optique ou enfin l’éliminer mécaniquement.

Des solutions optiques mécaniques ou biologiques

Le fraisage vise dans un premier temps à éliminer la lésion sur toute sa profondeur pour la restaurer à la résine composite dans un second temps. Bien que cette option thérapeutique améliore le résultat esthétique, cette approche reste cependant invasive et ne s’intégre pas dans le contexte de dentisterie a minima actuelle. (Fig. 1) Dans ce contexte, la micro-abrasion consiste à éliminer chimiquement et mécaniquement, les couches les plus superficielles de l’email en concomitance avec l’email lésionnel. (Fig. 1)

Si la micro-abrasion est considérée à ce jour une thérapeutique à part entière, son indication demeure néanmoins limitée aux lésions localisées aux couches les plus superficielles de l’émail. A contrario, pour des lésions confinées dans l’épaisseur de l’email, cette technique n’éliminant que l’email superficiel va tendre à exposer la lésion et la rendre encore plus visible. (Fig. 2)

Figure 2 : (1,2) Hypominéralisation affectant la pointe canine mandibulaire. Son aspect jaunâtre et confiné suggère sa localisation profonde au niveau de l’épaisseur de l’émail. (3, 4) La micro-abrasion, n’éliminant que l’émail superficiel à exposé la lésion la rendant sur le plan visuel blanche et clairement délimité.

Si le fraisage et la micro abrasion sont des thérapeutiques mécaniques, la reminéralisation reste l’approche la plus ‘’biologique’’. Néanmoins, elle présente de nombreux inconvénients. En effet, c’est une thérapeutique de longue haleine dont les résultats ne se font ressentir sur le plan esthétique qu’après plusieurs semaines, voire des mois. Aussi, du fait qu’elle ne permette pas une reminéralisation en profondeur, elle ne reste indiquée, d’un point de vue topographique, que pour des lésions superficielles et minces. [1]

À la différence de la reminéralisation, l’éclaircissement et l’infiltration sont quant à eux des thérapeutiques a visée optique. Bien qu’avec des modes d’action antagonistes, la finalité de ces thérapeutiques est de rapprocher sur le plan optique l’email sain et hypomineralisé. [5, 6]

L’éclaircissement permet d’atténuer le contraste entre la tache blanche et la dent en augmentant la luminosité globale de celle-ci. De ce fait, l’éclaircissement, n’a de sens que si la dent est peu lumineuse. (Fig. 3)

Figure 3: (1) Hypominéralisation affectant l’ensemble de l’incisive centrale. La denture étant peu lumineuse l’éclaircissement a été proposé afin de camoufler ce défaut esthétique. (2) L’éclaircissement ambulatoire au peroxyde de carbamide à 10 % (Philips Zoom NiteWhite, Discus Dental, Stamford,USA) a permis après une semaine de gagner en luminosité. (3) Par effet de contraste, le défaut esthétique après 21 jours, s’est trouvé corrigé.

 

L’éclaircissement vise à rapprocher la luminosité de la dent à celle de la tache, le but de l’infiltration est inverse et consiste à modifier les propriétés optiques de la lésion afin que sa luminosité tende à celle de la dent. Cette thérapeutique, bien qu’ingénieuse, nécessite au préalable, selon la topographie de la lésion, la ‘’mise à nue’’ de celle-ci par des moyens chimiques ou mécaniques, plus ou moins invasifs. (Figure 4)

Figure 4 : (1, 2) Hypominéralisation affectant le tiers cervical de l’incisive centrale (3, 4, 5, 6) Phase d’exposition à la lésion (2, 8) Phase de comblement de la lésion par la résine infiltrante.

 

Des thérapeutiques topographie dépendante et l’intérêt d’une classification topographique.

Ainsi, à l’exception de l’éclaircissement, car n’agit pas sur la lésion à proprement parler, le succès ou l’échec des autres thérapeutiques sont directement liée à la localisation topographique de la lésion au sein de l’email. De ce point de vue, il est donc essentiel de connaitre au préalable la topographie de ces lésions en vue d’adapter un protocole spécifique à chaque localisation topographique.

Indépendamment de leur étiologie, les hypominéralisations amélaires se présentent d’un point de vue topographique selon trois configurations. Elles peuvent être superficielles, profondes recouvertes par de l’email sain, ou mixte c’est à dire, sur le plan topographique, avoir une composante à la fois superficielle et profonde. [1, 7]

Cliniquement, comme déja évoqué dans un article précédent, cette topographie peut facilement être objectivée à l’aide de la transillumination. Ainsi, une lésion sera d’autant plus profonde que ses bords sont flous et inversement d’autant plus superficielle que les bords sont nets.[8] [9] Alors que leurs association traduira sur le plan topographique la présence d’une lésion mixte. [10] [11]

Figure 5: schématisation et vue en
transillumination d’une lésion superficielle
(1), mixte (2) et profonde (3).

Une démarche thérapeutique à chaque localisation topographie.

D’un point de vue thérapeutique, l’infiltration demeure le traitement principal, lui conférant l’avantage d’être une solution de compromis idéal à la fois esthétique et conservatrice.

Cependant, son succès, repose au préalable sur une connaissance exacte de la topographie de la lésion qui selon la profondeur de celle-ci permettra par des moyens plus ou moins invasifs d’exposer la lésion sur toute sa surface afin de l’infiltrer par la suite.

Figure 6 : Shématisation de la démarche thérapeutique à adopter. En fonction de la localisation de la lésion de mesure plus ou moins invasive vont être mise en oeuvre afin d’exposer la lésion dans un premier temps par la suite à combler dans un second temps.

Ainsi, d’un point de vue topographique, la démarche thérapeutique consiste en d’abord à
l’exposition de la lésion. Le but de cette phase est d’éliminer l’email sain qui recouvre la lésion
pour atteindre le plafond de celle-ci et donc de transformer les lésions mixtes et profondes en
lésions superficielles. Selon la profondeur de la lésion, des moyens chimiques ou en combinaison
avec des moyens mécaniques seront mis en oeuvre pour atteindre cet objectif. Une fois exposé, le
comblement de la lésion par infiltration de résine pourra être entrepris. (Fig. 6)
Bien que l’infiltration permette de traiter en profondeur les hypominéralisations amélaires, elle peut
néanmoins être incomplète.
Cliniquement, l’infiltration incomplète se traduit par la persistance d’un effet de bord inesthétique
facilement détectable en transillumination.
Dans ce contexte la réhydratation revêt une importance capitale. En effet, avec le temps, la lésion
infiltrée connait une absorption hydrique permettant une amélioration de la translucidité de l’email.
(72h à une semaine) Figure 7

Figure 7: (1) état initial d’un patient présentant une lésion blanche. (2) Résultat postopératoire. (3) Après 72h et
réhydratation de la lésion on note une amélioration remarquable de l’aspect de la tache avec une disparition quasi-
complète de la lésion avec la persistance d’un léger effet de bord dans le segment incisal de la lésion.

Conclusion

Esthétique et conservatrice, l’infiltration peut être considérée comme une véritable révolution dans le traitement des taches blanches de l’émail. Cependant, cette thérapeutique est topographie dépendante, et la connaissance au préalable de la localisation de l’hypominéralisation est indispensable. De ce point de vue, l’intérêt de la transillumination est inconstatable dans la lecture de ces lésions et dans leur classification topographique. Enfin, la démarche thérapeutique proposée, constituée d’une phase d’exposition et d’une phase de comblement permet d’intégrer l’ensemble des thérapeutiques proposées jusqu’alors de manière cohérente et logique.

 

Remerciements : laboratoire de recherche santé orale et réhabilitation bucco-faciale LR12ES11 Faculté de médecine dentaire de Monastir – Université de Monastir

Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt avec le sujet abordé.

Bibliographie

1. Denis M, Atlan A, Vennat E, Tirlet G, Attal J-P. White defects on enamel: diagnosis and anatomopathology: two essential factors for proper treatment (part 1). International Orthodontics. 2013;11(2):139-65.

2. Mastroberardino S, Campus G, Strohmenger L, Villa A, Cagetti MG. An Innovative Approach to Treat Incisors Hypomineralization (MIH): A Combined Use of Casein Phosphopeptide-Amorphous Calcium Phosphate and Hydrogen Peroxide—A Case Report. Case reports in dentistry. 2012;2012.

3. Senestraro SV, Crowe JJ, Wang M, Vo A, Huang G, Ferracane J et al. Minimally invasive resin infiltration of arrested white-spot lesions: a randomized clinical trial. The Journal of the American Dental Association. 2013;144(9):997-1005.

4. Pini NIP, Sundfeld-Neto D, Aguiar FHB, Sundfeld RH, Martins LRM, Lovadino JR et al. Enamel microabrasion: An overview of clinical and scientific considerations. World J Clin Cases. 2015;16(1):34-41.

5. Kielbassa AM, Ulrich I, Treven L, Mueller J. An updated review on the resin infiltration technique of incipient proximal enamel lesions. Med Evol. 2010;16:3-15.

6. Paris S, Schwendicke F, Keltsch J, Dörfer C, Meyer-Lueckel H. Masking of white spot lesions by resin infiltration in vitro. Journal of dentistry. 2013;41:e28-e34.

7. Attal J-P, Atlan A, Denis M, Vennat E, Tirlet G. White spots on enamel: treatment protocol by superficial or deep infiltration (part 2). International Orthodontics. 2014;12(1):1-31.

8. Fleming RW, Jensen HW, Bülthoff HH, editors. Perceiving translucent materials. Proceedings of the 1st Symposium on Applied perception in graphics and visualization; 2004: ACM.

9. Kersten MA, Stewart AJ, Troje N, Ellis R. Enhancing depth perception in translucent volumes. Visualization and Computer Graphics, IEEE Transactions on. 2006;12(5):1117-24.

10. Marouane OD, N. Traitement focal de l’hypominéralisation traumatique de l’émail. L’ Information dentaire. 2016;98(26):2-7.

11. Marouane O, Douki N, Chtioui F. Alternative Conservative Treatment for Enamel White Lesions: A Case Report. Journal of Cosmetic Dentistry. 2017;33(3):48-54.

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A propos de l'auteur

Omar Marouane

Assistant hospitalo-universitaire en odontologie conservatrice et restauratrice, Service de médecine
dentaire - Centre hospitalo-universitaire Sahloul, Sousse, Tunisie

Dr. Nabiha Douki

Professeur en odontologie conservatrice et restauratrice Chef du service de médecine dentaire
Centre hospitalo-universitaire Sahloul, Sousse, Tunisie

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