Le tabac et l’alcool sont deux des principaux produits qui peuvent entraîner une dépendance à laquelle nous avons à faire face en pratique quotidienne. S’agissant de l’alcool, le produit d’intoxication passe nécessairement au travers de la bouche avant d’être avalé.
La personne dépendante non abstinente (il en existe plusieurs millions dans notre pays) éprouve un très puissant sentiment de honte avant de « boire », pendant qu’elle boit et après avoir bu. Ce sentiment fait que le malade et le produit sont souvent plus ou moins bien évidemment cachés.
C’est probablement une des raisons majeures pour laquelle on ne confie pas sa dépendance à celui que l’on vient consulter avec un « mal dedans ».
Le (ou la) malade non-abstinent se demande bien sûr si le dentiste l’a vu, deviné – ou pire senti – puisqu’il est si près de l’organe qui voit passer l’alcool. Si oui, acceptera-t-il de me soigner ? C’est-à-dire prendre soin de moi ? Peut-il comprendre quelle est ma douleur anonyme ? Va-t-il, lui aussi, comme mes enfants, ma femme, mon mari, mes amis, mon patron, mes collègues de travail, la police, me dire – avec force et conviction – que je devrais avoir la volonté d’arrêter de me détruire (à moins que, lui aussi, ne souffre de la même maladie ?) ?
Ainsi, lorsque nous demandons à un patient de bien vouloir se rincer la bouche (et non pas le gosier), nous ne savons jamais si ce geste, apparemment si simple, de mettre « un verre à la bouche » ne va pas rappeler celui qui, plusieurs fois par jour, sert d’assouvissement au terrible manque.