En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés à vos centres d'intérêts.

LEFILDENTAIRE est un site réservé aux professionnels de la santé dentaire.
Si vous n'êtes​ pas un professionnel de santé, vous pouvez obtenir des réponses à vos questions par des experts sur Dentagora.fr en activant le bouton Grand Public.

Je suis un professionnel Grand Public

Rencontre avec Reynald Da Costa Noble

0

Depuis de nombreuses années, Reynald Da Costa Noble se consacre presque exclusivement à l’enseignement. Il s’est d’abord lui même beaucoup formé : il a présenté avec succès tous les diplômes, C.E.S et D.U. existant en France et à l’étranger. Membre honoraire de plusieurs sociétés scientifiques, il a contribué au développement de la parodontologie et de l’implantologie à Bordeaux, ainsi qu’à créer un post-graduate en partenariat avec les universités de Bordeaux et de New York. Nous l’avons interrogé sur sa vision de l’enseignement en France et sur le devenir de l’implantologie.

Dr Norbert Cohen : La première question est, classiquement, celle de votre parcours …

Dr Reynald Da Costa Noble : Quand je suis rentré à la fac, j’ai hésité entre médecine et odontologie. L’odontologie m’a intéressé quand j’ai découvert la parodontologie. J’ai eu une révélation avec un professeur qui se nommait le Pr. Duluc, pas très sympathique, mais qui donnait de bons cours. J’ai été charmé par cette discipline que je trouvais très médicalisée, et j’ai voulu l’approfondir. A l’époque, la Mecque de la paro était Boston avec la Goldman School of Graduate Dentistry, dirigée par le professeur Henri Goldman. Je suis donc parti là-bas pour un post-graduate, 2 à 3 semaines par an, pendant 5 ans. J’y ai appris les techniques de l’époque, qui étaient plus chirurgicales qu’aujourd’hui. En parallèle, je me suis installé à Bordeaux en libéral, une période grandiose. C’était une spécialisation intéressante et qui marchait très bien d’un point de vue économique. J’ai ensuite fait 4 ans d’assistanat à la fac, car l’enseignement m’attirait depuis le début. En 1998, j’ai eu l’opportunité de présenter un concours de MCU pour devenir Maître de conférences. Malheureusement, le poste était à temps plein. J’avais 40 ans, et c’était incompatible avec une activité en cabinet. J’ai donc choisi le poste temps plein, et de ce fait ai été obligé de vendre mon cabinet. Entre temps, j’ai passé une thèse de troisième cycle en sciences odontologiques, suivie d’un doctorat d’Etat en Odontologie. Je pensais avoir une carrière universitaire normale, c’est-à-dire devenir P.U. assez rapidement. Mais il y a eu des contingences politiques …

L’autre période importante à l’université fut pour moi la création du D.U. de paro. Nous avons démarré celui d’implantologie avec Jean- Pierre Blanchard, à peu près en même temps que celui de parodontologie en 1989. Le D.U. d’implantologie de Bordeaux fut l’un des premiers en France avec celui de Paris, et ce grâce à l’aide d’André Benhamou. Après le D.U., il y a environ une dizaine d’années, notre équipe a passé des accords avec l’Université de New York, pour démarrer une collaboration interuniversitaire d’enseignements et de formation continue.

Dr N.C. : Que pensez-vous de la formation initiale en France ?

Dr R. D.C.N. : La formation initiale doit avoir des locaux ainsi que des enseignants adaptés. Ils doivent être dynamiques, car plus ils se déplacent, vont apprendre ailleurs, meilleurs seront leurs enseignements.

L’enseignement à l’université doit être une synthèse de connaissances que l’on fait partager aux autres. Aujourd’hui, les problèmes majeurs que l’on rencontre en France au niveau de la formation initiale en odontologie résultent des structures qui sont disséminées. Lorsque l’on va dans des pays « développés », les structures odontologiques hospitalo-universitaires sont toujours centralisées sur le même site. Il faut naviguer rapidement entre les cours, les TP, la clinique de façon à ne pas perdre de temps et à avoir une organisation de travail conséquente. Ce type de structure permet aux étudiants et aux enseignants de se voir, de discuter et d’échanger. Je pense que ce qu’il faut, c’est une évolution dans l’enseignement du savoir : enseigner d’une façon logique et rationnelle.

Dr.-Da-Costa-NobleC’est souvent difficile en terme d’enseignement clinique… Je pense qu’il faut départementaliser. Généralement, en odontologie, il y a des unités fonctionnelles, mais il apparaît quand même plus cohérent d’avoir des départements d’odontologie conservatrice,d’orthodontie, de parodontologie, de pathologie,de pédodontie, de prothèse – je n’ai pas dit l’implantologie car je pense que l’idéal aujourd’hui serait un département de paro-implanto-prothèse. Cependant, en parodontologie, nous avons eu la chance à Bordeaux de collaborer très tôt avec la prothèse et l’implanto. Actuellement, un D.U. d’implantologie idéal, serait un D.U. avec paro/implanto/prothèse.

Avec l’accord des Prs Georges Dorignac et Jacques Jeandot, nous avons mis en place un protocole qui permet aux étudiants de 6e année de poser des implants (offerts par le laboratoire) en clinique sous le contrôle d’un enseignant référent.

Enfin, je pense la formation initiale mérite d’être réorganisée. Il faut se réunir pour mettre les enseignements à plat afin d’éviter que les enseignements se recoupent et se répètent. Les étudiants me disent qu’ils ont parfois des notions confuses, un enseignant va dire gris, l’autre noir et le troisième blanc. Ils ne savent plus quoi faire. La difficulté de l’enseignement est d’avoir un discours simple, cohérent, qui dise : « Actuellement, nous faisons cela, pour telle et telle raison, mais ce n’est pas définitif, loin de là. »

Dr N.C. : Quel est votre regard sur la formation post-universitaire ?

Dr R. D.C.N. : Vu son importance aujourd’hui, je ne comprends pas pourquoi les universités n’ont pas de structures post-universitaires propres. Cela nécessiterait peu de choses : un amphi, un cabinet, une salle de travaux pratiques et une organisation spécifique. À Bordeaux, par exemple, avec l’aide de notre Doyen Jean-François Péli, nous proposons des cycles de formation continue en paro, en radio, en prothèse. Quatre à cinq fois par an, des membres de chaque sous-section participent à un jour ou deux de formation continue.

Pour avoir une formation continue de bon niveau, il faut réunir les meilleures compétences sur un même site, puis essayer d’avoir l’objectivité et la connaissance suffisante, ce que fait par exemple Patrick Missika à Paris. Cela peut même s’envisager au niveau européen. Il faut que les universitaires et les libéraux travaillent ensemble dans les sociétés de formation continue, ce que nous faisons à Bordeaux. Cette association permet de respecter l’objectivité de l’enseignement sans se couper des préoccupations des praticiens. Il faut enfin récompenser les confrères pour leurs efforts car même s’ils ne viennent pas que pour le papier, c’est quand même important au même titre que les points. Cela fait partie du jeu.

Dr N.C. : Pourquoi avez-vous choisi de faire une formation à New York ? Est-ce que la formation en France n’a pas un niveau suffisant ?

Dr R.D.C.N. : Je connais les états-Unis depuis un certain temps, il y a tout là-bas, le pire et le meilleur, comme en France. Il ne faut pas croire qu’au niveau odontologie, c’est toujours bien. Cependant, quand c’est bon, c’est très bon. Le peu de centres qui sont de bon niveau sont excellents. Ce qui me plaît à New York, pour être positif et pragmatique, c’est surtout qu’il y a beaucoup de compétences réunies sur un même site. Cela permet d’avoir une idée la plus objective possible sur un sujet donné, à force d’avoir différents discours, qui se ressemblent en réalité sur le fond. Le praticien arrive à en faire la synthèse à un moment. À une époque, des enseignants ne voulaient rien montrer, ils cachaient leurs connaissances, car ils voulaient rester de grands spécialistes et de grands maîtres. Les anglosaxons ont un esprit différent, ils donnent tout. Chez eux, cet échange est naturel. Les enseignants sont pragmatiques, simples et plus accessibles au praticien. L’intérêt aussi est d’avoir des conférenciers de haut niveau dans un amphi de 50 places ou une salle de travaux pratiques car les participants posent leur questions et échangent leurs idées plus facilement que dans un congrès national ou mondial.

Dr N.C. : Les praticiens sont censés travailler selon ce que l’on appelle « les données acquises de la science ». L’implanto est une discipline assez récente, et les « données acquises de la science » n’ont pas toujours le temps d’être bien établies. Surtout, comme vous le soulignez pour New York, on peut entendre des discours contradictoires. Comment s’y retrouver ?

Dr R.D.C.N. : Cela veut dire que les données acquises de la science sont aléatoires, à géométrie variable. Ce serait mieux qu’elles ne le soient pas. Mais un bouquin où tout est codifié, cela n’existe pas, bien que sur le fond tout le monde s’entende. Quelqu’un qui débute, avant d’utiliser une technique, doit assister à un maximum de conférences, et surtout, le plus important, que ces conférences, lui présentent d’emblée les résultats, les échecs et la gestion des échecs. Souvent, lors des conférences, on te montre une technique uniquement dans ses succès, et si le praticien décide de l’appliquer et qu’il rencontre un échec, cela devient un grand moment de solitude. Je pense que New York, de ce point de vue a un petit truc d’avance. Ils t’expliquent la technique, il ne te cachent pas les échecs et ils t’exposent leurs solutions.

Dr N.C. : Comment traiter un échec ?

Dr R.D.C.N. : Il faut le traiter très simplement et directement. Prenons un exemple : la non ostéo-intégration d’un implant, l’échec primaire brut. Il s’agit d’expliquer simplement et sereinement au patient que l’implant ne s’est pas ostéointégré et qu’on va le reposer, à nos frais bien sûr. Voilà l’échec facile à gérer. L’échec secondaire, en implantologie, est toujours plus difficile à aborder. Après la pose de la prothèse si c’est le même praticien, c’est pratique, mais lorsque ce sont deux praticiens différents, se pose le problème de la répartition de responsabilités. Néanmoins, dans tous les cas, il faut refaire l’acte gratuitement. Que ce soit de la chirurgie ou une prothèse.

Si un deuxième échec suit le premier, je le refais encore une fois et encore gratuitement. Il n’y a pas de limites à la gratuité car la pire des choses est de rompre une relation avec le patient. C’est en général ce qu’il se passe : le praticien rompt la relation et cela conduit au litige. Une relation avec un patient est bâtie sur de la confiance. On ne peut pas mettre dehors quelqu’un que l’on connaît, que l’on a traité. Souvent, les praticiens ne veulent pas payer pour un échec ! La statistique de l’échec est quand même très minime. Cela ne représente pas grand chose sur la globalité des actes des implants posés et il faut intégrer le coût de l’échec dans le prix de la chirurgie. Enfin, si le patient ne veut pas tenter une autre intervention, je trouve que l’attitude la plus claire est de tout rembourser.

Dr N.C. : Encouragez-vous tout le monde à faire de la chirurgie implantaire même sans avoir de bloc, même si le praticien ne pose que dix implants par an, ou pensez-vous qu’il y ait un quota d’implants en deçà duquel il n’est pas raisonnable de poser des implants par manque d’expérience, de matériel ?

Dr R.D.C.N. : Il faut bien apprendre un jour et se jeter à l’eau. Concernant l’installation d’un bloc, il n’y a pas scientifiquement de différence démontrée dans les résultats entre la pose d’implant au bloc et dans un cabinet. La vraie raison d’un bloc est que cela permet de valoriser le praticien : la tenue du chirurgien, le bloc opératoire… À New York, ils opèrent de façon relativement simple. Seulement, la chaîne stérile est parfaitement respectée. Dans la pratique, c’est quand même mieux d’avoir une salle de chirurgie appropriée.

Dr N.C. : Que conseillez-vous à un praticien qui n’a jamais rien fait et qui désire se lancer dans l’implantologie ?

Dr R.D.C.N. : En premier lieu, faire de l’anatomie, c’est la base. Chercher un endroit où il puisse disséquer, poser des implants sur des cadavres. Ensuite, cela dépendra de sa formation en prothèse, en paro, en chirurgie, de son niveau etc. Il choisira les formations adaptées.

Dr N.C. : Il existe des implants leader au niveau mondial (Straumann, Nobel, 3i, etc.), d’autres un peu moins connus. Entre les deux catégories, les différences de prix vont de 1 à 4 ! Lesquels choisir, comment s’y retrouver ? La différence de qualité justifie-t-elle une telle différence de prix ?

Dr R.D.C.N. : C’est une question très difficile, ce n’est effectivement pas évident de s’y retrouver. Aujourd’hui, d’après toutes les études les plus récentes, nous sommes tous à peu près d’accord pour penser que la connectique type cône-morse est la meilleure, au niveau étanchéité et au niveau des micro-mouvements. Ensuite, je choisirai un mini-col lisse qui évite la cratérisation. Je choisirai également des micro-spires car elles permettent la meilleure stabilité primaire de l’implant. Je conseillerai également le plateforme switching qui permet d’éviter la cratérisation et permet même parfois une remontée de l’os. Pour moi, cela a été un des grands progrès des systèmes implantaires. Actuellement, je pose de l’Astra mais je pourrais aussi bien poser du Straumann, du Nobel, etc. Les grands systèmes me plaisent car ils ont une base scientifique solide, ils publient en permanence. Ils proposent également des innovations car ils en ont les moyens.

Dr.-Reynald-NobleLes « petits systèmes », les « low cost », ont leur place quoi qu’il arrive. Le prix, c’est important pour tout le monde. Je n’ai absolument rien contre les gens qui utilisent ces systèmes moins connus. Bien au contraire, s’ils parviennent à rendre plus de service à leurs patients, je les soutiens. Il y a eu des comparatifs dans des études scientifiques faits entre différents systèmes qui montrent qu’il peut y avoir problème au niveau de certains systèmes low cost, dans le sens où l’usinage des pièces n’est pas parfait, mais j’ai également vu des études qui ne montraient pas de différence. Donc, pour l’instant, il n’y a rien de significatif. Ce n’est pas que je n’ai pas confiance en ces implants « low cost ». J’en ai posés comme tout le monde.

Mais le grand système a pour moi une caution scientifique, il se remet souvent en question. Il décide d’innover, car il accepte finalement de ne pas être parfait, donc il évolue. Un petit système ne va faire que suivre et copier, il évolue bien aussi mais toujours en retard. Il est vrai qu’en général le choix du système se fait par rapport à la patientèle. Un praticien va juger que sa patientèle – ce n’est pas une question de classe sociale mais plus de motivation à se faire soigner – a les moyens de mettre tant dans les soins et proposer un type d’implant en conséquence. Pour moi, l’idéal est d’avoir deux systèmes, un « grand » et un « petit » pour répondre à toutes les demandes.

Dr N.C. : Comment voyez-vous l’avenir de l’implantologie en France et dans le monde ?

Dr R.D.C.N. : L’avenir de l’implanto, c’est la progression continue du nombre d’implants posés. Puis on va arriver à une période de stabilisation. La courbe va s’horizontaliser. En France, le nombre d’implants posés est tout de même inférieur au nombre moyen d’implants posés en Europe. L’Angleterre ne suit pas mais l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie en posent beaucoup. Je pense que dans dix ou quinze ans, cela se stabilisera forcément. Au niveau des cas traités, j’aimerais savoir ce qu’il en sera dans dix ans. Je suis sûr que nous allons arriver à « une nouvelle spécialité » qui traitera des suites et des complications. Des cratérisations, des spires apparentes peut-être au niveau esthétique, des effondrements. Des choses que les patients auront acceptées de toutes façons car ce seront des implants qu’ils auront depuis 15 ou 20 ans.

Dr N.C. : La dernière question rituelle porte sur vos projets. Comment voyez-vous votre avenir personnellement et professionnellement ?

Dr R.D.C.N. : Mon avenir est surtout de continuer à travailler pour les étudiants. Ma fonction universitaire n’existe que par rapport à eux et aux praticiens, par la formation continue. C’est passionnant et chaque jour différent. Il faut constamment évoluer et modifier nos techniques d’enseignement. Nous essayons d’être au plus près des étudiants et des praticiens. C’est vrai qu’à un moment donné, nous nous sommes rendus compte que les conférenciers dans les formations étaient très loin des préoccupations des praticiens. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus ciblé. On ne peut plus admettre qu’un praticien arrête de se former après ses études et continuer ainsi jusqu’à la retraite.

Partager

A propos de l'auteur

Dr. Norbert COHEN

Rédacteur en chef du magazine LEFILDENTAIRE
Implantologie dentaire
Stomatologue
Docteur en médecine
Diplomé de l'institut de stomatologie et de chirurgie maxillofacial de Paris
Diplômé d'implantologie dentaire
Post graduate de parodontologie et d'implantologie de l'université de New-York
Diplomé de chirurgie pré et peri implantaire
Ex attaché des hopitaux de Paris
Diplômé d'expertise en médecine bucco-dentaire

Dr. Reynald DA COSTA NOBLE

Maître de Conférences des Universités en Parodontologie
Praticien Hospitalier
Docteur en Sciences Odontologiques
Docteur d'Etat en Odontologie
Clinical Visiting Professor New York University
Directeur du Programme International New York University
Responsable Scientifique du CEIOP

Laisser une réponse