L’imagerie est un examen complémentaire indispensable dans beaucoup de domaines en odontologie, et plus particulièrement en endodontie.
Lors des traitements endodontiques initiaux ou d’une reprise de traitement, il existe différentes causes de lésions des nerfs, en rapport avec les dents traitées. Les causes sont les suivantes : surinstrumentation, chimie des solutions d’irrigation (hypochlorite de sodium, EDTA,…), et dépassement de matériau d’obturation (Boucher et Azerad).
Lorsqu’on se trouve au niveau mandibulaire, le dépassement de matériau d’obturation endodontique et sa présence dans le canal dentaire est une complication possible d’un traitement endodontique dans les secteurs postérieurs mandibulaires dont l’expression clinique est la présence de douleurs de type et d’intensité variables.
Le dépassement de matériau d’obturation est considéré le plus souvent comme un aléa thérapeutique dès lors que les précautions d’usage ont été respectées. Il est donc fortement recommandé, lors d’un traitement endodontique, d’effectuer des radiographies pré, peropératoire avec instrument en place et une radiographie postopératoire (dans plusieurs incidences si nécessaire). Dans les situations à risques comme des rapports intimes avec des éléments nobles (trajets nerveux, sinus,…), des examens complémentaires à l’imagerie 2D faisant appel à l’imagerie sectionnelle deviennent indispensables : le CBCT est devenu l’outil de choix pour obtenir un image tridimensionnelle qui va nous apporter les éléments manquants.
Dans notre cas, la patiente âgée de 51 ans, consulte pour des douleurs dans le secteur mandibulaire droit, secteur sur lequel se trouve un bridge de 3 dents.
A l’examen clinique, il existe des sensibilités récurrentes sur ce bridge avec des réactions positives aux tests à la percussion axiale et transversale.
A l’examen radiographique, la panoramique montre une image radioclaire en regard de l’apex de la deuxième prémolaire (45). Cette image représente une image anatomique normale si on considère la position classique des foramina mentonniers. On visualise aussi très nettement le trajet du nerf alvéolaire.
Par ailleurs, on note la proximité de ce nerf alvéolaire avec l’apex de la 45 au niveau de son émergence. Les radiographies rétro-alvéolaires, réalisées sous deux incidences, confirment la présence de cette radioclarté.
Compte tenu de la nécessité de refaire le bridge pour des raisons prothétiques, il devient justifié de réaliser une reprise de traitement endodontique de cette dent. Il est donc nécessaire et pertinent, compte tenu de la proximité du nerf alvéolaire inférieur, de réaliser une analyse par un CBCT, afin de préciser la prise de risque que constitue cette reprise traitement endodontique. En effet, «le cone beam» permet une évaluation morphologique et dimensionnelle 3D de qualité des lésions par ses caractéristiques spécifiques : pixel isotrope de petite taille et excellente résolution spatiale (Cavezian, 2011).
Les questions que le praticien se pose, sont les suivantes : existe-t-il une réelle lésion apicale en regard de 45 et quels sont les rapports anatomiques précis entre le nerf alvéolaire et les apex des dents, afin de pouvoir réaliser ce traitement dans les meilleures conditions ?
Pour le praticien, la situation la plus délicate est celle où le nerf se situe dans la continuité de la trajectoire canalaire, avec un risque de lésion instrumentale par surinstrumentation, neurotoxique par l’utilisation de solutions chimiques lors de la désinfection ou alors de compression par dépassement de matériau.
On sait qu’un traumatisme de ce nerf, même minime, pourra être lourd de conséquences tant pour le patient et que pour le praticien. La prévention de ce type d’accident passe donc par une analyse fine préopératoire du risque, une mise en œuvre du traitement adapté à ce risque, sans oublier une information éclairée du patient lors de la première consultation.
Comme pour tout traitement, une analyse préopératoire doit faire ressortir la liste de tous les risques potentiellement encourus lors de la réalisation du geste endodontique.
Elle repose toujours en première intention sur l’examen clinique et ensuite sur des examens complémentaires : une radiographie panoramique puis des clichés rétroalvéolaires selon deux incidences représentent les éléments de base de toute analyse de première intention. Cette analyse sera ensuite confrontée à nos connaissances, qui peuvent être d’ordre anatomique : configuration des canaux, rapport avec les éléments nobles – ou d’ordre technique : quelle anesthésie, quelle technique instrumentale, quelle type d’obturation ?
Dans notre cas, on note la proximité du nerf mandibulaire avec l’apex de la 45. Lorsqu’un traitement endodontique doit être réalisé sur la deuxième molaire, une évaluation radiographique rigoureuse devrait être faite pour estimer cette distance (Köseoglu et coll.). Il doit en être de même pour le rapport entre le foramen mentonnier et le rapport avec la deuxième prémolaire inférieure.
Les images sont ici très parlantes ; il n’y a pas photo ! il ne demeure aucune ambiguïté sur les questions que nous pouvions nous poser. Il n’existe pas de rapports intimes entre le foramen mentonnier et l’apex de la 45. De plus, il n’apparait pas de radioclarté en regard de la zone apicale de cette même 45 donc pas de lésion périapicale.
Durant le traitement endodontique, l’utilisation de localisateur électronique d’apex et une radiographie sont des éléments indispensables pour respecter la longueur de travail. Les radiographies devraient être prises en utilisant des limes à la longueur de travail appropriée pour éviter les perforations apicales et les éventuelles lésions du nerf alvéolaire inférieur.
La surpréparation d’un traitement endodontique entraîne une disparition de la constriction apicale, ce qui facilite le passage des produits d’irrigation et des matériaux d’obturation avec pour effet de créer des lésions nerveuses de type chimique ou mécanique.
Grâce à l’utilisation raisonnée du CBCT, on obtient des informations très précises sur les relations anatomiques. La X-Mind Trium (ACTEON) avec un voxel de 75 microns nous apporte la précision dont nous avons besoin lors d’une analyse endodontique. La finesse de ses images, les traitements des artefacts métalliques sont autant d’atouts qui nous apportent un diagnostic permettant de mettre en œuvre une thérapeutique immédiate, sûre et garante d’une bonne qualité.
La connaissance séméiologique reste un atout indispensable à l’établissement d’un plan de traitement adapté.
Bibliographie
1. BOUCHER Y., AZERAD J. Conséquences nerveuses des traitements endodontiques –Chap. 5 livre Stéphane SIMON SCARFE W.C., LI Z., ABOELMAATY W., SCOTT S.A. & FARMAN A.G.
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