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L’efficacité en endodontie

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L’endodontie est très certainement le domaine de la dentisterie qui demande le moins de compromis et le plus de temps. Un manquement à la chronologie du traitement, et c’est la fracture instrumentale au bout avec les conséquences que l’on connaît. Pourtant, l’endodontie est une pratique quotidienne pour les omnipraticiens.

Les préceptes classiques de l’endodontie tendent à 0 % de compromis. Le facteur temps du traitement est une composante très rarement évoquée dans les formations modernes. Pour autant, il n’est pas concevable de traiter l’endodontie comme une science n’appartenant pas à une pratique quotidienne. Cela pourrait avoir l’effet pervers de conforter un nombre malheureusement important de praticiens dans des techniques d’un autre âge.

Afin de s’inscrire dans une pratique saine, nous nous devons de prendre en compte la réalité des cabinets dentaires afin de promouvoir l’enseignement de clés permettant la réalisation de traitements canalaires tendant vers la perfection sans pour autant dilater le temps de réalisation vers l’infini.

Le but de cet article est de dresser une liste non exhaustive d’un certain nombre de facteurs permettant de gagner en efficacité lors du traitement endodontique.

Nous essaierons de livrer quelques clés, certaines sont classiques et connues de tous, d’autres sont plus personnelles et n’engagent que leur auteur.

Nous n’évoquerons pas le cas particulier des reprises de traitements canalaires. Pour nous, il est évident que cette pratique demande un temps incompressible qui ne peut, de façon viable et pérenne, se satisfaire d’une cotation SC 34 (qui rappelons-le, est tolérée dans le cas d’un retraitement canalaire mais, qui dans la stricte nomenclature, n’existe pas.).

Phase 1 : Une organisation réfléchie et préétablie

C’est le facteur où le gain de temps est le plus important. Le travail par «tubs and trays» ou bacs et cassettes, c’est-à-dire la réunion de tous les instruments dans un bac pour un acte prédéfini, est particulièrement profitable à l’acte endodontique.

En effet, un des inconvénients majeurs de ce type d’organisation est la nécessité de posséder les instruments ou appareils communs à plusieurs types d’actes, en plusieurs exemplaires. Pour l’endodontie, la plupart des éléments n’existent que pour cette pratique (moteur d’endo, localisateur d’apex, limes, etc.).

Cette organisation spécifique peut, au cabinet, soit faire l’objet d’un bac, soit d’un meuble sur roulettes indépendant destiné uniquement à l’acte endodontique.

Il sera également très intéressant, toujours dans le même esprit d’organisation et d’optimisation du temps, de préparer un kit de fraises spécifiques à l’acte endodontique.

Pour ma part, j’utilise un kit de 12 fraises commun à la DO et à l’endo (Fig. 1).

La formation de l’assistante, pour un véritable travail à quatre mains par exemple, est également un élément très important. L’endodontie peut donner l’impression d’un acte pouvant se passer d’aide opératoire (en raison par exemple de la digue). C’est une erreur, et le gain de temps lié à une aide est bien réel. Ne perdons pas à l’esprit que l’acte endodontique est très protocolé et est très chronologique.

Phase 2 : Organiser un véritable champ opératoire

Cela signifie : mettre tout en œuvre afin de pouvoir travailler durant toute la séance sans aucune interférence extérieure à l’acte. La mise en place de la digue en est la pièce maîtresse. Elle est indispensable et est source, quoi que l’on puisse en penser de prime abord, d’un très grand gain de temps.

Tous les défauts inhérents au système de la digue, telle qu’on la connaît depuis des années, et qui souffre d’un archaïsme aujourd’hui notable (feuille de digue + crampon) seront paliés au maximum :

  • Si la dent est très délabrée, il faudra impérativement la reconstituer au Verre-Ionomère au préalable au risque d’avoir une impossibilité de placement de la digue ou une inétanchéité. Le fait de vouloir switcher cette étape à tous prix pourrait être source, à terme, d’une frustration sur l’utilisation du champ opératoire…
  • Utilisation d’une feuille de digue d’une finesse adaptée, en générale moyenne ;
  • Crampon aiguisé et adapté à la dent traitée ;
  • Fils élastique caoutchouc type Wedget (hygenic) très utile pour clamper deux dents ;
  • Utilisation d’un écarteur à usage unique type Optragate (Ivoclar-Vivadent). Cet écarteur placé sous la digue, facilitera grandement les manœuvres de mise en place de la digue (meilleure visibilité) ;
  • L’utilisation d’un cale-bouche ;
  • L’utilisation d’un patron (ou gabarit) permettant de percer la digue à l’endroit précis de la dent en question ;
  • On prendra la précaution de réaliser une petite perforation de la digue dans le coin bas-gauche par exemple, pour orienter la digue dans l’espace et ainsi faciliter sa mise en place (Fig. 2).

Dans certains cas, l’utilisation d’une digue de « nouvelle génération » sera plus profitable : La digue Optradam, toujours chez Ivoclar-Vivadent. Cette digue est surtout utile dans le cas de deux ou trois traitements canalaires continus (Fig. 3). Elle est par exemple très utile en dentisterie restauratrice, dans le cas de réalisation de composites multiples sur le secteur antérieur.

Dans le cas d’une seule dent traitée, l’intérêt de sa spécificité (c’est-à-dire pas d’utilisation de crampon) s’amenuise, car elle a du mal à tenir toute seule.

La digue mise en place, l’aspiration qui sera utilisée est une aspiration fine type chirurgicale. On y gagnera en précision et en visibilité.

Quand la pose de la digue est bien protocolée (c’est-à-dire que suivant la dent par exemple, l’assistante a déjà préparé le crampon adéquat, la feuille de digue est déjà perforée où il faut, etc.), sa mise en place n’excédera pas deux ou trois minutes. Le gain en temps et en qualité est sans commune mesure vis-à vis de l’effort consenti à sa pose.

La-mise-en-forme-canalaire

Fig. 1 : Kit de 12 fraises commun à l’endo et la DO Fig. 3 : Digue de nouvelle génération sans crampon

Phase 3 : Les aides visuelles

  • Elles feront l’objet d’un prochain article.
  • Choisir des loupes binoculaires ayant un grossissement entre 2,6 et 3,5.
  • Couplé à une lampe frontale (fibre optique ou LED), c’est un confort fantastique.
  • Elles seront utiles, surtout pour la réalisation de la cavité d’accès ainsi qu’aux accès canalaires.

Phase 4 : La mise en forme canalaire

1. L’hypochlorite de sodium

On utilisera des seringues de 10 ml remplies à l’avance (plusieurs) pour ne pas perdre de temps en remplissage. Ne pas utiliser de Dakin : dosé à 0,5 % d’hypochlorite de sodium, le Dakin n’est pas assez efficace. Préférer l’eau de javel en bouteille (bidon) déjà dosé à 2,5 %.

2. Apport du localisateur d’apex

Le locapex que j’utilise est le Raypex 4 de chez Dentsply (c’est le même produit que le Bingo). Il est sorti en 2002. Depuis, des modèles plus récents lui ont succédé.

Dans ma pratique, je note une fiabilité très importante de plus de 95 %. Évidemment, l’utilisation d’un localisateur d’apex demande une certaine habitude.

Par exemple, ne jamais utiliser un localisateur d’apex sans digue, car ce non-sens fausse les données du localisateur (risque important de court-circuit).

La position du foramen radiographique qui est classiquement pris comme référence lorsqu’un localisateur n’est pas utilisé, peut être faussé par la localisation réelle du foramen anatomique. En effet, une courbure canalaire peut être vestibulaire ou linguale et la sortie foraminale peut également se trouver dans ces zones et faire croire à la radiographie à un apex radiographique non atteint. Le localisateur d’apex est donc un allié très précieux dans la détermination de la longueur de travail.

Attention cependant, il faut porter une attention particulière à l’évolution de la lime dans le canal illustré sur l’écran. Si la lime progresse soudainement à l’apex sans montrer une progression, être vigilant et s’assurer que ces informations ne soient pas faussées.

Dans certains cas, cela peut provenir d’une humidité du corps externe de la couronne trop importante (faisant court-circuit avec la gencive, malgré le champ opératoire). Dans ce cas, assécher à la soufflette cette zone sans, évidemment, assécher l’endodonte.

Le moindre doute devra nous faire prendre la précaution de réaliser une radiographie peropératoire. Mais avec l’habitude, le localisateur d’apex est un outil permettant de diminuer considérablement le nombre de clichés radiographiques durant l’intervention.

Les solutions « tout-en-un » associant un moteur indépendant (sur batteries) avec contrôle du couple, avec un locapex intégré, est une solution très intéressante.

Après avoir testé ce type de produit pendant plus de deux ans, je note une fiabilité également très importante. L’intérêt majeur de ce type de solution est de ne pas devoir reporter, lors de la mise en forme canalaire, systématiquement la LT, en fonction du repère occlusal de la dent, qui, souvent n’est pas un repère fiable si la dent n’est pas abrasée légèrement (forme de méplat occlusal). Le gain de temps est considérable, mais il faudra également être vigilant face aux erreurs toujours possibles du localisateur d’apex intégré.

3. La cavité d’accès

chez-EMS-à-bout-mousse

Fig. 4 : RT2 de EMS de chez EMS à bout mousse

C’est une étape extrêmement importante. C’est elle qui conditionne la suite.

La fraise Zékria à bout mousse est indispensable à sa réalisation. Nous émettrons ici le souhait d’une fraise identique mais plus longue, afin de ne pas être obligé, dans certains cas où la couronne dentaire est haute, de réaliser une abrasion occlusale de la dent. Cela permettrait également de dégager le champ visuel de la tête de la turbine.

Fraise également importante : une fraise boule à long col. Nous trouvons également un réel intérêt pour les ultrasons. Les inserts seront choisis diamantés pour la réalisation de la cavité d’accés (par exemple le RT2, Fig. 4) et utilisés sans eau. Le gain en visibilité est impressionnant. A utiliser avec aides optiques impérativement (Fig. 5).

Utilisation-de-la-rotation-continue

4. Utilisation de la rotation continue

Elle fait partie intégrante du traitement canalaire moderne. Ce n’est aujourd’hui plus une option ni un bonus. Les limes Ni-Ti que j’utilise sont les Protaper de chez Dentsply-Maillefer.

C’est le système, qui, même si il n’est pas exempt de défauts, donne actuellement les résultats les plus conformes aux principes de Shilder. A savoir, entre autres, une conicité apicale de plus de 7 % afin de réaliser un passage de l’irriguant dans cette zone.

Mais attention, le rapport bénéfice/risque de l’utilisation d’un tel système peut être tout à fait défavorable lorsque la technique n’est pas maîtrisée. Il faut impérativement s’entraîner sur dent extraite avant d’entreprendre pour la première fois un traitement en rotation continue sur les patients. La solution peut être une formation d’une journée sous forme de travaux pratiques sur le système de votre choix.

L’objet n’est pas ici d’expliquer la technique mais de décrire quelques points (non exhaustifs) permettant de potentialiser les résultats.

  • Il est impératif après repérage des entrées canalaires, de réaliser un passage des limes manuelles 10 et 15 sans tenter une progression apicale forcée. Elles ne doivent pas être poussées activement vers l’apex, on ne doit surtout pas chercher la longueur de travail d’emblée.

On éliminera les interférences de l’entrée canalaire par l’utilisation des X-Gates (Maillefer) ou de l’endoflare (Micromega). Attention pour ce dernier, ne jamais l’utiliser en poussant mais en retrait, en brossant légèrement la paroi opposée à la courbure.
Ce n’est qu’en sentant que les limes assez libres que l’on débutera les NiTi en rotation continue.

  • D’après moi, (et cela, évidemment n’engage que moi), le premier Protaper, c’est-à-dire le S1 (violet), gagnerait à avoir un jumeau non travaillant dans son tiers apical (c’est-à-dire que le tiers apical de l’instrument censé ne pas travailler dans le canal devrait être sans spire).

La finesse du S1 actuel sur sa partie apicale l’empêche d’être réellement travaillant dans cette zone au risque de se fracturer net, même à l’aide d’un contrôleur de couple.

Effectivement, cet instrument n’est fait que pour travailler sur sa partie coronaire afin d’ouvrir cette partie du canal.

C’est pourquoi, je prends le parti, (encore une fois cela n’engage que moi et j’assume) de réaliser la chronologie suivante :

  • Limes manuelles 10 et 15
  • X-Gates
  • S2 : Ce Protaper est utilisé SANS pousser, là où il veut bien aller ;

Cet instrument, plus large au bout, permet d’ouvrir légèrement la voie à l’extrémité du S1 afin que cette dernière n’y travaille pas et que le S1 ne puisse travailler qu’en occlusal.

  • S1 : sans pousser, là où il veut bien aller ;
  • Détermination de la LT à l’aide de la lime 15, si un moteur tout en un n’est pas utilisé, sinon, c’est directement l’étape suivante
  • S1 jusqu’à la LT
  • S2 jusqu’à la LT
  • F1 jusqu’à la LT

A noter :

L’utilisation d’un Chelatant à base d’EDTA dans une forme de gel est très vivement recommandée lors de l’utilisation des Protapers afin de lubrifier le canal en continu. (Glyde par exemple).

Vérifier IMPERATIVEMENT l’état des spires après l’utilisation de chaque instrument. Au moindre doute : poubelle.

Pas de rotation continue dans les courbures sévères : Utiliser les limes Protapers manuelles.

Faire un suivi rigoureux du nombre d’utilisations de chaque instrument. Soit en utilisant des sets d’endo avec réglette intégrée (l’inconvénient est que chaque instrument est compté même si il n’a pas été utilisé dans la séance), soit en marquant le corps de l’instrument d’un léger coup de fraise pour chaque canal traité (Fig. 6) six canaux maximums par instrument.

Bistouri-électrique-jetable

Fig. 6 : Le corps de l’instrument est marqué selon le nombre d’utilisations. Fig. 7 : Bistouri électrique jetable HTC Fig. 8 : Le cône de gutta est sectionné. Fig. 8 : Le cône de gutta est sectionné.

Phase 5 : L’obturation

J’utilise des cônes de gutta calibrés. A 6 % et à 25/100ème lorsque je termine au F1 (20/100ème). C’est le même principe pour les cônes papiers (20/100e quand on a terminé au F1). Ils sont calibrés à 6% avec un fort pouvoir absorbant. 2 cônes papiers suffisent pour chaque canal.

La technique offrant à mon sens le meilleur rapport efficacité/temps est la technique thermomécanique. Elle se réalise avec des limes (inversées) montées sur CA bleue (Gutta-Condensors) à pleine vitesse et, avec un mouvement de va-et-vient, permet de ramollir le cône de gutta sur toute sa longueur.

Le cône est préalablement vérifié en fonction de la LT. Il doit être à 1 mm de l’apex, et doit avoir une résistance au retrait. Il est préalablement enduit d’une petite dose de ciment canalaire à son extrémité et est introduit tout en rotation dans le canal afin d’homogénéiser le ciment sur les parois canalaires.

La tête du cône de gutta est coupée à l’aide d’un bistouri electrique jetable de type HTC (Rullière) (Fig. 7 et 8). Les Gutta-Condensors seront choisis à 25/100ème et le stop sera placé à 5 mm de la LT. Des Pluggers sont ensuite utilisés pour condenser la gutta verticalement.

Important : La technique thermomécanique est une technique pouvant être potentiellement dangereuse si un entrainement n’a pas été réalisé préalablement sur modèles résine. Il y a un coup de main à prendre permettant de trouver la bonne cadence afin de ramollir la gutta. On doit « sentir » tactilement la compaction latérale et verticale de la gutta lors de ce mouvement.

Préférer de la gutta peu riche en Oxyde de Zinc afin qu’elle se ramollisse plus facilement (température de fusion plus basse).

Cette technique permet de répondre au principe de précaution afin de réaliser immédiatement :

  • soit une reconstitution foulée,
  • soit la préparation et la prise d’empreinte pour réalisation d’un Inlay-Core.

Ceci, afin de minimiser les risques de contaminations bacteriennes de l’endodonte.

Conclusion

Le but de cet article est d’avoir un regard clinique sur tous les paramètres où le bon sens peut aider avec un minimum de compromis de gagner en efficacité en endodontie.

Il est important de noter que dans ce domaine plus qu’ailleurs, le respect des 23protocoles et d’un temps calculé est primordial.

Le gain de temps à tout prix peut amener le praticien à réaliser des concessions fortement dommageable pour la santé dentaire de nos patients.

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A propos de l'auteur

Dr. Steve BENERO

Diplôme Universitaire d'Implantologie Chirurgicale et Prothétique de Paris 7
Lauréat de l'Académie Nationale de Chirurgie Dentaire
Implantologie-Parodontologie exclusive Paris 12

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