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Dent dépulpée et composite direct postérieur

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Introduction

Depuis plusieurs années, l’évolution des techniques adhésives a permis de supplanter les techniques de reconstructions prothétiques conventionnelles, soit les couronnes périphériques qui s’adressaient aux dents dépulpées voire fortement délabrées. La tendance actuelle de privilégier les techniques adhésives et de collage permet dans le même temps de respecter a minima l’organe dentaire, d’avoir une approche moins invasive et donc d’assurer une économie tissulaire lors de la restauration de la dent puis maintenir la fonction de celle-ci à long terme en renforçant la structure dentaire.

Les restaurations adhésives directes sont à privilégier dans ce sens, puisqu’ elles préservent davantage les tissus minéralisés tout en conservant les tissus sains et laissant ainsi les contre-dépouilles.

L’analyse clinique permet au praticien d’évaluer les structures dentaires restantes après nettoyage a minima des cavités carieuses et d’accès endodontique. Il a pu être établi une classification des cavités en fonction de l’importance du délabrement. (3)

Les dents présentant des cavités d’étendue moyenne avec au moins trois parois solides et une crête marginale intacte peuvent bénéficier d’une restauration adhésive directe sans tenon (Classe 1 et Classe 2). Dès lors que les deux crêtes marginales et / ou une paroi axiale coronaire sont absentes, un tenon est recommandé que ce soit en technique directe ou indirecte. (4,6)

Le cas clinique, présenté ici, permet d’illustrer cet approche biomimétique (9) dans le cas d’une dent dépulpée présentant une cavité de type classe 2.

radiographie-du-traitement-endodontique

Fig. 1 : radiographie du traitement endodontique de la 46. Fig. 2 : cas initial après traitement endodontique et CVI au niveau de la cavité d’accès.

Cas clinique

Un patient âgé de 50 ans se présente avec une nécrose sous un composite au niveau de 46. Le traitement canalaire est réalisé et une obturation au verre ionomère est mise en place dans la cavité d’accès pour une temporisation.

Une seconde séance est alors programmée pour reconstituer la dent de façon plus pérenne et définitive. A ce stade clinique, le type de reconstruction, à savoir directe ou indirecte n’a pas encore été choisi.

depose des anciennes restaurations

Fig. 3 : dépose des anciennes restaurations.

L’élimination des anciennes restaurations et de la dentine infiltrée est réalisée en respectant au maximum les tissus sains.

Cette approche biomimétique a permis de conserver une fine couche d’émail en cervical, et de laisser des contre- dépouilles avec un émail assez épais car non transparent. La cavité ainsi obtenue a pu préserver trois parois périphériques d’une épaisseur confortable ainsi qu’une crête marginale intacte. Le champ opératoire étant posé, toutes les conditions sont ici réunies pour privilégier une restauration adhésive directe.

Avant la mise en place de la matrice, un nettoyage de la cavité est réalisé par aéro-abrasion (1) (sablage) avec une poudre d’oxyde d’alumine (27 à 50 μ) sous spray.

mise en place du matricage

Fig. 4 : mise en place du matriçage.

Cette opération permet d’éliminer la plaque, les résidus d’obturation temporaire et canalaire sur le plancher pulpaire.

Elle permet surtout un traitement de surface compatible avec un collage optimum à la dentine. La matrice est choisie en fonction de l’anatomie proximale (Palodent ® Dentsply®).

L’adaptation cervicale est obtenue à l’aide d’un coin, ici en plastique. L’adjonction de ruban de téflon préalablement torsadé est placé par compressions successives afin de parfaire l’adaptation cervicale. Les ailettes de la matrice, du fait de l’ouverture des parois axiales de la cavité, nécessitent une stabilisation avec des apports de digue liquide (opaldam® Ultradent®). Ce produit est utilisé également pour parfaire l’étanchéité de l’ensemble (sur le clamp).

couche de ciment verre ionomere

Fig. 5 : une couche de ciment verre ionomère est placée sur le plancher.

Pour éviter une diminution des forces adhésives sur l’émail, il est fortement recommandé de faire un mordançage quelque soit le système adhésif employé. Un mordançage amélaire est réalisé à l’acide ortho phosphorique à 37 % pendant 30 secondes. L’ensemble est rincé abondamment puis séché .Une boulette de coton imprégnée de chlorexidine en phase aqueuse à 2 % est appliquée pendant 30 à 60 secondes, la chlorexidine permettant d’inhiber l’activité des métalloprotéinases et des cystéines cathepsines responsables de la dégradation de la matrice collagénique (8). Une boulette sèche de coton permettra d’absorber la solution excédentaire car elle ne doit pas être rincée. Une couche de ciment verre ionomère est placée sur le plancher de la chambre pulpaire. L’adhésif est ensuite appliqué (SAM2 : OptiBond ™XTR de Kerr®). Il est nécessaire de toujours secouer les flacons avant utilisation.

Le primer est frotté à l’aide d’une microbrush sur la dentine pendant 20 secondes puis séché délicatement jusqu’à évaporation. L’adhésif est frotté vigoureusement pendant 20 à 30 secondes puis séché délicatement et progressivement jusqu’à ce qu’il soit figé selon les principes prodigués par l’ADDA. Les parois cavitaires doivent être brillantes, sinon on remet une couche d’adhésif qui est séché jusqu’à être figé de nouveau.

La photopolymérisation de l’adhésif est réalisée pendant 20 secondes. Les temps de polymérisation, pour que cette dernière soit optimisée, doivent être doublés par rapport aux temps conseillés par le fabriquant.

montage des murs d-email vestibulaire

Fig. 6 : montage des murs d’émail vestibulaire et lingual, consolidés par des apports obliques successifs de dentine.

Une fine couche de composite flow est déposée au préalable sur le fond cavitaire, puis sur les marges cervicale et axiales proximales.(7) Cette fine couche, (de l’ordre de 0,5 mm sur les marges, et un maximum de 2 mm en fond de cavité) optimise l’étanchéité et l’adaptation de la restauration. Pour ce faire, une goutte de flow est déposée à la seringue et étalée à la sonde pour éviter la formation de bulle. Le protocole de remplissage correspond à celui d’une cavité SiSta2 ou classe 2. Ainsi, la reconstruction du mur proximal est conseillée dans un premier temps, pour plus de visibilité et pour transformer la cavité en cavité SiSta1 ou classe 1.

Dans ce cas clinique, l’ouverture des parois axiales distales ne permettant pas la pose de l’anneau, nécessaire à l’obtention d’un bon point de contact , les murs disto-vestibulaire et lingual seront reconstitués avant le mur distal avec le composite Enamel A2, Filtek™ Supreme XTE de chez 3M ESPE.

Afin de renforcer et soutenir ces murs reconstitués à la pression de l’anneau, le remplissage de la cavité occlusale est réalisé au niveau des masses dentine (Body shade A3, Filtek™Supreme XTE de chez 3M ESPE) .

Le montage des masses se fait par apports obliques successifs sur les parois cavitaires, pour permettre de lutter contre la contraction de polymérisation.(5)

Des petites boules de composite dentine sont ainsi condensées et photopolymérisées ( ≥ 1000 mW/cm2 , 20 s pour 2 mm d’épaisseur ) , une par une, en regard des cuspides et laissent déjà configurer la morphogie occlusale désirée .Un espace de 1,5 mm par rapport à la surface est laissé pour la couche des masses émail.

paroi distale en composite email

Fig. 7 : montage de la paroi distale en composite émail

Un anneau bifide (Palodent® Dentsply ®) est mis en place pour provoquer l’écartement des dents nécessaire à un point de contact réussi.

Le mur proximal est ensuite monté en composite de teinte émail. Sa hauteur est ajustée à la hauteur de la crête de la dent adjacente à l’aide d’une sonde fine et d’un pinceau humidifié avec du primer pour composite (Composite Primer GC®). Les derniers incréments de faible volume peuvent alors combler l’ultime défaut cavitaire.

derniers-apports-des-masses-dentine

Fig. 8 : derniers apports des masses dentine Fig. 9 : stratification de la couche superficielle au composite émail et coloration des

La stratification de la couche superficielle est réalisée avec l’apport de masses successives d’émail. Des petites boules homogènes de composite sont apportées en regard de chaque cuspide, sur les versants internes, et photopolymérisées individuellement. Le stress de la polymérisation en est ainsi réduit et la morphologie facilitée par le passage d’une fine sonde.

resultat final apres finition et polissage

Fig. 10 : résultat final après finition et polissage.

Le lissage, du composite vers les parois, avec un pinceau humidifié au primer pour composite (Composite primer GC ®) parfait l’ajustage de la restauration avant chaque polymérisation.

Un stain est appliqué dans les sillons. Un gel de glycérine sera badigeonné sur la surface du composite, l’isolant ainsi de l’oxygène, pour parfaire la polymérisation externe.

seance-de-recall

Fig. 11 : séance de « recall » à une semaine. Fig. 12 : contrôle à un an.

Etapes cliniques

Préparation de la cavité

  • Elimination de l’ancienne obturation a minima et de la dentine cariée.
  • Polissage des bords de l’émail périphérique
  • Evaluation des parois résiduelles et des facteurs de risques (SiSta 2)
  • Restauration directe
  • Pose de la digue

Matricage

  • Sablage à l’alumine sous spray
  • Rinçage et séchage
  • Mise en place de la matrice, coin , anneau , téflon si nécessaire

Systeme adhesif

  • Mordançage de l’émail à l’Ac. Orthophosphorique 30 s
  • Rinçage et séchage
  • Application de Chlorhexidine et absorption des excès à l’aide d’une boulette de coton
  • CVI sur le plancher
  • Secouer les flacons d’adhésif ( Ici SAM II )
  • Application du primer 20 s sur la dentine
  • Séchage délicat jusqu’à évaporation
  • Application de l’adhésif frotté à la microbrush 20 à 30 s
  • Séchage délicat et progressif jusqu’à le figer
  • Photopolymérisation 20 s

Obturation

  • Application de composite fluide sur la dentine + photopolymérisation
  • Mise en place de flow sur les marges cervicale et axiales + photopolymérisation
  • Reconstitution de la paroi distale au composite émail + photopolymérisation
  • Apports obliques successifs de composite dentine + photopolymérisation de 20 s entre les incréments de 2mm d’épaisseur maximum
  • Apports de boulettes successives d’émail lissées au pinceau , humecté de primer composite ,vers les parois + photopolymérisations successives
  • Stain + photopolymérisation
  • Glycérine + photopolymérisation

Finition

  • Contrôle de l’occlusion
  • Fraise diamantées grains fins
  • Polissoirs
  • Brillantage

Conclusion

Actuellement, l’utilisation des techniques adhésives est primordiale. La conservation des tissus sains, la reproduction de la fonction et de la mécanique dentaire déterminent une approche biomimétique qui est en adéquation avec une dentisterie conservatrice moderne .

Les dernières procédures adhésives laissent espérer d’après D. Dietschi (2) une étanchéité coronaire améliorée, un meilleur comportement biomécanique, une réduction des indications d’utilisation des tenons et des restaurations métalliques coulées.

Le succés à long terme ne peut être conduit cependant qu’avec une maitrise des protocoles

d’adhésion sous digue, d’un contrôle des facteurs de risque dans le temps et de séances de maintenance d’adaptation et de polissage régulières.

Bibliographie

1. Chaiyabutr Y, Kois JC. The effects of tooth preparation cleaning protocols on the bond strength of selfadhesive resin luting cement to contaminated dentin. Oper Dent 2008 Sep-oct ; 33 (5) : 556-563.
2. Dietschi D, Duc O, Kreci I, sadan a. Biomechanical considerations for the restoration of endodontically treated teeth : a systematic review of the littérature, Part I (Composition and micro and macrostructure alterations).Quint Int 2007 ; 38(9) : 733-743.
3. d’Incau E, Bartala M, Dos-santos a. Traitement de la dent pulpée postérieure, la stratégie de la prévention. Réal Clin 2011 ; 22(1) : 43-56.
4. linn J, Messer HH. Effect of restorative procedures on strength of endodontically treated molars. J Endod1994 ; 20(10) : 479-485.
5. Magne P, Dietschi D,Holz J. Esthetic restorations for posterior teeth : practical and clinical considerations. Int J periodontics restorative Dent. 1996 Apr ; 16(2) : 104-119
6. reeh Es, Messer HH, Douglas WH. Reductionin toothstiffness as a result of endodontic and restorative procédures. J Endod 1989 ; 15(11) : 512-516.
7. sadeghi M, lynch CD. The effect of flowable materials on the microleakage of Class II composite restorations that extend apical to the cementoenamel junction. Oper Dent. 2009 May-Jun ; 34(3) : 306-311.
8. strobel s, Hellwig E. The effects of matrixmetalloproteinases and chlorhexidine on the adhesive bond. Swiss Dent J 2015 ; 125(2) : 134-140.
9. Tirlet g, Bazos P. La « biomimétique » : un concept contemporain au coeur de la dentisterie adhésive. Real Clin 2013 ; 24(4) :331-343.

 

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A propos de l'auteur

Dr. Philippe YOH

Exercice libéral Biarritz DU Esthétique et Restauratrice de Montpellier

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