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Particularités dans le choix thérapeutique lors de récessions parodontales associées à un sourire gingival

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Introduction

La ligne du sourire peut être définie par le tracé d’une ligne imaginaire qui suit le bord inférieur de la lèvre supérieure étirée par le sourire. Elle correspond, lors du sourire, à la position des tissus durs –dents et gencive- par rapport aux tissus mous –lèvres- dans le plan frontal. Une ligne du sourire moyenne (fig. 1a) représente un sourire découvert de 75 à 100 % des dents maxillaires et seulement la gencive interproximale est visible – chez l’adulte-. Ce critère esthétique représenté par la situation de la ligne du sourire est prépondérant dans les demandes des patients, et ce d’autant qu’il est associé à la « Pink Aesthetic » qui suscite un intérêt croissant depuis quelques années. Une ligne du sourire dite « haute » ou également « sourire gingival » (fig.1b) représente, quant à elle, un sourire qui découvre la totalité de la hauteur coronaire des dents maxillaires antérieures et une bande continue de gencive –plus de 2mm-. Cet excès de gencive dévoilé durant le sourire peut également exacerber les problèmes d’intégration esthétique en cas de mauvaise santé parodontale, de récessions, et d’alignement chaotique des collets,… et ainsi causer un stress visuel important. Elle concerne 10 % des patients, et est présente deux fois plus chez la femme que chez l’homme.

La question se pose alors : faut-il traiter chirurgicalement les récessions par des techniques d’augmentation parodontale et ce afin de réduire la disgrâce esthétique exacerbée par le sourire gingival ? Ou faut-il au contraire considérer la récession gingivale comme un « atout », servant ainsi de « ligne guide chirurgicale » à une nouvelle ligne des collets, en association avec une finition prothétique post-chirurgicale pour obtenir un résultat esthétique optimal ?

positions-de-la-ligne-du-sourire

Figure 1 : positions de la ligne du sourire : (à gauche) : ligne du sourire moyenne ; (à droite) : ligne du sourire haute.

L’alternative chirurgicale « seule » ?

En cas de hauteur coronaire normale des dents voisines –rapport largeur/longueur entre 75 et 80 %-, la gestion thérapeutique sera en priorité le traitement de la récession par les techniques de chirurgie parodontale classique –du moins pour les classes I, II et III de Miller (fig. 2), la classe IV ne pouvant être traitée chirurgicalement (Kassab et al., 2010) (fig. 3) -.

greffe-conjonctive

Fig. 2 : greffe conjonctive enfouie. Vue clinique initiale représentant une classe I de Miller sur 21 et 22 ainsi qu’une classe II sur 23. Résultat clinique à 6 mois d’une greffe conjonctive enfouie par tunnelisation.

Puis dans un second temps, l’étiologie du sourire gingival en elle-même sera abordée.

  • En cas d’hypertrophie maxillaire verticale importante – visibilité de gencive > 4mm- : il sera pratiqué un déplacement chirurgical du maxillaire en direction apicale par l’ostéotomie de Lefort I. Il s’agit d’une ostéotomie du maxillaire –« down fracture »- au- dessus de l’apex des dents et en dessous de l’orifice infra-orbitaire ainsi que de l’os zygomatique, qui va permettre un repositionnement supérieur de cet os, et ainsi par là-même l’obtention d’une ligne du sourire normo-positionnée avec une visibilité correcte des surfaces dentaires et de la gencive marginale (Bauer et al., 2014).
  • En cas d’élévation exagérée ou de manque de longueur de la lèvre supérieure –hauteur comprise entre 10 et 19 mm [norme : entre 18 et 25 mm]- : La chirurgie esthétique en tant que telle n’est pas la solution de choix dans ce cas, contrairement à un excès de longueur de la lèvre supérieure ou un manque de tonicité. Mais la toxine botulique semble à ce jour être une procédure efficace comme traitement des rides d’expression qui se créent perpendiculairement à l’axe de traction des muscles –souvent au tiers inférieur du visage, ainsi que pour les rides labiales radiaires. C’est dans cette optique qu’elle a une action sur la balance buccale. La balance buccale représente l’équilibre entre les forces des différents muscles s’exerçant sur les lèvres. En relaxant certains muscles hypertoniques, elle va améliorer le sourire gingival. Quatre injections de toxine botulique dans le muscle releveur de la lèvre supérieure vont permettre de corriger le sourire gingival et d’aplanir la partie supérieure d’un sillon naso-génien proéminent. L’injection se réalise à 1cm de l’aile du nez dans le corps du muscle. Cependant le risque est l’allongement de la lèvre supérieure avec recouvrement des incisives. Souhaité dans le sourire gingival, il sera disgracieux pour la lèvre. Ce traitement est donc à réserver aux lèvres supérieures courtes ou retroussées (Singh et al., 2014).

L’alternative chirurgico-prothétique ?

Une approche radicalement différente de la précédente peut également être proposée dans certaines situations cliniques, par exemple lors de hauteur coronaire courte. Au lieu de traiter directement les récessions, il pourra être proposé la création d’une nouvelle ligne des collets plus apicale, n’étant plus dans la philosophie de vouloir corriger ces récessions mais d’aligner

le niveau des collets des dents voisines au niveau de ces récessions (Fradeani, 2007). La gestion thérapeutique sera donc d’abord chirurgicale puis prothétique (fig. 4).

technique-chirurgico-prothetique

Fig. 4 : technique chirurgico-prothétique de correction du sourire gingival par apicalisation de la ligne des collets. (En haut) : avant intervention chirurgicale ; en bas) droite) : après élongation coronaire du bloc antérieur et mise en place de la réhabilitation prothétique provisoire (vue clinique à 3 semaines).

L’élongation coronaire par lambeau positionné apicalement avec résection osseuse montre des résultats efficaces. L’allongement de la couronne clinique est effectif et stable dans le temps mais le déplacement de la ligne muco-gingivale l’est moins.

Cependant la gencive est non-modifiée et garde donc un aspect esthétique. Lors de l’ostéoplastie, la précision des collerettes est difficile à obtenir dès la première intervention ; ainsi lors d’une séance ultérieure, une gingivoplastie sera pratiquée pour affiner les positions. Il est donc important, au même titre qu’en chirurgie plastique, de prévenir le patient que plusieurs interventions successives seront nécessaires. Quelquefois, après avoir traité le secteur incisivo-canin, il faut harmoniser les secteurs latéraux pour éviter l’aspect en « marches d’escalier ».

La réalisation préliminaire au fauteuil d’un masque en composite « inversé » ou « fait à l’envers » permet de visualiser l’allongement des couronnes vers l’apex (Gürel, 2013) (fig. 5 à 8). Du composite est placé en petits apports sur la gencive, donnant l’illusion de dents allongées en direction apicale, supprimant ainsi le sourire gingival.

Puis les bords incisifs sont redessinés au marqueur noir, simulant des dents plus courtes. Le traitement débutera ainsi, c’est-à-dire par la retouche de la position des bords incisifs – avant le traitement chirurgical du sourire gingival-. Puis trois mois après l’intervention, peuvent débuter les préparations pour facettes ou pour couronnes.

realisation d-un projet esthetique

Fig. 5 : réalisation d’un projet esthétique par « masque en composite inversé » prévisualisant le résultat final.

Souvent lors de réhabilitations complexes, la prothèse fait suite à la chirurgie pour optimiser le résultat esthétique, et ce plus particulièrement lors d’élongation coronaire avec lambeau positionné apicalement avec ostéoplastie. Ainsi, après deux à quatre mois de cicatrisation, des prothèses respectant le nouvel espace biologique peuvent être réalisées. Mais après ce type de chirurgie, les dents peuvent sembler « trop longues », surtout si elles étaient de hauteur normale avant la chirurgie. Il faut donc anticiper cet écueil avant la phase chirurgicale pour mieux l’éviter. La norme de référence est de placer le bord libre de l’incisive centrale maxillaire 2 mm au-dessous de la lèvre supérieure au repos. Ainsi, quand la surface dentaire doit être restaurée, la localisation de la jonction amélo-cémentaire importe moins que les objectifs esthétiques, et dans ce cas la position future du bord libre et la longueur coronaire prothétique sont seules déterminantes (Rotundo et al., 2015).

masque-en-composite

Fig. 6 : ce masque en composite « inversé » permet une double correction : la disparition des récessions gingivales antérieures ainsi qu’une diminution du sourire gingival. Fig. 7 : replacé à l’échelle du visage, nous constatons une bonne intégration de ce « masque en composite inversé » à s’y méprendre… Fig. 8 : la patiente peut ainsi directement objectiver son futur sourire et donner son aval au traitement.

  • Plusieurs artifices prothétiques peuvent alors constituer une aide précieuse : « raccourcir » les dents entraîne souvent une horizontalisation du plan esthétique et une diminution de la dimension verticale d’occlusion ; les résultats sont en général satisfaisants à condition de ne pas exagérer -2 à 3 mm dans la région antérieure ne représentent que 0,7 à 1 mm en postérieur compte tenu de l’arc de fermeture mandibulaire-. En effet, la diminution de la DVO peut avoir un effet de vieillissement sur l’étage inférieur, aggraver une situation d’hypodivergence, avoir des conséquences sur des dysfonctionnements linguaux et respiratoires,…tout est alors affaire de compromis et d’équilibre.

Par ailleurs, il est possible de créer des illusions prothétiques (fig. 9) :

  • accentuer la convexité verticale pour diminuer la partie réfléchissante.
  • réaliser une convexité cervicale plus proéminente et déplacée vers le bord libre.
  • accentuer l’inclinaison linguale du tiers incisif.
  • réhausser l’état de surface et le brillant par des raies et sillons horizontaux.
  • rallonger les aires de contact avec des embrasures gingivales les plus étroites possible.
  • creuser le centre du bord libre.
  • si plusieurs dents : creuser la partie mésiale de chaque bord libre.
  • marquer la limite de la jonction émail-cément et le collet.

Notons que sur le plan prothétique, il sera toujours plus difficile de traiter les cas de sourires gingivaux par une prothèse conventionnelle scellée que par une prothèse collée sans métal, supragingivale (Rotundo et al., 2015).

Discussion & conclusion

Lors d’un sourire gingival marqué associé à des récessions, la priorité sera donnée à la correction de la ligne du sourire par rapport à la correction des multiples récessions, et donc peut faire appel à une chirurgie soustractive plutôt qu’additive.

realisation-d-artifices-prothetiques-ceramiques-de-finition

Fig. 9 : réalisation d’artifices prothétiques céramiques de finition : la photographie de droite est prise légèrement de profil pour mettre en relief la réalisation de ces artifices précédemment cités. En haut : situation initiale pré-opératoire du patient ; en bas: situation post-opératoire 15 jours après la pose des reconstitutions céramiques. Nous constatons déjà une importante amélioration esthétique du sourire.

De même, il est important de connaître les désirs des patients : sourire avec les dents longues ou avec de la gencive.

L’allongement coronaire pourra certes dans certains cas contribuer à un rajeunissement du sourire mais il faut également évaluer l’environnement cutané pour éviter une distorsion visuelle et un manque d’harmonie entre les différentes structures.

La gestion prothétique de finition est la phase ultime du traitement après les différentes phases de cicatrisation chirurgicale et constitue la clef de voûte de cette réhabilitation chirurgico-prothétique. Un arbre décisionnel est proposé reprenant les différentes alternatives évoquées précédemment (fig. 10).

Arborescence-recapitulant

Fig. 10 : Arborescence récapitulant l’ensemble des décisions thérapeutiques concernant le traitement des récessions gingivales associées à un sourire gingival.

Bibliographie

1. bAUER RE., OCHS MW. Maxillary orthognathic surgery. Oral Maxillofac Surg Clin North Am. 2014 Nov ; 26(4)523-37.
2. FRADEANI M. Analyse esthétique. Une approche systématique du traitement prothétique. Quintessence International, Paris 2007.
3. GUREL G. Discovering the artist inside : a three-step approach to predictable aesthetic smile designs, part 2. Dent Today. 2013 Jul ; 32(7) : 126,128-31.
4. KASSAb MM. ; bADAWI H. ; DENTINO AR. Treatment of gingival recession. Dent Clin North Am. 2010 Jan ; 54(1) : 129-40- Review.
5. ROTUNDO R., NIERI M., bONACCINI D., MORI M., LAMbERTI E., MASSIRONI D., GIACHETTI L., FRANCHI L., vENEZIA P., CAvALCANTI R., bONDI E., FARNETTI M., PINCHI v., bUTI j. The Smile Esthetic Index (SEI) : a method to measure the esthetics of the smile. An intra-rater and inter-rater agreement study. Eur J Oral Implantol. 2015 Winter ; 8(4) : 397-403.
6. SINGH H., SRIvASTAvA D., SHARMA P., KAPOOR P., ROy P. Redefining treatment of gummy smile with Botox-a report of three cases. Int J Orthod Milwaukee. 2014 Winter ; 25(4) :63-6.

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A propos de l'auteur

Dr. Sherry-Lynn BOUBLIL

Docteur en Chirurgie Dentaire
Pratique privée Vincennes

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